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"Partir" au Château de Blois : l'architecture mobile entre hédonisme et catastrophe

Au Château royal de Blois, le FRAC Centre-Val de Loire examine dans l’exposition « Partir – Architectures et mobilités » un corpus d’œuvres d’art et de projets architecturaux qui interrogent depuis les années 1950 le devenir nomade de l’homme du 20e et 21 siècle…

En Occident, la mobilité est un art de vivre, une valeur, et sans doute une vertu. A son évocation, se dressent les images, également séduisantes, de l’individu métropolitain hyperconnecté et du voyageur (touriste ou traveller) en quête d’hédonisme et d’ailleurs. L’individu mobile se donne pour curieux, émancipé et ouvert sur le monde, à l’exact inverse de la posture du « repli ». A cette mobilité choisie sinon revendiquée, le réfugié vient pourtant superposer une toute autre image : celle d’un mode d’existence et d’habitat précaires et contraints par la nécessité de fuir la catastrophe – climatique, économique, politique.

Soucieux d’interroger les formes artistiques et architecturales auxquelles donne naissance le nomadisme du 20e et 21e siècle, le FRAC Centre - Val de Loire oscille naturellement entre ces deux figures. En lien avec le thème « Partir » des rendez-vous de l’Histoire 2016, l’institution puise dans ses collections et déroule au Château de Blois une histoire de l’architecture mobile qui en explore tout à la fois la part d'utopie et la vocation critique.Ce tour d’horizon présente d’abord quelques projets conçus dans les années 1950, à l’heure où l’avènement de la société des loisirs et le développement des systèmes de communication et de transport font de la mobilité une question sociétale de premier ordre : de la Maison tout en plastiques (1956) de Ionel Schein au projet de « Ville spatiale » (1959), entièrement modulable, extensible et démontable de Yona Friedman, les imaginaires se portent alors vers un mode de vie libre et presque sans attaches. Dans la décennie suivante, l’invention de la Cité aérienne (1964-65) de Pierre Székely qui évolue à plus de mille mètres d’altitude, la maison de vacances volante (1963-64) de  Guy Rottier ou Instant City d’Archigram, poussent un degré plus loin ce fantasme d’un homme hors-sol, que la conquête spatiale contribue à éloigner de son ancrage terrestre.  Dès l’époque, pourtant, l'image idéalisée du traveller hédoniste commence à se craqueler : dans My Wings (1970), Mario Terzic rejoue le mythe d’Icare pour mieux évoquer la guerre du Vietnam et l’enracinement, tandis que les architectes italien du groupe Cavart ou Ettore Sottsass font de l’architecture éphémère et du « bricolage » une charge contre la culture industrielle. Au fil des décennies, la figure dystopique du campeur post-apocalyptique héritée de la Guerre froide, bientôt relayée par celle du réfugié contemporain, prend ainsi le pas sur celle du voyageur émancipé, et annonce l'avènement d’une nouvelle mobilité planétaire largement contrainte par l'état du monde. Significativement, l’exposition se clôt ainsi par une carte blanche au PEROU, pôle d’exploration de ressources urbaines ayant notamment arpenté la jungle de Calais et qui entend expérimenter de nouvelles tactiques urbaines pour « fabriquer de l’hospitalité tout contre la ville hostile ».

Infos pratiques :

"Partir - Architectures et mobilités"

Du 6 octobre au 12 décembre 2016

Château de Blois, 6 place du Château - 41000 Blois.

Tous les jours de 9h à 18h

Tarif plein : 10 euros

http://www.frac-centre.fr

2016-10-19
Architecture & Urbanisme
Mutations urbaines à la Cité des sciences : de la ville réelle à la ville rêvée

Jusqu'au 5 mars 2017, l'exposition Mutations urbaines, qui s'est ouverte le 14 juin dernier à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris, explore de manière documentée et interactive les transformations en cours et à venir dans les villes contemporaines. Petite visite guidée.

