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Société
Que devient la nuit à l’ère de la Covid-19 ?

Pour enrayer la propagation de la Covid-19, l’Etat français vient de décréter un couvre-feu à 18h sur tout le territoire. Avant même cette décision, la pandémie qui affecte le monde depuis un an a profondément modifié nos activités nocturnes.  Nous sommes exilés de la nuit telle qu’elle s’était peu à peu forgée au cours des 30 dernières années : un temps d’intensité en voie de “diurnisation”. Pour mieux la réinventer ?

« Longtemps, je me suis couché de bonne heure ». La phrase célèbre qui ouvre Du côté de chez Swann, premier opus de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust, fut pendant des siècles une condition largement partagée. Pendant des millénaires, la nuit a été essentiellement dévolue au sommeil : on se couchait en moyenne à 21h il y a 50 ans, contre 23h aujourd’hui. Ceux que l’obscurité maintenait éveillés étaient alors forcément des êtres interlopes ou des créatures maléfiques : mauvais garçons et filles publiques, vampires, sorcières ou loups-garous. Puis vinrent l’éclairage public et l’électricité. Avec eux, la nuit s’est peu à peu éveillée. Elle est devenue le temps de la fête et des rencontres. Dans les années 1960, naissaient même des lieux spécifiquement nocturnes aux dénominations significatives de night clubs ou de boîtes de nuit. Depuis, on y fait l’expérience d’une rupture, potentiellement libératrice et féconde, avec les routines et les travaux diurnes.

La nuit apprivoisée

Aujourd’hui, la nuit semble parfaitement apprivoisée. De Nuit blanche en fête des Lumières (Lyon), de Nuit des musées en Constellations (Metz), elle est même devenue un élément clé des politiques culturelles. En la matière, Les Allumées initié par Jean Blaise à Nantes en 1990 fut sans doute un événement précurseur. Premier acte d’une politique de développement territorial par la culture, ce festival a contribué à impulser un changement d’image pour une métropole alors associée à la désindustrialisation et au déclin. « L’existence d’une vie nocturne festive est devenue un enjeu d’attractivité pour les villes et, en même temps, une question de cohabitation entre populations qui ne vivent pas aux mêmes rythmes, donc un enjeu anthropologique », expliquent ainsi Luc Gwiazdzinski, Lisa Pignot et Jean-Pierre Saez dans un numéro de la revue L’Observatoire, publié à l’automne 2019. A mesure qu’elle devient un enjeu politique, des « Conseils de la nuit », des « bureaux des temps » et des « maires de la nuit » émergent ici et là pour mieux orchestrer cette désinchronisation des rythmes et désamorcer les potentiels conflits qui en découlent. Il faut dire que la nuit est aussi devenue un enjeu économique, un moment parmi d’autres dans un monde aujourd’hui actif 24h/24. « La nuit se banalise et même les lois évoluent : autorisation du travail de nuit des femmes, chasse nocturne, perquisitions, notent Luc Gwiazdzinski, Lisa Pignot et Jean-Pierre Saez. C’est désormais toute l’économie du jour qui s’intéresse à la nuit contribuant à sa « diurnisation », phase ultime de « l’artificialisation » de la ville. » A cette capitalisation du temps nocturne, s’ajoutent des recherches universitaires toujours plus nombreuses sur le sujet : Les « night studies » sont en pleine émergence. Même la contestation s’empare de l’obscurité. Du mouvement des places à Nuit debout en 2016, celle-ci s’affiche ouvertement comme un espace de résistance et de contestation.

La fin de la fête ?

Avec l’irruption de la Covid pourtant, cette « diurnisation » de la nuit a fait long feu. La succession des confinements et des couvre-feu en a provisoirement terni l’éclat en refoulant chacun dans l’espace domestique, avec interdiction de se rassembler à plus de 6 personnes. Pour les professionnels du secteur, le coup est rude : la lutte contre la propagation du virus a entrainé tour à tour la fermeture des boites de nuit (elles n’ont jamais rouvert depuis le 14 mars 2020), des bars, salles de concert, théâtres, cinémas et restaurants. Avec la Covid, c’est toute l’économie de la nuit qui s’essouffle, et parfois s’effondre. Pourtant, la fête se réinvente ailleurs, dans la clandestinité. Les free parties connaissent un renouveau inédit depuis les années 1990, et les fêtes privées n’ont jamais cessé. Ces événements sont devenus si rares depuis un an qu’ils sont désormais relayés dans la presse. Témoin la free party du Nouvel an à Lieuron en Bretagne, très largement médiatisée, et qui a valu à ses organisateurs une mise en examen pour, entre autres, « mise en danger de la vie d’autrui ». A l’heure où s’opère un grand tri des activités humaines entre l’essentiel et l’inessentiel, la fête s’affirme ainsi comme un acte de résistance. « Nous avons donc répondu à l’appel de celles et ceux qui ne se satisfont pas d’une existence rythmée uniquement par le travail, la consommation et les écrans, seul·e·s chez eux le soir, écrivaient ainsi les organisateurs de la free party de Lieuron dans une tribune publiée par le journal Libération. Notre geste est politique, nous avons offert gratuitement une soupape de décompression. Se retrouver un instant, ensemble, en vie. » Irresponsable ? Sans doute. La sévérité des jugements portés sur l’événement suggère en tous cas que la nuit a retrouvé son aura sulfureuse. Et pourtant, ici et là, des expériences sont menées en toute légalité pour sortir la nuit du long tunnel où le Covid l’a plongée. Le 12 décembre 2020, un concert test encadré par l’hôpital universitaire allemand Trias y Pujol de Badalone réunissait près de 500 personnes dans une salle de spectacles, l’Apolo, à Barcelone. Résultat : aucun cas de contamination n’en a résulté. Pas plus qu’il ne semble y avoir eu de « cluster » après la free party de Lieuron. Depuis, d’autres initiatives du même ordre sont d’ailleurs en préparation : deux concerts test sont prévus à Marseille en février.

Mars, une installation de Luke Jerram présentée à Metz lors du festival Constellations (2021). Crédit photo : Stéphanie Lemoine

Éteindre la lumière pour rallumer les étoiles ?

Ailleurs, l’épidémie de Covid-19 pourrait être l’occasion de renouer avec l’obscurité. Car la diurnisation de la nuit a aussi son revers : une pollution nocturne massive, omniprésente en Europe. Celle-ci a des effets sensibles sur la faune nocturne. Elle en trouble à la fois les repères et les rythmes. L’éclairage artificiel est ainsi la seconde source de mortalité des insectes due aux activités humaines, après l’utilisation de pesticides. Il n’épargne pas non l’être humain, tout comme l’ensemble des activités nocturnes. Selon le baromètre de santé public France (SPF), le temps de sommeil des Français était ainsi de 6h42 en moyenne en semaine en 2017, contre 7h09 dans la précédente enquête de 2010. Or, cette dette a des effets délétères sur la santé : elle accroît le risque d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension, de pathologies cardiaques et affaiblit le système immunitaire. A ces divers titres, les mesures sanitaires liées à l’épidémie de Covid-19 pourraient jouer un rôle positif. D’ailleurs, de nombreuses villes de France ont profité des confinements et couvre-feu pour éteindre l’éclairage public la nuit. Le bénéfice d’une telle mesure n’est pas seulement écologique et sanitaire. L’extinction des feux permet des économies de fonctionnement aux collectivités, qui réinvestissent alors le plus souvent l’argent épargné dans la rénovation de leur système d’éclairage. Elle donne aussi aux riverains l’opportunité d’aborder la nuit autrement. Non plus comme temps festif ou productif, mais comme espace d’observation, voire de contemplation. Depuis 10 ans, le Jour de la nuit invite ainsi les collectivités à éteindre la lumière une nuit par an. Objectif : favoriser l’observation des étoiles. De quoi renouer avec notre origine cosmique ? C’est ce que veulent croire l’artiste Smith et le cosmologiste Jean-Philippe Uzan, initiateurs du projet Désidération. Dans un « Complexe » mobile et modulable dessiné par le studio d’architecture Dimplomate, ils convient le public à écouter conférences et podcasts, à regarder photographies, spectacles de danse ou performances. Ou tout simplement à s’allonger pour regarder les étoiles et se connecter au cosmos...

2021-01-21
Société
Mainstenant préfigure l'avenir des friches

Ecolieux, éducation, agroécologie et émancipation : ces quatre mots pourraient résumer la démarche de l'association Mainstenant, née sur les braises de Nuit Debout. Architectes, urbanistes, étudiants, sociologues, entrepreneurs..., ils ont décidé de prendre en main le devenir du monde en faisant revivre des territoires en friche. Véritables explorateurs urbains, ils identifient des zones à l'abandon et se mettent en lien avec les pouvoirs publics. Six mois après le début de l'aventure, les premiers résultats sont plus qu'encourageants.

« Toujours des mots, encore des mots… parole, parole, parole »… C’est justement pour ne pas tomber dans la caricature des mouvements utopiques que les fondateurs de Mainstenant se sont tous relevé les manches pour que l'idée d’une ville reconnectée à ses campagnes puisse éclore plus rapidement. Ce collectif, devenu depuis peu une association, est aujourd'hui présidé par Nicolas Voisin, son cofondateur avec huit autres personnes. Celui qui à une autre époque s'est illustré en créant un média inédit, le défunt Owni, est totalement galvanisé quand il explique, très clairement, l'objectif d'une telle réunion de savoir-faire et d'esprits collaboratifs. « Une bonne partie d'entre nous s'est rencontrée à Nuit Debout. Pendant six mois nous avons lutté contre les institutions avec ce sentiment que cela ne suffisait pas, que nous n'allions pas gagner. Mais quitte à ne pas gagner tout de suite autant construire la suite du monde. Petit à petit s'est décantée cette idée d'aller travailler sur des lieux abandonnés avec une triple démarche : réappropriation des métiers traditionnels émancipateurs, création de classes buissonnières, reconnexion entre ville et campagne afin de nourrir les centres urbains grâce à la permaculture, l'aquaponie, les mini-fermes... » Et pourquoi ne pas faire des émules partout ailleurs en France tout en s'inspirant des démarches qui existent et qui sont convaincantes ?

Il ne faut pas être résigné. Nous inventons la suite. Je ne crois pas que cela soit utopique. Paradoxalement, c’est même plutôt dans l'air du temps. La plus âgée est architecte et travaille sur ces sujets depuis plus de trente ans. Le plus jeune a dix-neuf ans.

Réparer le monde

Maintenant, main dans la main (d'où le nom Mainstenant), ces néo-ruraux veulent donner leur chance aux générations futures de s'en sortir, de prendre en main leur futur alors même que le sens actuel de l'histoire ne joue pas en leur faveur. Nelson Mandela, a dit : « L'éducation est l'arme la plus puissante que vous pouvez utiliser pour changer le monde... ». C'est aussi le principal crédo de l'association. Ainsi, l'un des principaux objectifs est de parvenir à mettre en place ces fameuses écoles buissonnières afin d'accueillir des jeunes citadins une ou deux fois par semaine et de les mettre en contact avec la terre sur les deux premiers sites qu'ils expérimentent depuis l'été 2016 : « La plage » sur l'île du Platais (78) et l'ancienne piscine municipale d'Esbly (77). « Nous avons une whish list d'une dizaine de lieux en région parisienne sur lesquels nous nous documentons et deux lieux sur lesquels nous sommes désormais présents et avons entamés des discussions avec les habitants, les municipalités, et les propriétaires, explique Nicolas Voisin. La Marne et la Seine nous passionnent : il y a 250 îles dont un tiers ne sont pas occupées. Sur la Marne, il y a un potentiel incroyable car ce n'est pas une autoroute à bateau. La Seine, c'est plus compliqué... ».

Les difficultés ne proviennent pas essentiellement du trafic mais surtout du nombre d’interlocuteurs. Du côté de Platais, qui se situe à l'intersection de trois communes (Médan, Villennes-sur-Seine, Triel-sur-Seine) et se divise en deux parties (le village Physiopolis et « La Plage », un ancien complexe aquatique abandonné depuis le début des années 2000 et appartenant à des propriétaires privés), les démarches sont moins évidentes qu'à Esbly, où l'on s'achemine courant mars vers la signature d'une convention d'occupation précaire. Un projet à destination du conseil municipal a d'ailleurs été élaboré afin de se projeter durant les trois prochaines années. Il met en avant la réalisation d'une mini ferme, d'un espace de coworking, d'un fablab, d'espaces d'accueils pour les enfants dans les « soucoupes » en béton et de jardins de permaculture. Il y a donc deux dynamiques différentes et le collectif se fait un devoir de tout documenter sur les projets en cours d'une manière totalement transparente via son site Internet.

"Ces lieux, nous les aimons tels qu’ils sont, le but n’est pas de les transformer totalement pour gentrifier un territoire." Nicolas Voisin

Des "oasis de vivre-ensemble"

Actuellement, et en attendant le feu vert de la mairie d'Esbly pour débuter des chantiers participatifs, une dizaine de membres, dont certains ont même abandonné leur travail, se retrouvent régulièrement à Physiopolis, l'ancien village dit naturiste initié sur l'île du Platais par les Frères Durvilles, où un sympathique voisin leur a mis à disposition pour l'hiver un chalet. Ils en profitent pour faire des études de sols, envisager la réhabilitation de bungalows, la mise en terre d’un potager avant de lancer très prochainement une campagne de Crowdfunding. L’autre grand chantier de l’année, c’est la rédaction d’un rapport destiné aux maires de France, afin de leur montrer l’intérêt de valoriser des territoires abandonnés en « oasis de vivre-ensemble ». « Ces lieux, nous les aimons tels qu’ils sont, le but n’est pas de les transformer totalement pour gentrifier un territoire », insiste Nicolas Voisin. Comment éviter la gentrification ? Tout simplement en travaillant avec d’autres associations comme Aurore et les Grands Voisins sur du logement précaire et des chantiers de réinsertion. Le chemin est encore long, mais chaque semaine, le collectif séduit de nouveaux membres ou sympathisants avec des talents et des savoir-faire qu’ils sont prêt à partager. Quand on pense open-source, collaboration et environnement, l’avenir prend tout de suite une tournure plus salvatrice.

2017-01-23
Architecture & Urbanisme
Préfigurer l'écoquartier Saint-Vincent-de-Paul ? Yes we camp !

Comment occuper l’intervalle, nécessairement long, qui sépare la définition d’un projet immobilier de sa livraison ? Pour préfigurer l’écoquartier qui doit s’ériger sur le site l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement de Paris et ne pas faire de ce vaste chantier urbain un temps mort, la Mairie de Paris a confié la gestion des locaux à trois associations, dont Yes We Camp…

En 2011, l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement de Paris fermait définitivement ses portes et promettait de se muer à l’horizon 2020 en un vaste écoquartier de 3,4 ha et 600 logements (dont 50% de logements sociaux) avec jardins, équipements publics et espaces partagés.Le balai des ambulances n’y a pas pour autant laissé place au vide : dès la fermeture du site, l’association Aurore s’est vue progressivement confier par l’APHP, propriétaire des lieux, la gestion temporaire de certains locaux, qu’elle destine à l’hébergement d’urgence. 300 personnes – femmes isolées, jeunes, migrants, etc. sont aujourd’hui accueillies dans quelques-uns des 60 000 m2 de bâtiments que compte l’ancien hôpital. Depuis septembre dernier, les occupants de ce « squat légal » y côtoient de nouveaux arrivants au profil socio-économique quelque peu différent. Ils ont d’abord vu s’installer une cinquantaine de structures entrepreneuriales, associatives, artisanales ou artistiques rassemblées à Saint-Vincent-de-Paul par Aurore avec le concours de Plateau-urbain, une structure de 10 personnes dont la mission affichée est de « résorber la vacance » et de « servir la création ». « Le lieu accueille des activités très variées, explique Pascale Dubois, chef de projet à Saint-Vincent-de-Paul pour l’association Aurore. On compte une chocolatière, des entreprises d’insertion (culture du cœur, carton plein...), une ressourcerie, un espace de co-working, des collectifs d’artistes, des thérapeutes, etc. L’idée est de partager les charges du site entre les différents occupants, et que chacun apporte quelque chose au projet d’ensemble. »

« Le lieu accueille des activités très variées. On compte une chocolatière, des entreprises d’insertion (culture du cœur, carton plein...), une ressourcerie, un espace de co-working, des collectifs d’artistes, des thérapeutes, etc. L’idée est de partager les charges du site entre les différents occupants, et que chacun apporte quelque chose au projet d’ensemble. » Pascale Dubois, chef de projet à Saint-Vincent-de-Paul pour l’association Aurore

Grâce à l’association Yes We camp, les occupants de Saint-Vincent-de-Paul peuvent aussi prendre un café ou un repas chaud dans l’ancienne lingerie reconvertie depuis le 23 octobre en bar-restaurant. Au menu, brunch et produits frais, sinon bio, aux tarifs somme toute abordables, le tout servi dans une déco à l’esprit minimaliste et récup, et agrémenté de concerts, DJ sets, conférences et débats en lien avec l’économie sociale et solidaire (pour le mois de l’ESS, en novembre) ou l’écologie (à l’occasion de la COP21).

"Générer des moments partagés"

La mixité qui règne à Saint-Vincent-de-Paul explique sans doute le nom élégamment peint en grand à l’entrée de l’ancien hôpital : les Grands voisins. Un nom aux allures programmatiques, et qui répond à la mission confiée par la mairie de Paris à Yes We camp : ouvrir le site aux riverains au gré d’événements festifs et artistiques, et si possible œuvrer à leur rencontre avec les personnes hébergées sur place. Cet objectif a donné lieu pour l’instant à l’élaboration d’une signalétique et à la réhabilitation dans l’ancienne lingerie. Quant à la programmation, elle est en cours d’élaboration, en lien étroit avec les structures professionnelles présentes sur le site. « L’objectif est de faire en sorte que le temps de latence du projet soit utile au quartier, résume Aurore Rapin, architecte et salariée de Yes we camp. Plutôt que de payer 800 000 euros de charges en gardiennage, autant financer des actions qui profitent à tous et servent de soupape dans Paris. »

"Plutôt que de payer 800 000 euros de charges en gardiennage, autant financer des actions qui profitent à tous et servent de soupape dans Paris." Aurore Rapin, architecte et salariée de Yes we camp

C’est aussi selon elle une manière de « préfigurer » le futur écoquartier, justement annoncé comme lieu de partage fondé sur la mixité sociale et fonctionnelle, en « travaillant sur des espaces-temps qui génèrent des moments partagés ». Prochain de ces « espaces-temps » : l’auberge de la COP, soit un campement de 150 places destiné à accueillir l’association 350.org du 5 au 13 décembre, avec en prime événements et animations divers.Initiée en 2013 à Marseille – alors capitale européenne de la culture – où l’association installait un camping festif et créatif à destination des touristes, la démarche de Yes We Camp s’inscrit dans un élan plus vaste de refonte de la fabrique urbaine dans un contexte de crise économique et d’injonction à la participation. Mené tambour battant par une poignée d’artistes et de jeunes collectifs (d’architectes, de paysagistes, etc.), ce mouvement européen sinon occidental plaide pour un urbanisme des usages, élaboré à hauteur d’homme, et séduit de plus en plus des municipalités qui y voient un adjuvant flexible et bon marché en matière de concertation, de préfiguration des projets urbains, ou tout simplement de sécurité. En France, il agrège des collectifs et artistes comme Bellastock, Stefan Shankland, ETC, Point de Rassemblement – et Yes we camp, donc. « On se connaît tous, mais nous avons chacun notre spécificité, explique Aurore Rapin. La nôtre, c’est le vivre ensemble. On arrive à toucher des publics très variés. »

Créer du lien avec les moyens du bord

Pour parvenir à ses fins, l’association peut miser sur la polyvalence et la réactivité de ses salariés et bénévoles. « Je peux très bien commencer la journée par du ménage, puis faire de la comptabilité ou du management, rapporte Aurore Rapin. Travailler ici est un apprentissage au quotidien. » Sans une telle souplesse, la lingerie n’aurait du reste sans doute pas pu voir le jour. En effet, les membres de Yes we camp ont appris au dernier moment qu’ils devraient compter sans la subvention de 150 000 euros initialement promise par la Mairie de Paris, et retirée in extremis pour parer au soupçon de détournement de marché public porté par l’opposition (Jean-Michel Guénod, architecte et président de Yes We Camp, est un compagnon de route du PS). « La rénovation de la laverie est finalement financée par la vente de bière, explique Aurore Rapin, et ce sont les bénévoles et salariés de l’association qui gèrent le service. Certains des habitants hébergés par Aurore ont aussi mis la main à la patte. »

"L’idée à terme est de multiplier ces liens et de mêler les habitants aux personnes du quartier et aux professionnels présents sur le site." Pascale Dubois

Malgré ces aléas, le premier bilan de l’occupation du site est plutôt positif : « on a déjà des habitués », s’enthousiasme Aurore Rapin. Même son de cloche au sein de l’association Aurore : « Pour le moment, sur le lieu, tout le monde se dit bonjour, comme dans un village, raconte Pascale Dubois. C’est un premier lien au quotidien. On a aussi fait quelques soirées, barbecues, repas partagés dans la lingerie, notamment après les attentats, où nous avons mangé tous ensemble. L’idée à terme est de multiplier ces liens et de mêler les habitants aux personnes du quartier et aux professionnels présents sur le site. Pour cela, on lance par exemple une conciergerie solidaire, et l’on crée pour les personnes en parcours d'insertion des emplois rémunérés à l’heure pour des extras divers et l’entretien des espaces verts, des bureaux, etc. On compte aussi sur la programmation artistique de Yes we camp pour nous fournir des occasions de rencontre. »Ce début de vie partagée à Saint-Vincent de Paul prouve l’efficacité du mode opératoire de Yes we camp, et des bienfaits de sa réactivité bidouilleuse et de ses capacités d’adaptation. « Nous n’avons pas peur de gérer le réel », confirme Aurore. Cette confrontation sereine avec les contraintes quotidiennes est sans doute l’une des forces de ce genre de collectifs, et l’une des raisons de leur succès…

2015-12-04
Ecologie
Enquête : les climato-sceptiques mènent-ils le jeu ?

A quelques jours du lancement de la COP21, la grande conférence mondiale pour le climat qui se tient à Paris du 30 novembre au 11 décembre, le question de la responsabilité de l'homme et de ses activités dans le dérèglement climatique ressurgit par la voix des climato-sceptiques. Souvent présents dans les médias, qui sont-ils réellement ? Midi:onze fait le point sur leurs méthodes, leurs motivations et leur véritable poids.

Des scientifiques… souvent non climatologues

Le 9 novembre dernier, le Collège de France organisait un colloque intitulé Climat, énergie et société. La communauté scientifique présente, ainsi que le Président de la République François Hollande, invité pour l'occasion, ont martelé un unique discours : le caractère anthropique du réchauffement climatique « ne fait plus débat aujourd’hui », selon les propres termes du chef de l’État. Pourtant les climato-sceptiques sont bel et bien présents dans le jeu médiatique. Ils sont Prix Nobel, auteurs d'articles majeurs, mathématiciens, géologues, physiciens, géochimistes et ont en commun de remettre en cause le consensus scientifique sur l'origine humaine du réchauffement climatique, pourtant validé par près de 90 % des scientifiques. Pour évaluer leur nombre, on peut regarder du côté de l'Oregon Petition : cette déclaration de 31.000 scientifiques – dont plus de 9000 doctorants – rejette la thèse officielle du GIEC et du changement climatique, et s’oppose aux accords de Kyoto. Reste que cette pétition est loin de faire l'unanimité chez les spécialistes, que et la non-traçabilité de ses signataires suscite des doutes. Dans L'avenir du climat : enquête sur les climato-sceptiques, paru en octobre dernier chez Gallimard, Stéphane Foucart, journaliste scientifique au Monde décortique la bataille qui se joue dans la communauté scientifique. « Il est très difficile de dire combien sont les climato-sceptiques, explique-t-il. Qu’ils représentent beaucoup de monde ou pas, leur discours distille un doute qui désamorce la société civile sur un engagement en faveur de la réduction des gaz à effet de serre ».

« Il est très difficile de dire combien sont les climato-sceptiques, explique-t-il. Qu’ils représentent beaucoup de monde ou pas, leur discours distille un doute qui désamorce la société civile sur un engagement en faveur de la réduction des gaz à effet de serre » Stéphane Foucart, journaliste au Monde

Le journaliste s'intéresse particulièrement à deux chercheurs français : Claude Allègre bien sûr, qui conteste dès 2006 l'origine humaine du réchauffement planétaire, mais aussi Vincent Courtillot, son acolyte et successeur à la direction de l'IPGP, L'institut de physique du globe de Paris, membre de l'académie des Sciences et géologue. En mai 2015, celui-ci réaffirmait que le soleil était le seul responsable du changement climatique. En France, on pourrait encore citer le Mr. Météo de France 2 Philippe Verdier, qui vient de publier Climat investigation, les dessous d'un scandale planétaire aux éditions Ring. Pour ce journaliste, « il n’existe aujourd’hui plus de lien entre le climat et le discours alarmiste sur ce sujet. Les Français sont maintenus dans la peur par un matraquage sans précédent. Cette prise d’otages constitue un enjeu diplomatique pour la Conférence de Paris. » L'ouvrage a bénéficié d'une large couverture médiatique, et les arguments avancés pour en démonter les thèses n'ont pas toujours réussi à dissiper le doute chez le grand public...

Semer le doute dans l'opinion publique

C'est bien là l'une des principales caractéristiques des climato-sceptiques : ils écrivent des textes dans des revues scientifiques réputées, ils publient des livres sur la question, alors même qu'ils ne sont pas climatologues... et alors même que leurs travaux sont quasi systématiquement réfutés par la communauté scientifique. Stéphane Foucart révèle ainsi la façon dont Allègre et Courtilllot multiplient les erreurs de calcul et d'attribution des données de référence, ne retenant que celles qui sont favorables à leur argumentation. Il démonte ainsi dans son ouvrage les mécanismes de propagation d'un doute préfabriqué qui ne relève pas du doute scientifique. Il pointe notamment du doigt les défaillances des mécanismes de la revue des pairs (dans les disciplines scientifiques, l'évaluation par les pairs désigne l'activité collective des chercheurs qui jugent de façon critique les travaux d'autres chercheurs) qui laissent filtrer des études climatiques des géologues de l'IPGP.

« Les climato-sceptiques tirent bien souvent leur légitimité des travaux généralement mauvais et souvent réfutés, mais ayant eu l'onction de la publication, pour porter un discours public sur le changement climatique » Stéphane Foucart

« Les climato-sceptiques tirent bien souvent leur légitimité des travaux généralement mauvais et souvent réfutés, mais ayant eu l'onction de la publication, pour porter un discours public sur le changement climatique », écrit Stéphane Foucart. Le web, la blogosphère et les autres médias prennent ensuite le relais pour diffuser les thèses climato-sceptiques et créer dans l'opinion la confusion entre science et écologie politique.

