Plantons le décor : Grande-Synthe a tout pour tout déplaire. Pourtant située sur la très jolie Côte d’Opale, cette ville accueille sur son territoire et alentour des activités industrielles polluantes et dangereuses : métallurgie, port méthanier, centrale nucléaire de Gravelines. Elle concentre par ailleurs une grande misère : camp de migrants et fort taux de chômage (24 % dont 40 % de jeunes).
Face à ces difficultés écologiques et sociales, citoyens, associations et pouvoirs publics de Grande-Synthe se sont retroussé les manches pour trouver des solutions avec enthousiasme et humanisme, comme le souligne notre reportage sur le sujet. Plutôt que d’avoir peur des migrants, elle les accueille, les aide et les intègre (installation d’un camp, distribution de repas). Emmaüs y est une institution fort utile pour insérer ses compagnons mais également par ses distributions de paniers repas aux plus précaires de la commune. Pour contrer la mal information et lutter contre le désengagement citoyen elle crée une Université Populaire pour faire réfléchir les citoyens. Des jardins en pied d’immeuble et des jardins ouvriers sont développés pour redonner de l’autonomie alimentaire à petit prix à leurs utilisateurs. On construit des logements basse consommation qui réduiront la facture énergétique de leurs habitants. Toutes les cantines de la ville ne servent plus que du bio.
Voilà plus de 40 ans qu’on plante des arbres pour remettre de la Nature dans ce plat pays. Toutes ces actions ont notamment pour but de redonner de la dignité à tous ces laissés pour compte. Ce documentaire est illustré d’images très esthétiques, et rythmé par des interventions et questionnements de comédiens d’une troupe de théâtre local très investie sur les problématiques sociales de la Ville.
http://grandesynthelefilm.com
Durée du film 90 minutes – Prix : 20 euros
La photographie, vue du ciel, dessine un pictogramme vert clair sur un fond de végétation plus sombre. Intitulé « Rewild », le dernier projet de l’artiste urbain espagnol Escif propose de réensauvager Sumatra, comme l’indique son nom en forme de jeu de mots (« rewild » consonne avec rewind, « rembobiner », dont le symbole est dessiné sur le sol). Il faut dire qu’au cours des 20 dernières années, l’ile indonésienne a perdu 40% de sa surface forestière pour faire place à la monoculture de palme et de caoutchouc. Or, la gourmandise de l’industrie agro-alimentaire menace la survie de la faune sauvage locale, à commencer par les orangs-outans, en plein déclin. Rewind se propose d’agir concrètement en détruisant les palmiers. A leur place, un espace de 360 hectares planté d’arbres indigènes.
Le projet d’Escif s’inscrit dans un programme artistique élaboré par Splash and burn, une association fondée par l’artiste lithuanien Ernest Zacharevic pour dénoncer les ravages de la culture de palme, et qui associe entre autres Isaac Cordal, Vhils, Mark Jenkins ou Axel Void. Il évoque une autre réalisation de l’Espagnol à Sapri, en Italie : le Breath project. Initié par l’association Incipit, ce dernier consiste en la reforestation du mont Olivella, d’où avait disparu toute végétation au cours des siècles passés. 2500 chênes verts et autant d’érables sont en cours de plantation, et dessineront à mesure de leur croissance l’icône d’une batterie en cours de chargement, passant du vert l’été au rouge à l’automne.Dans les deux cas, l’intervention artistique confronte destruction de la vie sauvage et emprise croissante des nouvelles technologies sur nos vies. De fait, la création par Escif de véritables « puits de carbone » mobilise des symboles visuels emblématiques de la révolution informatique. Dès lors que l’œuvre suppose un point de vue surplombant, depuis le ciel, c’est aussi via un ensemble de médiations technologiques – photographies, circulation sur les réseaux sociaux, etc. qu’elle est rendue publique. L’art se donne ici pour un outil de mobilisation, mais entend aussi, dans le même temps, transformer positivement le lieu où il s’inscrit.
A l’instar d’Escif, divers artistes urbains tentent d’alerter le grand public quant à la réalité du changement climatique en intervenant à même le paysage. Parmi eux, Philippe Echaroux. L’artiste français projette ses œuvres – des portraits principalement - sur des lieux emblématiques ayant acquis le statut de symboles menacés : forêt amazonienne où il « expose » sur les arbres les visages de certains membres de la tribu Surui, ou encore glaciers français en régression rapide. Une manière selon lui de forcer le spectateur à « sortir de sa zone de confort », même si c’est bien un spectacle qu’il offre.
Dans la même veine, Julien Nonnon, chantre du vidéo-mapping et d’un « nouvel art pariétal », recourt aux technologies numériques pour donner à voir l’ampleur de la crise en cours. Dans la série « Crying animals » (2018), il projette à même la montagne des animaux sauvages vivant dans les Alpes pour faire prendre conscience au grand public de leur possible extinction. La lumière, qui sert de médium à l’artiste, s’offre ici en contrepoint au devenir d’espèces décrites comme possiblement « éteintes ». Comme chez Philippe Echaroux, elle est aussi mobilisée en raison de son empreinte écologique supposée plus faible que celle de l’acrylique, même si l'intervention n'est pas neutre, puisque la pollution lumineuse aurait selon certaines études un effet sur la biodiversité. Pour limiter au maximum l’empreinte de ses interventions, le français Saype recourt quant à lui à une peinture 100% biodégradable. Une manière de s’accorder au mieux aux espaces naturels qu’il couvre de très grands portraits monumentaux, pour amener le public à reconsidérer ses relations à autrui et à la nature.Dans un milieu artistique très charpenté par l’idée de prouesse, investir des espaces monumentaux à l’écart des villes est évidemment une manière de se distinguer. Mais pour ces artistes, il s’agit surtout de donner un sens à leurs interventions, et d’assumer une portée politique et sociale, loin d’un art « gratuit » et simplement dédié au jeu des formes.
C’est précisément pour cet aspect oxymorique que j’ai choisi ce titre ! Depuis des millénaires, le jardin permet à l’homme de s’affranchir de la nature, des conditions extérieures, du vent froid grâce aux murs, des animaux grâce aux barrières, etc. Cette approche aboutit à la création de jardins qui ne sont absolument plus en lien avec la nature. Il suffit de voir les jardins modernes : ils sont à ce point aseptisés qu’ils deviennent des déserts de biodiversité et coûtent très cher à entretenir. On touche à l’absurde, et malgré tout, beaucoup de gens abordent le jardin de cette manière-là, non par envie, mais par atavisme. On leur a dit : un jardin, c’est comme ça et pas autrement. Je suis un ex-punk – j’ai même eu une crête ! – et ce que le mouvement punk a été à la musique et d’autres formes d’art, sa manière de mettre un coup de pied dans la fourmilière, peuvent permettre de prendre les choses autrement, et même carrément à l’envers. Aujourd’hui, on a le loisir de faire des jardins qui ne sont pas vivriers, donc on peut se permettre l’expérimentation, surtout dans un contexte où l’on doit réintroduire d'urgence de la biodiversité, alors qu’elle a disparu partout. Au lieu de faire contre la nature, comme on l’a fait depuis quelques siècles parce qu’on n’a pas eu le choix à certains moments, il s’agit ici de voir comment on peut faire avec elle.
La première règle du jardin punk, c’est de ne rien faire. Il faut commencer par regarder comme ça se passe. Pas la peine d'être une bête en botanique : il suffit de faire preuve de bon sens, d’observer ce qui pousse dans son jardin, à quel endroit, à quelle période. L’incompétence n’est pas forcément un frein. La première chose à faire est de regarder ce qui est déjà là, pour voir comment éviter de l’abattre ou de le remplacer. Parfois, il suffit de tailler deux ou trois branches pour rendre un arbre beau. L’autre principe est de faire avec les moyens du bord. L’une des voies consiste notamment à être capable de s’émerveiller de choses qu’on ne voit pas d’habitude, parce qu’on ne se penche jamais dessus. Vous avez déjà regardé une fleur de carotte sauvage ? C’est magnifique, et si vous arrêtez de tondre votre gazon, elle s'invitera dans votre jardin. Avec elle, vous aurez vingt variétés de papillons, des abeilles, un parfum envoûtant… En n’ayant rien fait, vous aurez un très beau jardin.
"Vous avez déjà regardé une fleur de carotte sauvage ? C’est magnifique, et si vous arrêtez de tondre votre gazon, elle s'invitera dans votre jardin. Avec elle, vous aurez vingt variétés de papillons, des abeilles, un parfum envoûtant…" Eric Lenoir
C’est toute la différence entre le jardin punk et le jardin sauvage ! A partir du moment où l’on intervient, on agit sur le milieu. Mais l’idée du jardin punk est de le faire a minima, à l’extrême minima. A la fin de mon livre, j’explique d’où vient l’idée de jardin punk. Un jour, un copain vient me voir et me dit : « j’ai fait un truc qui a fait râler tous les vieux du village, j’ai fait un vrai jardin punk ! » Il a nommé ce sur quoi je cherchais à mettre un nom depuis des mois pour désigner ma démarche. Son jardin punk consistait à cultiver des patates sans creuser de trou, en mettant ses tontes de gazon sur les tubercules. Quand il avait envie d’une patate, il grattait un peu le gazon et en retirait les patates pour les manger. Il a eu la plus belle récolte du village, et les autres jardiniers étaient dégoutés ! Dans sa démarche, il y avait le côté provocateur du punk, le côté j’en fous pas une, le pragmatisme et l'indifférence aux règles. Cette approche n’empêche pas d’avoir des récoltes, et permet à des gens qui n’en ont pas forcément les moyens de cultiver un jardin.
L’éducation judéo-chrétienne ! C’est tout le problème des atavismes. Effectivement, avoir un jardin ultra productif tel qu’on l’a appris après-guerre nécessite un boulot de dingue. Et pourtant, dans les années 1970, un Japonais qui s’appelle Masanobu Kukuoka a montré qu’on pouvait se passer de désherber, tout en ayant quand même une production. C’est toujours au fond la même question, à savoir : qu’est-ce qu’on veut produire sur quelle surface, et pour quoi faire ? En adaptant la nature de ce qu’on produit aux besoins réels, on change les choses. Par exemple on s’obstine à produire du maïs pour nourrir la volaille, alors qu’en cultivant des légumineuses, on ferait de l’engrais pour la plante suivante, et ça consommerait moins d’eau. Il n’est souvent pas nécessaire de livrer bataille. Il y a certes des batailles à livrer. Par exemple, on va être obligé de se bagarrer un peu contre la ronce, mais dans certains endroits on peut la tolérer. On aura alors des mûres, et les animaux auront de quoi manger en hiver et s’abriter. On a aujourd’hui l’avantage d’avoir des connaissances techniques complètement différentes. Elles devraient nous permettre de nous affranchir des méthodes industrielles et industrieuses… Il s’agit de savoir jusqu’où on peut s’affranchir de l’effort physique et financier.
