Midi:onze

La ville vue par Ecofaubourgs

La ville à l’heure du changement.

Le média qui analyse et présages des mutations de la fabrique de la ville.

La ville à l’heure du changement.
Ceci est un super article de test, pour nous permettre de juger du design

La grève des éboueurs alerte sur l’augmentation du volume des déchets. Il y a urgence non seulement à adopter la stratégie zéro déchets mais aussi à appliquer le principe du pollueur payeur. Les réhabitants sont aussi différents des envahisseurs que ceux-ci ne l’étaient des habitants originels. Ils veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci.

Ceci est mon premier h1 pour voir comment il rend

Les réhabitants sont aussi différents des envahisseurs que ceux-ci ne l’étaient des habitants originels. Ils veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci. Leurs objectifs les plus fondamentaux sont de res­taurer de conserver les bassins-versants, la couche arable de la terre et les espèces locales : des éléments absolument nécessaires à une existence in situ parce qu’ils déterminent les conditions essentielles en matière d’eau, de nourri­ture et de stabilité de la biodiversité. Ceci peut être en gras. Leur but peut inclure le développement de cultures biorégionales contemporaines capables de célébrer la continuité de la vie où ils vivent, et de nouvelles formes de participations inter-régionales avec d’autres cultures basées sur notre apparte­nance mutuelle, en tant qu’espèce, à la biosphère.

Ici ce sera un titre 2 pour structurer notre texte

Transiter vers une société réhabitante, toutefois, requiert des change­ments fondamentaux dans la direction prise par les actuels systèmes économiques, politiques et sociaux.

« Les réhabitants veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci. Leurs objectifs les plus fondamentaux sont de res­taurer et de conserver les bassins-versants, la couche arable de la terre et les espèces locales : des éléments absolument nécessaires à une existence in situ parce qu’ils déterminent les conditions essentielles en matière d’eau, de nourri­ture et de stabilité.

Transiter vers une société réhabitante, toutefois, requiert des change­ments fondamentaux dans la direction prise par les actuels systèmes économiques, politiques et sociaux.

Ici un titre 3  pour embelir fortement notre texte

Les réhabitants sont aussi différents des envahisseurs que ceux-ci ne l’étaient des habitants originels. Ils veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci. Leurs objectifs les plus fondamentaux sont de res­taurer et de conserver les bassins-versants, la couche arable de la terre et les espèces locales.

Voilà une image sympa

Transiter vers une société réhabitante, toutefois, requiert des change­ments fondamentaux dans la direction prise par les actuels systèmes économiques, politiques et sociaux.

Ici un titre 4  pour structurer notre texte

Les réhabitants sont aussi différents des envahisseurs que ceux-ci ne l’étaient des habitants originels. Ils veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci.

« Les réhabitants veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci. Leurs objectifs les plus fondamentaux sont de res­taurer et de conserver les bassins-versants, la couche arable de la terre et les espèces locales »

Les réhabitants sont aussi différents des envahisseurs que ceux-ci ne l’étaient des habitants originels. Ils veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci. Leurs objectifs les plus fondamentaux sont de res­taurer et de conserver les bassins-versants, la couche arable de la terre et les espèces locales : des éléments absolument nécessaires à une existence in situ :

  1. Un premier point
  2. Un deuxieme
  3. Un troisieme
    1. Salut voila un exemple
    2. Ici aussi
    3. Helllo
  4. Voilà encore

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Ici une partie du texte en gras.

Des éléments absolument nécessaires à une existence in situ parce qu’ils déterminent les conditions essentielles en matière d’eau, de nourri­ture et de stabilité de la biodiversité. Leur but peut inclure le développement de cultures biorégionales contemporaines capables de célébrer la continuité de la vie où ils vivent, et de nouvelles formes de participations inter-régionales avec d’autres cultures basées sur notre apparte­nance mutuelle, en tant qu’espèce, à la biosphère.

Ici un troisième h2 pour structurer notre texte

  • Une premier point
    • Ici
    • Et là
    • Pour voir
  • Un autre
    • Pour voir
    • Encore
  • Enfin voila

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Les réhabitants sont aussi différents des envahisseurs que ceux-ci ne l’étaient des habitants originels. Ils veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci. Leurs objectifs les plus fondamentaux sont de res­taurer et de conserver les bassins-versants, la couche arable de la terre et les espèces locales : des éléments absolument nécessaires à une existence in situ parce qu’ils déterminent les conditions essentielles en matière d’eau, de nourri­ture et de stabilité de la biodiversité.

Les réhabitants sont aussi différents des envahisseurs que ceux-ci ne l’étaient des habitants originels. Ils veulent se fondre dans le lieu, ce qui requiert une préservation de celui-ci. Leurs objectifs les plus fondamentaux sont de res­taurer et de conserver les bassins-versants, la couche arable de la terre et les espèces locales : des éléments absolument nécessaires à une existence in situ parce qu’ils déterminent les conditions essentielles en matière d’eau, de nourri­ture et de stabilité de la biodiversité.

09/01/2025
écrit par
Vidal Benchimol
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"Ma cantine en ville" : la street food à voir et à manger

Au Palais de Chaillot, l'exposition "Ma cantine en ville, Voyage au coeur de la cuisine de rue" présente les lauréats du cinquième concours Minimaousse. Organisé par la Cité de l'architecture et le VIA sur le thème de la Street food, l'événement offre de questionner un phénomène en plein renouveau...