Le poids des lobbies

La négation scientifique liée à la question du climat s'inscrit dans une longue tradition née aux États-Unis dans les années 1980 et les climato-sceptiques d'aujourd'hui sont aussi bien souvent ceux qui niaient la nocivité du tabac, de l'amiante ou des CFC sur la couche d'ozone... « Aux États-Unis, il y a un arsenal législatif qui permet de la transparence dans les comptes des think thanks », explique Stephane Foucart. Le sociologue américain Robert Brulle (Drexel University à Philadelphie) propose l'estimation suivante : 900 millions de dollars/an auraient été investis au cours des dix dernières années dans une galaxie d'organisations, think tanks et associations professionnelles, qui sont les fers de lance de l’argumentaire climato-sceptique.

900 millions de dollars/an auraient été investis au cours des dix dernières années dans une galaxie d'organisations, think tanks et associations professionnelles, qui sont les fers de lance de l’argumentaire climato-sceptique.

En effet, les industries extractrices se sont souvent appuyées sur les géologues pour connaître les zones à forer. Or, ces mêmes entreprises sont les principales émettrices de gaz à effet de serre : selon une étude publiée dans la revue scientifique Climatic Change, 2/3 des émissions mondiales de gaz à effet de serre accumulées depuis le début de la révolution industrielle sont causées par 90 firmes (industries pétrolières, acteurs du charbon, du gaz de schiste et sables bitumineux, industrie forestière et de l'huile de palme, banques). Dans Les saboteurs du climat, Nicolas de la Casinière, journaliste à Libération et à Reporterre met en exergue le poids des multinationales et grands groupes industriels dans les émissions de CO2. « Les « expertises » produites servent à gagner du temps, à retarder les réglementations contraignantes, repousser au plus tard possible l’arrêt des activités des industries polluantes », écrit l'auteur. Selon une étude universitaire anglaise citée dans cet ouvrage, 77 % des 500 plus importantes entreprises mondiales utilisent de telles associations professionnelles pour faire pression sur les politiques liées au climat.

Ego, concurrence entre disciplines scientifiques et politique

En France, la situation semble différente pour des raisons législatives et culturelles. Selon Stéphane Foucart, « il n'y a aucun élément, aucune preuve pour dire que des grosses entreprises ont financé ce type de discours à dessein. Il s’agit davantage d'une proximité historique et culturelle liant les géologues aux industries extractrices. Le climato-scepticisme français relève plus de la sociologie des sciences que de la corruption. A la fin des années 1970 et dans les années 1980, la montée en puissance des sciences de l’atmosphère s’est faite au détriment des géologues liés aux sciences de la terre avec des financements désormais alloués à ce domaine, créant un contentieux et une forme de rivalité entre les chercheurs. Il faut aussi prendre en considération, notamment pour Claude Allègre et Vincent Courtillot, habitués des médias, une sorte de volonté de revenir sur le devant de la scène médiatique ». La couleur politique joue également un rôle central dans l’appréciation de la question climatique. C’est particulièrement vrai aux Etats-Unis : d’après une enquête du Pew Research Center réalisée en 2014, 80 % des sondés se disant démocrates admettaient le rôle de l’activité humaine dans le changement climatique actuel contre 10 % de ceux qui se revendiquaient du parti républicain.

"D’après une enquête du Pew Research Center réalisée en 2014, 80 % des sondés se disant démocrates admettaient le rôle de l’activité humaine dans le changement climatique actuel contre 10 % de ceux qui se revendiquaient du parti républicain."

Les enjeux économiques et sociaux de réduction des émissions sont tels que la récupération politique est inévitable. On comprend aisément qu'un discours qui incite à consommer moins d’énergies non renouvelables et un discours « techno-solutionniste » n'aient évidemment pas la même incidence sur l'économie globale et sur notre modèle de société. Si l'homme n'est pas responsable des émissions, les industries extractrices n'ont alors aucune obligation de réduire leurs activités émettrices de CO2. « Le vrai débat ne porte pas sur la réalité du phénomène ou de ses causes mais bien de savoir de ce qu'on fait de ce constat, estime Stéphane Foucart. C'est une question politique : celle de savoir comment s’adapter au changement climatique sur les plans économique, social et culturel. Car pour influencer le cours des choses, il faudra des innovations certes économiques mais aussi sociales et culturelles. »

Le climato-scepticisme a t-il un avenir ?

Alors que tous les regards se tournent aujourd’hui vers Paris pour savoir si la COP21 parviendra, via un accord contraignant, à limiter à 2 degrés le réchauffement climatique d'ici 2100 par rapport à l'ère préindustrielle, on peut s’interroger sur la capacité de nuisance des climato-sceptiques. Pour le journaliste du Monde « ils n'influencent pas les négociations. En effet, depuis, la Conférence Cadre des Nations Unis de 1992, il n’y a plus de question sur la pertinence de la réalité du phénomène et de ses conséquences. Aucun élément de discours climato-sceptique ne pèsera ; ce qui se joue se situe sur le plan politique et sur celui de l'opinion publique. » Selon une étude de l’Ademe, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, les Français sont 72% à penser que le phénomène du réchauffement est dû aux activités humaines. Un chiffre rassurant, et qui révèle que malgré l'influence non négligeable des climato-sceptiques dans l'opinion publique, les Français semblent de plus en plus en alerte sur le sujet.

Selon une étude de l’Ademe, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, les Français sont 72% à penser que le phénomène du réchauffement est dû aux activités humaines.

Avec la multiplication des articles contredisant les idées reçues sur le dérèglement climatique, la capacité des climato-sceptiques à semer le doute pourra t-elle perdurer ? Pas selon Stéphane Foucart : « les gens ne vont plus acheter ce discours dès lors qu'ils vont constater que les choses changent, prédit-il. Dès que les effets vont commencer à se faire sentir dans les grands centres urbains, les climato-sceptiques vont cesser leur discours sur la non-responsabilité de l'homme – et ces propos commencent déjà à être moribonds. Mais leur discours est à géométrie variable et la prochaine étape sera de trouver des solutions technologiques pour résorber les émissions de CO2, car leur but est de bien de faire en sorte que les industriels continent d'extraire les hydrocarbures et de les vendre ». Préparez vous donc à entendre parler de solutions plus ou moins ubuesques pour contenir le CO2. Nicolas de la Casinière nous cite quelques-unes des trouvailles de la géo-ingénierie : séquestrer le carbone directement à la source, pulvériser des tonnes de poussière de fer dans les océans, asperger la stratosphère de soufre ou envoyer des miroirs en orbite... Autant de propositions émises par de grands groupes industriels.

2015-11-27
Mobilité
Les food bikes, une alternative écolo aux food trucks

Depuis quelques années, des restaurateurs à vélo se sont installés dans les rues des centres-villes, modifiant le paysage urbain et la façon de consommer cafés, cookies, salades ou sandwichs veggie. Dans la veine des food trucks mais en plus écolos, les food bikes séduisent les amateurs de street food.

Depuis octobre 2012, Julie régale les passants toulousains de ses cookies faits maison en arpentant la ville avec son triporteur rose, le «  Cookie's bike ». Cette trentenaire, pâtissière de métier, a eu l'idée et l'envie de détourner et de relooker le triporteur avec lequel elle emmenait ses enfants à l'école pour en faire une boutique sur roues. « L’un des principaux avantages du food bike c'est la liberté ! explique-t-elle. Et financièrement c’est très intéressant car il n'y pas de locaux à payer donc moins de charges ! J'ai investi environ 2 000 euros pour ce triporteur et ça a marché tout de suite. Enfin, ça offre une vraie proximité avec les clients ».

"L’un des principaux avantages du food bike c'est la liberté !" Julie, fondatrice du Cookie's bike

Installé à deux pas d'elle, Guillaume 25 ans s'est lancé avec un ami dans un food bike « barista » qui propose cafés et cappuccinos. Leur investissement a été un peu plus conséquent : entre 10 000 et 15 000 euros pour l’équipement. La mairie de Toulouse tolère ces initiatives même si les food bikers confessent : « parfois la police municipale nous embête un peu, puis elle nous laisse tranquilles. En principe, on ne doit pas rester si on ne vend pas, on doit tourner en permanence et ne s’arrêter que quand quelqu'un nous interpelle ! » Comme pour les food trucks, la difficulté est en effet pour beaucoup de ces restos mobiles de trouver un emplacement, certaines municipalités rechignant à délivrer des autorisations de stationnement.

Un minimum d'émissions...

Pourtant, à l’heure où la réduction de la pollution et de la circulation dans les centres-villes est un enjeu urbain de premier plan, le triporteur semble séduire et retrouve sa place dans les rues après une éclipse de plusieurs décennies. Pour ses zélateurs, la dimension mobile du triporteur est fondamentale. «  Notre idée était réellement de promouvoir la vente ambulante, estime Guillaume. La dimension itinérante nous plaît beaucoup et c’est tellement plus simple de se déplacer en ville en vélo ! » Un point de vue partagé par les Biscuits Voyageurs, une biscuiterie artisanale ambulante à Bayonne qui se positionne sur les circuits courts, les produits locaux et la mobilité douce. « Le choix du triporteur n’est pas anodin, peut-on lire sur leur page web. En plus d’être non polluant et non nuisible, le but est de redonner vie à l’utilisation du vélo qui était courante il y a de ça quelques décennies pour tous types d’activités. De plus, la conservation du commerce de proximité, proche des gens, est la garantie de la survie des centres-villes. »

pour une qualité maximale

Autre caractéristique de ces cycloporteurs : proposer des produits de qualité et faits maison. « On veut aussi faire passer le message que la street food n'était pas forcément de la junk food, ajoute Julie. Pour mes cookies, je veille à la qualité de tous les ingrédients que j'achète, et je prépare tout à la maison ». Même positionnement pour les Parisiens de «  A bicyclette » qui délivrent des salades, quiches et soupes aux pieds des immeubles d'entreprises à Boulogne-Billancourt. « On s’est lancés après avoir fait le constat du vrai manque de bons produits pour la pause déjeuner du midi », raconte Pauline.

« On veut aussi faire passer le message que la street food n'était pas forcément de la junk food." Julie

Pour leur projet, ils ont ainsi choisi de s'approvisionner auprès des fournisseurs de palaces étoilés parisiens comme la Maison Colom pour les fruits et légumes de saison. Et la recette semble fonctionner car les deux associés projettent l'achat de nouveaux triporteurs très prochainement.Ces vélos atypiques séduisent au-delà des seuls passionnés de street food et sont également utilisés pour le déplacement de personnes à mobilité réduite, la mobilité touristique ou encore les livraisons de marchandises. Des collectifs commencent à s’organiser au niveau national et européen pour fédérer ces nouveaux entrepreneurs à vélo. Et certains voient déjà les vélos triporteurs à assistance électrique comme le véhicule du futur.

2015-10-20
Immobilier
La gentrification, une "lutte des places"

Avec l'envolée des prix de l'immobilier dans les métropoles européennes, les classes sociales les plus favorisées ont tendance à se loger dans les quartiers populaires des centres-villes, dont elles évincent à terme les habitants originels. Et si le processus, connu sous le terme de gentrification, était emblématique des nouveaux rapports de classe dans l'espace urbain contemporain ?

L’installation d’un caviste ou d’une boutique bio au milieu des commerces exotiques, l’ouverture d’une galerie branchée dans une zone que la clientèle aurait pourtant le réflexe d’éviter, l'aménagement d'une zone 30 : c’est à ce genre de signes qu’on peut mesurer la transformation sociale d’un quartier. Les Parisiens repèrent ces signes d’autant mieux qu’ils ont accompagné la « boboïsation » de Belleville, Ménilmontant ou Montreuil depuis la fin des années 1990, et qu’ils commencent aujourd’hui à se faire jour, quoique très discrètement, à Pantin ou Saint-Denis. C’est toujours peu ou prou la même histoire : d’abord relativement épargnés par l’envolée du prix du mètre carré, les quartiers populaires attirent une population de plus en plus aisée en quête d’opportunités, et qui vient disputer aux habitants originels la réserve foncière disponible. Pour décrire un phénomène qui touche Paris comme New York, Berlin ou Bordeaux, on ne parle pas d’embourgeoisement mais de « gentrification ».

"le déclin des emplois d’ouvriers (en partie compensés par les emplois de service peu qualifiés) et la forte augmentation des emplois cadres sont des facteurs de gentrification, explique Anne Clerval, géographe et auteur de Paris sans le peuple aux éditions La Découverte. Ils sont eux-mêmes liés aux choix politiques macro-économiques qui ont accompagné la mondialisation néolibérale et l’internationalisation croissante de la production." Anne Clerval, autrice de Paris sans le peuple (éditions La découverte)

L’anglicisme a l’avantage de souligner ce que le processus doit aux mutations récentes de l’économie et la recomposition sociale qu’elles entraînent : « le déclin des emplois d’ouvriers (en partie compensés par les emplois de service peu qualifiés) et la forte augmentation des emplois cadres sont des facteurs de gentrification, explique Anne Clerval, géographe et auteur de Paris sans le peuple aux éditions La Découverte. Ils sont eux-mêmes liés aux choix politiques macro-économiques qui ont accompagné la mondialisation néolibérale et l’internationalisation croissante de la production. » Autrement dit, la mondialisation et la concentration dans quelques grandes villes des activités les plus qualifiées (ie : la métropolisation) accouchent d’une nouvelle géographie sociale marquée par une mise à l’écart (spatiale, économique et culturelle) des classes populaires. Alors que celles-ci sont assignées aux grands ensembles et, de plus en plus, à l’espace périurbain et rural, les villes centres tendent à devenir l’apanage quasi exclusif des populations les mieux intégrées à l’économie-monde : cadres, professions intellectuelles supérieures, etc.

Un processus complexe

Selon Anne Clerval, la gentrification serait d’abord le fait de la petite bourgeoisie intellectuelle issue de la massification scolaire et caractérisée par un fort capital culturel. Pour la chercheuse, cette frange occupe une position « intermédiaire dans les rapports de classe entre la bourgeoisie, qui détient encore les moyens de production, et les classes populaires, qui n’ont que leur force de travail. Elle joue un rôle d’encadrement, en facilitant directement l’exploitation des employés et des ouvriers par les détenteurs du capital », à moins qu’elle n’ait « un rôle indirect d’inculcation idéologique, à travers tous les métiers de l’enseignement, de la culture, des médias, et toutes les fonctions qui sont prescriptrices de normes, qui assurent le maintien de l’ordre social. » Relativement homogène en termes de valeurs et dominante sur le plan culturel, elle est en revanche hétérogène sur le plan du revenu. A Paris, avec la hausse des prix de l’immobilier dans les années 1990, sa frange la plus fragile économiquement a donc été contrainte de s’installer dans les zones qu’elle avait jusqu’alors soigneusement évitées : les quartiers populaires de l’Est, qu’il s’agisse du canal Saint-Martin, de Belleville et dans une moindre mesure de Château Rouge, ou, plus loin, de Montreuil ou Bagnolet. C’est en effet  dans ces quartiers que le différentiel de rente foncière (rental gap), c’est-à-dire l’écart entre la rente liée aux usages actuels du sol et celle qui pourrait être capitalisée si ces usages changeaient, est la plus grande. Bien qu’insalubres et mal famés, ils sont proches du centre, bien pourvus en offre de transports, et se caractérisent par un bâti ancien de type faubourien ou industriel facile à valoriser, pour peu qu’on le réhabilite. C’est la raison pour laquelle la gentrification de l’Est parisien s’est accompagnée d’un vaste mouvement de rénovation du parc immobilier privé.

Selon Anne Clerval, la gentrification serait d’abord le fait de la petite bourgeoisie intellectuelle issue de la massification scolaire et caractérisée par un fort capital culturel.

En France, ce mouvement a été largement secondé par les politiques de la ville. Dans l’Est parisien, il a coïncidé dans les années 1990 avec la mise en œuvre d’incitations à la rénovation. Les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) subventionnent alors en partie les travaux d’amélioration du logement conduits par les propriétaires privés et copropriétés, cependant que la réforme du prêt à l’accession et la baisse des taux d’intérêt stimulent la course à l’achat. A la même époque, la déréglementation des loyers dans le cadre de la loi Malandrin-Mermaz (1989) accélère la gentrification en favorisant nettement l’intérêt des propriétaires et donc l’investissement locatif et la spéculation. Conséquence : entre 1998 et 2012, le prix des appartements anciens a été multiplié par 3,7 à Paris…

Vivre ensemble et distinction sociale

On le voit : la gentrification est essentiellement une dynamique foncière et patrimoniale. Cumulative, elle est d’abord le fait des franges les plus précaires de la petite bourgeoisie culturelle (artistes, intermittents, pigistes, etc), puis touche des catégories sociales de plus en plus favorisées : cadres, journalistes dans l’audiovisuel, ingénieurs, etc.  A mesure que celles-ci conquièrent un quartier, l’offre culturelle se développe, le cadre de vie s’améliore et de nouveaux commerces font leur apparition. L’envolée des prix ne recouvre pourtant pas entièrement un phénomène qui s’accompagne partout où il a lieu de discours enthousiastes sur les vertus de la mixité sociale – mixité que les gentrifieurs confondent généralement avec la diversité ethnique et culturelle. La valorisation du « vivre-ensemble » et de « l’ouverture à l’autre » vient ainsi justifier après coup un choix résidentiel largement contraint par le marché. On peut alors voir dans la tolérance des gentrifieurs une stratégie de distinction sociale vis-à-vis de la bourgeoisie traditionnelle vivant dans « l’entre soi » des « ghettos du ghota », mais aussi vis-à-vis des « beaufs » qui peuplent les banlieues pavillonnaires et votent FN. Une telle lecture est d’autant plus tentante que les discours des gentrifieurs sur la mixité sociale cadrent mal avec leurs pratiques quotidiennes. Ils coïncident par exemple avec un évitement scolaire quasi systématique, qui contraint les enfants des classes les plus aisées à des trajets quotidiens parfois très longs dans le seul but d’éviter le collège ou le lycée de secteur. En somme, comme l’écrit le géographe Christophe Guilluy dans Fractures françaises, « l’image sympathique du « bobo-explorateur » arrivant en terre « prolo-immigrée » dissimule la réalité d’une violente conquête patrimoniale. L’euphémisation de ce processus est emblématique d’une époque « libérale libertaire » où le prédateur prend le plus souvent le visage de la tolérance et de l’empathie. » Ce « visage » avenant des gentrifieurs pourrait d’ailleurs expliquer, au moins en partie, pourquoi leur mainmise sur la ville soulève à Paris si peu de résistances dans les rangs des militants et parmi les classes populaires…

La production de logements sociaux, une réponse insuffisante

Face à un phénomène qui touche toutes les métropoles françaises, la seule réponse politique consiste à relancer la production de logements sociaux. Votée en 2000, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (dite loi SRU) contraint ainsi les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Ile-de-France) à porter à 20% la part de leur parc social. A Paris, selon les estimations de l’Apur, on serait ainsi passé de 13,4% en 2001 à 17,6% en 2012. Pourtant, même quand les municipalités jouent le jeu (et nombre d’entre elles s'y refusent) une telle mesure a des effets limités sur la gentrification, et ce pour deux raisons. D’abord, la production de logements sociaux coïncide avec la raréfaction des logements privés dégradés, voire insalubres, qui étaient jusqu’alors occupés par les classes populaires : « La construction de logements sociaux n’est pas suffisante, affirme Anne Clerval, en particulier à Paris parce qu’elle passe par la destruction (ou le remplacement) d’un plus grand nombre de logements (certes de piètre qualité) qui étaient accessibles aux classes populaires. »

"La construction de logements sociaux n’est pas suffisante, en particulier à Paris parce qu’elle passe par la destruction (ou le remplacement) d’un plus grand nombre de logements (certes de piètre qualité) qui étaient accessibles aux classes populaires." Anne Clerval

Autrement dit, la production de logements sociaux ne compense pas la captation et la rénovation par les gentrifieurs du parc social « de fait ». Entre 1982 et 1999, la part des logements dits « sans confort » est ainsi tombée de 29,4% à 3,6%.Ensuite, les logements sociaux créés dans le cadre de la loi SRU ne s’adressent plus seulement aux classes populaires. A Paris, pour favoriser la mixité sociale dans certains quartiers pauvres, une grande partie du parc y a été attribuée, via des dispositifs comme le prêt locatif à usage social (PLUS), à des ménages dont les revenus excédaient pourtant les plafonds d’attribution. A l’inverse, les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI, qui recouvrent le logement très social) ne constituent que 25% des logements agréés entre 2001 et 2011.Enfin, les appels à la mixité sociale à l’échelle du quartier se traduisent par un rééquilibrage géographique du logement social dont les effets sont délétères : à Paris, sous prétexte de favoriser la production de logements sociaux dans les arrondissements déficitaires, tout en la maîtrisant dans les zones déjà bien pourvues, on a limité la part des classes populaires à l’échelle de la ville…Dès lors, il se pourrait qu’une lutte efficace contre la gentrification passe d’abord par la reconnaissance de son caractère social : « les bons sentiments comme l’ouverture à l’autre n’ont pas grand-chose à voir avec une politique de redistribution des richesses, rappelle Anne Clerval. Autrement dit, c’est l’idéologie même de la mixité sociale qu’il faut remettre en cause à l’heure où on ne parle plus du tout de remettre en cause les inégalités sociales. »

A lire sur le sujet :

Anne Clerval, Paris sans le peuple : la gentrification de la capitale, Paris, la découverte, 2013. Lire un extrait ici et un article sur le sujet.Christophe Guilluy, Fractures françaises, Champs essais, Paris, Flammarion, 2013

2013-10-10
Architecture & Urbanisme
Bimby, la densité urbaine s’organise dans les tissus existants

Sélectionnée en 2009 par l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre de son appel à projets «Villes Durables», la démarche Bimby (Build In My Back Yard) propose une voie alternative et « douce » pour densifier les villes via les quartiers pavillonnaires.

Dépendance à la voiture, étalement urbain, éloignement des zones d’emploi, de commerce et de transport : le mode de vie pavillonnaire est très gourmand en émissions de gaz à effet de serre. C'est la raison pour laquelle les réflexions sur la ville durable prônent de plus en plus un urbanisme qui privilégie la densification de l’habitat. Cette solution permet de répondre à deux problèmes : l’obligation de réduction de CO2 et le besoin de nouveaux logements dans les premières couronnes des agglomérations. Contrairement aux opérations actuelles qui s’installent dans les anciennes friches industrielles, la démarche Bimby s’intéresse aux espaces périurbains où se concentrent les problèmes.« Le manque de terrain à bâtir est une réalité de beaucoup de villes en France. Vendre une partie de son terrain pour faire construire est une solution à la fois économique et écologique », expliquent Benoit Le Foll et David Miet, les deux architectes urbanistes à l’origine de la démarche Bimby en déplacement au CMAV de Toulouse pour présenter leur projet. Les mots de « lutte contre l’étalement urbain », « crise du foncier » sont rapidement évoqués. L’idée principale est simple : dans un contexte où la pression foncière est particulièrement forte dans les quartiers pavillonnaires, la démarche Bimby s’affiche comme un nouveau levier pour renouveler la ville. En effet, elle offre la possibilité à un habitant de céder une partie de son terrain pour créer de nouveaux logements.

1% des propriétaires visés

Si l’on considère qu'il y a 19 millions de maisons individuelles en France, il suffit qu’un propriétaire sur 100 accepte de vendre une partie de son terrain pour libérer 190.000 terrains à bâtir. Aujourd’hui, c’est une vingtaine de communes, un peu partout en France (Bretagne, Vendée, Aquitaine, Auvergne…) qui ont engagé une démarche pilote d’expérimentation.« On avait le pressentiment que l’on avait la place suffisante pour construire dans l’enveloppe urbaine et j’étais très agacé par la manière dont les agences immobilières découpaient les terrains selon des intérêts individuels, bien que dans le cadre légal du POS (Plan d’occupation des sols). Aussi, le diagnostic du PLU a confirmé le manque de petits logements, petites maisons et petits immeubles collectifs. Bimby s’est alors présentée comme une méthode appropriée pour nos problématiques », explique Jacques Cabot, le maire de Bouray-sur-Jouine. Cette commune (2000 habitants) située dans l’Essonne, à une quarantaine de kilomètres de Paris, connait une très forte pression immobilière et doit faire face à une importante demande de logements.Principale motivation mise en avant par les habitants : l’intérêt financier. « A 150.000 euros la valeur du terrain, de nombreuses personnes voient soudain l’intérêt d’en céder une partie. De plus cela permet de dégager de la trésorerie pour assurer de nouveaux besoins : une maison de plain-pied pour une personne âgée, un logement pour un enfant, le coût de l’entretien du jardin ou tout simplement pour financer des projets personnels », soulignent les porte-parole de Bimby. « Il est important que la commune propose des formes d’habitat qui permettent à nos jeunes et à nos anciens de rester vivre dans notre commune », estime le maire de Bouray-sur-Jouine.

"A 150.000 euros la valeur du terrain, de nombreuses personnes voient soudain l’intérêt d’en céder une partie. De plus cela permet de dégager de la trésorerie pour assurer de nouveaux besoins : une maison de plain-pied pour une personne âgée, un logement pour un enfant, le coût de l’entretien du jardin ou tout simplement pour financer des projets personnels." Benoit Le Foll et David Miet, architectes et urbanistes à l'origine de la démarche Bimby

Autres avantages pointés du doigt : la maîtrise de l’étalement urbain. Le fait de limiter la construction de logements implantés de plus en plus loin des zones d’emplois et de transport  influe sur les émissions de gaz à effet de serre et le « grignotage » des terres agricoles. Alors que l’étalement urbain semble inévitable pour construire de nouvelles maisons individuelles, forme d’habitat la plus prisée par les français, Bimby se positionne comme une alternative concrète. « Créer de nouveaux logements dans les tissus existants permet d’offrir la maison individuelle que les habitants sont venus chercher en arrivant dans les zones pavillonnaires. Et pour une municipalité, Bimby permet également de ne pas avoir à construire de nouvelles voiries et de réseaux. Il y a un intérêt convergent entre l’individuel et le collectif dans un contexte de pression foncière » souligne David Miet, qui a depuis crée une société de conseil en urbanisme auprès des collectivités.

Un avantage de la démarche BIMBY : la maîtrise de l’étalement urbain

Le PLU au cœur du dispositif

Principale difficulté pour cette démarche : les règles d’urbanisme. « Concrètement un habitant qui souhaite vendre une parcelle de son terrain a 4 chance sur 5 d’en être empêché par la réglementation », précise David Miet. Certaines règles du PLU (Plan Local d’Urbanisme) bloquent en effet la mise en place de ce type de projets immobiliers. Par exemple, Bouray-sur-Jouine va modifier son PLU (Plan Local d’Urbanisme) en juillet prochain afin de permettre la construction de nouveaux logements « façon Bimby » avec des premières applications prévues pour début 2014.