Oui et non. Quand les magazines que vous évoquez parlent de jardin sans effort, il s’agit d’un jardin qui va vous coûter de l'argent, car il vous demandera de mettre des tonnes de paillage ou d’acheter des matériaux qui vous dispenseront de faire des efforts. Quand je parle d’absence de moyens, c’est aussi bien de moyens financiers que d’investissement moral. Il faut apprendre à lâcher prise, et c’est en ce sens que la donnée écologique est très importante : une pelouse non tondue est bien plus accueillante et diversifiée qu’une pelouse tondue, c'est un autre monde. Je n’avais pas spécialement de demandes en ce sens de la part de mes clients, si ce n’est pour quelques résidences secondaires. Le jardin punk est plutôt né en réaction à mes dialogues avec les élus et les collectivités. A propos des jardins de cités HLM comme celles où j’avais grandi, on me disait : « on ne peut pas faire mieux, on n’a pas les moyens. » J’ai voulu faire la démonstration inverse, et j’ai créé mon propre jardin, le Flérial. Au départ, il ne devait pas être aussi grand : je cherchais 5 000 m2 de terrain pour y installer ma pépinière, et je n’ai pas trouvé moins d’1,7 ha. Je me suis dit que c’était l’occasion où jamais, et j’ai décidé de montrer que je pouvais entretenir cette surface tout seul, avec deux outils, en y passant moins d’une semaine par an. C’est ce que je fais, et j’ai maintenant un vrai argument. Aujourd’hui, alors qu’on est beaucoup dans la gestion différenciée, mon livre trouve un écho important. Je ne l'ai donc pas écrit pour répondre à une demande des élus, mais pour leur faire la démonstration que tout est possible. Du reste, le jardin punk est un courant appelé à se développer, car les dotations baissent partout, que la SNCF ne sait pas quoi faire sans glyphosate et qu’il faut bien trouver des solutions.
J’ai eu la chance de discuter avec Gilles Clément une fois ou deux. Je lui ai dit : « je sais qui vous êtes, mais je ne sais pas ce que vous faites !» Nos démarches se sont développées de façon parallèle, et nous sommes un certain nombre à œuvrer dans cette veine là. En ce qui me concerne, il y a l’aspect très provocateur et le côté « rien ne m’arrête », au sens où je suis convaincu que ce n’est pas parce qu’il y a une cour en béton qu’on ne va rien pouvoir y faire pousser : on a des graines, on fait un trou dans le béton pour voir si ça pousse… et ça marche ! C’est ce qui m’amuse à chaque fois : même les endroits qui paraissent impossibles à végétaliser, le sont toujours in fine. Il y a chez moi quelque chose d’un peu plus extrême que dans d’autres démarches.
"Le jardin punk offre une réponse à ceux qui se disent : "j’ai un endroit pourri, je n’ai pas d’argent, est-ce que je peux faire quelque chose quand même ?"" Eric Lenoir
C’est un peu le cœur de l’histoire, en effet. Le jardin punk offre une réponse à ceux qui se disent : "j’ai un endroit pourri, je n’ai pas d’argent, est-ce que je peux faire quelque chose quand même ?" L’idée est de leur dire : "oui, tu peux faire quelque chose, et même si tu ne fais rien, il va quand même se produire quelque chose !" Ne pas intervenir est très important à ce titre. Le jardin punk repose sur l’idée que tout est disponible sur place. Le voisin est en train de jeter des pierres ? Pourquoi ne pas les récupérer ? C’est du pragmatisme poussé à son paroxysme. Le jardin punk joue plus sur l’entraide que sur le consumérisme. Il n’hésite pas à partir sur du moche, et surtout, à ne pas être dans la norme, notamment en termes de sécurité. Par exemple, il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de visiter un site ouvert au public dans une petite commune, dans un marais. L’élu local était passionné par cet endroit, et voulait absolument que ses administrés puissent y aller. Rien n’y est aux normes, mais au lieu de coûter entre 25 et 50 000 euros, l’aménagement des lieux en a coûté 3 000, et tout le monde en profite !
La première chose est de faire avec les végétaux présents sur place – ce qui suppose de les repérer, d’où l’idée de ne rien faire pendant un an. Par exemple, c’est bête d’arracher une marguerite alors qu’elle sera belle tout l’été. Il faut aussi être attentif à ce qui va se ressemer sur place parce qu’on aura gratté la terre. On peut aussi créer une auto-pépinière en récupérant ce qu’on glane à droite à gauche. Il y a aussi les échanges de graines, les boutures en place. Par exemple au Flérial, la majorité des haies sont issues de boutures d’osier en pleine terre : j’avais coupé de l’osier pour un chantier, et je l'ai replanté au lieu de l'évacuer en déchetterie. Ça ne m’a rien coûté. ! On peut également opter pour la récupération, aller voir son pépiniériste préféré, récupérer les vieux plants qui partent à la benne. Et puis de temps en temps on achète vraiment : ce n’est pas parce qu’on a un jardin punk qu’on ne doit rien acheter. Bref, il n’y a pas de règles, pas de dogmes, et d’autant moins que chaque cas est particulier. On ne peut pas faire un jardin punk sur du ciment comme on va le faire sur un terrain humide. On ne va pas faire le même jardin à Lille qu’à Marseille. Encore une fois, le jardin punk invite au lâcher prise, à voir ce qui se passe là où on vit, à faire avec ce qui se présente, à tirer parti de tout et à pirater le système !
Eric Lenoir, Petit traité du jardin punk - apprendre à désapprendre, éditions Terre Vivante, collection "champs d'action", novembre 2018, 96 pages, 10 euros - A commander ici.
Est-ce l’épisode de sécheresse qui frappe la France depuis le mois de juin ? La démission de Nicolas Hulot le 28 août dernier et son discours sans appel sur le rôle des lobbys dans la catastrophe écologique en cours ? La publication début octobre du 5e rapport du GIEC sur le climat terrestre, qui insiste une fois de plus sur la nécessité de contenir le réchauffement à +1,5° ? Toujours est-il que les mobilisations pour le climat prennent une ampleur inédite en France : après le succès de la marche organisée le 8 septembre dernier à l’initiative de Maxime Lelong, simple internaute, près de 120 000 personnes ont à nouveau défilé le 13 octobre dans 80 villes en France pour exhorter les hommes politiques à agir concrètement et massivement contre le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité. Les manifestants ne comptent d’ailleurs pas en rester là : les marches pour le climat promettent de se succéder tous les mois.
Inédites, ces manifestations constituent la part visible d’un sursaut citoyen qui se déploie sur tous les fronts, et semble enfin venir à bout d’un clivage tenace : celui qui oppose le « ça commence par moi » de citoyens rétifs au militantisme « classique » et les modes d’action des organisations militantes. Plus question d’opposer la spontanéité et la stratégie, l’action individuelle et la lutte collective : c’est dans la fine articulation de ces deux registres que se dessinent les contours du « sursaut » à l’œuvre. Pointant cette singularité du mouvement en cours, Nicolas Haeringer de l’ONG 350.org affirmait ainsi à Libération tout récemment : « ce qu’ont les organisations par rapport aux individus, c’est la capacité à penser des stratégies et à s’inscrire dans le long terme. L’enjeu est de trouver des manières de prolonger cet élan, de le canaliser, le structurer, sans que les organisations ne récupèrent la dynamique, mais en étant en mesure de s’inscrire dans la durée. (…) Maintenant, il faut arriver à atterrir sur des revendications un peu plus précises, pour gagner quelques batailles. »
Pour articuler changement individuel et collectif, une approche de l’action par campagnes pourrait s’avérer ici particulièrement fructueuse. Or, c’est exactement ce qui se dessine actuellement. Ainsi, le site Internet Il est encore temps regroupe les campagnes de diverses ONG et oriente d'emblée les internautes vers des actions concrètes, en prenant soin de distinguer d’emblée ceux qui veulent agir « solo », et ceux qui envisagent de se mobiliser en groupe. La plateforme recense une typologie d’actions très variée : pétitions, boycott à la consommation, interpellations des banques, écogestes, mais aussi action directe non-violente – à l’instar du climate Friday organisé le 23 novembre prochain, et qui invite les citoyens à cibler les super et hypermachés - et désobéissance civile, comme en Allemagne où se succèdent les actions pour protéger la forêt de Hambach et stopper l'extraction du lignite. A partir de fin octobre, la plateforme proposera aussi aux internautes une nouvelle version de 90 jours : créée en 2015, cette application « coache » ses usagers pour « changer le monde » en 3 mois ou, à défaut, réduire significativement son empreinte écologique au gré de « défis » quotidiens (faire le ménage avec du vinaigre blanc, acheter des fruits et légumes de saison, etc.).Le climat n’est pas le seul à mobiliser de plus en plus massivement. Dans le sillage de la démission du Nicolas Hulot, le journaliste Fabrice Nicolino, auteur de Pesticides, révélations sur un scandale français, a ainsi lancé en septembre dernier l’appel des coquelicots, visant à l’interdiction de tous les pesticides. A ce jour, la campagne a reçu plus de 290 000 signatures.
Comment la crise écologique et les scandales liés à l’industrie agro-alimentaire invitent-ils à redéfinir la place de l’agriculture, et plus largement de la nature, dans les zones urbanisées ? Quelles formes la production alimentaire prend-elle aujourd’hui dans des villes ? Sous le commissariat d’Augustin Rosenstiehl, cofondateur de l’agence SOA, l’exposition « Capital Agricole – chantiers pour une ville cultivée » au Pavillon de l’Arsenal aborde tout à la fois l’histoire et le devenir de l’agriculture urbaine, et s’interroge sur le possible avènement d’un urbanisme agricole capable de remodeler en profondeur le rapport ville/nature.
Pour ce faire, elle propose tout d’abord un voyage dans le temps. Au travers de photographies, elle nous plonge dans un passé révolu : à la fin du XIXème siècle, la ceinture de la capitale produit sa nourriture (plateaux céréaliers, plaines et vallées de maraîchage ou d’horticulture). Paris la transforme avec ses abattoirs, tanneries et moulins et la vend dans ses célèbres Halles. Le recyclage est une réalité et les déchets organiques repartent amender les sols des producteurs. La forêt est également exploitée de mille façons. Des cartographies montrent comment l’urbanisme moderne va modifier ce métabolisme urbain dans l’après-guerre. Les sols agricoles ont, depuis, perdu la moitié de leur surface, mangés par la progression du bâti – qu’il s’agisse des grands ensembles ou des pavillons de la « France de propriétaires ». La PAC et le remembrement finissent de modifier, de massifier et d’uniformiser le paysage agricole. Les dessins naïfs et colorés de Yann Kebbi montrent également l’évolution des outils et habitats du monde paysan. L’idée de fondre ville et campagne n’est pas abandonnée pour autant. L’exposition présente ainsi des projets d’utopies architecturales proposés depuis 1930 pour concilier urbanisation et approvisionnement alimentaire, comme la Ferme Radieuse de Le Corbusier ou la Broadacre City de Frank Lloyd Wright.
Aujourd’hui, face à la crise écologique, l’urbanisme doit se repenser en rebattant les cartes, et notamment en dépassant les séparations fonctionnelles habituelles et en fusionnant l’Urbain et la Nature. Il s’agit d’abord de cultiver partout : dans les grands ensembles, dans les zones d’activités inhabitées, dans les jardins des zones pavillonnaires, sur les toits comme dans les sous-sols, ou à l’inverse d’habiter dans les espaces agricoles. On cherche aussi à cultiver autrement : circuits courts, transport fluvial, recyclage in situ des déchets de la ville pour fertiliser les terres (compost des biodéchets, urine des habitants…), techniques intensives et éco-circulaires (aquaponie, hydroponie), utilisation de la High-tech, construction en bois, mobilité animale… « Capital agricole » souligne ainsi toute la diversité des approches contemporaines de l’agriculture urbaine, des moutons de Clinamen aux sous-sols investis par la start-up Cycloponics. Autant d’initiatives que Sylvain Gouraud présente via les portraits photographiques des défricheurs expérimentant ces nouvelles façons de cultiver l’Ile de France.