Ils s’appellent « ramène ton bol », « au coin du grill », "deux à deux" ou « la machine à vapeur » et s’égrènent au milieu des photographies de cantines itinérantes comme les étals des commerçants sur un marché. Conçus par des étudiants en art, design, paysage, architecture ou école d’ingénieur, ces prototypes en bois à l’échelle 1 figurent parmi les lauréats du concours Minimaousse, qui récompense tous les deux ans des projets de micro-architecture, avant de les présenter à la Cité de l'architecture et du patrimoine. Le thème de cette cinquième édition, « ma cantine en ville », avait donné lieu l'an dernier à une exposition au VIA assortie d'un colloque. Puisant dans la foisonnante typologie établie alors, les trente dispositifs primés (sur 400 dossiers reçus) disent la variété des moyens mis en oeuvre à travers le monde pour nourrir les citadins pressés, et rassemblent en un même objet, mobile et modulable, de multiples fonctions : transporter les aliments (à vélo, à mobylette, par porteur, etc.), les conserver, les préparer, les cuire, les présenter et les consommer. Une façon de montrer que la « street food », pratique universelle en plein renouveau sous nos latitudes, ne se limite pas aux food trucks et autres baraques à frites, ni même au seul acte de manger…Pour Fiona Meadows, responsable de programmes à la Cité de l’architecture et organisatrice de Minimaousse 5, la cuisine de rue permet d’abord de questionner nos usages de l’espace urbain contemporain, et notamment de ses « vides » : « à l’origine du concours, explique-t-elle, notre intérêt pour les espaces publics et le constat que nos sociétés avaient tendance à en exclure la street food, sinon à l’interdire. » Fédératrice et bon marché, celle-ci est pourtant un adjuvant rêvé de tous ceux qui veulent fertiliser la ville et y aménager les conditions favorables au « vivre ensemble ». En transformant une place, un trottoir ou un parking en point de rassemblement où l’on peut s’asseoir, manger et discuter, elle permet de rompre avec l’urbanisme fonctionnel, pour qui les espaces publics sont essentiellement des lieux où l’on passe, jamais des lieux où l’on reste. D’où l’intérêt croissant des artistes et collectifs de tout poil pour les cantines de rue : d’EXYZT à Cochenko, en passant par l’artiste autrichien Erwin Wurm qui vient d’installer une baraque à frites ultra design dans le centre-ville de Lille, ils sont de plus en plus nombreux à y reconnaître un moyen efficace de mobilisation et de dialogue, et ce d’autant plus qu'à l'inverse du fast food standardisé, la street food se veut savoureuse et de qualité. « Ces dispositifs témoignent du bonheur d’être en ville, note Fiona Meadows. Manger dans un lieu qui a la rue pour décor fait évidemment partie du plaisir. » Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que le concours Minimaousse ait proposé pour consignes de « réactiver l’espace public » et d’« inventer de nouvelles civilités »…  La reconquête collective de la rue ne justifie pourtant pas à elle seule le regain d’intérêt des créatifs et des gastronomes pour la street food. Reflet de l’appétit contemporain pour la mobilité et le nomadisme, le phénomène dit aussi les mutations à l’œuvre dans la sphère économique, et pourrait être l’indice d’une précarisation croissante de nos sociétés. Dans les pays pauvres, la cuisine de rue est depuis toujours un moyen de subsistance. Il se pourrait qu’elle le soit aussi de plus en plus dans les pays riches : « pour de jeunes chefs qui débutent et n’ont pas les moyens d’acheter un fond de commerce, ça peut être un moyen de développer une activité, souligne Fiona Meadows. Dans un contexte de montée du chômage, la street food représente un tout petit investissement, et permet de créer de l’emploi. » Encore faut-il que le contexte réglementaire soit favorable à son épanouissement, ce qui est encore loin d’être le cas en France. Perçue par les restaurateurs comme une concurrence déloyale, la cuisine de rue se voit opposer tout un tas d’obstacles par les municipalités. D’où la création de l’association « Street food en mouvement » sous la houlette de Thierry Marx. Son objectif ? Contribuer au développement du phénomène en encadrant les pratiques et en aidant les projets à obtenir les autorisations nécessaires. Pour le cuisinier français, l’enjeu est de taille : « La street food est une vraie alternative à la malbouffe, un puissant moteur d’intégration dans la société, peut-on lire sur le site Internet de l’association. La Street food, c’est l’avenir. »

Infos pratiques :

"Ma cantine en ville, voyage au coeur de la cuisine de rue", jusqu'au 2 décembre à la Cité de l'architecture et du patrimoine.1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tous les jours sauf le mardi, de 11h à 19h, le jeudi jusqu'à 21h. Entrée libre.

A lire :

Minimaousse 5, Ma cantine en ville : voyage au coeur de la cuisine de rue, Paris éditions Alternatives, 2013, 252 p., 25 euros

2013-11-07
écrit par
Pierre Monsegur
écrit par
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La rénovation thermique en copropriété : quelles solutions ?

Tous ceux qui vivent en copropriété le savent : entreprendre dans un tel cadre des travaux de rénovation énergétique est une vraie gageure. Trop de situations d’occupation différentes, trop de freins financiers, trop peu d’occasions de se rencontrer. Quant aux incitations proposées par l’Etat, mieux vaut pour l’heure y renoncer : si l’obtention de l’éco-PTZ est un parcours du combattant notoire dans le logement individuel, elle devient carrément kafkaïenne dans le collectif privé, où toute décision est soumise au vote d’une assemblée générale se réunissant une fois par an.Pour lever ces obstacles, l’Agence Paris Climat (APC) lançait le 15 octobre dernier le « CoachCopro ». Destinée dans un premier temps à Paris et à la première couronne où 47 % des logements sont des copropriétés, cette plateforme web propose d’assister gratuitement celles qui souhaitent s’engager dans des travaux d’amélioration énergétique. De la mobilisation du conseil syndical jusqu’au suivi des travaux, elle offre une assistance à chaque étape du projet de rénovation, et permet en outre d’accéder à différents services : bibliothèque d’informations, outils de suivi des consommations, suggestion d’aides financières… « L’objectif est d’accompagner les copropriétaires dans leur démarche, depuis la réflexion jusqu’à la mise en place, explique Joëlle Colosio, directrice de l’ADEME Ile-de-France. Pour ce faire, le « CoachCopro » invite à identifier un « leader énergétique », un référent, qui va porter la totalité du projet depuis les premières réflexions jusqu’à l’accompagnement et le suivi des travaux. »"J'éco-rénove, j'économise"Le lancement d’un tel outil s’inscrit dans un programme plus vaste d’incitation à la rénovation thermique. « J’éco-rénove, j’économise » : le slogan tourne en boucle depuis quelques semaines sur les ondes pour encourager les particuliers à entreprendre des travaux d’efficacité énergétique et les informer quant aux aides existantes – éco-PTZ, crédit d’impôt, TVA réduite à 5,5%... Dans un contexte où le bâtiment absorbe à lui seul près de 43% des consommations d’énergie et où le logement neuf occupe une position marginale dans l’ensemble du parc immobilier, s’attaquer au bâti existant est une priorité. D’où l'objectif affiché par François Hollande : rénover 500 000 logements par an d’ici 2017 pour réduire de 40% nos consommations d’énergie à l’horizon 2020. Seul hic : essentiellement tournées vers les propriétaires de maisons individuelles, les mesures en faveur de l’efficacité énergétique sont peu adaptées au logement collectif privé où, nous l’avons vu, les obstacles à la rénovation sont nombreux. Une poignée de professionnels commence toutefois à s’intéresser de près à la question. Parmi eux, le groupe Nexity. En 2012, en qualité de syndic, il entreprenait la rénovation d’une copropriété de 60 logements à Neuilly-sur-Marne construite en 1965, soit dix ans pile avant la première réglementation thermique. Encadrés par un contrat de performance énergétique passé avec les habitants, les travaux entrepris affichaient un objectif ambitieux : faire baisser de 40% les consommations d’énergie de la copropriété. Un objectif qui a réclamé pêle-mêle l’installation de fenêtres double-vitrage, l’isolation par l’extérieur des murs, mais aussi celle des combles et des planchers bas…Mener à bien l’entreprise a nécessité du temps, de la diplomatie et un nombre inhabituellement élevé de réunions entre copropriétaires. « l’engagement du conseil syndical a été déterminant », assure Eric Barbarit, du groupe Nexity. Pour susciter l’adhésion des habitants, un autre facteur a joué à plein : le montant des subventions. En sa qualité de projet pilote, la rénovation de la résidence de Neuilly-sur-Marne a en effet été financée à hauteur de 50% (soit un total de 400 000 euros) par divers organismes, dont l’ADEME et la Région Ile-de-France.Eco-PTZ et tiers-financementDe fait, le premier frein à la rénovation des copropriétés est d’ordre financier. Non seulement les travaux de rénovation énergétique coûtent cher, mais ils sont difficiles à assumer en copropriété où l’éco-PTZ est quasi impossible à obtenir. Parmi les pistes envisagées aujourd’hui pour lever ces obstacles, figure donc logiquement la création d’un prêt à taux zéro spécialement destiné à l’habitat collectif. Adopté en 2011 par l’Assemblée nationale, le dispositif reste pour l’instant letttre morte, faute d’avoir vu son décret d’application voté. Les aides, il faut plutôt les chercher du côté du le tiers-financement. Le principe en est simple : un organisme prend en charge pour partie la rénovation énergétique d’un bâtiment collectif avec ses fonds propres et les subventions qu’il aura su glaner. Les copropriétaires remboursent le montant avancé grâce aux économies de charges générées par les travaux. Une solution presque indolore pour les particuliers, donc, mais qui permet d’accroître significativement la valeur patrimoniale de leur bien.Créée en 2011 à l’initiative de la Région Ile-de-France et la Caisse des dépôts, la SEM Energies POSIT’IF accompagne ainsi quatre copropriétés franciliennes dans leurs démarches d’amélioration énergétique. « Notre modèle est fondé sur la maximisation des économies d’énergie, explique Julien Berthier, chef de projet de la SEM. Nous proposons aux copropriétaires différents scénarios de rénovation en fonction de leurs valeurs de référence (par exemple, la température qu’ils souhaitent avoir dans leur logement), après quoi nous passons un contrat de performance énergétique sur une période de 10 ou 15 ans. Plus la facture d’énergie baisse, plus nous avons de leviers pour financer les travaux. C’est pourquoi nous privilégions les bâtiments qui permettent d’optimiser les performances : ceux qui sont anciens, que l’on peut isoler par l’extérieur, etc. »Seul frein au développement de ce type d’initiatives : le manque de formation des professionnels du bâtiment, partant la difficulté de garantir une performance énergétique sur laquelle repose pourtant le contrat entre organismes de tiers-financement et copropriétaires. « Trop peu d’entreprises sont qualifiées pour mener à bien un programme massif de rénovation à l’échelle du territoire, rapporte Julien Berthier. Selon l’observatoire du BBC, seules 200 opérations de rénovation ont été certifiées BBC au cours des 3 dernières années. » Pour pallier cette difficulté, la SEM Energies POSIT’IF signait début octobre une convention de partenariat avec Qualibat, organisme français de qualification des entreprises de construction…