"Concrètement un habitant qui souhaite vendre une parcelle de son terrain a 4 chance sur 5 d’en être empêché par la réglementation". David Miet

Tremblay-sur-Mauldre, commune de 1000 habitants située dans les Yvelines, expérimente également la démarche. Le PLU devrait évoluer pour autoriser la construction de 70 logements en 10 ans. Elle a adopté un PADD (Projet d'aménagement et de développement durable) fin 2012 dont l’axe numéro 1 est de promouvoir la démarche de renouvellement initié par Bimby. Pas de clivage politique semble se dessiner parmi les premières municipalités qui ont décidé de tenter l’expérience. « On relève davantage une distinction entre pouvoir centralisé et pouvoir localisé. Cela se joue sur l’initiative laissée par le maire aux habitants », estime l’urbaniste, ajoutant : « Nous avons deux outils pour faire évoluer la situation. Le premier est le PLU qui peut être modifié de façon à autoriser la construction selon certaines règles dans les tissus existants. Le second est un outil de participation des habitants qui permet au propriétaire d’être reçu une heure gratuitement par un architecte pour conseiller et orienter les habitants ».

Urbanisme participatif

L’objectif affiché par Bimby est de faire converger intérêt privé et intérêt collectif pour construire un projet urbain. Un positionnement qui inverse le mode de représentation traditionnel de la fabrique de la ville. « Les élus partent habituellement du global au local, avec Bimby, c’est l’inverse, s’amuse Benoit Le Foll. Cela permet de changer la relation démocratique lors de la concertation. Faire une ville plus démocratique, c’est faire une ville plus durable ». Un des changements opérés par cette démarche repose en effet sur le transfert de compétences qui attribue la maitrise d’ouvrage à l’habitant.  « La simplification de la démarche constructive permise par Bimby est également plus économique, cela retire de fait la commercialisation, les normes supplémentaires, le coût du bureau d’études et la marge du promoteur. C’est la logique de filière courte dans le logement », continue David Miet.

"La simplification de la démarche constructive permise par Bimby est également plus économique, cela retire de fait la commercialisation, les normes supplémentaires, le coût du bureau d’études et la marge du promoteur. C’est la logique de filière courte dans le logement." David Miet

Une position qui ne suscite pas que des approbations. Certains professionnels du secteur, architectes et urbanistes en tête, s’inquiètent de la dérive possible de cette appropriation de la ville par les habitants eux-mêmes. Leur crainte : la possibilité laissée à de petits propriétaires de fabriquer le territoire.  « Il est clair qu’il faut s’assurer de certaines exigences, de se positionner sur les façades et les ouvertures pour que l’espace public soit respecté. Il faut faire du sur mesure, la modification du PLU doit dépendre de la morphologie des villes et du marché immobilier local pour ne pas donner les clés de la ville à de petits spéculateurs immobiliers », souligne David Miet. Il ajoute «  Bimby donne un peu plus de pouvoir à l’habitant en en retirant à l’urbaniste. Cela explique sans doute que la principale résistance provient des professionnels du secteur qui voient d’un mauvais œil la perte d’une partie de leurs prérogatives. »  Les deux initiateurs de la réflexion Bimby estiment qu’il faudra bien une dizaine d’années pour que la démarche se soit implantée de façon significative sur le territoire.

2013-06-19
Architecture & Urbanisme
La filière bois poursuit son essor dans la construction

Depuis le début des années 2000, l’utilisation du bois dans le bâtiment connaît un regain d’intérêt grâce à l’évolution de la législation et diverses avancées techniques. Comment la filière se développe-t-elle ? Midi :onze fait le point.

Autrefois réservées aux zones forestières ou montagnardes (en région Rhône-Alpes par exemple), les constructions en bois connaissent un véritable boom sur tout le territoire français, au point qu’aujourd’hui plus d’une maison sur 10 construite en France est en bois. Ce renouveau semble faire écho à un besoin d’authenticité et une approche plus naturelle de l’habitat : « Il y a des modifications culturelles avec une prise en compte de plus en plus importante de la qualité et provenance des matériaux, observe Delphine Anton, responsable ressources du Comité National pour le Développement du Bois. Les gens aiment leurs forêts, aiment toucher du bois, c’est un matériau très affectif ».

A performance égale, le bois nécessite 2 fois moins d’énergie que le béton et 4 fois moins que l’acier pour sa production et sa transformation.

Cette tendance témoigne aussi d’une sensibilité accrue au développement durable : à performance égale, le bois nécessite 2 fois moins d’énergie que le béton et 4 fois moins que l’acier pour sa production et sa transformation. Si les maisons en bois ont longtemps représenté autours de 4% des constructions, leur part a atteint 6% en 2006 pour atteindre aujourd’hui plus de 11% ! Cette explosion sur les 10 dernières années, alors que l’Hexagone est la troisième superficie forestière d'Europe a bien évidemment amené les industriels à s’intéresser de près à ce matériau qui se révèle aussi attrayant sur le plan écologique qu’économique.

Une filière bois à prendre en compte

«  On trouve maintenant énormément d’entreprises et d’usines françaises qui fabriquent sur mesure les modules préfabriqués, explique l’architecte landais Jonathan Cazaentre. Une diversification de l’offre doublée d’une volonté de séduire les clients, explique Tina Wik, architecte et professeur suédois spécialisée dans le bois : « les différentes périodes de crise immobilière, comme celle de 99, ont changé l’attitude des constructeurs. Ils ont dû apprendre à attirer les clients en s’adaptant à leurs requêtes ».

"Il y a une offre de plus en plus développée qui s’adapte à des budgets différents, s’enthousiaste Delphine Anton, on observe maintenant des projets de toutes les tailles, ce n’est plus un marché de niche." Delphine Anton, responsable ressources du Comité National pour le Développement du Bois

Avec 2 466 entreprises présentes sur le marché de la construction bois en France, employant 31 940 salariés, ce secteur a réalisé en 2011 un chiffre d’affaires total de 3,9 milliards d’euros. « Il y a une offre de plus en plus développée qui s’adapte à des budgets différents, s’enthousiaste Delphine Anton, on observe maintenant des projets de toutes les tailles, ce n’est plus un marché de niche. C’est moins exclusif que ça ne l’était il y a une vingtaine d’années ». L’architecture en bois est devenue un réel enjeu pour les investisseurs en matière d’immobilier.

Le soutien gouvernemental à la filière bois

Cette démocratisation du bois, autant dans les mentalités que dans les entreprises, a également été portée par les gouvernements européens. À commencer par la nouvelle loi Duflot, qui instaure les conditions de performance énergétique d’un bien locatif neuf et risque bien de porter plus encore les bâtiments en bois, réputés pour leur qualité d’isolation thermique. « Les contraintes règlementaires ont évolué, explique Delphine Anton, on commence à voir des logements collectifs en bois et les premiers immeubles français vont bientôt sortir de terre ». Les évolutions techniques permettent l’apparition de bâtiments utilisant des matériaux nouveaux. Comme les panneaux en bois massifs qui n’existent que depuis une dizaine d’années et permettent un type d’architecture très contemporaine, sortant un peu de l’imagerie des chalets.

"Les contraintes règlementaires ont évolué, explique Delphine Anton, on commence à voir des logements collectifs en bois et les premiers immeubles français vont bientôt sortir de terre." Delphine Anton

L’arrivée des buildings en bois

Fini le temps où la législation anti-incendie interdisait de construire des bâtiments en bois de plus de deux étages. Les nouvelles règlementations, mises à jour régulièrement au fur et à mesure des avancées techniques, ont levé certains freins qui ont permis de lancer de nouveaux projets en hauteur. Comme ce bâtiment de 8 étages, pionnier du genre, créé en Allemagne en 2009 à base de panneaux en bois massifs. Côté français la finalisation de 30 logements sociaux en bois construits par l’agence KOZ en plein 18ème arrondissement de Paris au mois de janvier, ou encore l’extension en bois du Centre Pompidou à Metz en 2010, sont la preuve que le bois a désormais sa place dans les projets d’envergure. Matériau léger par excellence, le bois est également la meilleure solution envisageable pour les surélévations sur des bâtiments pas forcément aptes à accueillir un surplus d’étages en béton.Et l’isolation acoustique ? Longtemps restée le parent pauvre de la construction bois, elle a connu récemment des progrès notables grâce au couplage avec d’autres matériaux. « On observe l’apparition des premiers bâtiments en mixité bois et béton, affirme Delphine Anton. Le béton étant un excellent isolant acoustique et le bois un excellent thermique, l’association de ces deux matériaux permet de créer des bâtiments avec un très bon confort en optimisant la qualité des uns et des autres».

Dans ces conditions, il n’y aurait pas lieu de craindre que la progression de cette filière émergente soit freinée par le lobby du béton : les architectes s’accordent à dire que ces deux matériaux ne sont pas utilisés de la même manière et sont donc rarement en concurrence sur les mêmes projets. «  Même s’il y a des lobby très importants dans le bâtiment, comme celui du béton, conclut Tina Wik, c’est surtout la mentalité des gens et les habitudes de consommation qui sont déterminantes. »

2013-03-07
Mobilité
Plan de déplacements, quand les entreprises s’intéressent à la mobilité douce

Visant à optimiser les déplacements liés aux activités professionnelles en favorisant l'usage des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle, certaines entreprises mettent en place des PDE (plans de déplacement entreprises) et des PDIE (plans de déplacements interentreprises). Alors que plus de la moitié des déplacements domicile-travail sont réalisés en voiture, l’enjeu est de taille.

Incitation au covoiturage, promotion du vélo (mise en place d'un stationnement et mise à disposition d'un local vélo proposant quelques outils et services…), encouragement à l'utilisation des transports publics (incitations financières) ou encore aménagements des horaires de travail… : pas moins de 80 mesures existent pour se lancer dans un PDE. « Il n’y a pas de définition précise pour un PDE, c’est plus une boîte à outils dans laquelle les responsables de programme en mobilité vont piocher », estime Ludovic Bu, conseiller en mobilité. L’ambition des PDE est claire : reléguer au second plan l’utilisation de la voiture individuelle qui ne cesse d’augmenter. En 2010, la France comptait 33,6 millions de voitures particulières, soit 46% de plus qu'en 1990. Près de 72% de ces voitures sont utilisées tous les jours ou presque et près de 54% utilisées pour les trajets domicile-travail (chiffres : Ademe).

En 2010, la France comptait 33,6 millions de voitures particulières, soit 46% de plus qu'en 1990. Près de 72% de ces voitures sont utilisées tous les jours ou presque et près de 54% utilisées pour les trajets domicile-travail.

Des PDIE pour peser sur les décisions

A Toulouse, entre étalement urbain et trafic saturé, une centaine d’entreprises ont entamé une démarche PDE/PDIE. Située dans une zone d’activité, la ZA « Baluffet », l’entreprise du Groupe Sanofi, Mérial, forte de ses 380 salariés, s’est rapprochée d’une dizaine de structures voisines, comptabilisant ainsi près de 3000 salariés, pour mettre en place des actions. « L’enjeu de créer un PDIE est de pouvoir avoir plus de poids auprès des différents acteurs de la région et réussir ainsi à peser sur les décisions mais aussi de mutualiser les moyens et de toucher une plus grande zone géographique pour le covoiturage», explique Dominique Garnier, Responsable Santé et Environnement de l’entreprise spécialisée dans les médicaments pour animaux et membre du comité de pilotage du PDIE qui a vu le jour en 2010.

Communication au sommet

Au sein de ce PDIE, un « Guide de la mobilité » a été lancé et des actions de sensibilisation sont menées, à l’image de l’événement "Allons-y à vélo" organisé pour « faire changer la culture du déplacement et inciter aux modes doux » explique Dominique Garnier. Avec près de 10% des salariés de l’entreprise qui utilisent les transports en commun, le vélo ou le covoiturage, l’objectif est d’atteindre 30 à 40 % de voyageurs « doux » d’ici 4 ans à l’échelle du PDIE.

"Le PDE ne marche que s’il s’inscrit dans une démarche de conduite du changement. Ces plans souffrent de la difficulté à faire changer les habitudes et les usages ainsi que d’une méconnaissance des réalités." Ludovic Bu, conseiller en mobilité

Principal écueil : faire changer les mentalités. « Le PDE ne marche que s’il s’inscrit dans une démarche de conduite du changement. Ces plans souffrent de la difficulté à faire changer les habitudes et les usages ainsi que d’une méconnaissance des réalités. C’est pour cela que l’information est fondamentale, ajoute Ludovic Bu. Il y a de nombreux a priori comme le vélo qui est dangereux en ville alors que les chiffres prouvent l’inverse : il y a moins d’accidents en ville qu’à la campagne ».

Le PDU, un cadre général pour les PDE

De même, une offre de déplacements en commun conséquente et adaptée aux besoins est nécessaire à la réussite d’un PDE. Chez Mérial, Christelle Gain, assistante de direction le dit : « Passer aux transports en commun multiplierait mon temps de déplacement domicile-travail par deux, c’est trop contraignant ». Les collectivités locales, élus et aménageurs ont de fait un rôle indispensable et sont par ailleurs tenus par un cadre réglementaire. Avec 34 % des émissions de gaz à effet de serre, les transports sont un secteur clé pour que la France tienne ses engagements européens de réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020.

Une réglementation nationale, la LAURE (loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie) de 1996 renforcée par la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) fait des PDE l’un des six volets des PDU (plan de déplacements urbains). Autres mesures incitatives : les plans de protection de l’atmosphère (PPA) qui définissent les objectifs permettant de ramener, entre autres pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants les niveaux de concentrations en polluants dans l’atmosphère à un niveau inférieur aux valeurs limites.

"La question de l’environnement c’est la cerise sur la gâteau, elle permet de sensibiliser mais le véritable moteur de la mise en place d’un PDE, c’est la question économique ou la contrainte, quand l’entreprise ne peut plus faire autrement." Ludovic Bu

Reste que les moyens financiers des différents acteurs locaux ne sont pas toujours à la hauteur des attentes. A Toulouse, le PDIE de Baluffet attend une hausse des fréquences du bus qui dessert le site et l’installation d’une station-vélo, demande rejetée pour le moment car la fréquentation actuelle ne justifie pas sa mise en place.

Quid des motivations ?

L’objectif affiché par le PDIE « Baluffet » à Toulouse ? « Offrir une mobilité plus sûre, plus solidaire, économique et écologique ». Mais au-delà de la volonté d’inscrire l’entreprise dans une démarche environnementale forte, les retours d’expérience au niveau national révèlent le plus souvent une contrainte forte en préambule d’un plan : difficultés croissantes de circulation, manque de places de parkings, site congestionné par les véhicules, fin de la gratuité des parkings… Et comme le souligne Ludovic Bu : "La question de l’environnement c’est la cerise sur la gâteau, elle permet de sensibiliser mais le véritable moteur de la mise en place d’un PDE, c’est la question économique ou la contrainte, quand l’entreprise ne peut plus faire autrement."

2013-02-26
Société
Le gaspillage alimentaire, enjeu économique et moral

Effet rebond d’une société de l’hyperconsommation, le gaspillage alimentaire est devenu un sujet d’études depuis quelques années et arrive progressivement dans le débat public. A l’occasion de la 4ème édition de la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets (SERD du 17 au 25 novembre), midi : onze s’intéresse à la question.

Véritable enjeu économique, écologique, social mais aussi éthique, le gaspillage alimentaire n’a pas aujourd’hui de définition officielle et peut englober des approches assez variables en fonction des organismes. Le plus généralement, les « pertes et gaspillages alimentaires » renvoient à la quantité de nourriture qui aurait pu être mangée par l’homme et qui est finalement jetée. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : en France, le gaspillage alimentaire représente un coût de 400 euros pour une famille de quatre personnes et un volume annuel, par habitant, de 20 à 30 kg de nourriture jetée. La FAO (Food and agriculture organisation) donne aussi quelques chiffres : selon elle, un tiers de la production alimentaire mondiale est perdu ou jeté, soit l’équivalent de 1, 3 milliards de tonnes chaque année, alors même qu’un milliard de personnes sont considérées comme mal nourries au niveau mondial.

Selon la FAO, un tiers de la production alimentaire mondiale est perdu ou jeté, soit l’équivalent de 1, 3 milliards de tonnes chaque année, alors même qu’un milliard de personnes sont considérées comme mal nourries au niveau mondial.

Du gaspillage à tous les niveaux de la chaîne alimentaire

« La France ne fait pas figure d’exception : ses commerces alimentaires regorgent de 180 % de la quantité de nourriture dont sa population a vraiment besoin. On pourrait économiser 33% des aliments produits dans le monde, soit assez pour répondre aux besoins nutritionnels de 3 milliards d’humains supplémentaires », annonce Tristran Stuart, leader d’opinion anglais engagé dans le gaspillage alimentaire et qui signe la préface du livre de Bruno Lhoste La grande (sur-)bouffe. Pour en finir avec le gaspillage alimentaire, publié en 2012 aux éditions Rue de l’Echiquier. Dans son livre, l’auteur met en avant les pertes et gaspillages qui se déroulent à tous les stades de la chaine alimentaire : production, transport, stockage, transformation, distribution et consommation. « Le rôle de la grande distribution se déroule en amont et aval : elle a un impact très fort en tant qu’acheteur (en reportant les surplux sur les fournisseurs) et en tant que prescripteur à travers la publicité et les offres promotionnelles qui permettent de liquider les surstocks… sans parler des critères esthétiques pour les fruits et les légumes qui éliminent une grande partie de la production », explique Bruno Lhoste. Et la suppression en 2009 de normes européennes pour mettre fin au calibrage des fruits et des légumes n’a pas vraiment changé la donne.

Un cadre institutionnel qui se met en place

Chapeautée par l’ADEME, la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets (SERD) organise cette année 2 888 actions partout en France. L’ambition affichée de cet événement est de sensibiliser le plus grand nombre à « la nécessité de réduire la quantité de déchets produite en France et de donner des clés pour agir au quotidien ». Au programme : collectes, animations, mises à disposition de bac à compost, stands d’informations et de documentations au niveau des collectivités, entreprises, écoles…L’Europe commence également à s’impliquer. Le Parlement européen a adopté une résolution le 19 janvier 2012 afin de réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2025 et 2014 sera « l’Année Européenne de la lutte contre le gaspillage alimentaire. »

"Le rôle de la grande distribution se déroule en amont et aval : elle a un impact très fort en tant qu’acheteur (en reportant les surplux sur les fournisseurs) et en tant que prescripteur à travers la publicité et les offres promotionnelles qui permettent de liquider les surstocks… sans parler des critères esthétiques pour les fruits et les légumes qui éliminent une grande partie de la production." Bruno Hhoste, auteur de La grande (sur-)bouffe (éditions Rue de l'échiquier)

En France, le Grenelle de l’Environnement a abouti à une mesure réglementaire en vigueur depuis le 1er janvier 2012 (l'article 204 de la loi Grenelle II). Désormais les "gros producteurs" (Industries agro-alimentaires, commerce et grande distribution, restauration, marchés,…) de biodéchets sont tenus de les faire traiter en vue de permettre la valorisation de la matière de manière à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à favoriser le retour au sol.Pour participer à l’objectif de réduire de moitié le volume des déchets alimentaires d’ici à 2025, le ministère de l'Agriculture a relancé le sujet à travers « un pacte national contre le gaspillage » d'ici à juin 2013. En pratique, le programme annoncé se traduit par deux mesures principales : collecter les invendus au profit des plus démunis en généralisant aux 22 marchés d’intérêt national (Min) d’ici 2013 les premiers accords avec des associations caritatives et lancer cinq opérations pilotes en janvier (dans des collèges en Dordogne et un restaurant d’entreprises en Mayenne) pour réduire la part des déchets dans la restauration collective. Le ministre dédié à l’agroalimentaire Guillaume Garot souhaite également favoriser la vente à l’unité dans les rayons de la grande distribution. « Il s’agit pour le moment d’un effet d’annonce, on attend le plan. L’heure n’est plus à l’expérimentation et à quelques sites pilotes. L’enjeu est tel qu’il nécessite un véritable changement d’échelle. Il manque une politique territoriale alimentaire en France », estime pour sa part l’auteur de La grande (sur)bouffe.Reste que le gâchis alimentaire ne pourra jamais être réduit à zéro. Tristran Stuart estime qu’il est acceptable de prévoir 130% de surplus dans la production pour éviter les impondérables (mauvaises récoltes, problèmes d’approvisionnements). De plus, une part inévitable de déchets est produite, de l’ordre de 50% selon une étude réalisée par la FNE : il s’agit ici des déchets non comestibles comme les carcasses ou les coquilles… Toutefois, un potentiel de réduction existe. Il passe notamment par ces trois leviers : un objectif central de « réduction » des déchets, de «réutilisation » notamment à travers des banques alimentaires et de « recyclage » avec entre autres l’alimentation animale, le compost, la méthanisation (méthode qui permet également de produire du gaz) pour tout ce qui ne peut pas être consommé…

" Il y a eu une perte du fil de l’origine de la nourriture. On a oublié que ce n’était pas n’importe quel produit manufacturé, et ce, surtout en milieu urbain." Bruno Lhoste

Le gaspillage alimentaire, un phénomène culturel

A travers les 6 R (Réduire, redistribuer, recycler mais aussi reconnaître, reconnecter et Réapprendre), Bruno Lhoste propose une lecture plus large du problème et dégage une explication davantage culturelle : « Il y a eu une perte du fil de l’origine de la nourriture. On a oublié que ce n’était pas n’importe quel produit manufacturé, et ce, surtout en milieu urbain. De plus, il n’y a plus le savoir-faire traditionnel que l’on apprenait auparavant dans la famille ou le milieu scolaire de la cuisine des restes. Il y a une composante culturelle énorme dans le gaspillage alimentaire ». Les Amap, l’engouement croissant pour les circuits courts qui mettent directement en lien le producteur et le consommateur (comme la Ruche qui dit Oui !) ouvrent la voie vers une relocalisation de l’économie et offrent la possibilité de reprendre contact avec un système de production alimentaire plus « durable » et moins standardisé. En toile de fond se dessine une problématique plus globale à l’échelle du territoire : Alors même que 75% de la population mondiale vivra en ville en 2050, la question de l’autonomie alimentaire et de l’approvisionnement des denrées devient cruciale et devrait inciter les différents acteurs à donner à la question alimentaire une dimension plus humaine.

2012-11-20
Immobilier
Rénovation thermique et précarité énergétique, du discours aux actes ?

Certes, la réglementation thermique est de plus en plus ambitieuse : la RT 2012 rentre en vigueur au 1er janvier 2013 et en 2020, le bâtiment à énergie positive sera la norme dans le neuf. Toutefois, l’enjeu ne se situe évidemment pas que dans le neuf et l’un des points cruciaux de la question du logement est la rénovation thermique. La Conférence environnementale des 14 et 15 septembre a amorcé la question. Présentation des enjeux.

Le volet de la transition énergétique ouvert

C’était un des engagements de la campagne électorale : à l'horizon 2025, François Hollande veut réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75% à 50%. Une ambition qui suppose d’augmenter la part des énergies renouvelables à 40% (environ 15% actuellement), mais semble difficilement tenable sans penser la sobriété énergétique des logements. Ainsi, lors de la Conférence Environnementale des 14 et 15 septembre dernier, un objectif ambitieux a été annoncé en matière de réhabilitation des logements: «doter chaque année, un million de logements neufs et rénovés d’une isolation thermique de qualité. »

Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement ont confié à Philippe Pelletier, avocat et ancien président du Plan Bâtiment Grenelle, entre janvier 2009 et juillet 2012, le pilotage et la mise en œuvre du nouveau plan de performance thermique des logements. Dans la lettre de mission, les deux ministères rappellent que l’enjeu n’est pas uniquement énergétique et environnemental mais qu’il s’agit ici d’une « exigence sociale» : « En luttant contre la précarité énergétique et en contenant la hausse des charges en chauffage, ce plan contribuera à améliorer le pouvoir d’achat des ménages tout en donnant un souffle nouveau au secteur de la construction ». Les enjeux annoncés : enrayer la hausse des dépenses d’énergie, limiter les émissions de gaz à effet de serre ou encore réhabiliter les logements insalubres…

Selon une étude de l’Insee, en France métropolitaine, 3,5 millions de ménages ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement au cours de l’hiver 2005.

La précarité énergétique toucherait près de 4 millions de personnes en France

Selon une étude de l’Insee, en France métropolitaine, 3,5 millions de ménages ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement au cours de l’hiver 2005. Les principales raisons invoquées sont relatives à l’état du logement : une mauvaise isolation (41 % des ménages interrogés), une installation de chauffage insuffisante (33 % des situations) et une panne (ponctuelle, récurrente ou pérenne) de l’installation (18 % des cas). Par ailleurs, dans plus d’un cas sur cinq, les ménages limitent leur consommation de chauffage en raison de son coût. Selon l’Ademe, les 20 % de ménages les plus pauvres consacrent à l’énergie une part de budget 2,5 fois plus élevée que les 20 % les plus riches… Des tarifs sociaux et des aides diverses existent, dans le cadre notamment du service public de l'électricité et du gaz, mais les chiffres de cette précarité suscitent l’interrogation sur leur performance. Jugée insuffisante pour beaucoup d’acteurs, la tarification progressive du gaz, de l'eau et de l'électricité devrait bientôt voir le jour (le texte sera présenté au Parlement d'ici fin octobre ou début novembre). Une nouvelle mesure attendue alors même que l’augmentation du prix de l’électricité a été annoncée en juillet dernier dans un rapport du Sénat se basant sur projections de la Commission de régulation de l'énergie (CRE): la facture moyenne d'électricité d'un ménage français va s'alourdir de 50 % d'ici à 2020 compte tenu des investissements élevés du renouvelable et ceux du nucléaire.

Un marché qui se porte bien

En juillet 2012, l’Observatoire Permanent de l’amélioration Energétique du logement (OPEN), financé par l’ADEME, a publié les résultats de son étude annuelle sur la rénovation thermique dans l’habitat portant sur l’année 2010. Si le marché de l’entretien-amélioration des logements est en baisse en 2010, les travaux portant sur l’amélioration de la performance énergétique sont les seuls à progresser. Les ménages deviennent de plus en plus vigilants sur le plan de la qualité et choisissent des solutions techniques toujours plus performantes.

Le marché de la rénovation du logement se structure autour de 3 axes : l’amélioration du chauffage, l’isolation des ouvertures et l’isolation des parois opaques (toitures, façades).

Les chantiers portent en priorité sur l’isolation des ouvertures et des parois, ainsi que sur l’amélioration du chauffage. En 2010, 300 000 logements au total ont été rénovés au niveau thermique, ce qui représente plus d’un point de plus qu’en 2008. Le marché de la rénovation du logement se structure autour de 3 axes : l’amélioration du chauffage, l’isolation des ouvertures et l’isolation des parois opaques (toitures, façades).

Des aides inefficaces ?