Capital Agricole – Chantiers pour une ville cultivée au Pavillon de l’Arsenal jusqu’au 27 janvier 2019
21 boulevard Morland 75004 Paris
Du mardi au dimanche de 11h à 19h
Entrée libre
Un catalogue est édité à l’occasion de l’exposition. Plus d’informations ici.
A priori, compostage ne rime pas vraiment avec ville. Et pourtant ! Depuis dix ans, Jean-Jacques Fasquel prouve le contraire : « tombé dans le compost » avec la « crise de la quarantaine », ce Parisien a initié dès 2007 dans son immeuble du 12e arrondissement le projet d’un compost collectif, qui attire aujourd’hui 80 foyers. Fort de ce succès, il développe depuis 2009 une activité de maître composteur et de consultant en prévention des déchets, qu’il relaie sur son blog Compostory.
Composter en ville est donc l’ouvrage d’un passionné soucieux de renverser les idées reçues, et la quatrième de couverture proclame d’ailleurs que « la vie urbaine n’est pas un obstacle au compostage ». Clair et didactique, ce manuel publié récemment aux éditions Rustica aborde successivement tous les aspects d’une pratique qui requiert un peu de savoir-faire. Le BA-ba du compostage ? Il tient selon Jean-Jacques Fasquel en quelques principes simples. D’abord, respecter les micro-organismes (vers, larves de cétoines, etc.). Ensuite, veiller au bon équilibre entre matières vertes (déchets, tontes, etc) et brunes (feuilles mortes, copeaux de bois, etc.). Enfin, assurer un brassage régulier pour permettre l’oxygénation du compost, et surveiller le taux d’humidité du bac, qui ne doit être ni trop humide, ni trop sec. Le livre fait aussi le point sur ce qui peut se composter ou pas. Les agrumes ? Pas de problème, contrairement à une idée reçue. La viande ? En théorie oui, mais ça peut attirer les rongeurs. Le papier et le carton ? Ok, à condition qu’ils ne pas pollués par les encres et autres produits ménagers… Composter en ville prodigue enfin quelques conseils pour lancer un compost domestique ou partagé en pied d’immeuble, liste le matériel nécessaire à cette entreprise, et passe en revue les solutions existantes – du simple bac au lombricompostage. Sans oublier questions juridiques et pistes méthodologiques…
Mais l’intérêt de l’ouvrage tient aussi à sa capacité à situer le compostage dans un contexte plus large de préservation des ressources et de limitation du gaspillage alimentaire (20 à 30kg par personne et par an, selon l’ADEME !). Il rappelle d’abord qu’un tiers des 360 kg de déchets produits en moyenne par personne en France est constitué de matières putrescibles. Le compostage représente donc un levier important de réduction des déchets à l’échelle domestique – d’autant plus appréciable qu’une tarification incitative se met progressivement en place. Déjà appliquée dans 190 communes, elle pourrait concerner 15 millions d’habitants en 2020 et 25 millions en 2025. A ce titre, Composter en ville intègre des conseils pour limiter les épluchures, en vertu de ce principe élémentaire que « le meilleur déchet (même organique) est celui qu’on ne produit pas ».Dans la pratique du compostage, Jean-Jacques Fasquel voit encore d’autres avantages : un fertilisant pour les cultures, mais aussi un véritable activateur de liens sociaux et un outil de reconnexion avec la nature, via une meilleure compréhension des mécanismes naturels. Autant de raisons de s’y mettre, même si la collecte du compost et sa valorisation (dans un potager par exemple) restent compliqués dans un contexte urbain…
Jean-Jacques Fasquel, Composter en ville : le recyclage des biodéchets pour tous et partout, éditions Rustica, 2018, 128 pages
C’est dans l’amphithéâtre comble du siège de Paris Habitat que l'Agence de la Biodiversité en Ile de France avait invité les professionnels intéressés par la gestion écologique des espaces verts pour remettre leurs diplômes Ecojardin aux 34 nouveaux labellisés Ecojardin et présenter pendant une journée entière différents retours d’expérience.Le label a été lancé en 2012 pour certifier la gestion écologique des espaces paysagers français. Il est supervisé scientifiquement par l’association Plante & Cité et animé par l'Agence de la Biodiversité en Ile de France. Dans la dynamique du plan Ecophyto, le référentiel comporte sept domaines relevant de la gestion d’un espace vert : planification et gestion du site, sol, eau, faune et flore, mobiliers et matériaux, matériels et engins, formations des jardiniers et accueil du public. Au-delà du processus de labellisation, le référentiel est un guide de bonnes pratiques et donc un outil d’amélioration continue pour les jardiniers et gestionnaires de ces espaces. Sur la base de la visite d’un auditeur (organisme externe indépendant) et du dossier technique du candidat, le comité de labellisation accorde ou non le label pour une période de 3 ans (5 ans en cas de renouvellement). En 2017, 128 sites ont été labellisés ou renouvelés, ce qui porte à 392 le nombre des sites EcoJardin en France.Le label ne se cantonne pas aux parcs et jardins publics (même s’ils représentent 66 % des labellisés) mais à tous les types d'espaces verts ouverts au public - publics ou privés. Il concerne ainsi les espaces naturels, les cimetières, les terrains de sport, les jardins partagés ou ouvriers, les espaces verts des bailleurs sociaux ou encore ceux des entreprises ou des lieux d’hébergement de vacances.Cette labellisation vient souvent consacrer une démarche initiée plusieurs années auparavant, souvent avec l’arrêt de l’utilisation de produits phytosanitaires. Dans les cimetières par exemple, le désherbage chimique a été remplacé dans un premier temps par un désherbage manuel ou mécanique mais aujourd’hui une étape supplémentaire a été franchie : on ne lutte plus contre le végétal, on le gère. De sorte que les cimetières, oh combien minéraux, se transforment en parcs végétalisés. Comme le citait avec beaucoup d’humour l’un des témoins de la remise des diplômes : « Quitte à manger les pissenlits par la racine, autant qu’ils soient bio ! ».Cette journée Ecojardin présentait des retours d’expérience portant sur des espaces verts divers et variés, voire atypiques. Parmi eux, le Jardin du monastère de Cimiez à Nice avec ses contraintes de « jardin de patrimoine », les cimetière de la Chartreuse de Bordeaux et Toutes Aides à Nantes, le site du champ captant des Gorgets géré par Suez à Dijon, le lycée agricole Coutances Métiers Nature, le Parc de la Pépinière à Nancy ou encore le verger partagé Essen‘Ciel à Grenoble.Chez les bailleurs sociaux, Paris Habitat présentait sa résidence du groupe Villiot Rapée dans le 12ème arrondissement parisien et Effidis son site Les Folies de Choisy le Roy. Dans leur cas, il faut autant former les équipes internes que les prestataires espaces verts à cette nouvelle gestion écologique. Une révolution culturelle qui implique d’informer les locataires, d’autant que cette prestation leur est facturée dans les charges locatives. La création d’un jardin partagé peut être un bon moyen de les aculturer aux nouveaux aspects des espaces (massifs paillés, prairie fleurie, fauche tardive…) et de les impliquer dans cette révolution verte.
Ma mère et mon père avaient en commun leur amour de la nature, et ils s’adonnaient à cette passion en allant fréquemment camper ou lors d’excursions dans des espaces naturels. Evidemment, dans les années 1960 et 1970, la plupart des enfants avaient la liberté de vagabonder. Pour moi, cela équivalait à explorer la forêt située à quelques blocs de ma maison dans les quartiers ouest de Vancouver, en Colombie Britannique. Ma mère en particulier était un merveilleux mentor, même si je doute qu’elle se définissait de cette manière. Elle alimentait en permanence ma curiosité pour tout ce qui avait trait aux sciences naturelles. L’un de mes sujets de prédilection était les dinosaures. Alors que tous les enfants ont leur phase dinosaure, je n’en suis jamais sorti ! Certains aiment à dire que je ne suis jamais vraiment devenu adulte !En tant que père d’une adolescente, j’ai eu très envie d’élever une enfant sauvage. Quand j’ai découvert qu’il n’y avait pas de livres grand public offrant aux parents, aux enseignants et autres éducateurs les outils et stratégies dont ils avaient besoin pour connecter les enfants avec la nature, j’ai décidé d’écrire Comment élever un enfant sauvage en ville.
La « migration vers l’intérieur » de l’enfance s’est opérée seulement à la dernière génération. Les technologies numériques en sont les principales responsables : une fois passé tant de temps devant des écrans, il en reste bien peu pour les aventures en plein air. Vient ensuite la peur du risque, et l’idée que les enfants vont devoir affronter la menace d’inconnus si on les laisse sans surveillance. Alors que les taux d’enlèvements et d’abus d’enfants par des étrangers ne sont pas plus élevés aujourd’hui qu’en 1950 ou 1960, les peurs parentales en ce domaine sont bien réelles et ne peuvent être dissipées. Autre problème : l’emploi du temps surchargé des enfants. Pour leur offrir les meilleures chances de réussite et d’épanouissement, on leur donne beaucoup plus de devoirs que la génération précédente. Et c’est désormais la norme de les inscrire au sport, à un cours de musique, et autres activités extra-scolaires. Il ne s’agit pas de rendre les parents et éducateurs fautifs de cette migration vers l’intérieur : chacun veut le meilleur pour ses enfants. Mais il est temps de faire une pause et d’admettre que nos efforts en ce sens ne sont peut-être pas ce qu’il y a de mieux pour la santé et le bonheur de nos enfants, ni pour développer leur potentiel. La nature n’est pas une panacée, mais elle peut être une étape décisive vers une enfance plus saine et épanouissante.
L’idée d’écrire Comment élever un enfant sauvage en ville est née d’un double constat. Le premier tient à la déconnexion contemporaine des enfants et de la nature, et de ses effets sur leur santé. L’enfant nord-américain moyen passe entre sept et dix heures par jour devant un écran, et quelques minutes à jouer librement dehors – ce qui constitue un changement dramatique par rapport à la génération précédente. Sans surprise, les taux d’obésité, de TDAH (trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité), de maladies cardiaques et de dépression infantiles ont monté en flèche. De nombreuses études démontrent à présent l’importance cruciale du jeu libre pour le développement physique et cérébral. D’autres études tout aussi nombreuses soulignent le pouvoir de l’apprentissage pratique et en contexte dans des espaces naturels. Pour le dire simplement, les enfants ont besoin de nature, et ce besoin n’est pas satisfait.
"L’enfant nord-américain moyen passe entre sept et dix heures par jour devant un écran, et quelques minutes à jouer librement dehors – ce qui constitue un changement dramatique par rapport à la génération précédente. Sans surprise, les taux d’obésité, de TDAH (trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité), de maladies cardiaques et de dépression infantiles ont monté en flèche." Scott D. Sampson
Le second constat tient à la santé des espaces où nous vivons. Demandez à un groupe de scientifiques de nommer les principaux défis de notre temps : il y a fort à parier qu’ils vous citent le changement climatique, l’extinction des espèces et la destruction de leur habitat. A cette liste, nous devons ajouter une autre crise très largement commentée : la déconnexion homme/nature. Or, comment créer des sociétés écologiques et durables si nous ne nous soucions pas des lieux où nous vivons ? Et comment s’en soucier si nous ne passons pas du temps en plein air, et n’établissons aucune connexion intellectuelle et émotionnelle avec ces espaces ? Aider les enfants à tomber amoureux de la nature mérite d’être une priorité nationale (et internationale), au même titre que la réduction des émissions de GES et la préservation des espèces et espaces naturels. En effet, on peut démontrer qu’il sera impossible de résoudre la crise écologique si nous ne réduisons pas l’écart entre les enfants et la nature.