2013-10-31
écrit par
JJFasquel
écrit par
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La gentrification, une "lutte des places"

Avec l'envolée des prix de l'immobilier dans les métropoles européennes, les classes sociales les plus favorisées ont tendance à se loger dans les quartiers populaires des centres-villes, dont elles évincent à terme les habitants originels. Et si le processus, connu sous le terme de gentrification, était emblématique des nouveaux rapports de classe dans l'espace urbain contemporain ?L’installation d’un caviste ou d’une boutique bio au milieu des commerces exotiques, l’ouverture d’une galerie branchée dans une zone que la clientèle aurait pourtant le réflexe d’éviter, l'aménagement d'une zone 30 : c’est à ce genre de signes qu’on peut mesurer la transformation sociale d’un quartier. Les Parisiens repèrent ces signes d’autant mieux qu’ils ont accompagné la « boboïsation » de Belleville, Ménilmontant ou Montreuil depuis la fin des années 1990, et qu’ils commencent aujourd’hui à se faire jour, quoique très discrètement, à Pantin ou Saint-Denis. C’est toujours peu ou prou la même histoire : d’abord relativement épargnés par l’envolée du prix du mètre carré, les quartiers populaires attirent une population de plus en plus aisée en quête d’opportunités, et qui vient disputer aux habitants originels la réserve foncière disponible.Pour décrire un phénomène qui touche Paris comme New York, Berlin ou Bordeaux, on ne parle pas d’embourgeoisement mais de « gentrification ». L’anglicisme a l’avantage de souligner ce que le processus doit aux mutations récentes de l’économie et la recomposition sociale qu’elles entraînent : « le déclin des emplois d’ouvriers (en partie compensés par les emplois de service peu qualifiés) et la forte augmentation des emplois cadres sont des facteurs de gentrification, explique Anne Clerval, géographe et auteur de Paris sans le peuple aux éditions La Découverte. Ils sont eux-mêmes liés aux choix politiques macro-économiques qui ont accompagné la mondialisation néolibérale et l’internationalisation croissante de la production. » Autrement dit, la mondialisation et la concentration dans quelques grandes villes des activités les plus qualifiées (ie : la métropolisation) accouchent d’une nouvelle géographie sociale marquée par une mise à l’écart (spatiale, économique et culturelle) des classes populaires. Alors que celles-ci sont assignées aux grands ensembles et, de plus en plus, à l’espace périurbain et rural, les villes centres tendent à devenir l’apanage quasi exclusif des populations les mieux intégrées à l’économie-monde : cadres, professions intellectuelles supérieures, etc.

Un processus complexe

Selon Anne Clerval, la gentrification serait d’abord le fait de la petite bourgeoisie intellectuelle issue de la massification scolaire et caractérisée par un fort capital culturel. Pour la chercheuse, cette frange occupe une position « intermédiaire dans les rapports de classe entre la bourgeoisie, qui détient encore les moyens de production, et les classes populaires, qui n’ont que leur force de travail. Elle joue un rôle d’encadrement, en facilitant directement l’exploitation des employés et des ouvriers par les détenteurs du capital », à moins qu’elle n’ait « un rôle indirect d’inculcation idéologique, à travers tous les métiers de l’enseignement, de la culture, des médias, et toutes les fonctions qui sont prescriptrices de normes, qui assurent le maintien de l’ordre social. » Relativement homogène en termes de valeurs et dominante sur le plan culturel, elle est en revanche hétérogène sur le plan du revenu. A Paris, avec la hausse des prix de l’immobilier dans les années 1990, sa frange la plus fragile économiquement a donc été contrainte de s’installer dans les zones qu’elle avait jusqu’alors soigneusement évitées : les quartiers populaires de l’Est, qu’il s’agisse du canal Saint-Martin, de Belleville et dans une moindre mesure de Château Rouge, ou, plus loin, de Montreuil ou Bagnolet. C’est en effet dans ces quartiers que le différentiel de rente foncière (rental gap), c’est-à-dire l’écart entre la rente liée aux usages actuels du sol et celle qui pourrait être capitalisée si ces usages changeaient, est la plus grande. Bien qu’insalubres et mal famés, ils sont proches du centre, bien pourvus en offre de transports, et se caractérisent par un bâti ancien de type faubourien ou industriel facile à valoriser, pour peu qu’on le réhabilite. C’est la raison pour laquelle la gentrification de l’Est parisien s’est accompagnée d’un vaste mouvement de rénovation du parc immobilier privé.En France, ce mouvement a été largement secondé par les politiques de la ville. Dans l’Est parisien, il a coïncidé dans les années 1990 avec la mise en œuvre d’incitations à la rénovation. Les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) subventionnent alors en partie les travaux d’amélioration du logement conduits par les propriétaires privés et copropriétés, cependant que la réforme du prêt à l’accession et la baisse des taux d’intérêt stimulent la course à l’achat. A la même époque, la déréglementation des loyers dans le cadre de la loi Malandrin-Mermaz (1989) accélère la gentrification en favorisant nettement l’intérêt des propriétaires et donc l’investissement locatif et la spéculation. Conséquence : entre 1998 et 2012, le prix des appartements anciens a été multiplié par 3,7 à Paris…