Toutefois, ces chiffres ne nous renseignent pas sur le niveau de vie des habitants effectuant des travaux de rénovation. Les foyers les plus modestes ont-ils accès aux aides ? Le précédent gouvernement avait déjà lancé une mission sur la précarité énergétique orchestrée par Philippe Pelletier. Le rapport, rendu en janvier 2010 soulignait « une accessibilité différenciée des ménages en situation de précarité énergétique aux dispositifs de droit commun : L’éco-PTZ est en pratique peu accessible aux plus modestes du fait de la faiblesse de leur revenu, d’un profil emprunteur peu « sécurisant » pour les prêteurs, le Crédit d'impôt développement durable, s’il est accessible aux ménages non imposables, oblige à avancer les fonds pendant environ 18 mois, ce qui le rend en pratique inaccessible aux ménages les plus modestes qui n’ont pas la trésorerie nécessaire ou encore l'écosubvention de l'Anah, subvention accordée sous condition de ressources , permet de cibler des ménages modestes sans toutefois privilégier les ménages en situation de précarité énergétique »

"La nécessaire transition énergétique ne peut réussir si elle exclut 15 à 20 % de la population !" Extrait d'un communiqué du CLER, réseau pour la transition énergétique

Un bref bilan ? L’inscription de la précarité énergétique dans la loi a été effectuée mais rien quant au « bouclier énergétique » dont il fut question… Dans un communiqué datant du 13 septembre dernier, le CLER, réseau pour la transition énergétique a déclaré : « La nécessaire transition énergétique ne peut réussir si elle exclut 15 à 20 % de la population ! Il est urgent de passer à la vitesse supérieure, non seulement en intervenant massivement sur le parc de logements pour le rendre plus performant, mais aussi en soutenant financièrement et en accompagnant les ménages modestes touchés de plein fouet par cette nouvelle expression de la précarité. »Ce nouveau plan de route sera-t-il plus abouti ? Philippe Pelletier devra poursuivre son travail amorcé dans le cadre du Plan Bâtiment Grenelle, avec comme consigne d’intégrer davantage de personnalités issues du mouvement associatif et des syndicats professionnels. Le pilotage de cette ambition devra être décentralisé avec un rôle de premier plan donné aux collectivités territoriales. L'organisation et la feuille de route du "Plan Bâtiment 2012-2017" devraient être précisées début octobre.

2012-10-09
Société
L'économie de l'usage, un nouveau paradigme pour le développement durable ?

L’économie de fonctionnalité signera-t-elle la fin de l'obsolescence programmée des objets ? Son développement remettra-t-il en question les valeurs de propriété si fortement ancrées dans nos sociétés ? Autant de questions cruciales à l’heure où le concept s’invite dans les débats autour du développement durable et se propage via Internet et les sites collaboratifs.Le point sur cette nouvelle économie de l'usage.

 

Des pionniers devenus cas d'école

Économie de fonctionnalité, économie de l'usage, derrière ces appellations encore peu connues se dessine une nouvelle logique économique qui émerge en marge des réflexions liées au développement durable. C’est Michelin qui ne vend plus des pneus mais le kilomètre parcouru, c’est Xerox qui facture ses photocopies à l’unité et non plus la vente de l’appareil, c'est Renaud-Nissan qui loue la batterie de son modèle de voiture électrique Leaf. C’est, enfin, le succès des vélos en libre-service et le développement de l'autopartage.

Le pouvoir de l'usage

Pour Eric Froment, conseiller auprès des entreprises au sein du cabinet Periculum Minimum, l’économie de fonctionnalité a pour elle de nombreux atouts : « La force du modèle ? C'est le pouvoir de l'usage. Par définition, la vente de l'usage du bien est moins chère que l'achat du bien lui-même : ça ouvre des potentialités pour des chefs d'entreprises pris en tenaille entre baisse du pouvoir d'achat de leurs clients et coûts de production élevés. Michelin illustre parfaitement cette logique : grâce à l’économie de fonctionnalité, le fabricant de pneus a très sensiblement augmenté sa marge. Pourtant, le client a vu ses coûts baisser de 36%, ses frais de gestion interne disparaître puisque pris en charge par Michelin, et ses coûts de carburant baisser de 11%. » L'exemple de la voiture est également probant. Quand le coût annuel moyen d’un véhicule personnel est estimé à 5000 euros par an en moyenne, il devient intéressant de se rapprocher de modes de transport alternatifs, au premier rang desquels l'autopartage et le covoiturage. Dans un contexte de crise économique, l'argument prix s'affiche en effet comme un véritable levier d'incitation : « C’est le prix qui guide au départ la démarche, confie Eric Fromant. Les entreprises sont séduites par l'idée de stimuler les potentialités et d'envisager un nouveau modèle de croissance. On a constaté un intérêt grandissant pour ce modèle depuis septembre 2011. La crise de l'été dernier n'y est sans doute pas étrangère. »

Le bénéfice écolo

De même, ne pas disposer de véhicules permet d’encourager les modes transports doux (vélo, bus, ect.) et ainsi limiter les émissions de gaz à effet de serre. Dans l'ouvrage La troisième révolution industrielle, le penseur Jeremy Rifkin rapporte ces chiffres : « Une étude réalisée en Europe a constaté que l'autopartage permettrait des baisses d'émissions de CO2 allant jusqu’à 50% ». Pour Eric Fromant, la mise en place de ce type de logique dans une entreprise peut entraîner une réduction de 30 à 50 % de la consommation énergétique et de matières premières tout en réduisant le volume des déchets. Et pour cause : dans ce système, le propriétaire du bien a tout intérêt à offrir une durée de vie maximale à son produit pour retarder son remplacement. Et c’est là, une des principales révolutions permises par l'économie de fonctionnalité : la recherche par l’entreprise d’une plus grande durabilité, et ce pour des raisons de coût.

Repenser un système complet

En pratique, l'économie de fonctionnalité est aujourd'hui plutôt confidentielle au regard des quelques pratiques mises en place et concerne, pour les entreprises qui l'ont expérimentée, un seul produit ou un seul service. On est encore loin d'une véritable généralisation. « La principale difficulté pour la mise en place de ce système réside dans le fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un modèle « clé en main » que l'on pourrait reproduire dans toutes les situations », explique Gérald Gaglio, co-auteur de L'économie de la fonctionnalité, une voie vers le développement durable ? et membre fondateur depuis 2007 du Club de l'économie de fonctionnalité. «C'est une nouvelle logique qui va à l'encontre des procédés classiques et qui implique de sortir de plusieurs décennies de croissance fondée sur l'obsolescence. Avec cette approche, la création de valeur n'est plus adossée à la nouveauté mais à la durabilité. »  

La cession des droits de propriété

Pour favoriser l'économie de fonctionnalité, Internet a un double rôle à jouer. Tout d'abord, en tant qu'outil. Il est en effet une prise intéressante pour l'encourager. De nombreux sites de partage (comme ziloc.com ou monjoujou.com) se développent et mettent en exergue cette économie collaborative permise par Internet. Surtout, les valeurs portées par Internet sont en plein accord avec les fondamentaux de l’économie de fonctionnalité. Pour Jeremy Rifkin, Internet est l'un des piliers qui permettrait de connaître une troisième révolution industrielle – soit une économie post-carbone, distribuée et collaborative. Dans son ouvrage, il met en évidence le fait que le développement d'Internet modifie le rapport à la propriété. Les réseaux sociaux et les sites collaboratifs favorisent des valeurs basées sur la convivialité, l'échange de contenus, d’informations et de services. La génération Internet est en quête d’esprit de « communauté » et qui valorise l'Open source. Pour le sociologue Gérald Gaglio, le développement des sites collaboratifs « démontre que l'attrait pour la possession passe au second plan par rapport à l'usage et l'accessibilité à un bien. Cela bouleverse aussi le rôle que les biens ont traditionnellement joué dans l'image de soi. » Et si, à terme, posséder une belle voiture était moins un signe extérieur de réussite que d’avoir son abonnement Autolib ?

 

Sources

« L'économie de la fonctionnalité : une nouvelle voie vers un développement durable ? » Gérarld Gaglio, Jacques Lauriol et Christian du Tertre. Octarès Éditions, 2011.

« La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l'énergie, l'économie et le monde », Jeremy Rifkin, Les Liens qui Libèrent, 2011.

2012-03-22
Architecture & Urbanisme
Le kit, une réponse d'archi légère et écologique

A l'heure où la pression foncière engendre une envolée des prix du logement et une nécessité de composer avec la densité du bâti urbain, quelques architectes et urbanistes travaillent sur des projets d'habitat « léger » dont l'ambition n'est autre que de mixer innovation et petit prix.

Légère par les matériaux utilisés et par son empreinte environnementale, la maison en kit s'affiche comme un laboratoire de recherche et comme une alternative à la maison dite de « maçon ».

Simple à assembler, modulable et moins chère qu’une maison de maçon, la maison en kit a le vent en poupe. Définie par Claude Vergnot-Kriegel,Carine Merlino et Étienne Delprat, auteurs d’un ouvrage sur le sujet (Éditions alternatives, 2011), comme « une habitation érigée rapidement, avec un nombre limité d’éléments préfabriqués », elle bénéficie en effet d’un contexte où se conjuguent crise du logement et flambée des coûts de construction.

Avant même le relatif succès commercial de la maison en kit dessinée par Starck en 1994 pour le catalogue des 3 Suisses, le kit avait trouvé des formulations diverses dans l’architecture du 20e siècle. Comme l’expliquent les auteurs de « Maisons en kit » , « les architectes des premières maisons en kit sont ceux du mouvement moderne. Si Frank Lloyd Wright, Le Corbusier, Prouvé, les Smithson, les Eames, ont œuvré pour développer des habitats préfabriqués, c’est parce qu’ils y voyaient l’opportunité de répondre à la crise du logement. Ils cherchaient absolument à innover et croyaient en un futur différent, ainsi qu’à d’autres modes de vie. » Avec l'arrivée des congés en 1936, les premières maisons en kit se développent en France, apparaissant comme idéales pour une maison de loisirs tout en permettant une plus grande créativité formelle. Qu’il s’agisse de prototypes ou de projets commercialisés, le dénominateur commun à la multitude de déclinaisons du kit est de proposer des réalisations à de petites échelles, offrant une simplicité des assemblages à un coût intéressant. De plus, le kit s'affiche comme une réponse « aux préoccupations actuelles en matière de société et d'environnement. »

Le kit, bon pour l'environnement ?

Premier argument en faveur de la maison en kit : son empreinte écologique, supposée plus légère que celle de l’habitat classique. Ainsi, de nombreux projets contemporains de maisons en kit ont une approche environnementale forte, que ce soit grâce au choix des matériaux ou à l'emploi d'énergies renouvelables. Pour les auteurs de « Maisons en kit », elle est « par nature une maison écologique. Elle permet (...) le stockage de CO2 si elle est en bois, la réduction du transport des matériaux pour sa réalisation, des agrandissements aisés avec un impact minimum sur l’environnement… ».

Le projet « Infiniski manifesto house » au Chili des architectes James&Nau en est un bel exemple. Constituée de 2 containers, la maison est construite à 85 % à partir de matériaux recyclés (cellulose, liège, aluminium…) et dispose d'une autonomie énergétique de 70 %, le tout en réalisant 20% d'économies par rapport à une maison « traditionnelle ». Dans la même veine, le concepteur de l'éco-quartier britannique BedZed , Bill Dunster a élaboré la maison ruralZED, une maison en kit évolutive comprenant de nombreuses options de production énergétique allant jusqu’au zéro carbone.

Au-delà de ses performances environnementales, l’une des principales forces de ce projet, est d'offrir des options personnalisables, de sorte que la maison peut s'adapter à l'architecture vernaculaire et aux différentes réglementations et plans locaux d'urbanisme. Une façon d’écarter l’un des dangers potentiels de la construction en kit : l’uniformisation. En effet, parce qu’elle consiste à assembler des éléments préfabriqués, celle-ci est presque exclusivement orchestrée par de grands groupes industriels qui mettent à mal la créativité purement formelle des projets. A se demander si le kit peut se développer sans pour autant être synonyme de standardisation ?

Dans la mouvance du DIY

Conscient du danger, Ikea a conçu il y a quelques années une maison en kit entièrement personnalisable : Boklok. Développée en concertation avec Skanska, l’un des principaux acteurs du BTP scandinave, celle-ci se positionne comme « la norme à faible coût de la construction résidentielle » et se commercialise en Finlande, Suède, Norvège, Danemark, Allemagne et en Grande-Bretagne. Cette formule de maison clé en main peine à traverser les frontières françaises et le concept DEARS de Philippe Starck, dont le lancement est prévu pour l’automne, semble voué à faire cavalier seul.

Comme le soulignent très justement les auteurs de « Les Maisons en kit », «  puisque la maison en kit comme objet commercialisé est aujourd’hui à la portée exclusive de groupes industriels, il faudra attendre que ces firmes s’intéressent davantage au secteur de la construction de logement préfabriqué. Il faudra probablement assouplir les réglementations commerciales et techniques françaises et européennes, pour permettre à de petites sociétés de commercialiser des kits habitables, enrichissant ainsi l’offre et la possibilité d’autoconstruction totale ou partielle. En attendant, les seules propositions de maisons contemporaines sont celles des industriels ou des équipes de conception-construction, pour des lotissements urbains à grande échelle.» Pour Etienne Delprat, l'auto-construction et la dimension « Do It Yourself » du kit est fondamentale : « c'est une démarche qui permet l'appropriation, explique-t-il. L'autoconstruction est-elle réaliste à l'échelle d'une maison? Oui, dans une certaine mesure. Il y a des projets où avec une vingtaine de personnes tu peux réussir à construire ta maison ».

Mobilité et architecture d'urgence

Mais s’il est encore peu développé dans l’habitat, le kit a su trouver des concrétisations intéressantes en matière d'architecture d'urgence. Exemple : la Paper Log House de Shigeru Ban. A partir de papier recyclé, l'architecte a construit une trentaine d'exemplaires de sa maison de fortune qui a servi d'abri aux sinistrés du séisme de Kobe en 1995. Logique : modulable, transportable, adaptable et pas cher, le kit offre une réponse idéale aux situations d’urgence. C’est pourquoi il pose en filigrane la question de la mobilité, voire de l'immobilité. Si son développement récent semble un effet de notre société « nomade » et vouée à la vitesse, il existe encore peu des maisons en kit mobiles. Pourquoi une telle absence de prise en compte de la mobilité dans les projets actuels ? « Peut-être cela traduit-il un besoin de se ré-ancrer sur un territoire ? », s'interroge Étienne Delprat.

 

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"Maisons en kit". Editions alternatives

2011-07-01
Tech
Efficacité énergétique : le rôle de l'Internet des Objets

Notion encore peu connue qui correspond à l'extension d'Internet à des choses et à des lieux dans le monde réel, le concept reste flou et ses applications obscures. Alors, concrètement, qu'est-ce que l'Internet des objets et quelles perspectives ouvre-t-il en termes d'efficacité énergétique ? Permettra-t-il de réduire nos consommations énergétiques de façon significative? A quel horizon? Le point sur ces nouvelles technos.

 

Quelles perspectives ?

« Le concept reste encore confus mais ses promesses sont grandes, [l'Internet des objets] vise à donner une identité au moyen d'une adresse IP à des objets, des équipements ou encore des machines afin de les mettre en réseau et de les faire communiquer entre eux». Voici la définition proposée par Geoffrey Zbinden dans son ouvrage « L'Internet des Objets, une réponse au réchauffement climatique (Éditions du Cygne, 2010). Objets intelligents voire objets « vivants », les objets connectés ou communicants, qu’on annonce aussi comme le web 3.0, trouvent leurs premières applications dans de nombreux champs. Le Lieu du design accueille jusqu'au 23 juillet une exposition intitulée « Objet(s) » du numérique design d’un nouveau mone industriel » présentant quelques prototypes et projets dans le but affiché de mettre en avant  le rôle du design numérique dans des problématiques humaines, sociales, technologiques et économiques.

Parmi ses objets, « Efficient Home » de Mathieu Lehanneur et Attoma design pour Schneider Electric. Soit une gamme d’éléments destinés à optimiser la consommation énergétique du foyer dans l'optique d’en réduire significativement l’empreinte carbone. Selon Geoffrey Zbinden, les compteurs intelligents pourraient permettre de réduite la facture de près de 30% pour les particuliers. Le tout grâce aux informations communiquées en temps réel par ces émetteurs-récepteurs, positionnés sur des appareils électriques tels que la chaudière, le réfrigérateur, la télévision... Les capteurs assurent ainsi une veille permanente de la consommation. Les données sont ensuite consultables via internet. Identifier les appareils les plus gourmands, éviter de les utiliser aux heures pleines sont autant de comportements qui pourraient permettre de réduire la facture électrique d’un logement.

Plus globalement, des interfaces de visualisation et de contrôle (Smart Meters) remplaceront à terme les compteurs électriques traditionnels. Ils seront connectés à une plus vaste échelle par un réseau dit intelligent – c'est ce qu'on appelle le SmartGrid, un réseau de transport de l’électricité optimisé par des systèmes d’informations numériques. Selon le site www.smartgrids.eu, ce système permettrait une réduction de CO2 de 9% dans l’Union Européenne. En France, le compteur intelligent, développé par ERDF (Électricité Réseau Distribution France), s’appelle Linky et près de 300.000 compteurs sont actuellement installés dans deux agglomérations-tests : Lyon et Tours. Pour les utilisateurs, les économies d’énergie promises par ce système devraient être comprises entre 10 et 20%. La validation et la généralisation de ce type d'objets devraient être effectives aux alentours de 2017, à l'issue de l'actuelle phase d'expérimentation.

Les autres champs possibles d'application dans le développement durable

Eau, bâtiments, transports, biodiversité... : dans son ouvrage, Geoffrey Zbinden met en avant les nombreuses applications dans lesquelles l'Internet des Objets apporterait des solutions concrètes à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et par extension contre le réchauffement climatique. En matière d'agriculture intensive par exemple. Selon l'auteur, un réseau communiquant permettrait de détecter les fuites et d'ajuster l'irrigation en fonction des besoins et de réduire de près de 30% la consommation moyenne en eau des terres cultivées. Le secteur des transports n'est pas en reste. Des économies sont déjà réalisées grâce à la technologie Stop&Start (systèmes d'arrêt et de redémarrage automatique) et le programme d'éco-conduite à l'étude au sein de L'Europe ouvre des perspectives intéressantes. Le but annoncé est de réduire d'au moins 50 millions de tonnes les émissions de CO2. Le principe ? Des capteurs sont installés un peu partout sur le véhicule, enregistrant ainsi les gestes du conducteur, sa manière de conduire, son respect de la limite des vitesses. A l'issue d'une période donnée, l'automobiliste reçoit son bilan et se voit attribuer une note en fonction de sa bonne conduite. Le système permettrait de réduire la consommation d'essence de 15 à 20% en limitant les accélérations brusques.

D'autres expérimentations offrent aussi quelques espoirs. Le projet pilote de Moulins sur Allier mené depuis 2007 en est une démonstration : 80 logements HLM ont été équipés de capteurs communicants et permettent aux habitants de mesurer la consommation d'eau en temps réel via un site web. Ce feed-back modifie significativement les comportements puisqu’elle a permis de diminuer de 20% la consommation d'eau des occupants. Dans la même veine, en 2012, la communauté d'agglomération de Besançon mettra en place une redevance pour inciter les habitants au tri sélectif et à la réduction de leurs déchets. La facturation sera fonction du poids des déchets, mesuré par des puces RFID (“radio frequency identification”) installées sur les bacs. L'objectif à l'horizon 2014 est de réduire les déchets de 17% pour l'habitat pavillonnaire. Le coût d'une telle initiative ? Un investissement de 5 millions d'euros, dont près de la moitié subventionnée par divers organismes (dont l'Ademe), et qui devrait être amorti sur 10 ans. L'autre moitié, financée par emprunt et autofinancement, engendra un surcoût de 4€ par habitant sur l'année 2010/2011 et de 1,5 € par habitant sur les dix prochaines années. On s’en doute : ces investissements conséquents freinent en partie le développement de ce type de technologies.

« Aujourd'hui, sur la question des villes intelligentes, à chaque besoin (éclairage urbain, traitement des déchets, réduction thermique de bâtiments publics) on trouve une application. L'enjeu derrière tout ça, c'est l'interopérabilité de toutes ces applications. De plus, il faut passer du projet pilote à une échelle nationale. Cela ne me semble pas réalisable avant 2020 », précise Geoffrey Zbinden. Malgré des initiatives disparates, des investissements importants et des perspectives encore lointaines, l'Internet des Objets pourrait jouer un rôle dans la réduction des émissions de CO2 et la préservation des ressources rares. Mais les espoirs qu'il suscite ne masquent par tout à fait les inquiétudes qu’il engendre… Dès lors que le web 3.0 généralise la collecte d’informations à toutes les échelles et dans tous les domaines, comment assurer un niveau suffisant de protection des données à caractère personnel et de la vie privée ? La question est cruciale si l’on veut éviter que la préservation de l’environnement ne tourne à la surveillance généralisée, dans un cauchemar à la Big Brother où nos objets quotidiens deviendraient outils de contrôle…

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Geoffrey Zbiden,  "L'Internet des Objets, une réponse au réchauffement climatique" (Éditions du Cygne, 2010)

2011-06-21
Architecture & Urbanisme
Gratte-ciel : toujours plus haut, toujours plus vert ?

Si la crise immobilière mondiale a ralenti de nombreux projets de construction de gratte-ciel, le vent semble de nouveau tourner dans le sens des cabinets d’architectes depuis quelques mois. Mais si ces derniers intègrent aujourd’hui la problématique environnementale dans la construction de leur tour, il est encore difficile de distinguer les projets faussement écolos des véritables buildings verts.

"Ils sont absurdes par ce qu’ils cherchent, ils sont grands par ce qu’ils trouvent" disait Paul Valéry. Aujourd’hui, les cabinets d’architectes mettent en œuvre les idées "absurdes" qu’ils trouvaient il y a quelques années. Ces projets présentés au début des années 2000 alors que l’écologie devenait progressivement une préoccupation internationale sont aujourd’hui passés de l’écran d’ordinateur au chantier de construction. Et chacun intègre désormais une dimension écologique de plus ou moins grande valeur. Peut-on pour autant parler d’architecture durable pour ces tours de plusieurs centaines de mètres de haut ? Difficile de donner une réponse définitive tant le concept même d’architecture durable est compliqué à définir.

Pas d’éco-building sans éoliennes sur le toit

"L’architecture durable, c’est avant tout une qualité d’usage. Il faut respecter le site dans lequel s’inscrit le projet et choisir des matériaux durables" nous expliquait récemment l’architecte Edouard François. Si ces principes peuvent aisément s’appliquer à des structures de taille standard, ils sont plus difficiles à respecter quand l’équilibre visuel d’une ville est cassé par l’apparition d’une tour surdimensionnée. Dans une mégalopole comme New York, de nombreux buildings sont en passe d’être centenaires. Ces superstructures énergétivores sont un fardeau quand il s’agit de les mettre aux normes environnementales actuelles. Le demi-milliard de dollars investi dans l’Empire State Building pour en faire un gratte-ciel un peu plus vert en est la preuve évidente. Dès lors, il faut compter sur les tours actuellement en construction pour éviter de faire de ces buildings de simples phallus se dressant dans le ciel.

En la matière, les projets ne manquent pas et l’actualité architecturale est plutôt chargée ces derniers mois. Hier, l'Etablissement public d'aménagement de la Défense Seine-Arche (Epadesa) a annoncé qu'il approuvait la promesse de vente pour la construction de la tour Phare (300 m, 69 niveaux de bureaux) qui deviendra en 2016 la plus haute de France. Imaginée par l'architecte américain Thom Mayne, celle-ci comportera des éoliennes à son sommet, qui participeront à la fourniture en électricité des bureaux. La façade de la tour sera conçue de manière à assurer une ventilation naturelle, avec à la clé d'importantes économies d'énergie. Problème, aucun chiffre n’est avancé pour le moment quant à l’économie réalisée. La production d’électricité générée par les éoliennes reste également un mystère. La présentation officielle du projet se contente d’évoquer "un jardin métaphorique dans le ciel"…

Les projets les plus aboutis à Dubaï et… en Chine

De nombreux architectes choisissent aujourd’hui de placer des éoliennes sur les tours pour présenter ensuite le projet comme écologiquement responsable. C’est notamment le cas du cabinet JDS Architects, qui a imaginé une tour de 1111 mètres de haut pour la ville chinoise de Shenzhen. Des éoliennes (leur nombre n’est pas précisé) et un système de récupération de l’eau de pluie (idée développée à son paroxysme par des étudiants polonais ici) devant suffire à rendre la structure autonome sur le plan énergétique. Difficile à croire si l’on compare ce projet à la tour Strata à Londres. Là aussi, les architectes ont placé des éoliennes au sommet du bâtiment haut de 148 mètres. Résultat ? Les trois turbines de cinq pâles chacune produisent environ 50 MWh par an. Soit une production qui fournit 8 % seulement de l’énergie consommée par la tour. L’autonomie énergétique est donc loin d’être assurée.

Pourtant, certains gratte-ciel en cours de construction ou déjà érigés méritent amplement le label d’éco-building. Il en existe actuellement une dizaine dans le monde. C’est le cas d’une tour à Dubaï imaginée par l’architecte italien David Fischer et dont nous vous parlions l’année dernière. Contrairement aux projets évoqués précédemment, celle-ci intègre des turbines éoliennes en fibre de carbone dans sa structure. Elles sont en effet installées horizontalement entre les étages et suffisent à produire toute l’énergie dont la tour a besoin. Toujours à Dubaï, La Burj al-Taqa (Tour de l'Énergie) profite d’un nouveau vitrage (60% de chaleur en moins absorbée par le bâtiment), d’ouvertures latérales sur la façade pour une meilleure circulation de l’air et de 15 000 m2 de panneaux solaires disposés sur le toit pour assurer sa production énergétique. La Burj al-Taqa n’aura pas besoin de se raccorder à un réseau électrique extérieur et l’excédent d’énergie produit sera même utilisé afin d'obtenir par électrolyse, de l’hydrogène de l’eau de mer. L’hydrogène, stocké pendant le jour, sera ensuite utilisé pour alimenter le circuit électrique aux heures de nuit.

Enfin en Chine, la Pearl River Tower dominera dès cette année la ville de Guangzhou (Chine). Imaginée par le cabinet d’architecture américain SOM (Skidmore, Owings & Merrill), cette tour haute de 310 mètres est équipée de turbines éoliennes disposées dans les renfoncements de sa structure. Sa façade aérodynamique est orientée en direction des vents dominants et a été conçue pour les accélérer de 50% afin d’améliorer le rendement des éoliennes. La façade du building est recouverte de panneaux photovoltaïques tandis qu’un système innovant de refroidissement assure l’aération et la ventilation des 71 étages de bureaux.  