Des recherches récentes indiquent que les expériences menées dans la nature sont essentielles à une croissance saine. Une exposition régulière la nature peut atténuer le stress, la dépression et les troubles déficitaires de l’attention. Elle réduit également l’agressivité, combat l’obésité et dope les résultats scolaires. Plus significativement encore, passer du temps dans des espaces naturels semble bénéfique au développement cognitif, social et émotionnel des enfants.
Les technologies et les images de la nature peuvent être les adjuvants d’une connexion avec la nature. Mais la vraie connexion s’enracine dans l’expérience directe, fréquente, multisensorielle dans des espaces extérieurs sauvages et semi-sauvages. Heureusement, on peut trouver ce genre d’espaces y compris dans les villes.
Le processus de connexion avec la nature résulte de trois facteurs, applicables à tout âge, et contenus dans l’acronyme EMC. E désigne l'expérience, entendue comme une série de contacts directs qui engagent tous les sens. La nature doit être appréhendée par les yeux, les oreilles, l’odorat et les pores de la peau tout autant que par le cerveau. Une minorité d’entre nous ont besoin d’être convaincus qu’il existe une légenre différence entre tenir une limace ou contempler un ciel étoilé par une chaude nuit d’été et leurs versions virtuelles. Seule cette expérience directe a le pouvoir de nourrir des connexions émotionnelles.
"La nature doit être appréhendée par les yeux, les oreilles, l’odorat et les pores de la peau tout autant que par le cerveau." Scott D. Sampson
Le M de EMC est le mentorat. Etre un mentor de la nature ne revient pas à apprendre aux enfants à survivre dans un milieu sauvage. Cela ne nécessite pas d’être un expert de la nature (même si certains mentors le sont), ou de guider chaque activité d’un enfant au grand air. Un mentor pose beaucoup de questions et offre peu de réponses. Il est un complice, un compagnon d’explorations, un chasseur d’indices, qui dirige de derrière plutôt que de devant. Le mentor accorde lui-même de la valeur à la nature, et transmet cette valeur aux enfants. Plus important, il s’assure que les enfants disposent d’un temps suffisant et libre dans les espaces naturels.Le dernier point de EMC est comprendre. L’accent ici n’est pas mis sur l’accumulation d’informations sur la nature, telles que le nom des plantes et des animeaux (même si cela arrive). Bien plus important est de donner au enfants un sens du grandiose de l'environnement, et de les aider à percevoir les connexions profondes qui les lie au monde naturel. De quelle manière l’énergie et la matière irriguent votre écosystème ? Quelle est l’histoire de votre environnement – celui qui englobe la Terre, la vie et les humains ? Une fois que ce savoir de base est instillé, même de façon générale, les enfants gagnent durablement en perspicacité. Et pour que la connexion avec la nature puisse réellement se faire, la connaissance doit être incarnée et être de nature à influer aussi bien sur l’esprit que sur les émotions. Si les adultes s’assurent que les enfants reçoivent ces trois ingrédients, ceux-ci vont naturellement entrer en contact avec la nature.
Les coyotes sont malins. Tout comme les mentors. Ils inspirent non pas en rapportant des faits, mais en posant des questions provocantes. Ils guident les enfants en conspirant avec eux. Ils créent des occasions de surprise et d’émerveillement. Et ils permettent aux enfants d’avoir autant de liberté que ne l’autorise leur sécurité. Dès le milieu de l’enfance (et parfois plus tôt), les enfants ont besoin de se séparer des adultes et d’en être indépendants. L’un des plus grands défis des mentors de nature est de satisfaire ce besoin, et de combattre la tentation d’être toujours présent. Au lieu d’être des parents « hélicoptères », il faut se faire colibri – ce qui consiste à donner aux enfants de l’espace et de l’autonomie pour prendre des risques, en sirotant du nectar à distance et à s’approcher seulement si c’est nécessaire. Si l’idée de rester en arrière vous rend nerveux, éloignez vous progressivement et voyez comment vous réagissez. Surveillez aussi la façon dont les enfants ressentent votre éloignement. A mesure qu’ils grandissent, il devient de plus important d’acter cette séparation pour laisser aux enfants la liberté de prendre des risques, de faire des erreurs et d’en assumer les conséquences. Le but ne devrait pas être d’éliminer le risque ; mais plutôt d’apprendre aux enfants à appréhender le risque, faute de quoi ils devront en subir des conséquences bien plus grandes une fois adolescents ou adultes. En suivant cette voie vers une liberté de plus en plus grande, vous verrez vos enfants gagner en capacité et en confiance en eux.
"Des interactions fréquentes avec le monde naturel à proximité de chez soi sont les plus à même d’influencer nos émotions et de favoriser une connexion profonde." Scott D. Sampson
Dans la mesure où le contact avec la nature doit s’appuyer sur une vaste somme d’expériences en plein air, l’enjeu est moins de faire des excursions ponctuelles dans des espaces vraiment sauvages tels que les parcs nationaux, que de passer davantage de temps dans une nature proche. Des interactions fréquentes avec le monde naturel à proximité de chez soi sont les plus à même d’influencer nos émotions et de favoriser une connexion profonde. C’est pourquoi la nature proche qui s’épanouit dans les arrière-cours, les jardins, les cours d’école et les parcs sont des terrains plus propices à une connexion avec la nature que des paysages sauvages plus éloignés. La clé est de commencer à remarquer la nature environnante, à s’engager avec elle directement, et à promouvoir cette capacité à l’émerveillement qui vient naturellement aux enfants.
Les écoles peuvent jouer un rôle immense dans la connexion avec la nature. En effet, l’éducation à la nature se diffuse partout dans le monde. Les cours d’écoles peuvent devenir des salles de classe, tout particulièrement si elles sont agrémentées de jardins et de plantes vernaculaires susceptibles d’attirer les insectes et les animaux. Une simple requête Google sur les « cours d’écoles vertes » vous révélera pléthore d’idées incroyables !Quels sont les obstacles à une telle « école de la nature » ?Le plus grand obstacle aux « écoles de la nature » est le manque d’expérience des enseignants en matière d’enseignement en plein air et de capacité à mobiliser les élèves sur n’importe quel sujet en utilisant la nature environnante. Heureusement, il existe aujourd’hui de nombreuses ressources en ligne et formations pour les enseignants…
Scott D. Sampson, Comment élever un enfant sauvage en ville, éditions les Arènes, 2016, 396 pages, 21,90€
En 2007, quand certains pensaient à la présidentielle en se rasant, moi je pensais au compost en épluchant ! A cette époque, j’étais engagé à titre personnel dans une transition écologique et la question des bio-déchets s’est vite posée, d’autant qu’ils représentent un tiers de notre poubelle domestique. Le compostage in situ me semblait la solution évidente pour détourner cette matière organique de la collecte, de l’incinération et de ses pollutions induites. J’habite à Paris (12ème) dans une résidence de 540 logements appartenant à un bailleur social, Paris Habitat. M’appuyant sur un retour d’expérience de Rennes Métropole qui s'était déjà lancée dans l’aventure dès 2006, j’ai proposé à mon bailleur et à ma Mairie d’arrondissement de lancer un compost en pied d’immeuble. J’avais identifié une ancienne aire de jeu pour enfants désaffectée qui paraissait un lieu idéal. Après un silence du bailleur, la Mairie d’Arrondissement a organisé une réunion où les différentes parties prenantes se sont mises autour d’une table pour s’accorder sur les conditions de cette expérimentation, qui n’existait pas encore dans la capitale. L’association des locataires a accueilli le projet avec enthousiasme, le bailleur est devenu un soutien motivé et a financé le projet. J’ai pu commencer à recruter les volontaires par un courrier avec coupon réponse distribué dans toutes les boites aux lettres de l’immeuble.C’est ainsi qu’en juin 2008 une vingtaine de foyers se sont retrouvés pour inaugurer le site de compostage. Un Maître-Composteur nous a expliqué la marche à suivre. Elle consiste à stocker nos déchets organiques (épluchures ou restes de fruits et légumes, marc de café ou encore coquilles d’œufs) dans un « bio-seau » (un réceptacle plastique de 7 à 10 litres) distribué à tous, et à venir le vider, au rythme de notre choix (idéalement au moins une fois par semaine) dans l’un des composteurs. Nous mélangeons cet apport aux anciens déchets et ajoutons de la matière sèche (feuilles mortes, broyat) pour aérer et équilibrer le compost. Les composteurs sont de grands bacs en bois (600 litres) à couvercle dans lesquels les déchets organiques se transforment progressivement en quelques mois (et sans odeurs) grâce aux bactéries, aux champignons et enfin aux invertébrés dont le ver Eisenia Foetida est la star incontestée.
"On se retrouvait autrefois autour du lavoir. C'est désormais au pied des composteurs… au moment des apports ou à l’occasion des opérations de maintenance (brassage, retournement, tamisage,…) et des moments de convivialité." Jean-Jacques Fasquel
Cette inauguration s’est clôturée par notre premier « apéro-compost », dont je me souviens avec émotion : au-delà du caractère « pionnier » de cette expérience nous étions en train de tisser du lien social et nombre des personnes présentes ce jour-là sont devenues des amis. On se retrouvait autrefois autour du lavoir. C'est désormais au pied des composteurs… au moment des apports ou à l’occasion des opérations de maintenance (brassage, retournement, tamisage,…) et des moments de convivialité.Dès le lendemain de l’événement, un bouche à oreille positif a généré de nouvelles inscriptions, pour atteindre au fil des années un plafond de 80 foyers (nous sommes tout de même limités par la place). Nous avons dû ajouter régulièrement des bacs complémentaires pour pouvoir absorber les 8 tonnes de déchets organiques déposés chaque année par les participants. Nous obtenons en six mois un compost de qualité qui est utilisé pour les plantes d’intérieur ou de balcon, et sert surtout à amender le sol d'un jardin partagé de quarante-cinq parcelles que nous avons créé pour boucler la boucle du retour à la terre. Deux ruches, un poulailler et autres nichoirs ou abris à insectes complètent la panoplie de notre jardin éco-responsable.En s’inspirant de cette initiative, la Ville de Paris a lancé en 2010 un accompagnement pour favoriser le compostage collectif en pied d’immeuble. Ainsi, tout Parisien qui habite un immeuble et souhaite installer un compost collectif peut soumettre sa candidature et, si le projet remplit les conditions (notamment l’accord du gestionnaire de l’immeuble et la participation de 10 habitants minimum), bénéficier gracieusement du matériel (3 bacs, des bio-seaux et un mélangeur), de la formation et de l’accompagnement d’un Maître-composteur dans les différents phases du projet (audit, installation et suivi) pendant une année. Ce programme est également proposé aux écoles maternelles et primaires ainsi qu'à des sites institutionnels de la Ville. Aujourd'hui prés de 500 sites de compostage collectif ont ainsi été mis en route.Le compostage de quartier est une autre solution pour les citoyens qui n'ont pas la chance de pouvoir le faire au pied de leur immeuble (pas d'espace ou pas d'accord des parties prenantes). Il y a également une vraie demande des Parisiens pour cette alternative et je m'en suis bien rendu compte quand j'ai lancé le premier compost de quartier en octobre 2014 dans les jardins de la Maison des Associations du 12e sous l'égide de l'Association Compost A Paris. Nous avons recruté 130 foyers et nous étions même complets avant l'inauguration ! Depuis, de nombreux projets ont été lancés ou sont en cours de genèse. Ils ont d’ailleurs été plébiscités dans le dernier budget participatif parisien. Je travaille par exemple sur la création d'un autre site dans le 12e à Bercy.