Vivre ensemble et distinction sociale

On le voit : la gentrification est essentiellement une dynamique foncière et patrimoniale. Cumulative, elle est d’abord le fait des franges les plus précaires de la petite bourgeoisie culturelle (artistes, intermittents, pigistes, etc), puis touche des catégories sociales de plus en plus favorisées : cadres, journalistes dans l’audiovisuel, ingénieurs, etc. A mesure que celles-ci conquièrent un quartier, l’offre culturelle se développe, le cadre de vie s’améliore et de nouveaux commerces font leur apparition.L’envolée des prix ne recouvre pourtant pas entièrement un phénomène qui s’accompagne partout où il a lieu de discours enthousiastes sur les vertus de la mixité sociale – mixité que les gentrifieurs confondent généralement avec la diversité ethnique et culturelle. La valorisation du « vivre-ensemble » et de « l’ouverture à l’autre » vient ainsi justifier après coup un choix résidentiel largement contraint par le marché. On peut alors voir dans la tolérance des gentrifieurs une stratégie de distinction sociale vis-à-vis de la bourgeoisie traditionnelle vivant dans « l’entre soi » des « ghettos du ghota », mais aussi vis-à-vis des « beaufs » qui peuplent les banlieues pavillonnaires et votent FN.Une telle lecture est d’autant plus tentante que les discours des gentrifieurs sur la mixité sociale cadrent mal avec leurs pratiques quotidiennes. Ils coïncident par exemple avec un évitement scolaire quasi systématique, qui contraint les enfants des classes les plus aisées à des trajets quotidiens parfois très longs dans le seul but d’éviter le collège ou le lycée de secteur.En somme, comme l’écrit le géographe Christophe Guilluy dans Fractures françaises, « l’image sympathique du « bobo-explorateur » arrivant en terre « prolo-immigrée » dissimule la réalité d’une violente conquête patrimoniale.L’euphémisation de ce processus est emblématique d’une époque « libérale libertaire » où le prédateur prend le plus souvent le visage de la tolérance et de l’empathie. » Ce « visage » avenant des gentrifieurs pourrait d’ailleurs expliquer, au moins en partie, pourquoi leur mainmise sur la ville soulève à Paris si peu de résistances dans les rangs des militants et parmi les classes populaires…

La production de logements sociaux, une réponse insuffisante

Face à un phénomène qui touche toutes les métropoles françaises, la seule réponse politique consiste à relancer la production de logements sociaux. Votée en 2000, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (dite loi SRU) contraint ainsi les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Ile-de-France) à porter à 20% la part de leur parc social. A Paris, selon les estimations de l’Apur, on serait ainsi passé de 13,4% en 2001 à 17,6% en 2012.Pourtant, même quand les municipalités jouent le jeu (et nombre d’entre elles s'y refusent) une telle mesure a des effets limités sur la gentrification, et ce pour deux raisons. D’abord, la production de logements sociaux coïncide avec la raréfaction des logements privés dégradés, voire insalubres, qui étaient jusqu’alors occupés par les classes populaires : « La construction de logements sociaux n’est pas suffisante, affirme Anne Clerval, en particulier à Paris parce qu’elle passe par la destruction (ou le remplacement) d’un plus grand nombre de logements (certes de piètre qualité) qui étaient accessibles aux classes populaires. » Autrement dit, la production de logements sociaux ne compense pas la captation et la rénovation par les gentrifieurs du parc social « de fait ». Entre 1982 et 1999, la part des logements dits « sans confort » est ainsi tombée de 29,4% à 3,6%.Ensuite, les logements sociaux créés dans le cadre de la loi SRU ne s’adressent plus seulement aux classes populaires. A Paris, pour favoriser la mixité sociale dans certains quartiers pauvres, une grande partie du parc y a été attribuée, via des dispositifs comme le prêt locatif à usage social (PLUS), à des ménages dont les revenus excédaient pourtant les plafonds d’attribution. A l’inverse, les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI, qui recouvrent le logement très social) ne constituent que 25% des logements agréés entre 2001 et 2011.Enfin, les appels à la mixité sociale à l’échelle du quartier se traduisent par un rééquilibrage géographique du logement social dont les effets sont délétères : à Paris, sous prétexte de favoriser la production de logements sociaux dans les arrondissements déficitaires, tout en la maîtrisant dans les zones déjà bien pourvues, on a limité la part des classes populaires à l’échelle de la ville…Dès lors, il se pourrait qu’une lutte efficace contre la gentrification passe d’abord par la reconnaissance de son caractère social : « les bons sentiments comme l’ouverture à l’autre n’ont pas grand-chose à voir avec une politique de redistribution des richesses, rappelle Anne Clerval. Autrement dit, c’est l’idéologie même de la mixité sociale qu’il faut remettre en cause à l’heure où on ne parle plus du tout de remettre en cause les inégalités sociales. »

A lire sur le sujet :

Anne Clerval, Paris sans le peuple : la gentrification de la capitale, Paris, la découverte, 2013. Lire un extrait ici et un article sur le sujet.Christophe Guilluy, Fractures françaises, Champs essais, Paris, Flammarion, 2013

2013-10-10
écrit par
Margot
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Rabia Enckell : "Mon ambition est de rendre l'habitat participatif accessible à tous"