Le fait est bien connu : depuis 2008, la population mondiale est devenue majoritairement urbaine. Sur 1 000 m2, "Mutations urbaines" à la Cité des sciences (La Villette, Paris) explore non seulement les effets de cette irrésistible urbanisation, mais les alternatives possibles à un modèle de développement métropolitain préjudiciable à l'environnement et la qualité de vie. Pour ce faire, l'exposition se déploie en trois temps. Intitulé "Villes sous tensions", le premier d'entre eux évoque la complexité des systèmes urbains contemporains à travers une série de panneaux et de dispositifs interactifs, souvent ludiques. Il aborde tour à tour la consommation énergétique des mégapoles contemporaines, les modes de déplacements des citadins (des enfants, notamment), la densité et sa relation avec le type d'habitat, le développement de l'habitat informel, la question migratoire ou encore la multiplication des dispositifs de surveillance.Au sein d'un deuxième espace, "Terre urbaine" complète cet état des lieux et immerge le visiteur dans un vaste dispositif de data-visualisation et de data-sonorisation projeté sur un écran hémisphérique de 8 mètres de long et 3,5 m de haut.Enfin, l'espace "Devenirs urbains" présente quelques-unes des initiatives menées aujourd'hui pour favoriser l'avènement d'une ville plus "durable" et plus résiliante. Des "incroyables comestibles" à la culture hors-sol de fruits et légumes (fermes verticales, serres sur toits d'immeubles, etc.), en passant par le développement du vélo à Copenhague, l'exposition invite le visiteur à un questionnement sur ce que serait, en dernière analyse, une ville souhaitable, où il ferait bon vivre…Si "Mutations urbaines" expose des données et des initiatives bien connues de tous ceux qui réfléchissent à la ville, elle offre un aperçu des questions urbaines d'autant plus profitable au néophyte qu'elle mobilise des dispositifs ingénieux et ludiques. A voir en famille, donc.

Infos pratiques :

Mutations urbaines, jusqu'au 17 mars 2017 à la Cité des sciences et de l'industrie, Paris

A partir de 11 ans

Ouvert du mardi au samedi de 10h à 18h, le dimanche de 10h à 19h.

Plein tarif : 12 euros

2016-07-15
Architecture & Urbanisme
Îles de la Seine, portrait d'un archipel métropolitain méconnu

Jusqu'au 2 octobre 2016, Le Pavillon de l'Arsenal de Paris expose « Îles de la Seine », une manifestation explorant le fleuve à travers le portrait d'une trentaine d'îles. Alors même que la Seine est au centre d’importantes stratégies urbaines contemporaines, notamment avec l’appel à projets « Réinventer la Seine » lancé en mars 2016, cette exposition invite à l'exploration de ces territoires méconnus.

Île résidentielle, lieu de villégiatures et de loisirs, site d'activités agricoles ou industrielles, île inhabitable, abandonnée, disparue ou parfois privée, une grande mixité d'usages caractérise les quelques 117 îles de la Seine, de Conflans-sur-Seine à Rouen. A travers des plans, affiches et photos d'époque, l'exposition donne à voir la singularité des quelques trente-deux îles mises en avant. Les machines de l'île Marly, le parc de l’île du Moulin-Joly, l'île Saint-Louis et son ancien port d'amarrage, l'île des Impressionnistes et ses guinguettes ou encore l’île Seguin, reconnaissable entre toutes, façonnée pendant des siècles par la présence de l'usine Renault et qui, demain, sera transformée en Cité Musicale par les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines. Pour chacune de ses îles, un morceau d'histoires, un récit anecdotique ou non, plonge le visiteur dans le passé de ces espaces insulaires et le fait voyager dans le mythe de ces lieux particuliers.Cette exposition se déroule dans le contexte d'une récente revalorisation des axes fluviaux et de la Seine à l'échelle de la métropole. Comme l'écrit Milena Charbit, architecte et commissaire scientifique invitée : «  Alors que la Seine est au centre d’importantes stratégies urbaines contemporaines, telles que la consultation du Grand Paris avec Seine Métropole d’Antoine Grumbach, le prolongement de la ligne Eole (RER E) le long du fleuve d’ici 2022, ou encore l’appel à projets « Réinventer la Seine » (Paris – Rouen– Le Havre) lancé en mars 2016, cet ouvrage entend contribuer à la découverte de ce territoire en archipel, lieux de lenteur, amas d’alluvions arrachés aux nombreux méandres du fleuve. »

Infos pratiques :

Iles de la Seine, Exposition créée par le Pavillon de l’Arsenal, du 4 juin au 2 octobre 2016

Pavillon de l’Arsenal - Centre d’urbanisme et d’architecture de Paris et de la métropole parisienne

21, boulevard Morland 75004

Entrée libredu mardi au samedi de 10h30 à 18h30,  le dimanche de 11h à 19h

www.pavillon-arsenal.com

2016-06-27
Architecture & Urbanisme
A la Cité de l'architecture et du patrimoine, l'architecture vivante de Yona Friedman