"Mon cœur ira toujours vers les solutions de compostage partagé et citoyen car elles permettent à chacun de prendre la responsabilité de ses déchets plutôt que d'être consommateur d'un service de collecte et, comme on l’a déjà dit, cerise sur le gâteau, de créer du bien vivre ensemble." Jean-Jacquel Fasquel
Même si la Ville de Paris est volontaire et proactive sur le compostage partagé, il reste deux points cruciaux à améliorer. Il faut d’abord être en capacité de livrer aux sites le broyat nécessaire à l’équilibrage du compost et donc à sa bonne transformation sans odeurs. Cela semble une gageure en l’absence de transversalité entre les divers services municipaux. Le broyat (bois broyé) est en effet produit par le Service Espaces Verts mais est utilisé par le Service Propreté, pilote du programme de compostage. Autre blocage : le Service Espaces Verts refuse aujourd’hui d’utiliser le compost produit en quantité par les composts de quartier qui n’ont pas toujours les débouchés suffisants.En ce début d’année 2017, une expérimentation de collecte sélective de biodéchets et de compostage et de méthanisation va débuter dans les 2e et 12e arrondissements. Fort des retours d’expérience cette collecte sera généralisée à terme à tout Paris. Même si cette collecte sélective est indispensable et complémentaire pour une ville aussi dense que Paris, mon cœur ira toujours vers les solutions de compostage partagé et citoyen car elles permettent à chacun de prendre la responsabilité de ses déchets plutôt que d'être consommateur d'un service de collecte et, comme on l’a déjà dit, cerise sur le gâteau, de créer du bien vivre ensemble.
Crédit photo : Anne-Lore Mesnage
Il s'agit de promouvoir ce thème auprès de l’ensemble des acteurs des filières du bâtiment, de l’immobilier et de l’énergie, et d'élaborer notamment une cartographie des démarches qui s’intéressent aux liens entre bâtiment et biodiversité afin de donner une plus grande lisibilité et visibilité aux travaux déjà effectués. L’ambition est de souligner l’importance de ce thème et d'analyser les différentes dimensions du sujet, les outils, les leviers, les freins, les acteurs concernés.
Le manque de transversalité entre les acteurs de la filière Bâtiment, Immobilier et Ville repose aussi parfois sur la méconnaissance, l’insuffisance voire l’absence de connaissances des solutions techniques ad hoc. Même si l’on peut se féliciter de disposer en France de Nature Parif et U2B, qui sont deux portails de référence, très riches en partage de l’information, sur la biodiversité et la préservation de la nature, ces outils ne sont encore connus que des experts et très peu des acteurs économiques de la filière bâtiment. Il n’existe pas réellement d’outils de partage transversal d’informations, de suivi des projets et des expériences terrain ou de passerelles facilitant le dialogue entre les différents réseaux d’acteurs qui ont souvent des horizons-temps différents. L’étude de l’intérêt d’une plateforme de partage unique pourrait ainsi se justifier. L'outil serait alors porté par un organisme neutre et capable de fédérer l’ensemble des initiatives identifiées dans ce groupe de travail, et bien au-delà. Il mettrait outils et bonnes pratiques à la disposition de la filière du bâtiment à travers une plateforme commune où pourrait être recensé l’ensemble des appels à projet, concours, expérimentations visant à inciter, tester, accompagner les maîtres d’ouvrage, architectes et entreprises. L'autre dimension fondamentale me semble être l'importance d'intégrer le thème de la biodiversité (science de la vie) dans les formations initiales à destination des futurs acteurs.
Il joue alors un rôle d'atténuation de l’effet d’îlot de chaleur urbain qui profite ainsi au bâtiment (longévité, économies d’énergie, etc.). La biodiversité offre également une meilleure efficience énergétique, le rafraîchissement de l’atmosphère et des surfaces.
Plus la nature est présente en ville, plus cette dernière devient vivable, supportable voire agréable. Son intégration dans la ville peut agir de façon positive et durable sur la qualité de vie de ses habitants. Ses nombreuses fonctions (paysagère, biologique, bioclimatique, assainissement, etc.) ont des répercussions directes sur la santé et le bien-être. Les bienfaits du végétal en milieu urbain sont aujourd’hui reconnus dans la littérature scientifique. La nature en ville est aussi source de lien social . La dimension sociale de la nature en ville apparaît aussi importante que ses enjeux écologiques. Les espaces verts participent en effet au renforcement du lien social et au sentiment d’appartenance à un territoire en créant des opportunités de rencontres et d’échanges entre des personnes issues de milieux sociaux et d’origine culturelle et ethnique différentes. Les jardins partagés, familiaux et associatifs participent même au développement d’un sentiment d’attachement communautaire.
"La grande majorité des citadins ignore que si le verdissement des villes possède des vertus psychologiques et esthétiques, il participe également à la régulation thermique des bâtiments et à la réduction des îlots de chaleur urbains, à l’amélioration de la qualité de l’air en ville, à l’écoulement des eaux, à l’approvisionnement alimentaire ou encore au renforcement du lien social et du sentiment d’appartenance à un territoire." Ingrid Nappi-Choulet, co-autrice du rapport "Bâtiment et biodiversité"
Des freins d’ordre culturel voire idéologique perdurent autour de ce sujet très complexe. L'habitat humain s'est toujours construit sur une séparation nette entre l'intérieur, qui devait préserver l'homme des dangers de la nature (faune, froid, milieux insalubres,...), et l'extérieur, où la nature devait au contraire lui apporter nourriture, air pur, beauté. Aussi, on constate un faible niveau de connaissances et de sensibilisation.Si une majorité de Français se dit en contact régulier avec la nature et sensible à l’environnement (85% en 2015), les sondages récents démontrent clairement le manque d’informations et la méconnaissance du grand public. En 2015, 57% des interviewés pensent savoir ce que la notion de biodiversité recouvre exactement, soit - 5 points par rapport à 2013. (Source : CREDOC, « L’opinion des français sur la participation des citoyens a une agence pour la biodiversité » 2015.). La grande majorité des citadins ignore que si le verdissement des villes possède des vertus psychologiques et esthétiques, il participe également à la régulation thermique des bâtiments et à la réduction des îlots de chaleur urbains, à l’amélioration de la qualité de l’air en ville, à l’écoulement des eaux, à l’approvisionnement alimentaire ou encore au renforcement du lien social et du sentiment d’appartenance à un territoire. De plus, si la demande sociale de nature en ville est aujourd’hui avérée, la notion de biodiversité urbaine demeure mal connue. En effet, des idées reçues ou des préjugés affectent parfois la juste perception des enjeux du fonctionnement des écosystèmes naturels. On constate une méfiance vis-à-vis d’une biodiversité parfois jugée envahissante, des préjugés sur la présence et la nuisance des animaux en ville et représentations sociales négatives de la « mauvaise herbe ». Pour certains, végétaliser le bâti est souvent source de dégradations ou de nuisances. La perception négative d’une nature sauvage que peuvent avoir les citadins résulte à la fois d’une construction sociale, d’une méconnaissance des écosystèmes et de la crainte de se laisser dépasser par la nature. Les herbes folles peuvent être synonymes de nuisances et d’animaux indésirables (insectes, rongeurs, puces, etc.). Les citadins souhaitent de la nature mais dûment sélectionnée : des oiseaux mais pas de pigeons, des papillons mais pas de guêpes, etc.
"On constate une méfiance vis-à-vis d’une biodiversité parfois jugée envahissante, des préjugés sur la présence et la nuisance des animaux en ville et représentations sociales négatives de la « mauvaise herbe »." Ingrid Nappi-Choulet
A la méconnaissance générale des enjeux globaux de la biodiversité par les parties prenantes, s’ajoute celle des enjeux économiques des services écosystémiques. La biodiversité est plus souvent prise en compte dans les circuits économiques comme une charge que comme un investissement rentable. Ainsi que le souligne le Bilan Biodiversité (guide méthodologique pour intégrer la nature dans la comptabilité des entreprises) proposé par Synergiz et Natureparif, « trop peu d’entreprises ont encore conscience de leurs interdépendances avec la biodiversité ».
Le groupe de travail souhaite impulser les recommandations dans les réflexions autour de la création de l’Agence Française pour la Biodiversité, dont le rôle lui parait tout à fait déterminant pour mettre en œuvre ces propositions. En particulier en définissant un axe de développement en faveur du bâtiment comme support de la biodiversité.
Lien vers le rapport : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/Rapport_Batiment_et_Biodiversite_liens_actifs.pdf
La cité des Francs-Moisins à Saint-Denis n’est pas tout à fait le genre d’endroit où l’on imagine spontanément que puissent paître des moutons : zone "sensible" et dense, elle est caractéristique de l’urbanisation des trente glorieuses et concentre quelques-uns des maux dont souffrent aujourd’hui les « quartiers ». C’est pourtant là, dans les jardins d’une chaufferie à proximité des grands ensembles, que l’association Clinamen loge entre deux transhumances un sympathique troupeau de ruminants à laine blanche. Ils sont dix-neuf Thônes-et-Marthod, vieille race rustique savoyarde écartée des circuits industriels, et s’appellent Patrick, Speculoos ou encore la Guerrière. Depuis un an, ils sillonnent l’île de France sous la conduite affectueuse d’Olivier, Simone ou Julie, allant tantôt paître sur le campus de Villetaneuse, tantôt ruminer à l’Académie Fratellini ou au parc de la Courneuve.Les animaux sont « HD » – « haute domestication ». Pas farouches, ils viennent solliciter les caresses d’un coup de corne et vous laissent plonger la main dans l’épaisseur grasse de leur toison. Leurs bergers les ont aussi habitués à s’arrêter au passage piéton et à se garder de traverser la route sans s’être assurés de leur sécurité. Car les moutons vont à pattes d’un pâturage à l’autre, levant sur leur passage une volée de questions, dont la première est bête comme chou : mais que font-ils donc là ?
On penche à première vue pour un projet culturel. Au cours des dix dernières années, c’est surtout aux artistes qu’on doit le timide retour de l’animal en ville – les ruches d’Olivier Darné à quelques pas de la bergerie en sont un exemple parmi d’autres. D’ailleurs, la plupart des membres de Clinamen se sont rencontrés à la Ferme du bonheur, laboratoire nanterrien de création pluridisciplinaire où l’on élève moutons, poules et cochons. Olivier, grande bringue d’une vingtaine d’années, y était embauché en tant que jardinier. Il y a sympathisé avec Simone, Julie et les autres, jusqu’à former une petite bande pour moitié issue du monde associatif, pour l’autre de l’Ecole du paysage de Versailles. Après avoir acquis trois moutons et créé une première asso, « Téma la vache », en 2010, ils se sont fixés en février 2012 sur le territoire dionysien. Les moutons s’étaient reproduits, ils étaient huit et n’avaient aucun endroit où brouter. « On a écrit au maire adjoint de Saint-Denis comme on lance une bouteille à la mer, raconte Simone, jeune ostéopathe impliquée dès l’origine dans l’association. Ça lui a beaucoup plu et il nous a mis en relation avec la société de chaleur de la ville, qui avait un terrain où nous accueillir. » Composée de jardiniers, de paysagistes ou encore d’une chef de chantier, Clinamen se défend de toute ambition culturelle : « On ne fait pas de la culture, mais de l’agriculture, insiste Simone. En France, il y a 3% d’agriculteurs. Notre désir, c’est que nous devenions tous à 3% agriculteurs. »
"On ne fait pas de la culture, mais de l’agriculture, insiste Simone. En France, il y a 3% d’agriculteurs. Notre désir, c’est que nous devenions tous à 3% agriculteurs." Simone, membre de l'association Clinamen
Pour ce faire, l’association veut d’abord créer un réseau de bergeries. Au bâtiment construit à Saint-Denis par le collectif architectural Jolly Rodgers sous la houlette de Julie, chef de chantier, s'est ajouté une deuxième bergerie (éphémère) au 6b, puis une troisième sur le campus de Villetaneuse, érigée par Albert Hassan ( association PEPA) et Sébastien Dumas ( association Malicia). Un nouvel édifice est en cours de construction sur un terrain prêté par la ville de Saint-Denis et situé à proximité immédiate du canal et des Francs-Moisins. Cette parcelle de 400 m2 accueillera en outre une serre avec des comestibles et un poulailler. L’association projette enfin de développer une plateforme de récupération des déchets ménagers et planche sur un atlas paysan où seront cartographiés tous les espaces propices à l’agriculture urbaine de Plaine commune. Autant de projets dont la vocation est de « dynamiser les territoires urbains par la promotion de pratiques paysannes ».