Paysagiste de formation, Rabia Enckell créait il y a un an l'agence "Promoteur de courtoisie urbaine". Son but ? Associer les habitants à la conception de leur logement dans le cadre "classique" de la VEFA (vente en l'état futur d'achèvement) et favoriser la création d'espaces partagés dans les programmes de logement privés. Elle explique sa démarche à midi:onze... Qu’est-ce qu’un « promoteur de courtoisie urbaine » ? Je tiens à préciser que je ne suis pas promoteur. J’ai choisi ce terme par provocation. C’est un mot très négativement connoté : pour les architectes et les paysagistes, le promoteur, c’est le méchant ! Or, je pense qu’on peut faire de très belles choses en tant que maître d’ouvrage, et qu’on peut avoir une approche éthique du métier. Du coup, j’entends plutôt le terme au sens de « moteur », de celui qui impulse. Quant à la « courtoisie urbaine », il faut y voir l’attitude qui consiste à prendre le temps de comprendre, d’écouter, dans une démarche empathique, à rebours de ce que font la plupart des professionnels de la ville. La courtoisie dont je parle est un idéal, un temps pour que l’humain existe. L’habitant expert existe vraiment. Il peut apporter une vraie valeur ajoutée au projet !En quoi votre démarche se distingue-t-elle de celle d’un promoteur classique ?J’inverse le timing habituel du promoteur. Dans un schéma classique, l’utilisateur final d’un bâtiment ne participe pas à sa conception. A l’inverse, je propose de passer un an à travailler avec un groupe d’habitant, de prendre le temps d’animer une communauté, de la structurer pour voir comment elle pourra habiter ensemble. La personnalisation du logement constitue 5% de cette démarche, qui consiste surtout à construire de l’en commun. En aucun cas je ne dis aux gens comment ils devront habiter ensemble. Tout doit être discuté, y compris la performance énergétique, le choix du BBC ou du passif.Votre démarche s’inscrit-elle dans le champ du développement durable ?Absolument ! L’agence part de l’homme, dans ses interactions avec les autres. Il s’agit d’essayer de voir comment mon voisin m’aide à vivre mieux. La démarche est elle-même source de bien être, puisqu’elle permet aux gens de se rencontrer et d’échanger.En quoi votre passage chez Brémond vous a-t-il conduite à l’agence ?J’ai été formée à l’école du paysage à Versailles, et j’y avais comme enseignant Michel Corajoud, paysagiste et grand prix de l’urbanisme. A rebours des paysagistes de l’époque, il ne concevait pas son intervention comme une façon de remplir les creux, mais s’intéressait aux pleins de la ville. Il nous a aidés à devenir légitimes sur la ville, à en revendiquer la connaissance. Une fois mes études terminées, j’ai passé un an en agence et j’ai vu la limite des marchés de définition. Je me suis dit qu’il fallait passer du côté plein. C’est à ce moment que j’ai répondu à une offre d’emploi de Brémond. Ce promoteur m’a donné la possibilité de construire tout en restant fidèle à moi-même. Avec lui, on est dans le faire, on confronte les choses à l’échelle 1, on a la possibilité d’expérimenter : on a livré les 1ers bâtiments à énergie positive, et on s’est intéressés très tôt aux questions de responsabilité sociétale. Le participatif a été la limite de mon travail chez Brémond. J’ai senti qu’il fallait monter une structure parallèle, d’où la création de l’agence il y a un an.Quels modèles vous ont inspiré la démarche conduite à l’agence ?Quand j’ai commencé a vouloir impliquer les habitants, je ne savais pas ce qu’était l’habitat participatif. En revanche, je connaissais le travail de patrick Bouchain. C’est lui qui m’a inspiré le terme de promoteur. Puis, j’ai découvert toutes les richesses du faire ensemble et de l’agir collectif en voyageant en Finlande. J’ai aussi vu qu’il existait dans ce champ un petit écosystème très militant, parfois trop. Mon ambition est de rendre l’habitat participatif accessible à tous, au-delà de ce cercle très politisé. Je professionnalise la démarche. Les coopératives d’habitants ont fait de très belles choses, mais dans un entre soi social. Je voulais garder ce principe de la libre association, mais sans la cooptation. A l’île Saint-Denis, notre projet rassemble pour l’instant 9 ménages très hétérogènes : il y a des seniors, des familles, des couples mixtes, des primo accédants…Pouvez-vous décrire précisément la démarche que vous mettez en œuvre ?Nous participons à un programme d’habitat groupé à l’Ile Saint-Denis, dont le groupe Brémond est promoteur, et qui est pour nous un projet pilote. La ville avait inscrit dans la charte de l’écoquartier qu’il y aurait un îlot d’habitat participatif. Elle avait aussi à cœur de voir ce projet sortir de terre dans un délai satisfaisant, alors qu’il y a souvent des retards de livraison pour ce type de bâtiment. Ici, le dépôt du permis de construire ne devait pas se faire au-delà du 4e trimestre 2014. D’où l’intérêt de faire appel à une agence comme la nôtre, qui travaille dans le calendrier du promoteur.Je m’étais fixé une limite de 30 ménages, et idéalement de 20. Le programme accueillera 16 à 18 familles au final. J’ai commencé à rencontrer des familles bloquées dans leur parcours résidentiel car l’offre actuelle ne leur correspond pas. Je les ai emmenées sur place, leur ai montré les lieux et expliqué la démarche. Toutes étaient rassurées par le fait qu’il y ait un maître d’ouvrage. Suit un premier atelier où tout le monde se rencontre. On lance la démarche au moment où on a la moitié du groupe d’habitants (comme une promotion classique). Le premier document que je distribue aux futurs habitants est une fiche des attentes. On leur demande de lister les prestations et la surface souhaitées, ainsi que le budget dont ils disposent. Ils ont un mois et demi pour définir leur logement et leurs attentes, mais aussi ce à quoi ils sont prêts à renoncer. Je leur annonce le prix de sortie du m2, et donc ce qui est possible de faire. Ensuite, on établit un contrat avec chaque habitant. Je m’y engage à leur permettre d’accéder à un logement privé, ainsi qu’à un pourcentage des parties communes dans les limites de leur budget. J’annexe à ce contrat la méthodologie de travail avec mes honoraires.Les appels de charge commencent au moment du dépôt du permis de construire. On déroule alors une VEFA classique. Dès le permis de construire est purgé de tous recours, on peut lancer les travaux sans attendre, comme c’est le cas dans une promotion classique, que la commercialisation soit faite à hauteur de 50%. En somme, le temps « perdu » en amont du projet est regagné à ce moment-là. L’un des intérêts de l’habitat participatif, au moins sur le papier, est qu’il permet de limiter les coûts. Qu’en est-il de votre démarche ? Anne D’Orazio, chercheuse en habitat participatif, explique qu’en auto-promotion on peut espérer économiser 20%. Sauf qu’en général, les dépassements liés à l’absence de professionnalisme se montent à 17%. Le fait de travailler avec un maître d’ouvrage, qui sait faire tenir recettes et dépenses dans un planning. Mais l’aspect participatif du projet déleste aussi des frais de commercialisation et des frais de communication… L'idée est que ma rémunération ne génère pas de surcoût supplémentaire, car elle se fait sur un nombre d'ateliers et non sur la transaction. Et puis nous ne nous lançons pas dans des outils de communication sophistiqués mais mettons en oeuvre des outils simples tels que Facebook ou autres blogs que le groupe fera vivre par lui même...Quel intérêt un maître d'ouvrage ou une collectivité ont-ils à recourir à vos services ?Il y a d’abord la question des espaces communs. Les promoteurs réfléchissent aujourd’hui à en proposer, parce que les communes les réclament et que la construction de commerces en rez-de-chaussée a ses limites et débouche souvent sur des vitrines au blanc d’Espagne. L’agence apporte une vraie solution à cela…Ensuite, la démarche a une haute valeur sociétale. Elle est l’occasion pour les promoteurs de démontrer qu’ils peuvent être des acteurs responsables de la ville, et non de simples spéculateurs fonciers. Elle apporte aussi une solution à la commercialisation, même si je ne me définis en aucun cas comme une commerciale. Enfin, elle assainit la relation avec les habitants : la levée de réserves, qui est toujours un moment délicat dans la VEFA, est alors plus simple, puisque le projet est déjà approprié. Cela crée moins de frustrations.En France, les projets d’habitat participatif sont lestés par des obstacles juridiques et financiers ? Comment abordez-vous ces obstacles ?Travailler dans le cadre d’une VEFA permet justement de les contourner. C’est le promoteur qui souscrit la garantie future d’achèvement, qui donne la caution immobilière pour le terrain, qui paye le permis de construire, le géomètre, etc. Le fait de travailler avec un maître d’ouvrage permet aussi de contourner la solidarité financière qui fait que si quelqu’un se désiste, tout le groupe est fragilisé. Aujourd’hui, les banques sont intellectuellement incompatibles avec l’habitat participatif. Alors qu’en restant dans le cadre de la VEFA, on les rassure.Comment expliquer l’intérêt contemporain pour l’habitat participatif ?Il y a une demande sociale de plus en plus forte pour ce type de projet, mais pas d’offre. Nous vivons une crise du sens, et l’habitat participatif est une façon de fabriquer de l’en commun, de permettre aux gens de se rencontrer et de se connaître. La demande est aussi liée aux économies qui découlent de la mutualisation des espaces… Le type de projet que nous montons est dans l’air du temps, mais il répond aussi à un besoin.