A la Cité de l’architecture et du Patrimoine, une exposition rend hommage à l’architecte français d'origine hongroise Yona Friedman et souligne son apport décisif à la pratique architecturale contemporaine…  

Sans doute l’époque incline-t-elle à la redécouverte de Yona Friedman : à l’heure où l’on parle crise des migrants et architecture d’urgence, écologie, empowerment et économie du partage, où de jeunes collectifs pluridisciplinaires revendiquent son héritage et plaident pour une ville faite avec, sinon par ses usagers, l’architecte d’origine hongroise passe pour un visionnaire ayant su annoncer dès les années 1960 les mutations spatiales, sociales, culturelles et technologiques qui travaillent le monde contemporain. Optant pour un cheminement chronologique, l’exposition que lui consacre la Cité de l’architecture et du patrimoine sous la houlette de Caroline Cros bat en brèche son image d’architecte de papier et d’utopiste, pour souligner au contraire ce qu’il y a de vivant et de résolument actuel dans les notions d’ « architecture mobile », de « ville spatiale » et de « ville relationnelle ». L’exposition insiste particulièrement sur l’approche holistique mise en œuvre par Yona Friedman, sur sa propension à puiser dans les mathématiques et les sciences humaines pour mieux susciter l’improvisation et l’appropriation du projet architectural par les habitants (« L’architecte perd de son importance (ou il doit en perdre) pour laisser plus d’initiative aux habitants », écrit-il dans les années 1960). On découvre notamment comment il travailla en 1979-80 à la réalisation du Lycée Bergson à Angers, mais aussi sa manière de se saisir de la bande dessinée ou du numérique pour mieux communiquer ses idées. Parmi les « outils » ainsi conçus par Friedman, l’exposition propose au visiteur un « programme d’architecture », initiation en images à l’autoplanification.

Infos pratiques :

Yona Friedman, « Architecture mobile = architecture vivante »

Exposition du 11 mai au 7 novembre 2016

Cité de l’architecture et du patrimoine

Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris 16

Métro : Trocadéro ou Iena

Citedechaillot.fr #Yona Friedman

2016-05-19
Architecture & Urbanisme
Société
Sébastien Thiéry : « La Jungle de Calais est une ville-monde, une forme urbaine à venir »

Sébastien Thiéry est politologue et coordinateur des actions du PEROU, Pôle d'Exploration des Ressources Urbaines. Cette association fondée en septembre 2012 avec Gilles Clément développe des recherches dans de multiples hors-champ de la ville : bidonvilles, camps, refuges en tout genre, etc. La structure accompagne actuellement la création d'une ville nouvelle par les migrants et Calaisiens et participe à l'exposition « Habiter le campement » à la Cité de l'architecture.

Pouvez-vous nous présenter le PEROU ?

Le point de départ a été pour moi les troubles nés de l'action avec l'association les Enfants de Don Quichotte et le constat d'une inculture crasse des acteurs du champ social à l'endroit de la ville et de l'architecture et d'une pratique nulle des architectes et urbanistes sur les modules de sans-abri qui ne sont que des spéculations formelles. Le PEROU est un laboratoire né de cette articulation forte entre une dimension de recherche sur la question urbaine et architecturale et entre des actions politico-militantes. Nous travaillons sur ce qui est porteur d'avenir à l'interface entre la ville et le bidonville, sur des constructions matérielles mais aussi sur des situations d’expérimentations pour raconter que d'autres choses sont possibles.

La création du PEROU préexiste à la jungle de Calais. En quoi le Pérou y a-t-il trouvé là matière à réflexion ? Et à action ?

Il y a 3 ans, alors que les jungles étaient diffuses dans la ville, on a commencé à travailler avec des chercheurs en graphisme sur un projet de journal co-construit avec des migrants et diffusé dans la ville. Ce fut une manière pour moi de prendre le pouls de cette situation, de mieux saisir l’épaisseur des récits, des hommes et des langues. L'été dernier, j'ai écrit une intention «  New jungle Délire », un projet de recherche qui rassemble 8 groupes de recherche (architectes, anthropologues, géographes, paysagistes, ect.) augmenté d'un projet photographique. Ce projet fait référence à Rem Koolhaas dans l’introduction de New-York Delire, ouvrage publié en 1978 qui est un manifeste rétroactif pour Manhattan, l'envisageant comme une émergence urbaine du XXe. L'hypothèse pour la New Jungle est de se demander si elle n'est pas une forme urbaine du XXIe siècle qui n'aurait pas encore son manifeste, qui n' aurait pas encore sa condition d'urbanité et de travailler à la documenter et la cartographier.