Note champêtre incongrue au milieu des immeubles, les ruminants sont aussi de fabuleux liants entre les citadins. Les histoires de moutons sont universelles : tel habitant a un cheptel en Algérie, tel autre fut berger en Albanie ou ailleurs. Alors chacun pousse son anecdote, y va de son petit conseil aux membres de l’association : « En ville, les gens partagent leur savoir plus volontiers qu’à la campagne, constate Simone. On a pu agréger les connaissances de plein de cultures différentes. »
"On a tous des raisons très différentes d’être là, mais ce qui nous rassemble, c’est la volonté de faire ensemble, d’avoir un projet commun." Simone de l'association Clinamen
Quand Clinamen a installé sa bergerie aux Francs-Moisins, les habitants ont été d’emblée aimantés par le charme des animaux : « très vite, on s’est retrouvés avec cinquante gamins sur les bras dès qu’on faisait une sortie, s’amuse Simone. On a commencé à leur faire planter des aromatiques et toutes sortes de plantes. D’une manière générale, on attire les publics non encadrés. » Certains enfants viennent ainsi régulièrement prêter main forte aux membres de l’association, apprennent à s’occuper des bêtes et à veiller sur elles. Cette remarquable faculté des moutons à apaiser les tensions et à délier les langues n’est toutefois pas sans revers, et Clinamen doit rappeler à chaque instant qu’elle n’est ni une ferme pédagogique, ni un groupe de travailleurs sociaux bénévoles. Chapeautée par un comité directeur où les décisions se prennent en commun, l’association se rêve plutôt en laboratoire du collectif : « On a tous des raisons très différentes d’être là, explique Simone, mais ce qui nous rassemble, c’est la volonté de faire ensemble, d’avoir un projet commun. »
C’est sans doute cette ambition partagée qui permet à Clinamen de fonctionner avec des moyens plus que limités – quelques milliers d’euros accordés par la mairie de Saint-Denis ou glanés à l’occasion d’événements divers : lancement de l’agenda 21 à Epinay-sur-Seine, fête des fleurs à Saint-Denis, etc. Elle explique aussi dans une certaine mesure la liberté de ses membres et l’audace nécessaire à leur activité. Elever du bétail en ville est en effet une gageure : « nous avons développé une activité rurale à la ville, explique Julie, dans un total flou juridique. Dans notre cas la pratique précède la législation, d’où l’embarras des services vétérinaires et de certains élus. »
"Nous avons développé une activité rurale à la ville, dans un total flou juridique. Dans notre cas la pratique précède la législation, d’où l’embarras des services vétérinaires et de certains élus." Julie, de l'association Clinamen
En travaillant à démontrer que l’agriculture urbaine n’est pas toujours un oxymore, l’association contribue en effet à remodeler en profondeur les représentations. A commencer par celles que tout citadin se fait de son alimentation carnée. Dans un contexte où l'élevage industriel tient secrètes les conditions d'élevage et d'abattage du bétail, Clinamen revendique un lien affectif très fort avec les animaux - d'où la responsabilité qui incombe à ses membres quand d'aventure ils viennent à abattre une de leurs bêtes. De la même manière, les moutons amènent à reconsidérer du tout au tout le territoire francilien. Mus par un besoin d'espace et de verdure que les citadins ont souvent renoncé à satisfaire, ces herbivores invitent à voir la ville au-delà de sa minéralité, tantôt comme un gisement de ressources et d’opportunités, tantôt comme un parcours d’obstacles à négocier. C’est ce que Simone, Olivier et Julie appellent « le regard mouton ». Avec lui, les pelouses stériles des grands ensembles deviennent des zones de pâturages, et le moindre végétal s’appréhende en fonction d’un unique critère : sa comestibilité. « On nous demande souvent où est notre ferme, résume Simone, mais notre ferme, c’est Saint-Denis ! ».
« On devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur. » La formule, attribuée à Alphonse Allais, dresse une ligne de partage claire : à la ville, la pollution et le bruit, à la campagne l’image positive d’une vie simple et saine. Sauf que : à l’heure où près de la moitié de la population mondiale vit en milieu urbain (à l’horizon 2050, ce nombre atteindra près de 75%), la ville-centre secoue cette étiquette de pollueuse source de tous les vices anti-écolos et s’affiche de plus en plus comme un terrain d’expérimentations et d’innovations en matière de développement durable. Elle a ainsi vu apparaitre sur son sol de nombreuses initiatives plus ou moins balbutiantes: le mouvement des villes en transition, les Cittaslow (villes lentes), les écoquartiers… A telle enseigne qu’aujourd’hui, l'empreinte carbone d'un habitant de New York est trois fois inférieure à celle d'un Américain moyen d'après une étude de l'Institut International pour l'Environnement et le développement. Petite comparaison sur 5 postes clés entre la ville et la campagne…
D'après une étude de l'Insee (INSEE Première n°1357, juin 2011) : « Les habitants des pôles urbains émettent deux fois moins de CO2, grâce à un usage plus fréquent des transports en commun et de la marche à pied. Mais les emplois des grandes villes sont également occupés par des périurbains ou des habitants d’autres villes qui parcourent de plus grandes distances, le plus souvent en voiture. Leurs émissions moyennes sont nettement plus élevées. » A ce titre, il est important de prêter attention aux nuances de définitions entre la ville, la campagne et le périurbain…En effet, le périurbain est considéré comme l'ensemble des communes d'une aire urbaine à l'exclusion de son pôle urbain (définition de l’Insee). Cette notion permet d’établir une distinction entre ville-centre et espace périurbain : plus la ville tend vers la campagne et plus elle devient gourmande en transports...
Les habitants des pôles urbains émettent deux fois moins de CO2, grâce à un usage plus fréquent des transports en commun et de la marche à pied.
De cette façon, les temps de transport et la mobilité diffèrent en fonction du lieu d’habitation. Selon une autre enquête de l’Insee (Insee Première N° 1129 mars 2007), « les déplacements domicile-travail sont amplifiés par la périurbanisation : Les salariés domiciliés dans l'espace périurbain quittent généralement leur commune pour aller travailler : cette proportion dépasse 90 % dans les couronnes périurbaines des aires urbaines de moins de 50 000 habitants et dans les couronnes des pôles d'emploi de l'espace à dominante rurale. […]Toutefois, en raison d'une vitesse de circulation plus réduite dans les zones urbaines que dans le périurbain ou l'espace rural, les écarts de temps de trajet, sont plus faibles que ne le sont les écarts de distance. Ainsi, en heure pleine, la durée des trajets pour les salariés domiciliés dans l'espace rural est en moyenne inférieure à celle des résidants des pôles urbains (28 minutes contre 32 minutes). » Malgré l’étalement urbain, la ville est un secteur dense et compact, où les logements et activités sont concentrés et mieux desservis par des transports en commun et où vélos et véhicules en auto-partage contribuent à reléguer la voiture individuelle au second plan. A l’inverse, le schéma classique à la campagne est un habitat individuel diffus dans lequel l’habitant ne peut se déplacer sans sa voiture individuelle et doit parcourir des distances importantes pour aller travailler ou accéder à ses activités et services.
La gabegie énergétique liée au mode de vie pavillonnaire ne tient pas seulement à la question du transport, mais aussi au type d’habitat lui-même. Professeur américain d'économie urbaine à Harvard, Edward Glaeser a publié un essai intitulé Des villes et des hommes dans lequel il dévoile les multiples qualités et avantages qu’offre la ville. Parmi celles-ci, il souligne le fait « quel les villes ne sont pas néfastes pour l’environnement, bien au contraire ». Dans son chapitre « Quoi de plus écolo que le bitume », il justifie son point de vue en mettant en exergue le facteur de la densité: « Les villes densément peuplées proposent un mode de vie où l’on utilise moins la voiture et où les maisons sont plus petites donc plus faciles à chauffer et à rafraichir ».
"Les villes densément peuplées proposent un mode de vie où l’on utilise moins la voiture et où les maisons sont plus petites donc plus faciles à chauffer et à rafraichir." Edward Glaeser, professeur d'économie urbaine
De plus, la densité permet de limiter l’étalement urbain et ainsi contenir l'imperméabilisation des sols et la place du bitume… Aussi, la ville très dense permet de fortes économies énergétiques : transports en commun, possibilité de chauffage collectif, commerces à proximité. C’est une des raisons pour lesquels le modèle des écoquartiers séduit de plus en plus : il rassemble habitations, entreprises et commerces à proximité tout en repensant la mobilité.
En ville, la nature est présente partout, et à différentes échelles : dans l’habitat sur le balcon, la terrasse, le toit et le mur végétalisé, dans le quartier avec ses squares et jardins, dans la ville avec ses coulées vertes, dans les zones périurbaines soumises au « mitage » des espaces naturels, dans la région avec ses corridors biologiques qui assurent la continuité écologiques (Rapport du Conseil économique et social, La Nature dans la ville, 2007). La ville devient même un refuge pour les abeilles qui fuient les pesticides présents dans les campagnes agricoles et qui trouvent sur les balcons et terrasses une diversité des plantations non-traitées. Une capitale comme Paris compte près de 300 ruches. En 2009, La ville de Toulouse a lancé un recensement de la biodiversité. Résultat : 1 162 espèces recensées (dont près de 8% sont protégées) et 24 réservoirs de biodiversité identifiés.
A contrario, certaines campagnes sont des « déserts agroalimentaires » comme le définit Bernard Farinelli dans son essai L’avenir est à la campagne (2009. Ed. Sang de la Terre) et composées de champs d’agriculture intensive et industrielle où le volume de pesticides fait fuir abeilles et espèces en tout genre. Pour l’écologue Nathalie Machon, professeur au MNHN (Muséum National d’Histoire Naturelle), « la mosaïque des milieux urbains favorise la variété des espèces. Certaines poussent parfois dans les endroits les plus improbables : dans une fracture de bitume, à la jointure d’un immeuble ou dans des parterres entourant les arbres. Une étude a montré qu’à Halle, en Allemagne, la zone urbaine accueille près de 20 % d’espèces supplémentaires par rapport aux zones agricoles périphériques » (La recherche N°422, Sept 2008).