Le bâtiment vert, pas si cher que ça…

Aujourd’hui, les gratte-ciel entièrement autonomes sur le plan énergétique sont rares mais un élan s’est crée ces dernières années. La plupart des cabinets d’architectes intègrent désormais cette problématique dans leur cahier des charges. Reste à convaincre les professionnels du secteur de la construction. Ces derniers surestiment souvent les coûts liés à la construction de bâtiments respectueux de l’environnement. Ainsi, selon une étude publiée par le Conseil Mondial des Entreprises pour le Développement Durable (WBCSD), les professionnels du bâtiment évaluent à 17 % les coûts supplémentaires d'un bâtiment vert par rapport à une construction classique, soit plus de trois fois le surcoût réel estimé par WBCSD à 5 %. Un travail sur les mentalités reste donc à effectuer pour que les projets rêvés d’éco-buildings deviennent réalité dans quelques années et confirment à nouveau la maxime de Paul Valéry.

2011-06-16
Ecologie
Les délaissés urbains à la merci des green guérilleros

Parterres d'arbres, pieds de mur, bacs de fleurs vides, friches… Les interstices urbains et les failles du bitume sont autant de lieux à investir pour ces nouveaux jardiniers urbains que sont les « green guérilleros ».

L'origine de cette forme d’action directe non-violente, sinon de cette éco-tactique, remonte aux années 1970. A New York, parallèlement à l’émergence des jardins communautaires dont elle est un des fers de lance, l’artiste Liz Christy inaugure alors la « Green Guerilla » à coup de « seed bombs » (bombes de graines) lancées dans les béances de la ville. Dès les prémices du mouvement, l'ambition est bel et bien de revégétaliser les délaissés urbains de façon à redonner de la vie à un quartier déshérité. Depuis, le mouvement s'est amplifié et des actions de Guerilla gardening ont été rapportées un peu partout dans le monde, surtout à partir des années 2000.

Un activisme soft

Les raisons de pratiquer cet activisme vert sont multiples, comme le souligne Richard Reynolds, l’un de ses chefs de file, dans l’ouvrage La guérilla jardinière : on plante pour reconquérir la ville, favoriser les échanges et les rencontres, se nourrir, sinon par idéalisme... Dès les premières pages du livre de Richard Reynolds, le ton est donné : «  La guérilla jardinière est une lutte pour les ressources, une bataille contre la rareté de la terre, la destruction de l'environnement et le gaspillage des opportunités. C'est aussi un combat pour la liberté d'expression et la cohésion sociale  » (p 15). Un discours qui rappelle la dimension engagée d'un mouvement aux multiples visages, et dont la relation avec les autorités est teintée d’ambivalence (voir interview).

«  C'est une action douce de protestation, explique Reynolds. L'implication et la motivation doivent précéder les autorisations qui peuvent venir après, une fois que les pouvoirs publics peuvent constater les résultats obtenus ». De fait, lorsqu’il s’agit de refleurir la ville, c’est l’approche pragmatique qui prime, avec en arrière-plan ce mot d’ordre : Do-it-yourself ! Proche des valeurs autonomes revendiquées par le DIY, la Guerilla gardening récuse aussi toute forme d’organisation hiérarchique et se déploie plutôt comme un collectif informel et à géométrie variable. Pourtant, qu’ils soient indépendants, isolés ou particulièrement investis dans la communauté, ses différents groupes se structurent progressivement. Depuis 2007, un congrès international des guerilla gardeners est même organisé chaque 1er mai, journée durant laquelle sont plantés des tournesols.

Une nouvelle tendance de la nature en ville

Parallèlement à la structuration du mouvement, ses manières de faire et de penser la ville essaiment un peu partout comme de la mauvaise herbe. Prenez les « bombes de graines », ces boules fabriquées par les green guerilleros à partir d’argile, de compost et de graines de fleurs horticoles ou indigènes. Voici que de jeunes designers commencent à réfléchir à des objets qui en sont directement inspirés. Ainsi, à l'occasion du concours de l’innovation au salon Jardin jardins (27-29 mai) sur les nouveaux usages du végétal en ville, le lauréat du concours Gauthier Leleu (étudiant BTS design produit à ESAAT de Roubaix) a proposé un kit de trois objets destiné à s'initier à la guérilla jardinière. L’intérêt qu’a suscité son travail confirme le côté résolument « tendance » de la Guerilla gardening. Il suggère aussi que cette forme d’activisme vert est un bon point de départ pour qui veut repenser la place du végétal en milieu…

Pour en savoir plus

Richard Reynolds – « La guérilla jardinière », éditions Yves Michel, Paris, 2010

2011-06-09
Ecologie
La maison écolo «clé en main »

Que ce soit Saint-Gobain et sa « maison Multi-Confort » (basse consommation et à énergie positive) de l'architecte Laure Levanneur ou EDF Bleu Ciel qui souhaite s'engager dans la valorisation de ce type de projets au travers des ses Trophées, de plus en plus de marques se positionnent pour proposer une maison écolo «clé en main » ou presque.

C'est notamment le cas des villas concept qui viennent de présenter à la presse leur vitrine, le bateau Ivre. Le point sur les forces et les faiblesses de ce projet.

Le Bateau Ivre  

Imaginée par l’architecte Jacques Patingre pour un couple avec trois enfants, le « Bateau Ivre » propose des performances énergétiques de 38 KW/h/m² an, soit moins que les exigences de la future RT 2012 (50 KW/h/m²). Construite dans le Vaucluse (84), c’est le premier bâtiment à bénéficier d’un cahier des charges “Villasconcept.com”, nouvelle marque de maison « contemporaine à hautes performances énergétiques » lancée par le constructeur Villas La Provençale. Une réalisation qui a reçu pas moins de six récompenses.

Ses principales caractéristiques ? Des panneaux solaires (en prévision) qui devraient assurer 80% de la consommation d'eau chaude sanitaire, une isolation thermique performante, un système de récupération des eaux de pluie et une volonté d'offrir de grands volumes, le tout dans une architecture contemporaine. «  Il s'agit d'une alternative à la maison traditionnelle, dans les mêmes fourchettes de prix », explique Jacques Patingre, architecte du projet et directeur associé de Villasconcept.com. Le constructeur propose ainsi plusieurs gammes de maisons « allant de 150.000 à 250.000 euros pour un maximum de 2400euros du m² ». Le coût de la maison le Bateau Ivre se chiffre ainsi à environ 500.000 euros. Tout de même.  

Limites du projet

Outre son coût assez prohibitif, cette réalisation n'est pas transposable sur tout le territoire. « On construit environ 250 maisons par an dans le Sud-Est de la France et on souhaiterait que cette gamme représente de 20 à 30% de notre offre», précise Jacques Patingre. De sorte que la possibilité de dupliquer ce modèle de maisons est finalement assez faible : «  Nous ne pourrions pas proposer exactement la même chose dans le Nord de la France, ajoute-t-il. C'est un modèle qui convient dans une zone climatique favorable où l'ensoleillement est important et les températures douces. »

De plus, il s'agit d'un projet de maison individuelle située dans un quartier pavillonnaire très peu équipé en transports en commun... ce qui implique forcément des déplacements en voiture et donc une mobilité à forte consommation de CO2. A l’heure où la préservation de l’environnement concourt à l’essor des maisons basse consommation, on est en droit de se demander dans quelle mesure la question de l'habitat durable ne se situe pas a minima à l'échelle du quartier ?

2011-05-12
Architecture & Urbanisme
Quid de l'enseignement du développement durable dans les écoles d'archi ?

Compte tenu de la part du secteur du bâtiment dans la consommation totale d’énergie mondiale (de 45 à 50%) et de l’évolution des réglementations thermiques, l'architecte ne peut plus envisager un projet de logement, d'équipement ou d'urbaniste sans aborder la question du développement durable. Commet les écoles d’architecture préparent-elles leurs étudiants à devenir des professionnels compétents en la matière ?

A l’heure où les projets d’écoquartiers et d’habitat durable se multiplient en Europe, le besoin d’architectes formés à ce type de constructions ne cesse de croître. Reste à déterminer si l’enseignement du développement durable en école d’architecture et à l’Université permet aux professionnels de s’engager dans cette voie…

Une apparition timide

En France, à partir des années 1980, de multiples programmes de recherche sont apparus avec les laboratoires spécialisés de Toulouse (Le Laboratoire d’architecture bioclimatique à Toulouse), Marseille ou encore Paris La Villette qui, dès sa création en 1969, avait donné le ton en proposant un module dédié à l’architecture bioclimatique. Malgré ces initiatives, il semblerait que le développement durable reste le parent pauvre des enseignements prodigués en école d’architecture et à l’université. Ainsi, selon l’architecte espagnol Jaime Lopez de Asiain, celles-ci « ont évolué de façon perverse au cours des dernières décennies, en donnant libre cours à des départements indépendants les uns des autres, dans le domaine des spécialisations, des départements mêmes, des matières ou encore dans les programmes de chaque professeur. »*. Autrement dit, si le développement durable est bel et bien abordé dans les écoles, il l’est de façon morcelée, sectorielle, à rebours de la transversalité que nécessite la conduite de tout projet vraiment durable.

Le pôle « Architecture Environnement et Développement Durable » (AEDD) créé en 1998 à La Villette donne un bon aperçu du problème. Comme l’expliquent le journaliste Pierre Lefèvre et l’architecte urbaniste Anne d’Orazio, « la position majoritaire des enseignants est schizophrénique : D’un côté il est jugé inutile de renforcer le pôle «Architecture Environnement Développement Durable ». Certains vont jusqu’à penser qu’il vaudrait mieux le supprimer puisque « tout le monde en fait » ; mais, par contre, la demande est unanime en faveur d’un enseignement théorique à créer dans les deux cycles de licence et de master. Paradoxalement le caractère transversal du développement durable contribue à sa marginalisation : puisque toutes les composantes de l’enseignement sont sensées devoir intégrer le développement durable, inutile de créer un département ou un pôle spécifique. »*

Quelles solutions apporter ?

Jusqu’à présent, en France, on a privilégié l’approche technique de la construction durable. Ainsi, pour Jean Gautier, Directeur, Adjoint au Directeur Général des Patrimoines, chargé de l’Architecture, la double compétence en architecture et ingénierie est une bonne manière d’aborder la question : « je crois pouvoir dire que les architectes français sont bons ou excellents. Il convient, cependant, que leur formation leur donne les instruments pour exercer pleinement leur rôle de mandataires vis à vis des Bureaux d’Etudes Techniques (BET) dans les projets de construction. Pour cela j’ai souhaité renforcer l’enseignement de la construction et développer, sans perdre la spécificité de la formation d’architecte, les double cursus d’architecte- ingénieur. (École de Paris La Villette avec l’ESTPEIVP, Ecole Spéciale des Travaux Publics et École des Ingénieurs de la Ville de Paris, l’Ecole de Strasbourg avec l’INSA, etc.…). Dans certains cas, ces doubles cursus peuvent conduire à l'attribution de doubles diplômes.* »

Pour d’autres, l’enseignement du développement durable nécessite de réorganiser totalement les contenus. Dans la préface d’Enseignement de l'architecture en France : la place du développement durable dans le cursus (juin2010), rapport écrit dans le cadre du projet européen EDUCATE (voir interview), l’architecte et critique Dominique Gauzin-Müller estime que « la mise en place d'un nouveau cursus intégrant une approche éco-responsable commence par des questionnements sur certains enseignements tombés en désuétude, sur le fond comme sur la forme, et déconnectés des réalités actuelles. » Elle ajoute :  « La suppression de ces cours désormais superflus dégagera du temps pour l'acquisition, entre autres, de compétences devenues indispensables sur les principes thermodynamiques, le génie climatique et énergétique, la mise en œuvre de matériaux locaux bio-sourcés (bois, terre crue, paille, etc.). Ces enseignements devront être le plus près possible de la pratique du terrain et régulièrement actualisés afin de suivre les rapides évolutions. »

Mais à trop privilégier les compétences d’ordre technique, ne perd-on pas de vue les volets social et économique du développement durable ? Pour André de Herde, qui dirige le département Architecture et Climat de l'Université catholique de Louvain au sein du projet européen EDUCATE, « il ne faut pas réduire la développement durable à la simple technique. Le volet social est primordial pour le réussite des projets ». Cette transversalité est justement au cœur du projet EDUCATE. Initié conjointement par la faculté de Nottingham, l’Architectural Association Inc. à Londres et l’université catholique de Louvain, ce programme expérimental a pour ambition de combler les lacunes dans l’enseignement du développement durable, et propose une démarche et des contenus plus adaptés à ces nouveaux enjeux. Au menu : analyse du contexte, prise en compte de problématiques encore peu explorées, telles que la gestion de l’eau ou la mobilité mais aussi la qualité de l'air, la qualité de vie, le confort... S’il se généralise après 2012, comme le prévoient certains, EDUCATE devrait donner le ton de l'enseignement de l'architecture de demain.

* Source : Le Carré Bleu, feuille internationale d'architecture, « La formation à l'architecture durable ». ( 3 / 4, 2010). www.lecarrebleu.eu

2011-05-06
Société
La pollution de l'air intérieur, un enjeu sanitaire

Le débat sur l'habitat de demain ne peut s'envisager sans prise en compte de la pollution de l'air intérieur. En effet, alors même que nous passons 80 % de notre temps dans des espaces clos, les moisissures, l'humidité et les émanations de produits chimiques sont présentes dans l’immense majorité des bâtiments. Le point sur cet enjeu écologique et de santé publique.

 

Selon certaines études, l'air intérieur serait plus nocif que la pollution extérieure. Peintures, solvants, cloisons, revêtements des sols, produits d'entretien, de bricolage… : les émanations toxiques proviennent aussi bien des matériaux de constructions, des meubles que de toutes sortes de produits utilisés pour les entretenir. De plus en plus, la question de la pollution intérieure s'installe dans le débat public. Au banc des accusés, ont trouve d’abord les COV (composés organiques volatiles), molécules chimiques issues de la famille des pétroles qui se présentent sous toutes les formes, vapeurs ou gaz parmi lesquels le méthane, le benzène, les dioxines, reconnaissables à leur odeur de neuf sur tous types d'objets et particulièrement mauvaises pour la santé. On pointe aussi du doigt l’humidité et les moisissures, dont la présence dans un logement augmenterait de 52% le risque de développer une maladie respiratoire. Autre conséquence de la pollution intérieure sur la santé : les allergies.

Une priorité affichée du Grenelle de l'Environnement

Parmi les sources de pollution intérieure, on trouve bien sûr les matériaux de construction. C'est à ce titre que la Fédération Française des Tuiles et des Briques (FFTB) a remis un livre blanc le 17 février dernier à l’Assemblée Nationale, afin d’alerter les pouvoirs publics sur les enjeux de la qualité de l’air intérieur. Comme l'a souligné Françoise Bas, de l'UNAF (Union Nationale des Associations familiales) dans ce même rapport : « les lois Grenelle 1 et 2 ont permis de mettre en œuvre bon nombre de mesures dans une volonté affichée de rupture, mais des marges de progrès demeurent, au regard particulièrement du volet social qui reste à renforcer. La prise en compte notamment des liens entre santé-environnement et habitat a été insuffisante ».

Pour autant, la lutte contre la pollution intérieure figure dans le Grenelle de l’environnement. Le 2e Plan national santé environnement (PNSE2) 2010-2014 en a fait l’une de ses priorités. Il prévoit un ensemble de mesures destinées à mieux connaître les sources de pollution à l’intérieur des bâtiments et à les limiter. À cet effet, l’Inéris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) et le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) ont signé une convention de collaboration. Parmi les 12 mesures phares, la mise en place à partir de 2012 d’un étiquetage obligatoire des produits de construction et de décoration, la réduction de l’exposition aux substances préoccupantes dans les bâtiments accueillant des enfants, l’intervention de conseillers « habitat santé », etc. En 2011, une campagne de suivie de 20 000 enfants pour comprendre l'impact de l'environnement sur la santé et le développement devrait ainsi être lancée.

Évaluer la qualité de l'air : le nouvel enjeu

Des mesures somme tout tardives dans un contexte où « depuis les années 70, la politique d'économie d'énergie mise en œuvre a entraîné un confinement des bâtiments », selon les propos de Bertrand Delcambre , président du Centre scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) dans le livre blanc. Cette « bunkerisation » de l'habitat est toujours de mise, à en juger les projets actuels qui priorisent la réduction de la consommation énergétique et le renforcement de l'isolation. Toutefois, l'ambition de développement durable dans l'habitat se doit de dépasser les seuls critères énergétiques pour relever le défi de la santé. Autre enjeu : la mise en place d'un cadre d'évaluation pour mesurer concrètement les résultats. Comme le souligne Anne-Sophie Perrissin-Fabert, présidente de l'association HQE, «  la loi sur l'étiquetage ne dit rien du résultat. Il faut aller plus loin. Certes le Grenelle 2 prévoit d'effectuer des contrôles dans les établissements publics dès 2012 mais il faut globaliser cette démarche. C'est pourquoi nous réalisons actuellement une proposition de mesures pour les bâtiments neufs (label HQE Performance) pour cette même échéance. Deux problèmes toutefois : l'absence d'une filière d'évaluation de la qualité de l'air intérieur et le coût de cette montée en compétences. On est au tout début du processus ».

2011-04-06
Ecologie
Education à l'environnement : où en est l'école écolo ?

Si l’environnement s’est fait une place dans les médias et dans les préoccupations des français, en est-il de même dans l’éducation ? Sur les bancs de l’école, la biologie ou les sciences de la vie et de la terre sont enseignées depuis plusieurs dizaines d’années. Mais de la maternelle au lycée, évoque-t-on réellement les problématiques liées au développement durable, aux énergies renouvelables ou au réchauffement climatique ?

En septembre 2011, la génération 93 pourra choisir le premier cursus post bac intégrant la notion de développement durable dans son programme. Baptisé STI2D (Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable), ce bac technologique qui viendra remplacer la filière STI, aura quatre nouvelles matières à son programme : Système d’information et numérique (SIN), Energie et environnement (EE), Architecture et construction (AC) et Innovation technologique et éco-conception (ITEC). Cette filière, si elle ne donne aucun savoir-faire professionnel, permettra à ceux qui l’intègrent d’envisager un large éventail de formations jusqu’au niveau bac + 5, masters universitaires et diplômes d’ingénieur.

L'enjeu : sensibiliser certains élèves aux problématiques environnementales. Mais l’ensemble de cette génération de bacheliers aura-t-elle profité dans ses années de maternelle, d’école primaire, de collège et de lycée d’une éducation à l’environnement ? Pas vraiment car les réformes en la matière ont tardé à se mettre en place. Ainsi, si le ministère de l'Environnement propose dès le début des années 90 l'opération "Mille défis pour ma planète" aux enseignants, il s’agit d’une opération unique sur l’année et qui n’est pas imposée dans les programmes de l’Education nationale. A l’échelle locale, un projet de préservation de la nature est choisi par les enfants pendant les heures de cours et régulé ensuite par des adultes, qui se réunissent hors temps scolaire.

Que disent les textes ?

Dans les textes, une circulaire de 1977 définit pour la première fois les contenus et les méthodes de l’éducation à l’environnement. La dimension donnée est essentiellement écologique au sens scientifique du terme. Mais les aspects économiques ne sont pas absents. La notion de développement durable apparaît en filigrane. Concrètement, il faut attendre 2004 et une nouvelle circulaire qui remplace celle de 1977 et fait apparaître clairement la notion de développement durable. Elle préconise que "l’Éducation à l’Environnement pour un Développement Durable (EEDD) doit être une composante importante de la formation initiale des élèves, dès leur plus jeune âge et tout au long de leur scolarité, pour leur permettre d’acquérir des connaissances et des méthodes nécessaires pour se situer dans leur environnement et y agir de manière responsable. " Cette première phase définissait les conditions de généralisation de l’EDDD.

En 2007, un nouveau plan triennal (2007-2010) en faveur de l’éducation à l’environnement pour un développement durable (EDD) est annoncé. Cette deuxième phase vise trois objectifs : "inclure l’éducation au développement durable dans les programmes de toutes les disciplines à l’école, au collège et au lycée, multiplier les établissements en démarche de développement durable (EDDD) et former les professeurs à cet enseignement, quelle que soit leur discipline."

Une matière interdisciplinaire

Si ces dispositions sont désormais obligatoires, le caractère interdisciplinaire de l’EDD rend difficile son application. Car l’EDD n’existe non pas sous forme d'une nouvelle discipline mais dans le cadre des disciplines existantes, à l’image de la biodiversité, enseignée en fil rouge tout au long du parcours scolaire. Difficilement contrôlable, l’enseignement du développement durable dans l’éducation est donc avant tout une question de volonté de la part des enseignants et de la direction des écoles. Certains cas prouvent pourtant qu’il est possible de placer l’EDD au cœur du programme éducatif. L’école du Colibri dans la Drôme s’applique ainsi à mettre en relation "les enfants avec le monde du vivant pour l’apprentissage d’un mode de vie respectueux aussi bien de la planète que des humains qui y séjournent, pour l’acquisition d’une responsabilité écologique et relationnelle." En Ardèche, "l'école de La Ferme des Enfants prend sa place au sein d'un écovillage à vocation pédagogique et intergénérationnelle : le Hameau des Buis." Enfin, si d’autres écoles ne jouissent pas d’un cadre naturel propice à cet apprentissage écologique, cela n’empêche pas certaines de valoriser la notion de développement durable dans leur programme à l’image de l’école Living School de Paris.

Sans aller aussi loin, des programmes ponctuels sont proposés aux écoles et aux enseignants. Plus faciles à mettre en place, ces derniers ont le mérite de faire plancher les élèves sur des situations concrètes. C’est par exemple le cas des Jeunes reporters pour l’Environnement (JRE). Ce programme d’éducation à l’environnement est destiné aux jeunes de 11 à 20 ans. Encadrés par leurs enseignants, les élèves mènent des enquêtes journalistiques sur des thématiques d’environnement local et communiquent leurs conclusions au grand public sur différents supports (écrit, audio, exposition, photo, vidéo, site internet…).

Au bon vouloir des enseignants

L’Eco-Ecole est quant à lui "un label décerné aux écoles élémentaires et secondaires qui s’engagent vers un fonctionnement éco-responsable et intègrent l’EDD dans les enseignements." Ici, les élèves, les enseignants, la direction et le personnel travaillent en partenariat avec les élus locaux, les associations locales et les parents d’élèves. Ensemble, ces partenaires locaux évaluent la situation environnementale de l’école lors d’un diagnostic relatif à l’eau, l’énergie, les déchets et l'alimentation. Au sein du comité de suivi, force d’impulsion du projet, ils définissent des actions pour améliorer la situation de départ puis ils évaluent la portée de ces actions.

Autre exemple avec le Stockholm junior water prize qui est un concours scientifique international pour les jeunes. Il vise à récompenser les initiatives d’amélioration de la qualité et de la gestion de l'eau ainsi que la protection des ressources en eau.

Enfin, les établissements d’enseignement peuvent aussi se lancer dans des actions éducatives d'impulsion ministérielle comme les classes de découverte ou les ateliers scientifiques et techniques. Certaines actions proposées aux écoles, collèges ou lycées sont également menées conjointement par le ministère de l'Éducation nationale et différents partenaires à l’image de celle de l’année dernière baptisée "L'eau, une ressource vitale". Un kit d'exposition et des documents pédagogiques sont fournis aux classes participantes.

Mais là encore, les textes indiquent que "les enseignants ont la possibilité de monter des projets". Aucune obligation n’est mentionnée, et il en va donc avant tout de la bonne volonté des enseignants et directeurs d’école. Charge à eux de former la génération verte de demain.

2011-04-05
Société
Etat des lieux de la mode éthique

Derrière le terme d'éthique s’amasse pléthore de notions : commerce équitable, utilisation de coton biologique, recyclage des matières premières, fabrication éco-responsable. Une valse d'appellations qui peut brouiller le message pour les consommateurs...

Au travers de ces concepts, l'idée est de mettre à l'honneur savoir-faire traditionnel, éditions limitées et proximité avec des producteurs locaux. De plus en plus de griffes utilisent l'argument éthique, des labels apparaissent, des salons s'organisent mais ce nouveau marché réussit-il à s'imposer alors que près de 80% des vêtements sont confectionnés en Asie ? Le point sur la mode éthique.

Qu'est ce que la mode éthique ?

Dans sa boutique parisienne, Tamara Tung, créatrice de By Mutation réalise des collections de mode féminine en série limitée à partir des surplus de productions des griffes de luxe comme Agnès B ou Vuitton qu'elle récupère, dans un esprit très « Upcycling ». Aussi, elle fait confectionner ses vêtements à Paris, l'atelier de fabrication étant à quelques minutes de sa boutique. Du recyclage, une empreinte carbone quasi nulle... Sa démarche s'affiche résolument « écologique »: « Je ne voulais pas fabriquer plus en sachant qu'on peut valoriser des tissus de grande qualité destinés à être perdus. Personnellement, je n'aime pas le terme de mode éthique qui regroupe des notions assez différentes, entre l'utilisation de coton bio ou le fait de respecter les règles du commerce équitable. On s'y perd. Ma marque se positionne comme une griffe engagée, qui défend le Made in France», explique Tamara.

Alors, existe-il une définition claire de la mode éthique ? Si l'on en croit les critères mis en place pour sélectionner les créateurs lors de l'Ethical Fashion Show, premier salon international de la mode éthique, les pièces se doivent d'être produites dans des conditions respectueuses de l'homme (Respect des conditions des travailleurs conformément aux conventions de l'Organisation Internationale du Travail, ect), de minimiser l'impact environnemental des filières de fabrication et enfin de pérenniser les savoir-faire locaux. Depuis quelques années, les marques de mode éthique se multiplient : Baskets Veja, robes Les fées du Bengale ou Ekyog. Et le phénomène semble prendre de l'ampleur : l'Ehical Fashion show rassemblait 20 marques à ses débuts en 2004 pour arriver à près de 90 en 2010.  

Un secteur qui pâtit de plusieurs préjugés

Cependant, même si le nombre de créateurs mettant en place des critères sociaux et environnementaux augmente, les habitudes de consommation semblent avoir la dent dure en matière de mode. En effet, selon une étude de l'Institut Français de la Mode, seuls 28% des français déclarent avoir déjà acheté un vêtement bio ou équitable (soit 7% de plus qu'en 2007) et 37% la connaissant mais ne l'achètent pas (Source étude IFM 2009 « Mode et consommation responsable, regards des consommateurs»).

Pour Isabelle Quéhé, fondatrice du salon de la mode éthique, cela s'explique notamment par le réseau de distribution : « Même s'ils se développent, les points de vente sont encore parfois difficiles à trouver et ne sont pas toujours très “tendance”. La mode éthique pâtit encore trop de cette image “babacool” qui lui a été collée dans les années 1980. » Pourtant, de nombreux créateurs essaient d 'offrir des lignes plus en vogue à l'instar de Tamara, créatrice de By Mutation : « Je ne me reconnaissais pas dans les lignes de la mode éthique qu'on trouvait à l'époque, un peu limitée au niveau des coupes, des coloris et des imprimés ».

Autre frein : les tarifs. Pour autant, le prix d'une jupe chez Ekyog se situe dans la même fourchette que chez Sandro ou Le Comptoir des Cotonniers.

L'empreinte carbone, un coup de main pour le secteur?