"Nous travaillons sur ce qui est porteur d'avenir à l'interface entre la ville et le bidonville, sur des constructions matérielles mais aussi sur des situations d’expérimentations pour raconter que d'autres choses sont possibles." Sébastien Thiéry, fondateur du PEROU

Pouvez-vous repréciser l'enjeu de ce projet devenu un appel à idées intitulé «  Réinventer Calais » ?

On ne va rien construire sur Calais car il se construit déjà tellement de choses ! Il s'agit d'un véritable défi de rendre compte de ce qui s'invente dans la Jungle. Alors que la destruction commence à se mettre en œuvre, notre propos est une fiction dans laquelle les acteurs politiques lancent un appel à idées pour faire un Réinventer Calais. Le postulat est de se dire qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire à Calais. Samedi 9 avril, nous avons distribué un journal « L’Autre journal d’informations de la ville de Calais », dans les rues de Calais. On y retrouve La lettre que la maire de Calais n’a pas adressée aux Calaisiennes et Calaisiens qui devient l'édito et un entretien où les acteurs publics expliquent qu'ils font volte-face sur cette question. Calais devient alors la capitale européenne de l'hospitalité. C'est un vrai appel à idées avec 9 grands projets qui sont des spéculations à partir de l'existant et des projets pour le bidonville et la ville. L’idée est d'accompagner une cité éphémère du XXIe siècle sur 5 ans, travailler sur des formes d'urbanité éphémères comme s'il s'agissait d'un village olympique à l'occasion des Jeux avec l’accueil de 5000 personnes venus du monde entier entraînant le développement d'infrastructures et d' équipements publics et de montrer comment cela génère de l'économie et de la ville. L'enjeu est de recueillir un certain nombre de réponses d'étudiants et professionnels de la fabrique de la ville, et les déposer à l'automne prochain sur le bureau des acteurs publics et sur celui des candidats à l’élection présidentielle.

Dans La lettre que la maire de Calais n’a pas adressée aux Calaisiennes et Calaisiens, la jungle est présentée comme une «  extraordinaire ville mondialisée, généreuse et active ». Cela va à contre-courant du portrait dressé habituellement par les médias...Calais c'est aussi des écoles, des théâtres, des restaurants ? Qu avez-vous observé en allant sur le terrain ?

On n'est jamais arrivé à raconter sur ce qui se passe réellement à Calais. Il y a une telle croûte médiatique sur ce sujet qui fait que rien ne perce. C'est stupéfiant. La moitié a été rasée mais la Jungle, ce sont des shelters [des habitats préfabriqués en bois construits par les associations Help Refugees et l’Auberge des migrants], 48 restaurants, une trentaine d'épiceries, 3 écoles, 2 théâtres, une Église, une boite de nuits, une « Wharehouse » [une sorte de recyclerie qui organise les dons dans un entrepôt de 1700 mètres carrés].Les migrants (ils étaient environ 5000 début mars 2016) sont des bâtisseurs de « lieux de vie » comme l'a relevé, dans son ordonnance du 25 février 2016, le Tribunal administratif de Lille. C'est monstrueux ce qui a été construit par des migrants, avec l'appui de bénévoles venus du monde entier. C’est une folie et une beauté incroyable, à mille lieux du désastre et de la xénophobie que l'on décrit systématiquement. Mais les acteurs publics et du monde social ne peuvent entendre ce discours.

Baraque sur lesquelles est inscrit « Lieu de vie », début mars 2016. crédit : Sébastien Thiéry
Baraque sur lesquelles est inscrit « Lieu de vie », début mars 2016. crédit photo : Sébastien Thiéry

Il n'y a donc pas de violence dans la Jungle ?

Quand la jungle devient impasse, évidement les passeurs arrivent mais il y deux manières de défaire ce marché : ouvrir les frontières et construire l'hospitalité ici-même, travailler sur les procédures d'asile. Mener une politique accueillante et ambitieuse casserait ce marché. Il est impossible politiquement de dire que l'on va accueillir….