Même si jardiner quelques tomates et laitues semble plus facile à la campagne, l’engouement pour les jardins partagés qui se multiplient dans les centres villes donne l’occasion aux urbains de reprendre contact avec la terre et de cuisinier leurs productions maraichères… Aussi, le développement important des Amap, Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (1600 en France) proposant des paniers de légumes de saison venant directement des producteurs révèlent que le citadin se préoccupe de la qualité de son alimentation et peut avoir accès à des produits sains. L’agriculture urbaine connaît quelques réalisations intéressantes mais qui demeurent confidentielles : jardins potagers inspirés des community gardens nord-américains, prototypes de fermes verticales high-tech promouvant la culture hors-sol…La ville n’est pour le moment pas en mesure de nourrir les quelques 3 milliards de citadins et va devoir s’affranchir de son statut de consommatrice pour devenir lieu de production.
Même si jardiner quelques tomates et laitues semble plus facile à la campagne, l’engouement pour les jardins partagés qui se multiplient dans les centres villes donne l’occasion aux urbains de reprendre contact avec la terre et de cuisinier leurs productions maraichères…
Et la campagne, est-elle plus propice à l’agriculture locale ? L’ouvrage de Bernard Farinelli évoque le travail d’Emmanuel Bailly, ingénieur en environnement et créateur de "l'Indice de Souveraineté Alimentaire®" (ISA), un indicateur permettant d’évaluer l’état de dépendance alimentaire d’un territoire : « Le Limousin couvre ses besoins en pommes de terre à 23,5%, en poulets à 13,23%, en œufs à 24,5 %». Preuve que l’autosuffisance alimentaire a perdu du terrain sous le coup, selon l’auteur, « du changement des mentalités des consommateurs et […]de l’urbanisation qui change la donne en matière de mœurs ». Toutefois, on ne peut exclure une agriculture de subsistance dans les potagers et vergers, nombreux en milieu rural et la réaffirmation d’une consommation « locavore » à travers le développement également manifeste des paniers et des ventes directs auprès de fermiers et producteurs locaux.
Quid de l’air ? Est-il vraiment plus pur à la campagne ? Quel est l’impact sanitaire des pesticides sur les agriculteurs et les habitants des campagnes ? Des études contradictoires sont publiées sur le sujet et il est difficile de trouver des chiffres précis qui mettent directement en cause les pesticides dans le développement de maladies et de cancers. Pour la Mutuelle sociale agricole (MSA), 42 maladies professionnelles dues aux produits phytosanitaires ont été reconnues depuis 2002 même si ses chiffres sont considérés comme édulcorés par certains médecins et associations. Des chercheurs de l'Inserm ont annoncé que chez les agriculteurs, l'exposition aux pesticides double le risque de survenue de la maladie de Parkinson. Un chiffre qui pose la question du rôle d’une contamination résiduelle de la population générale... Et pour l’amiante ? Interdit depuis 1997, il est présent dans de nombreux bâtiments agricoles sous forme de plaques ou de tôles (toitures, faux-plafonds, dalles…) ou contenu dans les plaques en fibro-ciment. Selon un article paru dans le Télégramme, « les plaques de fibro-ciment [ …]équipent les toits, voire les murs, de 85% des hangars agricoles en Bretagne. »
Quant à la ville, elle concentre des émissions néfastes pour la santé et l’environnement : dioxyde de carbone, particules fines, COV (composés organiques volatiles) qui entrainent le développement de maladies respiratoires. Et les chiffres le prouvent : selon des estimations américaines, un lien de corrélation peut être effectué entre le niveau de pollution atmosphérique et l'évolution de l'espérance de vie. Le gain de vie des habitants pourrait atteindre jusqu'à 10 mois entre une ville polluée et une ville « propre ». Autre étude qui corrobore ces chiffres : selon l’étude européenne «Aphekom », l’espérance de vie diminue avec la pollution automobile, elle est donc plus faible dans les grandes agglomérations que dans les petites villes et à la campagne. L’enquête révèle notamment que vivre près de routes très fréquentées augmente considérablement le taux de mortalité attribuable à la pollution atmosphérique. Dans le même temps, l’Ile de France est la région où la mortalité est la plus basse et la région où les hommes vivent le plus longtemps (77,3 ans), devant le quart sud-ouest de l’hexagone. L’Insee souligne cependant qu’il s’agit d’une exception (liée à la forte proportion de cadres et professions intellectuelles supérieures), car dans le reste de la France, les habitants du centre-ville décèdent plus jeunes que ceux des banlieues.
"Définissons la ville positive comme une ville dont la performance écologique est telle qu'elle répare l'environnement : production de ressources renouvelables, dépollution, création de biodiversité, production nette d'énergie renouvelable, amélioration de la santé et de la qualité de vie, stockage de carbone." Rodolphe Deborre, directeur associé de BeCitizen
A rebours de bien des idées reçues, la ville s’avère donc globalement plus écolo que la campagne et un terrain fertile pour des initiatives encourageantes. Selon Rodolphe Deborre, directeur associé de BeCitizen, société de conseil stratégique en développement durable qui a définit le concept de « ville positive », l’urbanisme pourrait même réparer l’environnement : « définissons la ville positive comme une ville dont la performance écologique est telle qu'elle répare l'environnement : production de ressources renouvelables, dépollution, création de biodiversité, production nette d'énergie renouvelable, amélioration de la santé et de la qualité de vie, stockage de carbone. » Une ville « régénératrice » d’environnement, l’ambition ultime de la cité ?
A l’heure où les projets d’écoquartiers et d’habitat durable se multiplient en Europe, le besoin d’architectes formés à ce type de constructions ne cesse de croître. Reste à déterminer si l’enseignement du développement durable en école d’architecture et à l’Université permet aux professionnels de s’engager dans cette voie…
En France, à partir des années 1980, de multiples programmes de recherche sont apparus avec les laboratoires spécialisés de Toulouse (Le Laboratoire d’architecture bioclimatique à Toulouse), Marseille ou encore Paris La Villette qui, dès sa création en 1969, avait donné le ton en proposant un module dédié à l’architecture bioclimatique. Malgré ces initiatives, il semblerait que le développement durable reste le parent pauvre des enseignements prodigués en école d’architecture et à l’université. Ainsi, selon l’architecte espagnol Jaime Lopez de Asiain, celles-ci « ont évolué de façon perverse au cours des dernières décennies, en donnant libre cours à des départements indépendants les uns des autres, dans le domaine des spécialisations, des départements mêmes, des matières ou encore dans les programmes de chaque professeur. »*. Autrement dit, si le développement durable est bel et bien abordé dans les écoles, il l’est de façon morcelée, sectorielle, à rebours de la transversalité que nécessite la conduite de tout projet vraiment durable.
Le pôle « Architecture Environnement et Développement Durable » (AEDD) créé en 1998 à La Villette donne un bon aperçu du problème. Comme l’expliquent le journaliste Pierre Lefèvre et l’architecte urbaniste Anne d’Orazio, « la position majoritaire des enseignants est schizophrénique : D’un côté il est jugé inutile de renforcer le pôle «Architecture Environnement Développement Durable ». Certains vont jusqu’à penser qu’il vaudrait mieux le supprimer puisque « tout le monde en fait » ; mais, par contre, la demande est unanime en faveur d’un enseignement théorique à créer dans les deux cycles de licence et de master. Paradoxalement le caractère transversal du développement durable contribue à sa marginalisation : puisque toutes les composantes de l’enseignement sont sensées devoir intégrer le développement durable, inutile de créer un département ou un pôle spécifique. »*
Jusqu’à présent, en France, on a privilégié l’approche technique de la construction durable. Ainsi, pour Jean Gautier, Directeur, Adjoint au Directeur Général des Patrimoines, chargé de l’Architecture, la double compétence en architecture et ingénierie est une bonne manière d’aborder la question : « je crois pouvoir dire que les architectes français sont bons ou excellents. Il convient, cependant, que leur formation leur donne les instruments pour exercer pleinement leur rôle de mandataires vis à vis des Bureaux d’Etudes Techniques (BET) dans les projets de construction. Pour cela j’ai souhaité renforcer l’enseignement de la construction et développer, sans perdre la spécificité de la formation d’architecte, les double cursus d’architecte- ingénieur. (École de Paris La Villette avec l’ESTPEIVP, Ecole Spéciale des Travaux Publics et École des Ingénieurs de la Ville de Paris, l’Ecole de Strasbourg avec l’INSA, etc.…). Dans certains cas, ces doubles cursus peuvent conduire à l'attribution de doubles diplômes.* »
Pour d’autres, l’enseignement du développement durable nécessite de réorganiser totalement les contenus. Dans la préface d’Enseignement de l'architecture en France : la place du développement durable dans le cursus (juin2010), rapport écrit dans le cadre du projet européen EDUCATE (voir interview), l’architecte et critique Dominique Gauzin-Müller estime que « la mise en place d'un nouveau cursus intégrant une approche éco-responsable commence par des questionnements sur certains enseignements tombés en désuétude, sur le fond comme sur la forme, et déconnectés des réalités actuelles. » Elle ajoute : « La suppression de ces cours désormais superflus dégagera du temps pour l'acquisition, entre autres, de compétences devenues indispensables sur les principes thermodynamiques, le génie climatique et énergétique, la mise en œuvre de matériaux locaux bio-sourcés (bois, terre crue, paille, etc.). Ces enseignements devront être le plus près possible de la pratique du terrain et régulièrement actualisés afin de suivre les rapides évolutions. »
Mais à trop privilégier les compétences d’ordre technique, ne perd-on pas de vue les volets social et économique du développement durable ? Pour André de Herde, qui dirige le département Architecture et Climat de l'Université catholique de Louvain au sein du projet européen EDUCATE, « il ne faut pas réduire la développement durable à la simple technique. Le volet social est primordial pour le réussite des projets ». Cette transversalité est justement au cœur du projet EDUCATE. Initié conjointement par la faculté de Nottingham, l’Architectural Association Inc. à Londres et l’université catholique de Louvain, ce programme expérimental a pour ambition de combler les lacunes dans l’enseignement du développement durable, et propose une démarche et des contenus plus adaptés à ces nouveaux enjeux. Au menu : analyse du contexte, prise en compte de problématiques encore peu explorées, telles que la gestion de l’eau ou la mobilité mais aussi la qualité de l'air, la qualité de vie, le confort... S’il se généralise après 2012, comme le prévoient certains, EDUCATE devrait donner le ton de l'enseignement de l'architecture de demain.
* Source : Le Carré Bleu, feuille internationale d'architecture, « La formation à l'architecture durable ». ( 3 / 4, 2010). www.lecarrebleu.eu
Ne dites pas à Patrick Nadeau qu'il est designer végétal. Pour lui, il est avant tout designer et architecte. C'est après une première association avec le designer Christian Ghion que l'homme souhaite voler de ses propres ailes et ouvrir son agence en solo. Très vite, il intègre le végétal qui l'attire avant tout pour ses propriétés plastiques. « Selon moi, le végétal répond à des problématiques architecturales, je regarde les plantes d'un point de vue formel et plastique. Ça m'agace un peu qu'on prenne les plantes pour des prestataires de services qui dépolluent, on les instrumentalise ».
Tout commence avec le projet réalisé en 1999 pour le Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire, avec le soutien de la Maison Hermès. Il y présente un meuble-jardin en teck et en inox, posé sur quatre pieds à 90 cm au-dessus du sol avec un système modulable.
Ouvertes et mises à l’horizontale, les quatre faces de la boîte se transforment en tables de culture où les plantes poussent dans l’épaisseur des plateaux, puisant le liquide nutritif dans des gouttières techniques remplies de fibres de coco. « C'est un projet fondateur, c'est une superposition car c'est à la fois un objet design, une micro architecture et un jardin ».