L'arrivée de l’empreinte carbone des produits de grande consommation sur les étiquettes pourrait-elle modifier le comportement des consommateurs en matière de mode ? Dans le cadre du Grenelle 2, l’article 228 de la Loi indique qu’à partir du 1er juillet 2011, une expérimentation sera menée, pour une durée minimale d'une année, « afin d'informer progressivement le consommateur par tout procédé approprié du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage, ainsi que de la consommation de ressources naturelles ou de l'impact sur les milieux naturels ».

Avec 18 entreprises pour le secteur textile et quelques dizaines de produits, ce geste pourrai faire figure de goutte d'eau dans l'océan. Le CLCV ( Consommation, Logement, Cadre de Vie), association de consommateurs a par ailleurs souligné «  le recul des députés qui ont repoussé au 1er juillet 20 11 le début de l’affichage du « contenu carbone » des produits de grande consommation et de leur impact sur les milieux naturels, et seulement à titre expérimental sur un nombre limité de produits. ». De plus, ne sont évoqués ici que les seuls aspects environnementaux. Comme le souligne la fondatrice de l'Ethical Fashion Show : « une fois de plus, on parle “environnement ». Le côté humain n’est pas mis en avant. Un produit peut avoir une empreinte carbone relativement basse, mais qu’en sera-t-il des conditions de travail sur la chaîne de fabrication? C’est bien sûr un aspect difficile à “étiqueter”, et pourtant, c’est tout aussi important. »

Du chemin reste donc à parcourir pour que les critères de la mode éthique deviennent les standards de la mode dans ce secteur. La mode durable est-elle une oxymore au regard du rythme des collections et des tendances qui s'enchainent?

2011-03-28
Architecture & Urbanisme
La ville de demain sera t-elle ultra sécuritaire ?

A en juger le développement des résidences surveillées et la prolifération de la vidéosurveillances dans l'espace public, le territoire urbain se transforme à l'aune des caméras, digicodes, murs et grillages qui redessinent la ville. Des évolutions qui modifient les délimitations entre espaces publics et privés.  

Développement des résidences sécurisées

Depuis les années 1990, les villes françaises, Paris et les grandes agglomérations en tête ont accueilli un nombre toujours plus important de résidences sécurisées, à l'image du modèle américain des gated communities, bien connu. Les premiers exemples sont apparus sous la forme de domaines d'exception de luxe pour personnes aisées, sorte de « ghetto doré » qui souhaitait réserver un certain nombre de services (cours de tennis, piscine, ect.) aux seuls habitants. Progressivement, les services de sécurité comme les digicodes et grillages se sont ouverts aux classes moyennes jusqu'à concernés aussi des logements sociaux.

Un état des lieux qui illustre le caractère polymorphe de ces résidences à la française, bien que s'articulant autour du même concept : démarquer la propriété privée de l'espace public. En parallèle, cette problématique s'est progressivement affichée comme un domaine d'intervention de plus en plus sensible pour les pouvoirs publics, notamment pour des aspects sécuritaires.

Doit-on y voir une relation de causes à effets? Peut-on mettre en lien la croissance de cette nouvelle forme d'habitat avec la montée du sentiment d'insécurité qu'il soit réel ou fantasmé ? Selon les auteurs de « Quartiers sécurisés , un nouveau défi pour la ville » (Les Carnets de l'info, 2010) : « Si les ensembles résidentiels fermés en France prolifèrent sur fond de montée en puissance d'un ordre sécuritaire, une nette discordance peut être notée toutefois entre les promoteurs et les résidents quand à la place réservée précisément à l'objectif sécuritaire dans l'argumentaire justifiant le développement de la fermeture ». Ainsi, il semble que les habitants ne semblent pas revendiquer le critère de sécurité dans le choix de ce type d'habitation. Un aspect à relativiser car il s'agit de déclarations qui peuvent être difficile à assumer et donc non énoncées. Pour les auteurs, ces questions représentent davantage un argument commercial pour les promoteurs, les habitants recherchant un certain confort et l'impression de disposer d'une qualité de vie plutôt privilégiée .

Séparation espaces publics/espaces privés

De plus, les auteurs de l'ouvrage estiment également que ces formes d'habitat « participent d'une mise en surveillance de pans croissants de l'espace ». En effet, une des questions fondamentales qui sous-tend ce débat est l'importance des dangers que représente la multiplication des résidences sécurisées et leur influence sur la morcellisation de l'espace urbain. Pour la sociologie et urbaniste Amélie Flamand qui a réalisé une thèse sur la séparation des espaces publics et privés : «  Les enjeux qui déterminent les espaces intermédiaires (escaliers, coursives, jardin, ect) restent les mêmes dans le cas de résidences sécurisées. On retrouve notamment l'importance de ces lieux comme zone de transition entre le public et le privé et le besoin d'appropriation d'un territoire. Cependant, elles représentent un danger de repli sur soi voire d'une sécession urbaine, sociale et politique à l'image de certaines résidences aux États-Unis qui ont demandé de disposer de leur propre fiscalité, cela suppose la création d'un État dans un État ».

Aussi, la multiplication de ce type de résidences est concomitante avec la multiplication du nombre de vidéos surveillance sur le territoire urbain. L'ouvrage cité précédemment met en avant la tendance qui vise à « la montée en puissance d'un territoire sous surveillance et le recours de plus en plus massif à la technologie, en particulier la vidéo surveillance. Le gouvernement française mise ainsi massivement sur cette technique, au nom de la lutte contre la délinquance, l'objectif étant de passer de 2000 caméras aujourd'hui (ndlr : début 2010) à 60.000 d'ici fin 2011 ».

Une situation qui soulève aussi la question de l'appropriation de l'espace urbain, de la place de l'individu dans cet espace et de son intimité. Le travail du photographe Micheal Wolff présenté actuellement dans l'exposition « Peurs sur la ville » à la Monnaie de Paris* offre une approche photographique des inquiétudes face à la prolifération d'images prises par ces vidéos surveillance et d'autres logiciels. Avec « I see you », c'est Google street view qui est pointé du doigt. Les visuels mettent en scène des passants anonymes, des couples qui s'embrassent, mettent ainsi en évidence le « viol » de l'intime par ces yeux cachés.

Comme le souligne Guillaume Foucher, directeur de la Galerie Particulière : « Google Street View est supposé flouter et protéger les renseignements de type privé, la réalité est toute autre et montre une claire intrusion dans nos vies et une violation de notre droit à l'image, pouvant même porter atteinte à la sécurité nationale (reconnaissance des personnes, lisibilité des plaques d'immatriculation, visibilité des accès secondaires des banques et des ministères, photographies des rondes de nuit devant les prisons, etc.) »

Si l'on en croit les caractéristiques du projet pharaonique chinois « Songdo New City » prévu à l'horizon 2014 et présenté comme « la » ville du futur, l'argument sécuritaire s'impose comme un incontournable paradigme à prendre en considération à côté des aspects high tech et écolo. Les trois piliers de la ville de demain?

Pour en savoir plus

*« Quartiers sécurisés , un nouveau défi pour la ville » (Les Carnets de l'info, 2010) de G. Billard, J. Chevalier, F. Madoré et F. Vuaillat

* "Peurs sur la ville". Jusqu'au 17 avril 2011

MONNAIE DE PARIS, 11, quai de Conti 75006 PARIS www.monnaiedeparis.fr

2011-03-10
Société
La nouvelle éthique des étiquettes

Que ce soit pour nous inciter à mieux maîtriser nos consommations d’énergie ou pour nous alerter sur les impacts environnementaux et sanitaires de ce que nous achetons, la réglementation mise de plus en plus sur l’information du public via l’étiquetage obligatoire. De l’étiquette énergie au diagnostic de performance énergétique, zoom sur un dispositif encore tâtonnant.

Comment mieux informer les consommateurs sur les impacts sanitaires et environnementaux de ce qu'ils achètent, tout en incitant les fabricants à mettre sur le marché des produits moins polluants ? Pour les pouvoirs publics, la solution à ce double défi réside dans l'étiquetage obligatoire. Inauguré avec l'étiquette énergie en 1995, le dispositif devrait s'étendre bientôt à presque tous les secteurs de l'économie... 

Coup de neuf sur l’étiquette énergie

Créée dans le but d’informer les consommateurs sur les performances énergétiques des appareils électroménagers et certaines de leurs caractéristiques (consommation d’eau, niveau sonore…), l’étiquette énergie va bientôt faire peau neuve.

A partir du 20 décembre 2011, elle sera remplacée par une version européenne – censée plus lisible dans la mesure où elle fait la part belle aux pictogrammes - et fera son apparition sur les téléviseurs, épargnés jusqu'alors.

Cette évolution est aussi destinée à rendre compte des performances énergétiques toujours plus grandes des appareils électroménagers : les classes les plus consommatrices (E, F et G) n’étant plus commercialisables, elles ont en effet cédé la place à une myriade de classes économes, de sorte que la nouvelle étiquette comportera pas moins de 4 A (de A+++ à A !). À se demander si le nouveau dispositif a été conçu pour informer le public ou pour l’inciter à la consommation…

Les aléas du diagnostic de performance énergétique (DPE)

Depuis le 1er janvier 2011, les agences immobilières en sont couvertes : le DPE est désormais obligatoire pour toute mise en vente ou location de logements. Cette estimation des consommations d’énergie d’un bien est d’autant plus déterminante dans les transactions immobilières que le montant du PTZ+ est évalué en fonction de cet indicateur.

Mais si l’enjeu du dispositif est bien de faire de la performance énergétique un argument de vente et un outil de valorisation patrimoniale, le mode d’évaluation des diagnostics soulève quelques doutes… Ainsi, une enquête de l’UFC Que choisir dénonçait en février dernier le caractère aléatoire des classifications effectuées par les diagnostiqueurs : « Sur 4 maisons visitées par 16 diagnostiqueurs : deux maisons ont été classées dans pas moins de 3 classes énergétiques différentes, une a été classée dans 2 étiquettes différentes, une seule s’étant vue attribuer la même étiquette énergétique par tous ces "professionnels". »

A défaut d’un mode de calcul plus rigoureux, le DPE risque fort de s’assimiler à une sorte de loterie… C’est pourquoi l’UFC demande l’adoption de mesures techniques pour fiabiliser les DPE et la possibilité de le rendre opposable entre l’acheteur et le vendeur. Suite à cet appel, la réaction de Nathalie Kosciusko-Morizet et Benoist Apparu ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué, la ministre de l’Ecologie et le secrétaire d’état au logement se sont engagés à organiser durant tout le mois de mars des réunions de consultation avec les fédérations de diagnostiqueurs ainsi que des acteurs concernés, afin de produire un premier bilan des travaux réalisés dès avril prochain…  

Une étiquette sur la qualité de l’air intérieur

Longtemps resté le parent pauvre de la réglementation française, la qualité de l’air intérieur s’impose peu à peu comme un enjeu sanitaire. Pour réduire à la source les émissions polluantes de COV et autres, l’article 40 de la loi Grenelle prévoyait ainsi de « soumettre les produits de construction et d’ameublement ainsi que les revêtements muraux et de sol, les peintures et vernis et l’ensemble des produits ayant pour objet ou pour effet d’émettre des substances dans l’air ambiant à un étiquetage obligatoire à partir du 1er janvier 2012. »

Encadré par un décret et un arrêté ministériel en cours de signature, ce projet d’étiquetage devrait être applicable en janvier 2012 pour tout nouveau produit, avant d’être généralisé un an plus tard à l’ensemble des produits de construction et de revêtement, mais aussi des peintures et vernis disponibles sur le marché.

S’il s’agit là aussi d’inciter les industriels à de meilleures pratiques, on peut s’interroger sur la classification retenue – de A+ (pour les produits peu émissifs) à C (fortes émissions). Le consommateur, habitué à considérer C comme une valeur moyenne, saura-t-il interpréter les informations données sur l’étiquette ? A suivre...  

Demain, vers une étiquette alimentaire ?

En réponse à une exigence de traçabilité toujours plus grande, l’article 228 de la loi Grenelle II envisageait de conduire sur un an une expérimentation « afin d'informer progressivement le consommateur par tout procédé approprié du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage, ainsi que de la consommation de ressources naturelles ou de l'impact sur les milieux naturels qui sont imputables à ces produits au cours de leur cycle de vie. »

Dans le sillage du texte, plus de 230 entreprises se sont portées candidates pour expérimenter la nouvelle étiquette. 168 d’entre elles ont été retenues, dont 1/3 dans l’agro-alimentaire. A partir de juillet prochain, elles pourront ainsi tester la façon dont les consommateurs perçoivent le dispositif d’information, et mesurer la pertinence des différents supports de communication, leur format et leur lisibilité. Résultats espérés, selon NKM : « Nous attendons de cette expérimentation un engagement plus fort du consommateur. Car un consommateur bien informé peut s’engager, choisir ses produits autrement. D’autre part, cette expérimentation va renforcer le pôle de compétitivité du site France: l’entreprise qui se soucie de produire à proximité et qui travaille sur le cycle de vie du produit, travaille sur la compétitivité.»

2011-03-09
Ecologie
Le Cap veut préserver ses manchots

En 43 ans d’existence, le centre SANCCOB du Cap pour la réintroduction des manchots et des oiseaux de mer a permis à 86 000 d’entre eux de se remettre sur pied et d’être ensuite réintroduits dans les colonies environnantes de la ville. Un travail immense qui a contribué à augmenter le nombre de pingouins à partir du début des années 90 dans la Péninsule du Cap et assurer ainsi l’existence de cette espèce sur la planète, découverte par Vasco De Gama en 1497.

 

"Tu peux les toucher, mais c’est à tes risques et périls, car ils peuvent pincer très fort…" Jean-Pierre met en garde le visiteur qui a pour la première fois l’opportunité d’approcher un manchot. Volontaire au centre SANCCOB (Southern African Foundation for the Conservation of Coastal Birds) du Cap, ce français à la retraite travaille depuis six semaines sous les toits en tôle qui abritent une cinquantaine de manchots en ce début février.

Le travail est harassant, les journées sont longues, et la chaleur vient vous rappeler chaque jour que l’hémisphère sud est bien en plein été. "J’ai perdu trois kilos depuis que je suis ici. Le travail est très physique. Personnellement, je suis chargé de nettoyer les bassins et de laver les serviettes et outils qui servent à nourrir les manchots. Mais on oublie toutes ces journées épuisantes en quelques instants lors du « release »". Le lâchage des manchots est en effet un moment clé de la vie du centre. Deux semaines auparavant, les sept volontaires et les cinq salariés de SANCCOB étaient mobilisés en plus de quelques bénévoles venus pour l’occasion afin de relâcher une cinquantaine de manchots. Le retour à la nature s’effectue toujours en groupe, le manchot vivant uniquement dans des colonies de plusieurs centaines d’individus. En l’occurrence, c’est la colonie de Stony Point, à une centaine de kilomètres du Cap qui est choisie la plupart du temps par le centre.

Menacés d’extinction à la fin des années 80

Composée d’une centaine de couples, cette colonie est la seule avec celle de Boulders Beach (la plus importante d’Afrique avec 3000 spécimens) à accueillir des manchots sur le continent. Les autres vivent sur 24 îles (comme la colonie présente sur Robben Island), au large des côtes entre le nord de la Namibie et Port Elisabeth, au sud-est de l’Afrique du Sud. "Stony Point et Boulders Beach sont deux colonies très importantes dans la survie de l’espèce, car elles étaient menacées d’extinction à la fin des années 80", explique Vanessa Strauss, la Directrice du centre.

Plusieurs autres colonies installées sur le continent n’ont d’ailleurs pas résisté à l’envahissement urbain, en particulier sur les côtes sud-africaines qui abritent parmi les plus belles plages du monde. Des centres comme celui de SANCCOB sont aujourd’hui dotés d’un financement plus important car ils s’occupent de la seule espèce de manchots du continent africain (sur 18 espèces recensées dans le monde). Si l’apparence physique de ce manchot du Cap rappelle celle des pingouins, les deux compères n'appartiennent pas à la même famille. Le pingouin est un oiseau de la famille des alcidés et mesure 40 centimètres de haut alors que le manchot du Cap est de la famille des sphéniscidés et mesure 70 centimètres. Ces derniers ont également été rebaptisés Pingouins jackass par les habitants de la cité mère d’Afrique du Sud. Le cri de ces manchots rappelle en effet celui de l’âne.

Difficile pourtant de se croire dans une étable remplie de bourriquets ce jour-là. La cinquantaine de manchots encore présents dans le centre barbotent gentiment dans les bassins ou se promènent sur les rochers artificiels. "On a clairement ralenti la cadence de travail depuis le dernier relâchement, explique Jean-Pierre. Cette année, on a dû attendre fin janvier pour les remettre dans la nature car un virus avait été détecté dans le centre. On a même dû amener une poule autour des bassins pour être certain que le virus ne pouvait pas muter sur d’autres espèces animales. Il fallait éviter tous risques de transmission avant le relâchement."

Un million d’euros pour sauver 50 000 manchots de la marée noire

La plupart du temps, les manchots ont besoin d’une semaine pour être à nouveau acceptés par leur colonie. Pourtant, il arrive parfois que le centre ait recours à d’autres stratégies de relâchement en cas d’urgence. Ainsi, le 23 juin 2000, le pétrolier Treasure coulait au large de la ville du Cap, déversant 400 tonnes de pétrole sur les îles de Robben et Dassen. Les autorités sud-africaines décidèrent de lancer le plus important sauvetage d’animaux sauvages au monde afin d’évacuer les milliers de locataires de ces îles. Une opération essentielle car la péninsule du Cap abrite 50 000 manchots jackass tandis que la population totale de cette espèce est estimée à 180 000. Le centre a ainsi lancé un appel public pour mobiliser des volontaires et transporter ces 50 000 manchots à 800 km de leur île souillée par le pétrole. Plus de 1000 volontaires ont répondu à l’appel et ont permis d’acheminer les manchots. Ces derniers ont ensuite regagné leur milieu initial en une quinzaine de jours, permettant à l’armée et à la police, réquisitionnées pour l’occasion, de nettoyer les bords de mer. "C’était une opération exceptionnelle qui a coûté 10 millions de rands au gouvernement (1 millions d’euros), détaille Vanessa Strauss. Mais elle aura permis de préserver intactes ces colonies sur le continent."

Au-delà des marées noires, le manchot du Cap a longtemps été menacé par l’homme qui récupérait ses œufs et utilisait le guano (essentiel pour les manchots dans la localisation de leurs sites habituels de nidification) comme fertilisant. Ces pratiques sont désormais interdites. Aujourd’hui, la menace principale vient de la surpêche et de la raréfaction de la nourriture qui en découle pour les manchots. Se nourrissant principalement de petits poissons (sardines, anchois…) et calmars, les manchots doivent désormais parcourir de plus grandes distances pour parvenir à leurs fins. Sous-alimentés, certains se retrouvent au centre pour quelques semaines. "Chaque manchot reçoit entre six et huit poissons par jour, raconte Jean-Pierre. Nous utilisons principalement du poisson congelé. Nous les nourrissons un par un. En général, ils s’habituent très rapidement au nourrissage par l’homme. Nous devons juste apprendre aux jeunes manchots à avaler les poissons en entier."

"Le centre a contribué à quintupler la population de manchots de Robben Island"

Si les manchots sont tous numérotés, les employés et volontaires du centre s’attachent forcément plus facilement à ceux qui se trouvent dans les homes pain. Dans ces cases sont logés les manchots qui ne seront jamais relâchés car trop malades. La vingtaine d’animaux présents ce jour-là ne semblent en effet pas dans la meilleure forme. "Contrairement aux autres, nous les connaissons par leur prénom", précise Jean-Pierre. Il faut plus de moyens pour s’occuper de ces manchots, c’est pourquoi le centre propose au public de les parrainer. Ainsi, pour 500 rands (50 euros), il est possible "d’adopter" un manchot. Le centre se charge ensuite d’informer le parrain de l’évolution de ce dernier. Depuis 1968 et l’ouverture du centre, 86 000 manchots ont ainsi été soignés et remis en liberté.

Un travail d’autant plus important que l’espèce a drastiquement diminué au cours du XXème siècle. La population totale de manchots d’Afrique est ainsi passée de 1,5 million en 1910 à 180 000 aujourd’hui. Le manchot d’Afrique est aujourd’hui inscrit dans la catégorie B2 de l’accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA). Cette catégorie regroupe les populations vulnérables de plus de 100 000 individus dont l’aire de répartition est restreinte et dont la population décline.

Mais si les manchots restent encore menacés, le travail effectué par le centre a contribué à la sauvegarde de l’espèce dans la péninsule du Cap. "Pendant les quarante dernières années, le centre SANCCOB a permis de multiplier par trois la population de manchots à Stony Point et de quintupler celle de Robben Island", explique Vanessa Strauss. Depuis quelques années, les manchots ont également dû faire de la place pour de nouveaux pensionnaires. A quelques mètres des bassins, un pélican observe paisiblement les volontaires s’activer. Un problème de plume l’a amené jusqu’ici. Un peu plus loin, deux cormorans ont également été pris en charge par le centre. "Nous sommes un centre pour les oiseaux de mer, précise Vanessa Strauss. Nous accueillons régulièrement d’autres espèces, mais il est évident que 90% de notre travail est concentré sur les manchots." Dans quelques jours, le centre accueillera une dizaine de nouveaux pensionnaires blancs et noirs. Et Jean-Pierre et les volontaires remettront comme chaque jour leurs cirés pour participer à la survie des manchots du Cap.

2011-02-18
Société
Une campagne d'affichage de France-Nature environnement suscite la polémique

Pas facile de pointer du doigt les effets sur la santé et l'environnement de notre mode de production agricole. Le climat de colère et d'indignation qui entoure la campagne d'affichage lancée le 15 février par l'association France Nature Environnement en offre un exemple. Retour sur une polémique...

 

A quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, une polémique secoue le monde agricole. Le « scandale », selon les termes du ministre Bruno Le Maire, est arrivé hier via une campagne d’affichage de France Nature Environnement (FNE). Pour rappeler au gouvernement les objectifs fixés lors du Grenelle par le plan Ecophyto 2018 (soit la limitation des intrants dans l’agriculture), le réseau d’associations écologistes a programmé la diffusion de six visuels dans 3 stations de métro parisiennes. Des effets dévastateurs des pesticides sur les abeilles à ceux des nitrates sur les plages bretonnes, en passant par les dangers potentiels des OGM, ces affiches pointent les conséquences de l’agriculture intensive sur l’environnement et la santé. "Le salon de l’agriculture est l’occasion, pour de nombreux citoyens, d’aller à la rencontre du monde agricole, explique Bruno Genty, président de l’association. La dimension festive de l’évènement ne doit pas interdire tout débat à propos d’un modèle de production dont les impacts environnementaux ne sont plus à démontrer. »

Algues vertes et porc au vinaigre

Avant même son lancement officiel le mardi 15 février, la campagne de FNE suscitait une levée de boucliers. Premiers à monter au créneau : l’Inaporc et Interbev. Jugeant les affiches préjudiciables à l’image des éleveurs, les deux représentants des filières porcines et bovines ont saisi la justice pour tenter de faire interdire la diffusion des affiches. Sans succès.

Le deuxième coup porté à la campagne d’affichage est venu de la RATP : sous prétexte qu’ils étaient trop polémiques, la compagnie de transport parisien décidait hier de ne pas diffuser trois des six visuels. Parmi eux, cette photographie d’une plage bretonne couverte d’algues vertes :

Depuis, les réactions se multiplient. Dans le journal Libération, Bruno Le Maire disait ce matin sa « colère » et son « indignation » et dénonçait l’amalgame « agriculteurs=pollueurs » auquel conduisait selon lui la campagne. Le comité régional du tourisme de Bretagne fustigeait quant à lui une annonce qui « nuit clairement à l’ensemble des professionnels du tourisme breton ». Même son de cloque chez le député UMP Marc Le Fur : «Cette affiche, dit-il, n'est pas une affiche de protection de l'environnement mais une affiche anti-bretonne». Ailleurs, on dénonce une campagne pour bobos parisiens ignorants des réalités rurales et suffisamment fortunés pour avoir les moyens de se nourrir autrement. Ambiance.  

« On tire sur le messager »

Disons-le franchement : les réactions indignées à la campagne de FNE nous laissent perplexe. A commencer par celle de Bruno Le Maire, qui accuse les affiches de nier « la détresse qui a conduit certains agriculteurs au suicide. » Outre qu’il exonère le modèle productiviste de toute responsabilité dans l’étranglement financier des exploitants agricoles, un tel propos laisse entendre que FNE stigmatise la profession dans son ensemble. Or, la campagne ne s’élève pas contre l’agriculture, mais son versant industriel : « FNE ne se bat pas contre les agriculteurs mais bien contre un modèle dont ces mêmes agriculteurs sont souvent les premières victimes », rappelle Bruno Genty dans un communiqué. Et Benoît Hartman, porte parole de FNE, ajoute : « Il y a un autre modèle agricole, et nous le défendons. Par exemple, l’agriculture biologique est beaucoup plus rémunératrice pour les exploitants, auxquels elle offre plus de marges bénéficiaires. »

La réaction bretonne est plus curieuse encore : elle étonne dans un contexte où la prolifération des algues vertes sur les plages est déjà dans les médias un sujet récurrent, sinon un marronnier. D'autant plus qu'il n’y a pas grand monde pour contester les causes du phénomène, et le ministère de l’écologie et du développement durable lui-même pointe du doigt les éleveurs de porcs.

Bataille d’images entre communicants

Dès lors qu’elles ne font que redire ce qui a déjà été énoncé partout, pourquoi les affiches de FNE suscitent-elles ce tollé ? « Il est clair qu’on tire sur le messager, explique Benoît Hartman. On nous accuse de donner une mauvaise image de la Bretagne, mais les photographies utilisées sur les affiches ne sont pas des photo-montages. Qu’est-ce qui donne une mauvaise image de la Bretagne ? C’est une certaine manière de faire de l’agriculture, dont les conséquences se font sentir non seulement en Bretagne, mais aussi en Normandie et en Vendée. »

En fait, la polémique en cours montre une fois de plus combien la communication des entreprises et institutions étouffe tout débat de qualité quant aux enjeux sanitaires et environnementaux de notre alimentation. Quand le salon de l’agriculture voudrait véhiculer auprès du grand public l’image lénifiante d’un terroir où se fabriquent dans le pur respect de la tradition de la bonne viande et de bons frometons, les affiches de FNE jettent un éclairage nettement plus cru sur le système agricole français, et c’est bien ce qu’on leur reproche in fine.

L'omerta qui entoure le système productiviste explique aussi qu'à sa mise en cause se heurtent toujours les mêmes arguments, dont voici le résumé : « Le bio, c'est pour les bobos. L’agriculture intensive, ça fait des dégâts, mais c’est la seule façon de nourrir la planète. » Interrogé sur ce point, Benoît Hartman évoque un mythe à déconstruire : « On jette 50% de ce qu’on produit, explique-t-il. Pour nourrir tout le monde, il y a donc de la marge. Et puis, un repas bio préparé soi-même reviendra toujours moins cher que d’acheter des produits préparés ou transformés. Surtout que plus on achète bio, plus la filière se développe, et plus les prix baissent. »

2011-02-16
Société
Et si chacun créait sa propre monnaie ?