"La Jungle de Calais, ce sont des shelters, 48 restaurants, une trentaine d'épiceries, 3 écoles, 2 théâtres, une Église, une boite de nuits, une « Wharehouse »." Sébastien Thiéry

La violence, elle est générée par ce qui se détruit. C’est la conséquence directe de l'incurie des politiques publiques. La Jungle est une chance pour Calais. Il y a un manque de vision.

La solution est la réhabilitation plutôt que la destruction de la jungle ?

On ne défend pas le bidonville. La question c'est comment on se positionne face à cette situation, comment en l'accompagnant on le transforme. Ce qui fait que le bidonville demeure bidonville, c'est justement les politiques publiques qui ne cessent de pérenniser le bidonville dans sa forme invivable. Une ville est à 90 % des cas est un bidonville qui a réussi. C’est un processus simplement de développement si on prend soin de ce qui s'invente. En une demi journée, la boue on l’éradique...Si on fait un peu d'histoire, les formes urbaines sont par définition le résultat d'un processus de transformations, d'installations. Il faut transformer l'existant pour lui donner des formes plus désirables.

Peut-on désigner la jungle comme un bidonville ? À quelles formes urbaines existantes la rattacher ?

C’est un lieu unique au monde où règne une solidarité internationale extraordinaire et cela ça n'existe nulle part ailleurs. Je ne connais aucun autre bidonville qui a été co-construit dans une telle épopée ! Les matériaux viennent du monde entier, les habitants viennent du monde, c’est une forme très singulière et contemporaine du bidonville. C’est une ville-monde, une forme urbaine à venir. Une « Jungle », gardons ce terme puisque c’est comme cela que les migrants l'appellent. C'est quelque chose qui est méconnu, qui 'a pas d'existence repérable dans l'histoire.

Une vue de la jungle de Calais. Crédit photo : Sébastien Thiéry

Quel avenir voyez-vous pour la Jungle ?

Aujourd'hui, il est dessiné par les pelleteuses donc elle n'ira pas bien loin. Lesbos, Vintimille, Lampedusa, c'est cela l'avenir. Ce n'est pas un vœu juste un constat. D'après l'ONU, en 2030, 1/3 de la population vivra en bidonville. Est-ce qu'on veut que les gens y « croupissent » ou l'on invente d'autres manières de les accueillir. Calais est en cela une formidable vue sur l'avenir.

Heroic Land est un projet de parc d’attractions prévu à l'horizon 2019 à Calais pensé comme une mesure compensatoire face à la crise des migrants d'un montant de 275 millions d’euros. Quel regard portez-vous sur ce projet et sur ce choix d’aménagement du territoire opéré par les autorités locales ?

Il est cohérent avec le reste ! Qu'est qu'un parc d'attractions sinon une prise de congés du réel ? Un parc d'attractions, c’est détourner l'attention du réel. « Heroic land » ! Alors que tant de héros qui ont traversé les mers sont juste à côté. C’est un mépris du réel. On est en train de dépenser 275 millions d'euros pour distraire le peuple. On a chiffré l'appel à idées « Réinventer Calais », cela représente 28 % de Heroic land. Sauver Calais passe par l’arrêt rapide et urgent de ce programme.

La jungle est-elle une forme d'utopie ?

La Jungle est pleine d'utopies mais elle n’est pas que de l'utopie. Elle est aussi de la boue et de la violence. Ce qui nous intéresse est ce qui fait promesse.

Pour en savoir plus :

« Réinventer Calais » sera présenté à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Paris (lire notre article), à la Biennale d'Architecture de Venise le 28 mai, et à l'exposition « constellation.s » à Bordeaux le 3 juin.

2016-04-13
Ecologie
Climat, l'exposition à 360°

La Cité des Sciences et de l'Industrie organise jusqu'au 20 mars une exposition sur le climat. Entre approche artistique et données scientifiques, ce temps fort ambitionne de dresser un état des lieux de cette question.