2013-10-02
écrit par
Margot
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A Nantes, Simone et Lucien Kroll habitent le Lieu Unique

De la Mémé au jardin Eco, Simone et Lucien Kroll n’ont cessé de plaider pour une approche écologique, incrémentale et participative de l’architecture et du paysage. Au Lieu Unique à Nantes, Patrick Bouchain consacre une rétrospective à leur approche et questionne notamment leur héritage…Dans un contexte où l’urbanisme durable invite à « horizontaliser » la fabrique de la ville, la participation prend des allures de pensum encombrant. Le mot est si usé qu’il devenait urgent d’en ranimer toutes les promesses. C’est justement l’une des ambitions de la rétrospective que le Lieu Unique (LU) consacre à Simone et Lucien Kroll, respectivement paysagiste et architecte. Dans l’ancienne friche industrielle nantaise réhabilitée par Patrick Bouchain et sous son patronage, l’exposition (« celle d’un architecte sur un architecte », explique Bouchain) déroule les travaux les plus emblématiques de la démarche du couple. On y retrouve évidemment leur projet le plus célèbre : la « Mémé », maison médicale des étudiants en médecine de Louvain érigée à la fin des années 1960 à Woluwé-Saint-Lambert dans la banlieue de Bruxelles. Né d’une fronde contre un projet de campus, ce patchwork architectural à la façade hétérogène est le parfait contre-manifeste du fonctionnalisme : « Suivant une tendance qui se façonne d’expérience en expérience, j’ai envisagé (…) de faire participer des groupes de futurs habitants (les étudiants en médecine, puis les assistants, les professeurs, les employés et les habitants du quartier), à la conception, à l’étude détaillée et au principe de gestion des volumes à construire, explique Lucien Kroll. Cela allait susciter, dès la prise de possession des lieux par les habitants, un milieu urbain plus animé, duquel les habitants se sentent responsables et auquel ils puissent s’attacher au lieu de se contenter de camper dans des logements impersonnels. »[caption id="attachment_4808" align="aligncenter" width="324"]

Cergy Pontoise © Lucien Kroll[/caption]

De la planification à l’incrémentalisme

Qu’il s’agisse de construire un immeuble autogéré comme à Auderghem où les Kroll vivent encore aujourd’hui, ou de réhabiliter un grand ensemble pour insuffler à la froide rigueur des lieux un peu de la chaleur des habitants, Lucien Kroll n’a cessé de penser l’architecture à contre-courant de ses contemporains. Quand l’après-guerre généralise le zonage et donne à la rationalité technique la forme brutale et impersonnelle des grands ensembles, il revendique une approche « paysagère » de son activité – paysagère, c’est-à-dire « globale, relationnelle et de longue durée ». Ecologique en somme. A la planification rigide et l’industrialisation de l’habitat, il oppose la vicinitude (cette relation au voisinage qui est « l’inverse de la solitude ») et surtout l’incrémentalisme, défini comme une manière d’inventer en faisant, sans préalable rigide, et selon les avis des futurs usagers d’un lieu. « Notre proposition, résume Lucien Kroll, plutôt que de s’attacher à une architecture qui exprime l’industrie de consommation, s’appuie sur des attitudes d’habitants plus familières et plus responsables. » Pas question pour autant de bannir l’industrie. L’architecte choisit plutôt de la pousser dans ses derniers retranchements et de la plier au service de l’habitant. Expérimentant à l’occasion le préfabriqué, il en fait par exemple un moyen de diversifier les formes et de refléter la variété des attentes.

Maquettes et ordinateurs

Faire participer les usagers à l’élaboration de leur logement nécessite du temps, de l’écoute et de la patience. Pour mener à bien leurs projets, les Kroll peuvent aussi compter sur un outil simple et efficace : les maquettes. Elaborées collectivement avec les moyens du bord et les matériaux les plus banals (du bois, de la mousse, du papier, du carton…), elles permettent de préfigurer un futur bâtiment, d’esquisser la forme d’un lieu. A partir des années 1980, l’agence leur substitue l’informatique. Au Clos d’Emery à Emerainville où ils doivent construire 80 logements, les Kroll expérimentent la conception assistée par ordinateur par le biais de Paysage, un logiciel maison. L’outil autorise « une juxtaposition sans limite perceptible » et « les situations les plus diverses possibles : villa isolée, jumelée, groupée, petits collectifs intermédiaires ». A côté des maquettes et perspectives nées grâce l'informatique, l’exposition au LU présente aussi des documents plus banals. De ceux qui composent l’arsenal technique de tout architecte : plans masses, esquisses, dessins de façades…

« Une affaire de filiation »

Ce n’est pourtant pas ce maelström de visuels et de textes (Lucien Kroll est l’auteur d’un abondant appareil théorique) qui rend le mieux sensible la démarche du couple. Si la rétrospective parvient à toucher le spectateur, elle le doit d’abord à son caractère d’exposition « habitée ». Ainsi à l’extérieur du LU, au bord du canal, Simone Kroll a conçu pour l’occasion un luxuriant potager. Planté de capucines, de sauge, de cucurbitacées, de choux, d’ipomées, le tout avec la participation des riverains, il évoque le jardin éco conçu en 1992 par la paysagiste pour le Festival des jardins à Chaumont. Lui répond, à l’intérieur, l’ « appartement témoin » aménagé sur ¼ de la surface de l’exposition par le collectif d’architectes ETC. Reproduisant l’un des appartements de l’immeuble d’Auderghem, cet espace évolutif accueillera 12 jeunes agences d’architectes, locales pour la plupart, pendant toute la durée de l’exposition. En investissant le lieu à leur guise, elles illustreront la démarche des Kroll. Elle souligneront aussi combien le couple, malgré sa discrétion et la singularité de sa démarche, a inauguré une féconde lignée. « Toute cette exposition est une affaire de filiation », prévient ainsi Patrick Bouchain…

Aller plus loin :

Toutes les citations de Lucien Kroll sont extraites du catalogue de l’exposition : Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée, sous la direction de Patrick Bouchain, éditions Actes Sud, 2013.Lucien Kroll, Tout est paysage, éditions Sens&Tonka, 2012

Infos pratiques :

"Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée", du 25/09 au 1/12/13Le Lieu uniqueQuai Ferdinand Favre - BP 2130444013 Nantes Cedex 1T/ 02 40 12 14 34www.lelieuunique.comHoraires d'ouverture :Mardi-samedi : 14h-19h//dimanche 15h-19hEntrée libre

2013-09-27
écrit par
Pierre Monsegur
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Thierry Salomon : "Les hommes politiques n’ont pas compris que la transition énergétique était une opportunité"