Comment conjurer d'un même mouvement crise économique, crise du système bancaire et crise écologique ? Pour certains, la solution est simple : il faut créer de nouvelles monnaies. "Libres", "sociales" ou "complémentaires", celles-ci ne sont pas seulement un remède possible à la rareté monétaire, mais pourraient bien nous amener à reconsidérer les notions de richesse et de valeur. Une révolution est en cours ?

La dernière crise financière a brutalement mis en lumière les faiblesses structurelles de notre système bancaire et souligné quelques-uns de ses travers : concentration de la masse monétaire dans les mains d’une minorité (c’est l’effet Pareto), spéculation, etc.

Comme dans un jeu de Monopoly, où le nombre de billets disponible est limité et crée un cadre de jeu fondé sur la compétition, le système bancaire, qui a le monopole de l’émission de la monnaie, crée la rareté. Ainsi que l’écrit Bernard Lietaer, ancien artisan de l’euro et spécialiste des monnaies complémentaires, « ces monnaies sont conçues pour stimuler la compétition, plutôt que la collaboration entre les utilisateurs. La monnaie est aussi le moteur sous-jacent de la croissance sans fin qui caractérise les sociétés industrielles. »

Dans un contexte de crise comme celle que nous traversons, la rareté de l’argent est d’autant plus préjudiciable à l’échange de biens et de services que les banques, qui contrôlent le crédit, adoptent alors une position de repli. Or, quand on limite l’accès au prêt, c’est toute la machine qui se grippe : l’argent ne circule plus, l’activité économique en souffre et le chômage augmente.

Si la crise est, comme beaucoup le suggèrent, consubstantielle à notre système bancaire, si elle résulte d’un problème structurel, il semble alors que nous soyons condamnés à aller de krach en récession… L’histoire économique des dernières décennies l’illustre largement : « bien que la crise actuelle soit la plus importante, ce n’est pas la première, écrit Bernard Lietaer. La Banque mondiale a identifié pas moins de 96 crises bancaires et 176 crises monétaires pendant les 25 années qui ont suivi la décision du président Nixon d’introduire le mécanisme de l’échange flottant au début des années 1970. »  Pourtant, selon Lietaer, le mal n’est pas incurable. Pour assurer la viabilité du système, il suffirait, explique-t-il, de diversifier nos monnaies et nos institutions monétaires, et d’en introduire de nouvelles «  destinées spécifiquement à accroître la disponibilité de l’argent dans sa fonction première de moyen d’échange, plutôt qu’en tant qu’objet d’épargne ou de spéculation. »

Des monnaies régaliennes aux monnaies complémentaires

De fait, à la faveur de la crise, certains pans de l’économie ont vu se multiplier au cours des dernières années ce qu’on appelle diversement « monnaies complémentaires » ou « monnaies sociales ». Soit des moyens d’échange qui, loin de substituer aux monnaies conventionnelles, viennent les compléter au besoin pour « doper » certains secteurs économiques… L’exemple le plus célèbre est celui du Sol. Cette unité de compte est utilisée par des structures (fondations d’entreprises, associations, coopératives, mutuelles, collectivités territoriales…) engagées dans l’économie sociale et solidaire. Son fonctionnement ressemble à celui des cartes de fidélité : tout achat dans une structure du réseau SOL (chez Artisans du monde, à la Biocoop, etc.) permet d’obtenir des unités qui sont créditées sur une carte à puces. Celle-ci permet alors de payer ou d’échanger tout ou partie des produits ou services proposés par les membres du réseau, ou de soutenir une cause ou un projet social. Et parce qu’il est destiné à stimuler entre utilisateurs l’échange de biens et services « responsables », le Sol est une « monnaie fondante » : il perd de sa valeur s’il ne circule pas. Une façon de décourager l’épargne et la spéculation, et de s’assurer que la monnaie créée ne perdra pas sa fonction première : l’échange…

Aussi les monnaies complémentaires sont-elles particulièrement intéressantes en cas de crise. C’est d’ailleurs dans des contextes sinistrés (l'Argentine de la fin du XIXe siècle, les années 1930) que les premières d’entre elles  sont nées. Destinées à stimuler l’activité économique et les échanges de biens et marchandises en période de pénurie monétaire, elles permettent aujourd’hui de doper la « consommation responsable » et solidaire. C’est le cas, au Japon, des Fureai Kippu, une monnaie créée en 1995 avec succès pour stimuler l’offre de services aux personnes âgées… 

 Et des monnaies complémentaires aux monnaies libres

Pour Jean-François Noubel, pionnier du développement d’Internet en France et chercheur en intelligence collective, l’essor des monnaies complémentaires n’est pourtant qu’une phase de transition. Il parie que le système monétaire est sur le point de vivre une (r)évolution comparable à celle des médias : d’abord régaliens, contrôlés par l’Etat, ces derniers sont devenus citoyens, puis collaboratifs (avec le web 2.0, chacun est désormais son propre média). À rebours du système actuel, fondé sur le monopole bancaire, il prédit l’avènement à l’ère des réseaux de ce qu’il nomme des « constellations monétaires » : « nous verrons les monnaies se multiplier et leurs usages se diversifier, explique-t-il. Pour l’essentiel, ces monnaies seront digitales, car celles-ci offrent plus de souplesse que les monnaies scripturales, et sont plus faciles à gérer et contrôler par le collectif. »

Alors que les monnaies complémentaires viennent pallier les déficiences des monnaies régaliennes, les  monnaies « libres » (comme on parle de logiciel libre) invitent quant à elles à changer de paradigme monétaire. Aux principes de réciprocité et de symétrie qui régissent actuellement l’échange d’argent, elles nous proposent d’inventer d’autres manières de partager et construire la richesse. Leur fonction n’est pas seulement de créer de la valeur, mais de déterminer ensemble ce qui a de la valeur.

Bien sûr, certaines de ces monnaies auraient alors pour fonction de favoriser l’échange de biens et de services. Mais, rappelle Noubel, « il ne faut pas restreindre les monnaies à leur fonction d’échange. Elles peuvent également servir à mesurer un capital social ». Prises dans une constellation monétaire, elles permettraient ainsi d’instaurer une relation de confiance (ou fiduciaire) nécessaire à tout échange monétaire. Du reste, ces unités de mesure sont déjà une réalité. Ce sont vos étoiles sur eBay, vos notes sur tel site de location entre particuliers, etc. Ces évaluations déterminent les échanges et les conditionnent : un vendeur mal noté sur eBay voit ses chances de conclure une transaction diminuer…

Autre monnaie, autre vision du monde

Pourtant, si des plates-formes web (telles que http://flowplace.org) permettent déjà de coordonner des projets affranchis du système monétaire conventionnel, si des protocoles informatiques sont en cours d’élaboration pour favoriser la création et l’échange de monnaies libres, personne ne peut prédire aujourd’hui ce que seront ces dernières. Et pour cause : non-centralisées, elles n’auront d’autre règle que la souveraineté des usagers et leur capacité à inventer eux-mêmes leurs propres règles.

Tout comme le développement du Web est porteur de profondes mutations économiques et culturelles, les monnaies libres, si elles se développent, modifieront très certainement notre conception de la richesse. « Donner aux citoyens le contrôle de la monnaie, passer des monnaies rares aux monnaies libres, c'est faire évoluer tout le contrat social », explique Jean-François Noubel. L’avènement des monnaies libres équivaudrait ainsi à une véritable révolution des consciences : à l’intelligence collective pyramidale qui constitue aujourd’hui notre modèle social, se substituerait alors une intelligence collective globale et rhizomique. 

2011-02-16
Mobilité
Voitures : l'usage sans la propriété

De l'auto-partage aux véhicules à louer entre particuliers en passant par le partage de taxi entre plusieurs voyageurs, désormais, la voiture en milieu urbain se loue, se partage et s'utilise « à la carte ». L'automobiliste veut l'usage tout en s'épargnant les inconvénients liés à la propriété du véhicule, aux premiers rangs desquels le prix prohibitif.

Le coût annuel moyen d'un véhicule personnel s'élèverait en moyenne à 5000 euros. Difficultés de stationnement, mauvaise image en matière d'écologie... d'autres aspects qui favorisent l'apparition d'initiatives qui tentent de répondre aux nouvelles problématiques économiques et écologiques liées à la voiture.  

Développement de l'auto-partage

Selon l'Ademe, en 2009, la voiture en libre-service était disponible dans 24 villes françaises dont Marseille, Lyon, Strasbourg ou encore Grenoble. Ce service, principalement installé dans des villes de plus de 100 000 habitants, s'étend désormais dans les villes moyennes. Depuis les années 1990, l'auto-partage se développe fortement en Europe, notamment en Suisse, en Allemagne ainsi qu'en Amérique du Nord. À Paris, un projet d’autopartage mis en place par la mairie doit voir le jour à l'automne 2011. Selon une enquête de l'Ifop pour Le Journal du Dimanche publié en septembre 2009, 61% des 598 Parisiens interrogés se déclarent intéressés par l'Autolib'. Un succès qui s'explique notamment par le fait que ce dispositif s'inscrit dans une offre de déplacements multimodale en mettant à disposition l'usage d'une voiture, seulement pour le temps nécessaire. Ne pas disposer de véhicules de façon permanente permet d'encourager les modes transports doux (vélo, bus, ect.) et ainsi limiter les émissions de gaz à effet de serre. Toujours selon l'Ademe, une voiture partagée remplace entre 4 et 8 voitures privées. Une étude OSEA / ANVAR estime le gain annuel à 1,2 tonne de CO2 par usager, soit à peu près 60 % de ce que l'on rejette par an en se déplaçant.

Des stations d'auto partage se font progressivement une place dans la sphère privée notamment dans des projets d'aménagements pionniers en matière d' « d'écoquartier » comme dans le projet de la ZAC Rungis, à Paris prévu à l'horizon 2014. 8 véhicules en auto-partage seront installés dans un premier temps et la capacité d’accueil pourra aller jusqu’à 20 véhicules. Ces alternatives mettent en avant de nouvelles habitudes de consommation qui détrônent les sacro-saintes valeurs de propriété. L'idée de « partage » se répand même dans d'autres usages tels que le transport en taxi. Sites Internet mais aussi applications pour smartphones permettent de mettre en relation des voyageurs souhaitant partager leur voyage pour en réduire le coût mais aussi faire de nouvelles connaissances.

« Car-sharing » entre particuliers

En marge du co-voiturage, le marché de la location de voitures entre particuliers arrive en France après avoir déjà fait ses preuves aux Etas-Unis. Zilok, Voiturelib ou encore Deways : ce sites cherchent à proposer des réponses aux nouveaux besoins et usages en matière d'utilisation de véhicules. Installés sur le Campus de l’Essec depuis septembre 2010, les trois associés de Deways aspirent à «créer une vraie communauté qui partagent des valeurs de convivialité », explique Noël Paganelli, l'un des associés. Le principe? D'un côté, des propriétaires partagent leur véhicule avec la communauté en échange d'une compensation financière, de l'autre des conducteurs disposent d'un ensemble de véhicules adaptés à leurs besoins et n’en payent que l'usage. Premier bénéfice mis en avant pour rassurer les quelques frileux qui auraient peur de laisser leur voiture : l'apport financier. En moyenne, le loueur peut engendrer 250€/mois avec un record atteint de 420€/mois depuis la mise en place du système. Selon les fondateurs du projet, les jeunes montrent moins d'hésitations que leurs aînés. « Pour démarrer, on vise une communauté d'étudiants, plus disposés à adopter de nouveaux comportements. C'est la génération « bons plans sur internet », et rodée aux échanges sur les réseaux sociaux », estime Noël Paganelli. «  C'est aussi une approche responsable d’utilisation de sa voiture car avec ce type de système, on n'augmente pas le parc automobile ». D'autres campus devraient voir arriver prochainement ce type de services, qui devraient se développer plus généralement en France.

2011-02-14
Société
L'habitat groupé, un nouveau mode de vie

L'habitat groupé refait parler de lui. Apparu dans les années 1970, où une vague d’habitat autogéré avait vu le jour, ce type d'habitations regagne du terrain, se recentrant au passage sur de nouveaux enjeux sociaux et environnementaux.

L'habitat groupé se scinde en deux principaux modes de gestion, en auto-promotion ou coopératif, dont le socle commun est la volonté de vivre ensemble. Bien développé en Suisse, au Danemark et au Canada, ce type d'habitat refait surface depuis le milieu des années 2000 en France.

« Avec l'habitat groupé, on est entre le logement individuel et la salle communale de quartier », indique Cecile Viallon, secrétaire général de Ecohabitat groupé, une association fondée en 1977 par les 6 premiers groupes d’habitat autogérés. Habitante de « La Viorgne » depuis 1985 dans un ensemble de 13 logements dans la région lyonnaise, cette militante de la première heure pour l'habitat groupé ne lésine pas sur le plaisir de parler « des valeurs de partage  et de la convivialité entre voisins ». Un habitat groupé (ou éco-géré) peut regrouper cinq, dix, quinze foyers qui se rassemblent pour concevoir ensemble l’organisation de leurs logements ainsi que les espaces, les équipements, les activités qu’ils souhaitent partager, dans l’optique de constituer un voisinage convivial, ouvert sur la vie du quartier.

Après 10 ans de réflexion puis de construction, La Fonderie à Vanves voit ainsi le jour début 1988. «  Au départ, on était une bande de copains qui voulait partager ensemble le même mode de vie, ce n'était pas un acte militant. De plus, les affinités culturelles étaient très importantes pour la réussite de ce projet », raconte Daniel Jaunas, habitant de la Fonderie depuis plus de 20 ans. Cave à vins, labo photo, atelier de poterie, les habitants de cet immeuble ont créé des espaces de vie communs. Un mode de vie qui entraine aussi parfois des points de discorde. «  Il faut bien avoir conscience que ce type d'habitat exige des compromis et des consensus », précise Daniel Jaunas. Parfois, les membres rédigent une charte qui n’a pas de valeur juridique mais qui permet de fixer des bases de bonne entente entre les habitants. Les lieux communs ont aussi vocation à s'ouvrir vers l'extérieur et peuvent devenir des lieux de réunions pour les associations de quartier. « Notre immeuble a servi de point d'ancrage pour favoriser la vie locale », ajoute l'habitant de La Fonderie.

Une alternative pour accéder à la propriété

D'autres motivations viennent nourrir la réalisation de ce type de projet, comme la question économique. Pour La Fonderie, l'économie permise a été de 20%, ce qui revient au coût d'un maitre d'ouvrage, dont le rôle est alors pris en charge par les habitants eux-mêmes d'où le nom donné à ce mode de construction : auto-promotion. « Depuis 2005, de nombreux jeunes reviennent vers nous afin de nous demander des conseils pour construire un habitat groupé. La crise et le prix du foncier motivent une nouvelle génération à vouloir se loger moins cher tout en partageant des valeurs de partage », estime Cecile Viallon de Écohabitat. Face aux modèles « traditionnels » de logements, que ce soit en vente ou en location, l'habitat groupé apparaît comme une alternative. Une autre forme, l'habitat coopératif tente également d'apporter une solution à la spéculation foncière. Ici, les coopérateurs sont propriétaires collectivement et locataires individuellement. Un statut juridiquement interdit aujourd'hui en France (Loi de Chalandon de 1971). Malgré cela, un projet de 14 logements à Villeurbanne a reçu un permis de construire. Le « village vertical » est une réalisation qui se veut exemplaire en matière de construction écologique, propose des espaces utilisés et gérés collectivement (buanderie, laverie...), un local professionnel ou associatif et des logements pouvant être confiés à des associations d’insertion par le logement. Dans ce projet, le promoteur est le bailleur social, Rhône Saône Habitat. « Cet projet a été rendu possible grâce à un montage juridique », explique Emmanuel Vivien de Habicoop, l’association de promotion des coopératives d'habitants.

De nouveaux enjeux sociaux et environnementaux  

« Tout le monde veut faire de la mixité intergénérationnelle mais en pratique, on se rend compte que c'est assez compliqué », estime Cecile Viallon, ajoutant que « certains groupent se structurent entre retraités comme la communauté des « Babayagas » (ndlr : La Maison des Babayagas est une maison de femmes âgées autogérée à Montreuil.) Des projets de ce type sortent d'un peu partout ». D'autres tiennent leur pari sur ce point. C'est le cas du projet Eco Logis, sorti de terre à Strasbourg en septembre 2010. Avec un bâtiment très ambitieux du point de vue environnemental (isolation, thermique, utilisation d'écomatériaux), la présence de jardins partagés, un processus de démocratie participative très avancé, le projet de Strasbourg a des parfums d'écoquartier et s'affirme comme un « projet pilote » en la matière. Des dispositions que les premières générations d'habitat groupé n'avaient pas abordées dans cette ampleur. «  Sur les 11 logements, il y a des personnes très différentes que ce soit dans les âges ou les catégories sociales », souligne Bruno Parasote, porte parole et habitant du collectif Eco Logis Strasbourg Neudorf, Président d’Eco Quartier Strasbourg et ingénieur urbaniste de profession.* Et Bruno Parasote de conclure : « La question de la mixité générationnelle tout comme la volonté de vivre dans un cadre sain et respectueux de l'environnement sont des problématiques nouvelles qui s'imposent aujourd'hui. L'auto-promotion et l'habitat groupé apportent des solutions à l'urgence du problème du mal logement et de la cherté et peuvent incarner une opportunité voire une nécessité que les collectivités et les citoyens ont la possibilité de saisir.»

Bruno Parasote publie ce mois-ci (sortie nationale prévue le 14 février) un ouvrage sur ce thème : Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux. Comment construire collectivement un immeuble en ville ? Coll. Société Civile – 978 2 913492 92 9 - 14x22 – 240 p. –24 €. Edition Yves Michel  

2011-02-08
Ecologie
Le recyclage des déchets en Afrique du sud : une problématique locale, des enjeux internationaux

Alors que la quantité de déchets dans les pays occidentaux a doublé en quarante ans, l’Afrique est également confrontée aujourd’hui au même problème. En Afrique du Sud, l’accroissement démographique et le développement de la société de consommation ont multiplié la quantité de ces déchets. Mais les politiques de gestions de déchets efficaces tardent à être mises en place.

Ils se promènent avec nonchalance dans la banlieue du Cap, trainant derrière eux des cadis chargés de détritus. En pleine période de vacances d’été, sous un soleil de plomb qui fait régulièrement passer le thermomètre au dessus des 40 degrés, les collecteurs des déchets métalliques du Cap continuent leurs inlassables rondes dans les townships et quartiers pauvres de la ville. Alors que toute la cité-mère d'Afrique du Sud est dans l’effervescence du Minstrel Carnival également appelé "Coon Carnival" en africans ("carnaval noir" qui a lieu chaque année du 28 décembre au 2 janvier), ces derniers n’ont pas vraiment le même enthousiasme. En passant de maison en maison, ils espèrent simplement récupérer quelques déchets métalliques. Des débris oubliés derrières les conteneurs maritimes dans lesquels habitent de nombreuses familles. Ils iront également frapper à la porte des petites maisons en briques rouge, là ou vivent les familles plus aisées des townships.

Après avoir repéré la marchandise, il leur faut négocier avec les propriétaires. Si certains n’hésitent pas à offrir gracieusement ces encombrants déchets, il faudra la plupart du temps engager une âpre discussion sur le prix. Mais le tarif est dérisoire et le kilo de fer s’emporte souvent sous les 5 rands (cinquante centimes d’euros). Ces collecteurs de métaux lourds choisissent chaque jour un nouveau quartier. Ils connaissent parfaitement la banlieue du Cap et tissent au fils des années un réseau de points de collecte chez les habitants des immenses townships du sud de la ville. Mais si l’activité est rentable et permet à un collecteur de manger à sa fin chaque jour, elle est usante physiquement et reste très souvent réservée aux hommes de moins de 30 ans. La journée terminée, ils doivent se rendre dans un des centres de collecte de la ville. Les métaux sont alors convoyés au Waterfront, près du port du Cap pour être ensuite recyclés dans d’autres villes d’Afrique du Sud. Le pays possède en effet les infrastructures suffisantes et assez de centres de recyclage pour traiter lui-même ses déchets métalliques et favoriser ainsi une réexploitation locale. L’Afrique du Sud est d’ailleurs un maillon essentiel dans la chaîne de recyclage de ces déchets sur le continent africain. Des milliers de tonnes de déchets métalliques et informatiques y sont ainsi acheminés chaque année.

Reste que ces collecteurs informels de déchets métalliques symbolisent également l’absence de politique de recyclage des déchets (autres que métallique et informatique) en Afrique du Sud. Car si les métaux sont la plupart du temps laissés à l’abandon dans la périphérie de la ville, le traitement des déchets plastiques, du verre, du papier et du carton pose également problème à plus ou moins grande échelle.

Une prise de conscience souvent tardive

Le verre est recyclable à l’infini après broyage et refonte du calcin (verre brisé). Mais il a fallu pourtant attendre juillet 2006 pour voir enfin la création d’un organisme public de gestion du verre en Afrique du Sud. The Glass Recycling compagny a été crée après un Memoranding of Understanding (MOU). Selon son Directeur Brian Rodger, « 204 000 tonnes de déchets ont été collecté par The Glass Recycling compagny en 2008, soit une augmentation de 38 % en deux ans. Et nous avons engagés plus de 202 partenariats avec des entreprises ». Reste que l’Afrique du Sud ne recycle aujourd’hui que 24 % de son verre quand la plupart des pays européens en recyclent entre 75 % et 80 %. En cause, le faible nombre de conteneurs à verre. Ainsi, il n’existe que 1 800 glass drop-off points in South Africa. L’objectif est d’attendre en 2012 un taux de 50 % de verre recyclé en Afrique du Sud.

Si l’Afrique du Sud doit rattraper son retard en matière de recyclage du verre, elle a en revanche mis en place depuis 1993 un organisme de collecte des boites de conserves et canettes. Ces dernières sont ainsi composées principalement d’aluminium et d’acier. Deux matériaux 100 % recyclables. Collect-a-can a ainsi pour objectif de «promouvoir le recyclage des canettes usages et d’organiser leur collecte ». Grâce à de nombreux partenariats avec des industriels et un système de collecte efficace (en particulier dans les écoles), Collect-a-can a permis à l’Afrique du Sud de faire passer son taux de recyclages des boites de conserves et des cannettes de 25 % en 1993 à 69 % en 2009. Un chiffre qui n’a rien à envier à ceux obtenus par les pays occidentaux.  

43 % du papier produit en Afrique du Sud est issu du papier recyclé

L’Afrique du Sud a également fait des efforts ces dernières années pour promouvoir l’utilisation du papier recyclé par les industriels via son organisme PRASA (Paper Recycling Association of South Africa). PRASA regroupe une dizaine d’industriels de la filière papier. Ces derniers ont doublé l’utilisation du papier recyclé dans leur production entre 1990 et 2003 passant ainsi de 80 millions de tonnes à 187 millions. Selon les derniers chiffres fourni par PRASA, « 43 % du papier produit en Afrique du Sud était issu du papier recyclé en 2009, soit un million de tonne de papier recyclé sur l’année ». Des chiffres assez proches des standards européens (par exemple, 58% des fibres de la pâte à papier sont issues du recyclage en France).

Enfin, le recyclage du plastique n’en est encore qu’à ses prémices. L’Afrique du Sud possède une seule usine de recyclage des plastiques alimentaires à Johannesburg. Si celle-ci s’est vue attribuer un financement de plusieurs millions de rands pour développer le recyclage des plastiques PET (PolyEthylène Téréphtalate), le pays est encore loin de produire uniquement des plastiques recyclés. Le ratio n’est aujourd’hui que de 50 % quand le Royaume-Uni n’utilise actuellement que des plastiques PET recyclés.

Reste que si les politiques publiques et certains industriels visent à encourager et à promouvoir la filière recyclage via la création de ces organismes, le peuple sud-africain peine encore à adopter des habitudes responsables vis-à-vis de l’environnement. Ainsi, dans la plupart des foyers du pays, une seule et même poubelle sert pour tous les types de déchets. Le tri n’est pas une priorité et le constat est identique dans les lieux publics. Les centres-villes sont propres, mais il n’en va pas de même dans les banlieues et en particulier dans les townships ou les déchets sont omniprésents. Ils jonchent les rues et les caniveaux mais il est évident que la problématique environnementale n’est pas ici une priorité.

Une problématique internationale

Si le tri des déchets n’est pas encore rentré dans les mœurs des sud-africains, la problématique des déchets se situe également à une autre échelle plus large. Ainsi, au niveau international, l’Afrique du Sud, comme de nombreux pays du continent africain a du faire face dans les années 80 à l’arrivée massive de déchets. C’est en effet à partir de cette période que les normes environnementales se sont considérablement renforcées dans les pays occidentaux, entrainant un développement du trafic de déchets vers l’Afrique. Mais plusieurs scandales (dont celui du Zanoobia, un bateau chargé de déchets toxiques italiens qui se verra fermer les portes d’entrée de tous les ports d’Afrique et qui sera finalement contraint de retourner à son point de départ en 1988) entraineront la signature d’accords internationaux réglementant voir interdisant les transits vers les pays du sud à l’image de la Convention de Bâle - adoptée le 22 Mars 1989 – qui encadre et limite les mouvements transfrontaliers de déchets toxiques, afin de protéger les pays émergents. Le trafic s’est alors redirigé vers les pays d’Europe de l’est. Mais les industriels des principaux pays pollueurs ont également rapidement compris que le marché du traitement des déchets était prometteur et qu’il nécessitait de toute façon des infrastructures et des technologies difficiles à financer dans les pays pauvres.

Pourtant, certains déchets sont aujourd’hui encore considérés comme trop peu rentables à recycler et à traiter par les pays occidentaux. D’autres sont également jugés très dangereux. Les déchets électroniques (ordinateurs portables, téléphones…) sont représentatifs de cette problématique. Leur volume augmente de façon exponentielle, leur durée d’utilisation diminue constamment et plusieurs composants utilisés dans leur fabrication sont toxiques (cadmium, plomb, mercure). Résultat : la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud se sont spécialisés dans le démantèlement et le recyclage de ces déchets. Mais les normes environnementales dans ces pays sont bien souvent très éloignées des standards européens. Difficilement mesurables, les conséquences sont pourtant bien réelles sur l’air, les sols et les nappes phréatiques proches de ces centres de démantèlement et de recyclage. Des répercussions environnementales qui passent bien souvent au second plan au regard du business généré par le traitement des déchets.

2011-01-21
Société
Nucléaire : quels risques ?

24 ans après la catastrophe de Tchernobyl, l’énergie nucléaire s’est largement développée en particulier en France, où elle représente 80 % de l’électricité produite. Mais si aucun accident de l’ampleur de celui de la centrale ukrainienne n’a eu lieu depuis, on peut se demander quels risques la production de ce type d’énergie implique-t-elle aujourd’hui.