Dès le hall d'entrée, les photographies XXL du photographe Kadir van Lohuizen illustrant les conséquences - déjà concrètes - de la montée des eaux pour les populations du monde entier et les œuvres monumentales d'art contemporain du collectif “les Radiolaires” accueillent les visiteurs. Deux installations qui se font face et proposent deux visions de l'avenir du monde, l'une utopique, l'autre dystopique sur le thème “Le jour où la Terre et les Terriens auront réglé le problème climatique...”L’exposition convie ensuite le visiteur sur près de sur 500m² à une véritable enquête scientifique autour du dérèglement climatique en déployant plusieurs axes de réflexion. Diagnostic, causes du réchauffement climatique, scénarios d’émissions de gaz à effet de serre et solutions sont abordés via des panneaux explicatifs mêlant textes, photos, courbes et schémas ou encore des vidéos avec des prises de paroles d'experts comme Laurence Tubiana, ambassadrice française chargée des négociations sur le changement climatique à la COP21, ou Nicolas Hulot. «Aborder la question du climat est un sujet complexe, précise la commissaire de l'exposition Isabelle Bousquet. Il englobe de nombreuses disciplines et les impacts sociétaux et politiques sont très forts. »C'est la raison pour laquelle les commissaires de l'exposition ont souhaité évoquer l'ensemble des positions sur ce sujet. Ils donnent la réplique aux climato-sceptiques dans un vidéo où Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et membre du GIEC, et Vincent Courtillot, géologue et climato-sceptique opposent tour à tour leurs arguments. « Pour nous c'est pertinent de leur donner la parole, de ne pas les stigmatiser. Et l'on prend position dans notre édito en appelant à ne pas faire l’autruche », justifie Isabelle Bousquet.Une exposition à visiter dés 15 ans.

Infos pratiques :

Climat, l'expo à 360°, jusqu'au 20 mars 2016

Cité des Sciences et de l'Industrie

30, avenue Corentin-Cariou75019 Paris

Du mardi au samedi de 10h à 18h et le dimanche de 10h à 19h.

http://www.cite-sciences.fr

2015-12-14
Architecture & Urbanisme
Habiter demain : une expo à voir en famille à la Cité des sciences

A la cité des sciences et de l’industrie, une exposition dresse l’état de lieu de l’habitat urbain contemporain et esquisse ses possibles évolutions sous l’effet conjugué de l’explosion démographique, du vieillissement, de la domotique et du changement climatique. Visite guidée.

A l’entrée, un cartel prévient : « cette exposition ne donnera pas de solution immédiate à votre problème de chauffage. Elle ne vous guidera pas dans votre choix d’un logement, neuf ou ancien. »

On pourrait ajouter qu’elle ne dresse pas davantage le catalogue des innovations contemporaines en matière de logement intelligent ultra connecté. « Habiter demain » à la Cité des sciences et de l’Industrie se distingue en effet résolument de la Maison du futur à Vilvorde (Belgique) et de son côté high tech : la part consacrée aux objets intelligents (compteurs électriques, meubles « cradle to cradle », etc.) y est résiduelle, et se borne à une seule salle où l’intégration des technologies dans nos espaces de vie se dessine comme simple hypothèse. De fait, l’enjeu est tout autre : « point[er] les paradoxes de nos modes de vie, livr[er] des pistes utiles, nous révèle[er] le lien intime qui unit l’habitat à la société. »

Au gré d’une scénographie en colimaçon (en écho à l’affiche, qui érigeait l’escargot en emblème de l’habitat), l’exposition déroule sur 600 m2 un ensemble de thématiques consubstantielles à la question du logement contemporain. Première d’entre elles : la santé. Au moyen de films, de panneaux, mais aussi via un bouquet d’odeurs (de cuisine, d’encens, de moisissures) propre à hystériser les enfants, sont ainsi évoqués le bruit et la piètre qualité de l’air intérieur de nos logements. L’accrochage aborde aussi le thème des matériaux, ou celui des standards et normes dans l’habitat, qui offre de mieux cerner la notion de logement décent et ses contours arbitraires (en France, il doit avoir une surface minimale de 9 m² pour 2,2m de hauteur sous plafond).

Mais c’est évidemment à la question énergétique que l’exposition fait la part belle. Production d’énergie renouvelable en circuit court, réduction des consommations et rénovation thermique des logements sont ainsi abordées de manière complète et ludique : un jeu interactif permet de réaliser un projet de construction participative, une simulation nous montre que toute rénovation est un compromis entre performances, durabilité et coûts, un dispositif nous permet de produire de l’énergie en pédalant, etc. Enfin, l’exposition se clôt sur une salle dédiée au vivre ensemble, où se dessine l’image d’une ville en réseau, où se posent aussi de manière accrue les questions de la solidarité et du partage…

Avouons-le : le professionnel de la construction et le lecteur assidu de Midi onze rompu aux thèmes de la construction et de l’habitat on n’apprendront pas grand-chose en visitant « Habiter demain ». Tout au plus y piochera-t-on quelques noms de produits et de matériaux. Mais à ceux qui ne savent pas grand-chose des problématiques contemporaines en matière de logement (notamment les enfants), l’exposition offre une introduction complète, ludique et pédagogique. A voir en famille, donc, ou avec la classe, pour réfléchir aux modalités d’un habitat plus sain, équitable et durable.