Thierry Salomon est président de l'association négaWatt. A ce titre il a participé au grand débat sur la transition énergétique lancé en janvier 2012 par le gouvernement, et y a défendu un scénario fondé sur trois axes : développement des énergies renouvelables, efficacité énergétique et sobriété. Pour midi:onze, il revient sur un événement passé presque inaperçu dans les grands médias, et qui doit déboucher à l'automne sur un projet de loi... Tout d’abord, comment expliquez-vous l’indifférence quasi générale des médias et du grand public qui a accompagné le débat, pourtant crucial, sur la transition énergétique ?D’une façon générale, les gens se sont déconnectés progressivement des questions énergétiques : on appuie sur un interrupteur et on a de la lumière. Ils ont aussi le sentiment que l’énergie n’est pas une question collective, qu’elle relève d’un système très centralisé. C’est assez culturel et pour tout dire assez français : dans notre pays, on reporte beaucoup de choses sur le gouvernement alors que sur ces questions, il faudrait au contraire que les citoyens et les collectivités reprennent le pouvoir. L’indifférence que vous pointez tient peut-être aussi à l’organisation du débat, pour lequel une machine très lourde s’est mise en place. Enfin, les médias ne s’y sont pas du tout investis, et ce n’est pas faute de les avoir sollicités. Il faut dire que la transition énergétique est une question complexe, qui nécessite de réfléchir et de sortir d’une opposition binaire se résumant, en gros, à être pour ou contre le nucléaire. Il y a pourtant un réel intérêt du public pour ces questions : l’association Négawatt a organisé plus de 250 conférences et nous avons toujours fait salle comble !Quels sont les enjeux d’un tel débat ? Rien moins que la façon dont on va vivre demain ! Nous sommes comme dans une voiture lancée à 130 km/h face à un mur. Dans ces conditions, le débat ne résume pas à se déclarer pour ou contre le gaz de schiste et le nucléaire. Il s’agit de savoir si l’on peut diviser par 4 nos émissions de GES d’ici 2050, c’est-à-dire dans moins de deux générations. Un tel objectif a des conséquences dans tous les domaines. Il implique de repenser l’urbanisme, de restructurer un très grand nombre d’emplois (or le scénario Négawatt apporte des réponses à cette question), de revoir nos modes de déplacement et la façon dont on bâtit et l’on rénove nos bâtiments. Il appelle en somme une transformation radicale mais progressive de la société. Si l’on ne s’y engage pas plus fortement, nous devrons faire face à une augmentation très forte de la précarité et de la dette. Il s’agit aussi de réduire notre dépendance énergétique : chaque année, nous donnons 61 milliards d’euros à la Russie et au Qatar ! Les hommes politiques n’ont pas compris que la transition était une formidable opportunité économique, et non une contrainte. Si le gouvernement ne s’y engage pas, il perdra une chance historique. L’Allemagne de son côté l’a bien compris et a annoncé sa sortie du nucléaire en 2023. Savez vous que dimanche dernier, 46% de l’énergie allemande a été produite grâce au photovoltaïque ?Quel scénario les grands groupes comme Total ou EDF défendent-ils ?Leur scénario est très simple. Il se résume à cette seule expression : Business as usual ! Même le retour à 50% de la part du nucléaire dans le mix énergétique est combattu. A la place, certains groupes prônent l’avènement des smart grids et des appareils dits « intelligents », qui sont de gros consommateurs d’énergie. Certains plaident aussi pour le gaz de schiste et citent l’exemple du « miracle » américain.Contrairement à Jeremy Rifkin ou même à Armory Lovins (auteur de Réinventer le feu aux éditions rue de l’échiquier), le scénario négaWatt ne plaide pas seulement pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, mais aussi pour la sobriété. Comment défendre une telle position dans un contexte où il est impensable de contraindre les gens à consommer moins d’énergie ?Dans l’association négaWatt, nous faisons un parallèle avec le code de la route. Il a été conçu pour qu’en allant d’un point A à un point B, vous ayez une chance d’arriver à B. Pour cela, il importe d’éviter les comportements extravagants. En matière d’énergie, c’est la même chose ! La sobriété énergétique est une question de bon sens, mais elle doit aussi conduire à la mise en place de règles simples et collectives. Prenons l’arrivée massive des écrans publicitaires à très forte consommation d’énergie. Un million de ces écrans, c’est un réacteur nucléaire dont il faudra gérer les déchets pendant 100 000 ans. Qu’est-ce qu’on y gagne en bien-être ? L’idée de Négawatt, c’est d’avoir une vraie réflexion sur nos usages de l’énergie. Sont-ils sources de bienfaits ? Sont-ils superfétatoires ? La sobriété dont nous parlons renvoie à l’intelligence dans l’usage, collective et individuelle, plutôt qu’à la performance des équipements. Cela passe par de la pédagogie, des règles, des incitations. Il faudrait en somme que l’énergie fasse l’objet d’un mouvement comparable à celui des déchets il y a quelques années. Il ne faut pas avoir peur de la sobriété. C’est plutôt l’ébriété qui est à craindre. Et puis, le mot « sobriété » exprime bien en lui-même ce qui le distingue du quota, du rationnement et de la privation.Vous vous sentez proche de Pierre Rabhi ou des positions d’un Serge Latouche sur la sobriété heureuse ?On se retrouve assez avec Pierre Rabhi et le mouvement Colibri. Récemment, il s’est un peu radicalisé, passant d’un discours centré sur l’action individuelle à une réflexion plus sociétale et politique, et c’est tant mieux. En revanche, même si je suis souvent d’accord avec ce que Latouche écrit, je trouve qu’il appuie trop sur le mot décroissance. Or ce terme pose un problème de langage. Il pollue le débat car il reflète très mal l’idée qu’on puisse coupler décroissance de la consommation d’énergie et augmentation du bien-être. Nous sommes tous d’accord pour dire que l’indicateur du PIB est mauvais, mais parler de décroissance généralisée peut être mal compris, et interprété comme une récession volontaire. C’est pourquoi chez négaWatt, nous ne reprenons jamais cette notion de décroissance. Nous ne rejetons pas la technique, nous ne prônons pas le fameux « retour à la bougie » (soit dit en passant, celle ci a une très mauvaise efficacité énergétique, et elle est faite à partir de pétrole !)… Nous proposons simplement, à travers les renouvelables, de revenir à une économie de flux, en opposition à l’économie extractiviste du charbon et du gaz.Que pensez-vous de l’éviction de Delphine Batho en plein débat ? La croyez-vous liée, comme elle l’affirme, au poids des lobbies ? Pour avoir vécu les 7 mois de ce débat, je pense que la réponse est la suivante : Delphine Batho venait plutôt de la sécurité, elle est jeune, c’est une femme, elle était assez inexpérimentée sur le sujet, elle n’était porteuse d’aucune vision. De plus, son ministère avait été dépouillé : alors que Borloo était numéro 2 du gouvernement et a joué à plein son rôle de skipper sur le grand navire du Grenelle, son ministère à elle n’avait plus l’urbanisme, ni le logement, ni le transport. Le débat sur la transition énergétique a donc commencé avec une ministre nommée à la suite d’un débarquement, dont le ministère était très appauvri, qui avait des difficultés à se faire respecter en tant que telle, et devait mettre en branle une très grosse mécanique. De plus, Hollande et Ayrault ne se sont à aucun moment invités dans le débat, ils ont laissé faire, avec pour seul objectif qu’on en sorte avec des recommandations. Bref, le portage politique a été très faible. A force de travail et de réunions, Delphine Batho a tout de même fini par comprendre l’importance de l’affaire. Elle a pris conscience qu’on ne s’en sortirait pas si l’on n’avait pas une volonté très ferme de réduction par deux de la consommation d’énergie. On