Pas vraiment réputée pour être un pays pionnier de l’énergie nucléaire, l’Allemagne a pourtant eu la surprise de revenir sur le devant de "l’actualité de l’atome" en dévoilant en janvier dernier qu’elle était dans l’obligation d’évacuer 126 000 fûts de déchets radioactifs d’une ancienne mine de sel. Située dans la ville d’Asse en plein cœur du pays, ce stock de déchets radioactifs entreposé entre 1967 et 1978 risquait en effet de "concurrencer" la catastrophe écologie de la marée noire en Louisiane du fait de la présence d’infiltrations d’eau. Résultat : l’opération d’évacuation devrait durer près de 20 ans et coûter entre 2 et 3 milliards d’euros à l’Etat.

Une échelle pour mesurer la gravité des accidents nucléaires

Or, depuis le 26 avril 1986 et l’explosion du réacteur de la centrale de Tchernobyl, c’est davantage la gestion des déchets radioactifs qui a posé problème que les conséquences liées au risque nucléaire. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer l'échelle internationale des événements nucléaires également appelée INES (de l'anglais International Nuclear Event Scale). Cette dernière mesure la gravité d’un accident nucléaire et comprend 8 niveaux notés de 0 à 7. Si la mise en application internationale de l’INES date de 1991, les accidents antérieurs ont également été répertoriés. L’accident de Tchernobyl apparaît ainsi comme le seul cas classé en niveau 7 ("Accident majeur. Rejet majeur : effet étendu sur la santé et l'environnement ; Mort de plusieurs personnes sur le site et destruction de l'installation"). Le niveau 6 compte également un seul cas (celui de l’explosion de la cuve de déchets radioactifs dans l’usine de retraitement de Kystym en Russie) tandis que le niveau 5 en compte deux. Celui de Three Mile Island aux Etats-Unis et celui de Sellafield en Angleterre.

En France, l’accident nucléaire le plus grave a atteint le niveau 4 avec l’endommagement d'un cœur de la Centrale nucléaire de Saint-Laurent en 1980. Cet accident considéré comme "n'entraînant pas de risque important à l'extérieur du site" avait eu pour conséquence des rejets mineurs à l’extérieur du site et un "endommagement important du réacteur ou des barrières biologiques, ou exposition létale d'un travailleur". Quatre événements de niveau 3 ont également été répertoriés en France (1981 à La Hague, 1989 à Gravelines, 2002 à Roissy, 2008 à l'ONERA à Toulouse). Qualifiés "d’incidents graves" ou "d’accidents évités de peu" sur l’échelle de l’INES, ces derniers étaient considérés comme pouvant engendrer une "contamination grave avec effets aigus sur la santé d'un travailleur sur le site" alors que les incidences hors site étaient qualifiées de "très faible rejet". Enfin, une centaine de cas relevant de "l’anomalie" (niveau 1) sont référencés chaque année en France. Ces derniers sont "sans conséquences" à l’intérieur et à l’extérieur du site comme le millier de cas relevant du niveau 0 ("sans importance du point de vue de la sûreté").

C’est en 1973 que la France a crée son premier "Service central de sûreté des installations nucléaires" (SCSIN). Un organisme qui aura évolué au fil des années en acquérant des compétences élargies et un statut différent. Le dernier date de juin 2006, lorsque la France s’est dotée d’une nouvelle loi  ayant pour objectif de "mettre en œuvre dans le domaine du nucléaire les principes environnementaux applicables aux autres secteurs d’activité : principe de précaution, principe pollueur-payeur, principe d’information du public". Une initiative tardive qui aura permis la création d’un "Haut-Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire" (HCTISN) dont la mission doit être de "contribuer à l’information du public sur les activités nucléaires, instance de débat et de concertation". Le HCTISN peut également "se saisir de toute question relative à la transparence de l’information en matière nucléaire". Cette loi impliquait aussi la création d’une Autorité de sûreté nucléaire (ASN), "autorité administrative indépendante qui sera chargée de contrôler les installations nucléaires ainsi que la radioprotection des hôpitaux et des centres de recherche. Elle sera chargée, en cas de crise d’informer le public et de faire des recommandations au gouvernement".Bref, deux organismes publics destinés à prévoir l’impensable sur un sujet qui enflamme les passions depuis que la France a décidé de faire du nucléaire sa principale source de production d’électricité. Il n’y a qu’à voir à ce propos les conclusions diamétralement opposées du "Réseau Sortir du nucléaire" et d’Areva sur la troisième génération de réacteur appelée EPR (European Pressurized Reactor). L’ASN émettant également de son côté ses conclusions sur la sécurité de ces nouveaux réacteurs nucléaires.

La gestion des déchets nucléaires

Si la création de ces deux organismes est censée garantir ce "principe de précaution" sur le territoire français, il n’en va pas forcément de même quand la problématique prend une dimension internationale. Ainsi, le dernier exemple en date remonte à juin dernier. Dans un documentaire intitulé "Déchets, le cauchemar du nucléaire" (également paru en ouvrage et diffusé sur Arte en novembre 2009. Dans ce dernier, les auteurs (la journaliste de Libération Laure Noualhat et le réalisateur Éric Guéret) révélaient l'existence d'un gigantesque site de stockage à Tomsk en pleine Sibérie contenant de l'uranium appauvri issu du ré-enrichissement de l'uranium de retraitement français. Une information qui aura incité Jean-Louis Borloo à saisir le Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) afin de connaître les flux exacts des matières échangées avec la Russie, ainsi que le bilan du retraitement français.Prévue du 8 au 10 juin 2010, cette visite sera une première fois repoussée en raison de "la perception très négative par les populations locales de la vision de la France sur l’activité du site de Tomsk". Pire, elle sera même finalement purement et simplement annulée le 29 juin dernier. "Cette décision a été prise suite à l'information reçue par le Président du HCTISN hier après-midi que deux membres du Haut comité prévus dans la délégation (qui appartiennent aux collèges des salariés et des associations de protection de l’environnement) n’étaient pas autorisés à pénétrer sur le site de Tomsk où se situent les installations de la société ROSATOM" indiquait le communiqué de la HCTISN.

Une problématique historique

Au-delà de cette affaire des déchets de Tomsk, la gestion des déchets nucléaire reste préoccupante alors que de nombreux pays font aujourd’hui le choix de l’énergie nucléaire. 62,5 % de ces déchets sont produits dans le cadre de la production d'électricité par les centrales nucléaires. Le reste est le résultat des autres activités du cycle nucléaire. Ces déchets radioactifs en provenance des centrales nucléaires sont gérés par l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) et représentent 60 % du volume des déchets radioactifs traités par cet établissement public à caractère industriel et commercial (Epic).Aux prémices de l’énergie nucléaire, la gestion des déchets nucléaires n’a jamais été une priorité. Dans les années 50, ces derniers sont entreposés directement dans les centrales nucléaires. Envisagée à la fin des années 60 par le biais de deux campagnes internationales d’expérimentation, l’immersion en pleine mer est rapidement abandonnée. Un centre de stockage pour les déchets de faible et moyenne activité est finalement installé à proximité de l’usine de retraitement de combustible de La Hague en 1969.Confrontée au milieu des années 70 au choc pétrolier, la France décide d’accélérer la construction de ses centrales nucléaires. La quantité de déchets radioactifs est exponentielle et l’Etat demande alors au CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) de créer un organisme chargé de gérer tous ces déchets. L’ANDRA est créée en 1979 et plusieurs mesures sont adoptées. Les déchets nucléaires sont désormais conditionnés dans des colis normalisés. Un système de collecte pour contrôler et maîtriser les eaux sortant du stockage est créé afin de mesurer l’impact du centre sur l’environnement. D’autre part, la France se dote en 1987 d’un deuxième centre de stockage des déchets de faible et moyenne activité dans l’Aube.Mais les déchets de haute activité à vie longue (plusieurs milliers d’années avant qu’ils soient sans danger) posent toujours problème. Faute d’une solution idéale, il est finalement décidé de les enfouir de façon définitive, en grande profondeur (un principe qui est loin de faire l’unanimité auprès des associations environnementales comme en atteste la position du réseau Sortir du nucléaire, de Greenpeace ou des Amis de la Terre).

L’argile choisi après dix ans de recherche

Les propriétés des roches doivent être étudiées via des laboratoires souterrains afin de choisir la plus efficace pour l’enfouissement des déchets. Le granit dans les Deux-Sèvres, les ardoises dans le Maine-et-Loire, les formations salines dans l’Ain et les argiles dans l’Aisne sont envisagés. Mais les scientifiques sont rapidement confrontés dans leur travail à l’opposition des populations locales. Une opposition qui prend de l’ampleur dès 1987 et le début des études géologiques pour aboutir trois ans plus tard au lancement d’un moratoire d’un an sur les laboratoires souterrains. Une loi est votée en décembre 1991 rendant l’ANDRA indépendante du CEA et encadrant de manière précise l’étude de faisabilité du stockage en profondeur. L’agence dispose de quinze ans pour réaliser cette étude. Quatre départements se porteront finalement volontaires pour accueillir un laboratoire souterrain (la Vienne, la Haute-Marne, la Meuse et le Gard). Les scientifiques relancent leur recherche en 1994 et il faut attendre 1998 pour voir le site de Bure en Haute-Marne choisi comme territoire pour le laboratoire souterrain. Implanté dans l’argile, ce dernier est mis en chantier en 2000. Le forage atteint la profondeur de 445 mètres en 2003 et les expérimentations sont lancées. En 2005, l’ANDRA publie ses conclusions de dix ans de recherche et indique que "la couche d’argile du site de Bure est parfaitement apte à recevoir un stockage et à contenir des déchets radioactifs".Parallèlement à cette décision, un débat public sur la gestion des déchets radioactifs est lancé la même année afin de faire remonter un certain nombre d’interrogations du public dont la principale porte sur la réversibilité du site. Résultat : en juin 2006, une nouvelle loi élargie la mission de l’ANDRA. L’agence doit entre autre rechercher un site pour les déchets de faibles activités à vie longue et concevoir le stockage profond souterrain réversible. En clair, la France se laisse la possibilité de récupérer ces déchets radioactifs (un principe qui devrait être défini dans la loi française dans les années qui viennent) . Plus récemment en octobre 2009, l’ANDRA a remis aux ministres en charge de l'énergie, de l'environnement et de la recherche un rapport dans lequel elle identifie une zone de 30 km2 environ, appelée ZIRA (Zone d'intérêt pour la reconnaissance approfondie), pour poursuivre l'étude de l'implantation des installations souterraines du futur centre de stockage fermé. Accepté par l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire) et la Commission nationale d'évaluation, le Gouvernement a autorisé en mars 2010 l'ANDRA à réaliser des investigations plus approfondies sur cette zone. 

2011-03-16
Ecologie
Climatosceptiques : le retour en force ?

Majoritairement admis par la communauté scientifique, le réchauffement climatique semble être une vérité mesurable indéniable. Pourtant, depuis Copenhague, les contestataires ont retrouvé de la voix.

Quel sort réserve les médias français aux climatosceptiques ? Difficile d'affirmer à première vue, que Allègre & Co reçoivent un accueil chaleureux de la part de la presse, de la télévision et de la radio.

Pour autant, il y a toujours eu débat sur les causes du réchauffement climatique, et tous les scientifiques ne se risquent pas à affirmer leurs certitudes d'une cause humaine.

Difficile donc de ne pas laisser la place à ces "négationnistes environnementaux". « Une des raisons de la non-présence des climatoscpetiques dans les médias s'explique par le fait que les journalistes traduisent la pensée unique admise dans l'opinion selon laquelle l'homme est à la base du changement climatique explique le journaliste Jean-Yves Casgha, fondateur de Terre.tv et du Festival Science-Frontières. Les journalistes aiment les choses simples. Or, quand on leur dit que 2500 chercheurs sont d'accord sur le même sujet, ils vont forcément acquiescer et ne vont pas chercher à donner la parole aux contradicteurs. Mais rien ne garanti à 100 % que ces 2 500 scientifiques ont raison ! »

L'influence paradoxale de Copenhague  

Contrairement à la presse française, les médias anglo-saxons ont toujours été plus à l'écoute des climatosceptiques. Témoin cette une du 13 août 2007 de Newsweek : "le réchauffement climatique est un canular"." 

L'échec de Copenhague aurait-il joué un rôle salvateur en la matière ? A savoir laisser plus de place aux climato-sceptiques et à leur théorie en France. Probablement selon Jean-Yves Casgha : « L'échec du sommet a permis aux climato sceptiques de se réveiller. Je pense notamment à Vincent Courtillot ou Claude Allègre. » Ainsi, deux mois après la fin de la conférence de Copenhague, Libération publie un dossier intitulé : « Réchauffement, les sceptiques attaquent ». Habitué à prendre position en faveur d'une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, le journal laisse largement la place dans ce dossier aux théories des climatoscpetiques.

L'éditorial de Laurent Joffrin est dans le même ton : "Nolens volens, une série d'erreurs partielles, d'approximations et d'occultations de données (certes explicables) ont apporté une eau plus ou moins limpide au moulin des climatosceptiques parmi lesquels Claude Allègre se distingue par son opiniâtreté. Certains de ces non-croyants sont politiquement orientés ou bien liés à des intérêts économiques. Mais d'autres sont de bonne foi (...) Pourquoi ne pas écouter ces critiques, quitte à les réfuter? Plusieurs voix demandent une réforme du Giec, qui laisserait plus de place aux opinions dissidentes. N'est-ce pas la règle dans toute controverse scientifique? La vérité sur le climat n'a rien à perdre à cette confrontation." Le directeur de Libération laisse ici la place au débat. Une position que l'échec du sommet de Copenhague et le Climate Gate (voir plus bas) auront grandement favorisée.

Et à l'image de l'évolution éditoriale de Libération, de nombreux journaux mettent désormais en opposition les défenseurs des conclusions du Giec et les climatosceptiques.

Même principe à la télévision et à la radio, où les émissions parfois très consensuelles sur le sujet font désormais plus de place au débat. Une évolution salvatrice pour la démocratie, mais pas forcément pour la planète...

2010-03-16
Ecologie
Le Pays de Galles se met au vert

Le pays de Galles souhaite aujourd'hui tourner le dos à son passé industriel et regarder vers l’avenir à travers le prisme du développement durable.

Paysages de vallées et de cottages à perte de vue, côtes escarpées : le pays de Galles est avant tout une région rurale. Trois millions d’habitants (dont 300.000 à Cardiff) peuplent le territoire, un chiffre bien inférieur à celui des 15 millions de moutons sillonnant les champs. L’économie du pays est aujourd’hui tournée vers la finance, les assurances et les banques, principaux secteurs d’activités des gallois. Toutefois, les stigmates de la forte industrialisation (Acier, Fer, Charbon) qui a caractérisé pendant les deux derniers siècles la région et notamment le sud restent présents. Fort de ses paysages de campagne, le « Grand pays » comme le nomme ses habitants souhaite désormais tourner le dos à ce passé industriel et regarder vers l’avenir à travers le prisme du développement durable.

Des activités durables 

De Cardiff à la pointe de St David’s (la plus petite ville d’Angleterre) de nombreuses initiatives « durables » voient le jour en termes d’hébergements, d’activités ou de gastronomie.

Les 3 parcs nationaux recouvrent ¼ du pays : le Snowdonia National Park au Nord, le Brecon Beacons National Park au centre et le Pembrokshire National Park à l’extrémité Ouest du pays, seul parc naturel maritime de Grande-Bretagne. De quoi profiter d’activités en lien avec la nature pour les amateurs de vacances synonymes de retours aux sources.

Terre d’espace et d’infini, le Pembrokshire porte bien son nom. Le terme vient de « penfro » signifiant « bout du monde ». C’est une réserve encore peu connue pour pratiquer le kayak ou le « Coasteering », du canyoning en bord de mer que propose la structure TYF. Cette école de surf, fondée en 1986 avec le premier éco-hotel au pays de Galles (actuellement fermé), ambitionne d’être le premier centre proposant des activités neutres en terme d ‘émissions de gaz à effet de serre. Un défi parfois difficile à relever compte tenu de certaines contraintes, dont le prix élevé  des combinaisons de surf bio.

Se loger responsable 

Des lieux s’ouvrent pour proposer un hébergement éco-responsable. Ainsi, les Asheston Eco Barns, une ancienne ferme a été reconvertie en éco-lodges de vacances. 40 à 50% de la consommation énergétique globale y proviennent d’énergies renouvelables. « Nous avons ouvert il y a juste 10 mois, nous n’avons pas encore de recul sur ce projet mais nous souhaitons être un cas d’école pour les autres éco-concepteurs », explique Karen Loo, gérante des Eco Barns.

Panneaux solaires thermiques pour fournir l’eau chaude, géothermie pour le chauffage, récupération de l’eau de pluie pour faire tourner les machines à laver et pour les toilettes, traitement des eaux grises sur place, offre de produits locaux (œufs, pain, viande, etc.) : la démarche écologique se veut globale.

Bluestone, centre de vacances ouvert en 2008 au cœur du Parc National du Pembrokshire souhaite également se positionner dans une forte approche environnementale . Son parc aquatique, le Blue Lagoon, est alimenté par une chaudière de biomasse présente sur le site. 6000 tonnes de chutes de bois sont utilisées pour produire la matière première nécessaire, faisant ainsi travailler 15 fermiers autour du centre de loisirs.

2010-04-25
Ecologie
Le sommet de Copenhague en question

Du 7 au 18 décembre prochain, se déroulera à Copenhague une conférence sur le climat rassemblant plus de 200 pays.

L'enjeu : élaborer un accord global pour faire suite au protocole de Kyoto, et définir des objectifs précis de réduction de GES (gaz à effet de serre) pour la période 2013-2017. A l'occasion du Blog action day, qui vise à mobiliser les internautes sur les risques liés au changement climatique, les Ecofaubourgs font le point sur ce sommet crucial.

Qui organise COP15?

Le sommet de Copenhague est organisé par l'ONU, dans le cadre de la CCNUCC (convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques). Elaborée en 1990 et signée par 154 pays lors du sommet de la Terre à Rio en 1992, celle-ci a pour objectif d'assurer la stabilisation des émissions de GES. Copenhague sera la 15e réunion des Parties (pays signataires de la CCNUCC), d'où le nom donné à la conférence : COP15 (Conference of parties n°15).

Qui y participe ?

Les 200 pays participants sont regroupés en 5 groupes stratégiques :

  • Le G77 : il réunit 130 pays, dont la plupart sont en voie de développement.
  • L'Alliance des petits états insulaires (AOSIS en anglais) : ce sont 43 îles et pays à faible élévation côtière, donc des zones menacées par l'élévation du niveau des océans.
  • Les PMA (pays les moins avancés) : on y trouve 49 pays.
  • L'Union européenne et ses 27 états membres
  • Le « groupe parapluie » : cette coalition de pays industrialisés formée après l'adoption du Protocole de Kyoto comprend l'Australie, le Japon, le Canada, l'Islande, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Russie, l'Ukraine et les Etats-Unis
  • Le Groupe de l'intégrité environnementale (GIE) : cette coalition comprend le Mexique, la Suisse et la Corée du Sud.

Par ailleurs, les ONG comptent sur une large mobilisation citoyenne en marge du sommet. Leur objectif : mettre une pression sans précédent sur les parties pour aboutir à un accord ambitieux, comme le montre la vidéo ci-dessous.

Quels sont les objectifs du sommet ?

L'enjeu du sommet de Copenhague est simple en apparence : limiter le réchauffement climatique à 2°C en fin de siècle par rapport à la période 1980-1999. Or, pour atteindre cet objectif, le GIEC (groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat) préconise de réduire de 25% à 40% les émissions de GES des pays développés d'ici 2020. Un objectif beaucoup plus ambitieux donc, que celui fixé en 1997 à Kyoto, où a été décidée une réduction des émissions de GES d'au moins 5,2 % entre 2005 et 2012.

Autre défi : fonder un nouveau mécanisme de collecte mondiale pour assurer la collaboration des pays industrialisés et de pays en développement (PDE). De même, il s'agit d'assurer le transfert des technologies des premiers vers les seconds.

Enfin, la lutte contre la déforestation, qui aggrave le changement climatique, s'annonce comme l'un des points forts du sommet.

A quelles conditions COP15 sera-t-il un succès ?

Le succès de Copenhague dépend d'abord de la capacité des grandes puissances à trouver un accord. Or, si l'Europe plaide en faveur d'objectifs ambitieux, les Etats-Unis, qui avaient refusé de ratifier le protocole de Kyoto, suscitent plus d'inquiétude que d'espoir : non seulement la lutte contre le changement climatique s'y résume à la volonté de mettre en oeuvre un marché des émissions, le « Cap and Trade », mais ce dernier se heurte à l'hostilité des républicains et d'une majorité des entreprises américaines, qui y voient une « taxe nationale sur l'énergie ».

Ensuite, selon une étude du Centre d'analyses stratégique parue en septembre, l'issue de Copenhague est étroitement liée à la question des rapports Nord-Sud. Pour les participants, l'un des enjeux majeurs du sommet sera de trouver une juste répartition des efforts entre responsables « historiques » du changement climatique et pays émergents. Or, si les pays industrialisés veulent obtenir davantage d'efforts de PED comme l'Inde et la Chine (celle-ci est le 1er émetteur mondial de GES depuis 2007), ces derniers défendent mordicus leur statut dérogatoire, qui les exonère pour l'instant d'objectifs contraignants.

     
       
2009-10-28
Société
AMAP : du champ à l'assiette

La scène se répète chaque mardi dans cette petite rue du centre parisien.

De 18h à 21h, des citadins et citadines de tous âges se succèdent à la porte du syndicat d'initiative. Ayant adhéré à l'AMAP la plus proche (association pour le maintien de l'agriculture paysanne), ils viennent y chercher leur panier hebdomadaire de fruits et légumes.

Le producteur (ce jour-là, une productrice) supervise la distribution d'un oeil bienveillant. Fidèles à l'obligation de participer au fonctionnement de l'association, deux bénévoles renseignent consommateurs et curieux.

La bonne humeur règne sur ce marché de fortune, d'où chacun repart avec un panier plein de tomates, pommes de terre, carottes, courgettes, tomates cerises, poivrons, aubergines, salades et légumes de saison obtenus contre 15 € payés d'avance. Moyennant une obole supplémentaire, les gourmands peuvent compléter leur panier d'un pot de miel, d'oeufs ou de fromage. Le tout produit dans une ferme située à moins de 100 km de Paris, aux environs de Beauvais.

Né au Japon dans les années 60 et débarqué en France il y a moins de 10 ans, le système des AMAP séduit de plus en plus. Son principe est simple : un groupe de consommateurs passe un partenariat avec un agriculteur local, et s'engage à acheter l'ensemble de sa production ; quant au producteur, il fournit à ses clients des aliments bios et produits localement. Ce système a l'avantage de supprimer tous les intermédiaires. Pour le plus grand plaisir du client : « J'ai fait le calcul, nous confie Stéphanie, une adhérente, et je dois dire que c'est rentable. Mais chut ! Sinon, tout le monde voudra s'inscrire et il n'y en aura pas assez de place. »

De fait, les AMAP peinent à satisfaire les demandes d'adhésion. Si les citadins plébicitent un mode de distribution privilégiant proximité et convivialité, les agriculteurs, eux, n'ont pas toujours les moyens de rompre avec la logique productiviste. C'est d'ailleurs l'une des limites de l'association. « La demande est de très loin supérieure à l'offre, nous confirme Charlotte, jeune agricultrice chargée de superviser la distribution. Les exploitants manquent de terres, et sans terre, rien n'est possible. » Responsables de cette pénurie, l'étalement urbain, les subventions accordées à la mise en jachère ou la concurrence des grandes exploitations, qui sont autant de freins au développement des AMAP. Au grand dam des consommateurs firands d'alternatives.

2008-08-26
Ecologie
Du tri au recyclage : vers l'objectif zéro déchet

Réduire, réutiliser et recycler : l'objectif zéro déchet est d'une simplicité désarmante. Voici comment faire.

Réduire, réutiliser et recycler : l'objectif zéro déchet est d'une simplicité désarmante. L'ordre de ces « trois R » est important. Il s'agit en effet de tendre en premier lieu à l'élimination des déchets à la source, de bannir ensuite le jetable au profit du durable, et enfin de valoriser au mieux les déchets subsistants.

Le fonctionnement se veut proche de celui des écosystèmes : une logique cyclique, plutôt que linéaire, dans laquelle les déchets des uns constituent une ressource pour les autres. L'objectif zéro déchet vise donc plus précisément à réduire au minimum possible les déchets résiduels qui subsistent à la fin de la chaîne de traitement.

En France, c'est 80 % des déchets ménagers qui étaient encore mis en décharge ou incinérés en 2004, contre 13% triés pour recyclage et 6% subissant un traitement biologique (compostage ou méthanisation).La mise en décharge est pourtant limitée depuis le 1er juillet 2002 aux seuls déchets ultimes, c'est-à-dire ceux dont on ne peut plus réduire le caractère polluant ou dangereux « dans les conditions techniques et économiques du moment ». Si ces limites techniques et économiques existent en effet, force est de constater que l'objectif zéro déchet n'est pas un simple leurre.

Et si nos ordures étaient la principale ressource de demain ?

La valorisation matière (recyclage, compost) ou énergétique (récupération de chaleur, production de biogaz) permet à nos déchets d'être à nouveau utilisés comme matière première.

Les politiques zéro déchets font intervenir une palette de techniques, qui, combinées, permettent de maximiser la valorisation. Parmi les initiatives les plus souvent retenues : mise en place du tri sélectif permettant un recyclage plus efficace, distribution de composteurs individuels et mise en place de plateformes de compostage collectif.

Mais la démarche ne se réduit pas au recyclage ou à la valorisation. Les politiques zéro déchet visent à encourager la production propre et l'éco-conception des produits, pour réduire à la source la quantité de déchets produite, et surtout limiter l'utilisation de matériaux polluants ou qui ne pourraient être traités.

Jusqu'à 80% de déchets valorisés en Nouvelle-Zélande

De nombreuses collectivités dans le monde ont d'ores et déjà mis en place leur plan zéro déchet.

La Nouvelle-Zélande est l'un des pays précurseurs, le gouvernement ayant dès 1997 créé une fondation vouée à la promotion de cette politique. La Zero Waste New Zealand Trust accompagne ainsi plus de la moitié des collectivités locales du pays. Dans certaines d'entre elles, jusqu'à 80% des déchets sont détournés de la mise en décharge.

Certaines communes françaises sont également engagées depuis plusieurs années dans une démarche de réduction active des déchets. Dans la Communauté de Communes de la Porte d'Alsace, où l'on a distribué des composteurs à partir de 1994 et mis en oeuvre la pesée-embarquée dès 2001, 70% des déchets collectés sont désormais destinés à la valorisation matière.

Chiffres : ADEME (France), Zero Waste NZ Trust, Communauté de Communes de la Porte d'Alsace.

2008-12-09