Informations pratiques :

Habiter demain, ré-inventons nos lieux de vie. Du 4 décembre 2012 au 10 novembre 2013

Cité des sciences et de l'industrie

30 avenue Corentin Cariou, Paris 19e

Ouvert du mardi au samedi de 10h à 18h et le dimanche de 10h à 19h

Plein tarif : 8 €Tarif réduit : 6€

2012-12-18
Ecologie
Une mer de plastique à Zurich

A Zurich, l’exposition « Out of Sea ? : the plastic garbage project » au musée du design aborde le cycle de vie du plastique à travers l’exemple des « garbage patchs », ces continents de déchets formés au large des océans. L’occasion de questionner l’impact sur la vie marine d’un matériau dont la longévité pose problème.

En 1997, le navigateur Charles Moore découvrait un continent de plastique de plusieurs millions de km2 au large du Pacifique. Depuis, on sait que des « Garbage patchs » se sont aussi formés sous l’effet des courants marins dans le Pacifique sud, l’Atlantique et l’Océan Indien. Spectaculaires, vertigineuses, ces poubelles flottantes ont très largement frappé l’esprit du grand public, jusqu’à devenir l’emblème d’un système de production fondé sur le gaspillage et l’obsolescence.

Les déchets plastiques et leurs conséquences sur les mers

D’où le parti-pris du Museum für Gestaltung (musée du design) à Zürich : en faire le point de départ d’une exposition didactique (et gratuite) sur les matières plastiques. Distribuée autour d’un vaste amas de bouteilles, vieux bidons, emballages, jouets, etc., dont certains n’auront servi que quelques minutes ou quelques secondes avant d’être jetés, celle-ci aborde son sujet via l’énorme quantité de déchets absorbés chaque année par les milieux marins – soit 6,4 millions de tonnes, dont 80% provient du continent. Non biodégradables, ces déchets tapissent le fond des océans ou flottent à la surface (pour 15% d’entre eux), et se décomposent en particules de plus en plus fines. Conséquence : quand ils ne les tuent pas, ils sont ingurgités par les animaux marins et entrent dans la chaîne alimentaire…Pour mieux donner la mesure du phénomène, le parcours de l’exposition dresse une sorte d’archéologie du présent : face aux vidéos, photographies, œuvres d’art et documents montrant la manière dont le plastique affecte la vie marine, sont exposés les objets les plus familiers. Certains sont tout au plus légèrement corrodés par le sel, d’autres se trouvent réduits à l’état de micro-éléments qu’on prendrait presque pour du sable. Cette volonté de coller au quotidien est la grande force du Plastic garbage project : elle montre que ce sont nos comportements quotidiens qui font des océans une vaste décharge…[media]491[/media]

Le plastique, un matériau omniprésent dans la vie quotidienne

Le second volet de l’exposition souligne davantage encore la causalité entre « garbage patchs » et modes de vie contemporains. Abordant le plastique comme un matériau (après tout, nous sommes au musée du design), il en explique la composition et les différents usages dans la vie quotidienne. Est ainsi rappelé que les polymères (autre nom du plastique) sont des rejetons du pétrole, et en sont énumérés les différentes formes, du polyéthylène au polyuréthane… Derrière l’opacité des noms et des formules chimiques, c’est tout notre quotidien qui s’égrène : bouteilles, emballages, textiles, CD et DVD, biberons, outils, etc. En Europe de l’Ouest en effet, 92 kilos de plastiques per capita sont consommés chaque année.Que faire pour que ces objets n’aboutissent en fin de vie dans les océans, avec les conséquences que l’on sait ? C’est tout l’enjeu de l’exposition. En regard de chaque usage, sont évoquées des alternatives : plastiques végétaux, recyclage, upcycling, downcycling, cradle to cradle... En attendant un changement à grande échelle des modes de production, le musée propose même aux visiteurs un espace de recyclage. Et pour inciter le plus grand nombre à un changement de comportement, le Plastic garbage project sera ensuite convoyé à Hambourg et Copenhague… par voie maritime, bien sûr !

2012-09-12