l’a sentie de plus en plus affirmée sur cette question-là dans ses derniers discours. C’en était trop pour les producteurs d’énergie, qu’il s’agisse des pétroliers ou des électriciens. Celle qu’on croyait faiblarde à commencer à remuer. La question des budgets a été la goutte d’eau qui a fait chavirer le navire.Comment expliquer cette faiblesse du portage politique ?Je pense que toute une frange du Parti socialiste n’a pas compris qu’il fallait changer de logiciel. Nous avons affaire à un microcosme qui s’en tient à une vision purement tacticienne et politicienne des choses – en gros à une vision qui ne va pas au-delà des prochaines municipales. Le PS propose de chercher un consensus sans force et de maintenir la situation jusqu’à ce que ça s’écroule. Il lui manque une vision politique forte. Du reste, les îlots de résistance ne se trouvent pas seulement dans la classe politique : les pétroliers, une grande partie du MEDEF et les électriciens ne sont pas près de bouger. Il y a pourtant des tas d’entreprises qui ont immensément à gagner à la transition, dans le bâtiment notamment où la rénovation pourrait être un fabuleux gisement d’emplois locaux… Mais la transition fait peur à nos hauts-fonctionnaires, et aussi à nos syndicats, pour qui elle équivaut à la remise en cause de positions acquises. Par exemple, quelqu’un qui travaille à EDF paye 10% de son courant, et le comité d’entreprise d’EDF est financé par 1% du Chiffre d’affaires de l’entreprise. Dans ces conditions il faut vendre le plus d’énergie possible. Alors forcément, quand nous affirmons qu’il faut réduire nos consommations, ce discours leur paraît radical. Quand vous faites la somme des résistances, que vous comptabilisez leurs forces et calculez leurs moyens, vous comprenez que c’est David contre Goliath. Mais dans l’histoire, c’est David qui gagne !Comment expliquez-vous, quelques jours après l’éviction de Delphine Batho, la sortie d'Arnaud Montebourg sur le gaz de Schiste ? Etait-ce une manière de sonder l’opinion ?Pour répondre à votre question je voudrais vous rapporter une petite anecdote, que j’ai vue de mes yeux. En septembre 2012, lors de la conférence environnementale à laquelle participaient les PDG de l’énergie, le MEDEF et les ONG, Montebourg a voulu montrer qu’il s’ennuyait ferme, et a commencé à lire un magazine dont il a montré sciemment la couverture à l’assemblée. Il s’agissait de l’Usine nouvelle, qui titrait « Le trésor du gaz de schiste ». L’anecdote montre bien que le débat n’a été guidé par aucune vision, ni aucun attelage. Pourtant, il aurait été fort que Delphine Batho, Cécile Duflot et Arnaud Montebourg se montrent unis à la tribune dans un même discours.Quels sont les alliés de la transition ?Les positions de négaWatt trouvent des alliés assez inattendus, notamment dans les collectivités locales, les ONG, mais aussi dans de grandes institutions comme l’ADEME ou GRDF, dont les scénarios sont assez proches du nôtre. Ça crée un rapport de forces qui a permis à nos idées de sortir du débat très renforcées…Quel intérêt les collectivités ont à défendre le scénario d’une énergie distribuée ?Elles ont tout intérêt à reprendre la main sur la question énergétique. L’énergie, c’est trois choses : la production, la distribution et la consommation. Les collectivités sont gagnantes à tous les niveaux. D’abord, les renouvelables sont une production locale et les collectivités y ont intérêt au titre d’une meilleure utilisation de ces ressources. Quant à la distribution, elles en ont laissé la gouvernance à EDF-GDF, à travers des concessions. Pourtant, on voit bien avec l’exemple de l’eau ce qu’elles pourraient gagner à reprendre la main, notamment en termes de prix. Sur le volet de la consommation, les collectivités y ont intérêt pour deux raisons : pour lutter contre la précarité énergétique et accroître le pouvoir d’achat, mais aussi pour créer sur place un grand nombre d’activités, notamment dans le domaine de la rénovation. Un vaste programme destiné à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, c’est 30 ans de travail pour des entreprises locales. Les collectivités seraient les grandes gagnantes de cette revitalisation de l’économie, et un certain nombre d’entre elles l’ont bien compris – notamment la région Rhône-Alpes ou le Nord. Dans ces régions là, la transition énergétique apparaît comme une vraie opportunité, une manière de tendre vers une société meilleure. Les sondages montrent que 85% des français sont d’accord avec ce que je viens de raconter : il existe une quasi unanimité en faveur des renouvelables et les résistances, notamment vis-à-vis de l’éolien, sont en train de tomber. Nos compatriotes voient bien que la crise pétrolière peut surgir à tout moment, ou que le nucléaire n’est pas sûr.Pouvez-vous expliquer l’augmentation de 10% des tarifs de l’électricité. A quoi cette augmentation est-elle imputable ? Pour le comprendre, il faut regarder dans les analyses de la CRE (Commission de régulation de l’énergie). Elle a montré un décalage très fort entre le coût de revient de la production d’électricité en France et les prix. En France en effet, les tarifs sont régulés par le gouvernement. Evidemment, le 1er ministre n’a aucune envie que le prix de l’électricité monte. Malgré l’augmentation des coûts, on a fait en sorte que le prix stagne, et l’écart est devenu tellement considérable que ça peut être dangereux pour EDF. La CRE a donc demandé un rattrapage. Il faut aussi savoir que se profilent devant nous une série de coûts : au niveau de la production, se pose l’énorme problème du remplacement des centrales nucléaires, de leur arrêt ou de leur grand carénage. La prolongation de la durée d’exploitation des centrales coûterait 1,2 milliards par réacteur. Pour l’ensemble des réacteurs, il faut alors envisager une dépense de l’ordre de 50 à 80 milliards d’euros. Ne serait-il pas judicieux d’investir une telle somme dans la transition énergétique ? Autre grande inconnue : la centrale EPR de Flamanville. Les coûts initialement annoncés étaient de 3,2 milliards, et on en est déjà à 8,5. Quant au traitement des déchets radioactifs, on parle de 35 milliards d’euros. Bref, on est face à une industrie qui double ses devis, et on ignore tout des coûts de démantèlement. Qui va régler la facture ? Les futurs consommateurs, qui vont devoir payer notre héritage...Les résultats de la consultation devraient déboucher sur une loi à l’automne. Que peut-on en attendre ?La loi ne sera pas pour l’automne, mais plutôt pour février ou mars, pas avant. Et encore ! Nous sommes quelques-uns à penser qu’il faudra attendre encore car il y a les municipales au printemps. Pour tout dire je suis un peu pessimiste. Il aurait été intéressant que le débat puisse s’emparer du projet de loi, voire le rédiger, ce qui n’est pas le cas. Nous avons abouti à une recommandation, et ce seul mot était déjà tellement révolutionnaire que le MEDEF a souhaité le faire remplacer par le terme d’ « enjeu ». Mais un enjeu, n’est-ce pas ce qu’on pose au début d’un débat ? En somme, on a passé 7 mois sur un texte qui ne vaut pas grand-chose. Reste maintenant à guetter comment les députés vont s’emparer du projet de loi... Est-ce que celui-ci sera porté par la commission des affaires économiques, auquel cas cela signifiera que l’économie prime sur le reste ? Est-ce que ce sera la commission Développement durable, plus favorable à la transition énergétique ? Il va falloir être vigilants…

Pour en savoir plus :

Association Négawatt, Manifeste Négawatt : réussir la transition énergétique, éditions Actes Sud, 2012, 20,30 euros et Changeons d'énergies : transition, mode d'emploi, éditions Actes sud, 2013, 10 eurosAmory B. Lovins, Réinventer le feu : des solutions économiques novatrices pour une nouvelle ère énergétique, éditions rue de l'échiquier, 2013, 29 euros

2013-09-05
écrit par
Margot
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