S'ensuivent de nombreuses et prestigieuses réalisations toujours dans la même veine : Maison Hermès, Kenzo Parfums, Louis Vuitton, La Ville de Rennes, Les Salines Royales d’Arc et bien d'autres. « Ce qu'il y a intéressant a croiser ses disciplines, c'est que cela ouvre de nouvelles inventions formelles, plastiques et sensibles, c'est difficile de créer de nouvelles formes », raconte Patrick Nadeau.
En parallèle à l'ouverture de son agence, il commence l'enseignement en mettant en place un atelier de design végétal à l'Esad (École Supérieure d'Art et de Design) de Reims. « Si tout va bien, en 2012, ce cours devrait se structurer en troisième cycle avec des collaborations entre architectes , scientifiques, sociologues ». Comme une reconnaissance pour cette discipline hybride. Designer avant tout, il intègre le végétal quand cela est légitime, quand cela a du sens. « Parfois, le végétal peut être encombrant du fait des contraintes techniques et d'entretien. »
Selon lui, le rôle du designer est bel et bien d'apporter des nouvelles possibilités d'imbrication entre le bâti et le végétal plus subtiles et ce, jusqu'à l'intérieur des maisons. « Il faut faire attention à ne pas vouloir tout verdir, on a passé 3000 ans à domestiquer la nature et maintenant on veut la faire renter partout », s'amuse le designer dont les travaux de sa « maison-vague » à Reims, entièrement végétalisés viennent de démarrer. Cette bâtisse éco-conçue de 130m2 se niche sous l’ondulation d’une coque en bois et en béton et emprunte aux constructions industrielles des serres en utilisant une double peau en polycarbonate sur une façade en verre.
Toutefois, même si l'éco conception l'intéresse, il estime qu'elle doit rester au service de la création, être un levier pour la créativité. « Toutes ces normes et ces labels, cela ne doit pas amener à des bâtiments tous semblables ». Un premier projet qui devrait être compléter par un projet d'écoquartier à l'horizon 2013. Son approche de la place du végétal dans la ville? « En dehors des centres historiques un peu intouchables, je pense que les lieux à investir sont les régions périphériques sous des formes hybrides « mi-urbain mi-jardin », des espaces un peu ambiguës ». Une information encore au conditionnel mais Patrick Nadeau espère réaliser une exposition sur son travail pour l'année prochaine, associée à la sortie d'un livre.
Longtemps structurée autour de l’opposition ville/campagne, la production agricole se conçoit désormais comme un fait urbain – témoin l’essor des jardins partagés, fermes verticales et mouvements locavores. En 2008, ce désir de concilier vie en ville et production alimentaire donnait naissance à Re :farm the city .
On doit la genèse de ce projet, qui mêle art, agriculture et open source, à un graphiste portugais : Hernani Dias. Venu s’installé à Barcelone, le jeune homme décide un jour de faire pousser des légumes dans son appartement. Mais il part en vacances, et à son retour, tous les végétaux ont péri faute de soins. Hernani Dias décide alors de créer un système d’arrosage qui ne se déclenche pas automatiquement, mais lorsqu’il détecte, via un ensemble de capteurs, que la plante a besoin d’eau. Connecté à Internet, le système peut être contrôlé à distance.
Face au succès de son dispositif, Hernani Dias décide de créer un collectif informel au sein duquel se partageraient technologies et savoir-faire. Depuis, Re :farm the city a essaimé dans une petite dizaine de villes à travers le monde, dont Paris. Son ambition : proposer des outils software et hardware en open source à tous ceux qui souhaiteraient créer et gérer à distance de mini-fermes urbaines : systèmes d’arrosages, épouvantails, composts...
Bien sûr, la protection de l’environnement est l’un des piliers du projet, qui privilégie matériaux trouvés et recyclés, encourage à la production locale et à l’ensemencement de végétaux vernaculaires. Les fermiers de Re :Farm n’en investissent pas moins des modes de production résolument contemporains, tels que l’hydroponie. Surtout, ils sont friands de technologies récentes, et ont d’emblée ajouté aux outils traditionnels du jardinier l’Arduino, ce circuit imprimé distribué sous licence Creative Commons, dont raffole tout hacklab.
De fait, l’enjeu de Re :farm the city n’est pas tant de reverdir la ville que de bâtir de nouvelles communautés dont les valeurs et l’organisation doivent beaucoup à l’éthique « hacker » : collaboration et coopération, mise en commun des données, circulation libre des savoirs… C’est d’ailleurs pourquoi les fermiers qui nourrissent le projet se réclament du DIT (do-it-together) plutôt que du DIY (Do-it-yourself). A rebours de l’approche environnementaliste à quoi se résume souvent l’écologie, Re :farm the City conçoit d’abord celle-ci comme une autre façon de vivre ensemble et de partager les ressources. Bref, pour ces fermiers bidouilleurs, une ferme urbaine, c’est avant tout une expérience du partage et de l’en commun…
"Tu peux les toucher, mais c’est à tes risques et périls, car ils peuvent pincer très fort…" Jean-Pierre met en garde le visiteur qui a pour la première fois l’opportunité d’approcher un manchot. Volontaire au centre SANCCOB (Southern African Foundation for the Conservation of Coastal Birds) du Cap, ce français à la retraite travaille depuis six semaines sous les toits en tôle qui abritent une cinquantaine de manchots en ce début février.
Le travail est harassant, les journées sont longues, et la chaleur vient vous rappeler chaque jour que l’hémisphère sud est bien en plein été. "J’ai perdu trois kilos depuis que je suis ici. Le travail est très physique. Personnellement, je suis chargé de nettoyer les bassins et de laver les serviettes et outils qui servent à nourrir les manchots. Mais on oublie toutes ces journées épuisantes en quelques instants lors du « release »". Le lâchage des manchots est en effet un moment clé de la vie du centre. Deux semaines auparavant, les sept volontaires et les cinq salariés de SANCCOB étaient mobilisés en plus de quelques bénévoles venus pour l’occasion afin de relâcher une cinquantaine de manchots. Le retour à la nature s’effectue toujours en groupe, le manchot vivant uniquement dans des colonies de plusieurs centaines d’individus. En l’occurrence, c’est la colonie de Stony Point, à une centaine de kilomètres du Cap qui est choisie la plupart du temps par le centre.
Composée d’une centaine de couples, cette colonie est la seule avec celle de Boulders Beach (la plus importante d’Afrique avec 3000 spécimens) à accueillir des manchots sur le continent. Les autres vivent sur 24 îles (comme la colonie présente sur Robben Island), au large des côtes entre le nord de la Namibie et Port Elisabeth, au sud-est de l’Afrique du Sud. "Stony Point et Boulders Beach sont deux colonies très importantes dans la survie de l’espèce, car elles étaient menacées d’extinction à la fin des années 80", explique Vanessa Strauss, la Directrice du centre.
Plusieurs autres colonies installées sur le continent n’ont d’ailleurs pas résisté à l’envahissement urbain, en particulier sur les côtes sud-africaines qui abritent parmi les plus belles plages du monde. Des centres comme celui de SANCCOB sont aujourd’hui dotés d’un financement plus important car ils s’occupent de la seule espèce de manchots du continent africain (sur 18 espèces recensées dans le monde). Si l’apparence physique de ce manchot du Cap rappelle celle des pingouins, les deux compères n'appartiennent pas à la même famille. Le pingouin est un oiseau de la famille des alcidés et mesure 40 centimètres de haut alors que le manchot du Cap est de la famille des sphéniscidés et mesure 70 centimètres. Ces derniers ont également été rebaptisés Pingouins jackass par les habitants de la cité mère d’Afrique du Sud. Le cri de ces manchots rappelle en effet celui de l’âne.
Difficile pourtant de se croire dans une étable remplie de bourriquets ce jour-là. La cinquantaine de manchots encore présents dans le centre barbotent gentiment dans les bassins ou se promènent sur les rochers artificiels. "On a clairement ralenti la cadence de travail depuis le dernier relâchement, explique Jean-Pierre. Cette année, on a dû attendre fin janvier pour les remettre dans la nature car un virus avait été détecté dans le centre. On a même dû amener une poule autour des bassins pour être certain que le virus ne pouvait pas muter sur d’autres espèces animales. Il fallait éviter tous risques de transmission avant le relâchement."
La plupart du temps, les manchots ont besoin d’une semaine pour être à nouveau acceptés par leur colonie. Pourtant, il arrive parfois que le centre ait recours à d’autres stratégies de relâchement en cas d’urgence. Ainsi, le 23 juin 2000, le pétrolier Treasure coulait au large de la ville du Cap, déversant 400 tonnes de pétrole sur les îles de Robben et Dassen. Les autorités sud-africaines décidèrent de lancer le plus important sauvetage d’animaux sauvages au monde afin d’évacuer les milliers de locataires de ces îles. Une opération essentielle car la péninsule du Cap abrite 50 000 manchots jackass tandis que la population totale de cette espèce est estimée à 180 000. Le centre a ainsi lancé un appel public pour mobiliser des volontaires et transporter ces 50 000 manchots à 800 km de leur île souillée par le pétrole. Plus de 1000 volontaires ont répondu à l’appel et ont permis d’acheminer les manchots. Ces derniers ont ensuite regagné leur milieu initial en une quinzaine de jours, permettant à l’armée et à la police, réquisitionnées pour l’occasion, de nettoyer les bords de mer. "C’était une opération exceptionnelle qui a coûté 10 millions de rands au gouvernement (1 millions d’euros), détaille Vanessa Strauss. Mais elle aura permis de préserver intactes ces colonies sur le continent."
Au-delà des marées noires, le manchot du Cap a longtemps été menacé par l’homme qui récupérait ses œufs et utilisait le guano (essentiel pour les manchots dans la localisation de leurs sites habituels de nidification) comme fertilisant. Ces pratiques sont désormais interdites. Aujourd’hui, la menace principale vient de la surpêche et de la raréfaction de la nourriture qui en découle pour les manchots. Se nourrissant principalement de petits poissons (sardines, anchois…) et calmars, les manchots doivent désormais parcourir de plus grandes distances pour parvenir à leurs fins. Sous-alimentés, certains se retrouvent au centre pour quelques semaines. "Chaque manchot reçoit entre six et huit poissons par jour, raconte Jean-Pierre. Nous utilisons principalement du poisson congelé. Nous les nourrissons un par un. En général, ils s’habituent très rapidement au nourrissage par l’homme. Nous devons juste apprendre aux jeunes manchots à avaler les poissons en entier."
"Le centre a contribué à quintupler la population de manchots de Robben Island"
Si les manchots sont tous numérotés, les employés et volontaires du centre s’attachent forcément plus facilement à ceux qui se trouvent dans les homes pain. Dans ces cases sont logés les manchots qui ne seront jamais relâchés car trop malades. La vingtaine d’animaux présents ce jour-là ne semblent en effet pas dans la meilleure forme. "Contrairement aux autres, nous les connaissons par leur prénom", précise Jean-Pierre. Il faut plus de moyens pour s’occuper de ces manchots, c’est pourquoi le centre propose au public de les parrainer. Ainsi, pour 500 rands (50 euros), il est possible "d’adopter" un manchot. Le centre se charge ensuite d’informer le parrain de l’évolution de ce dernier. Depuis 1968 et l’ouverture du centre, 86 000 manchots ont ainsi été soignés et remis en liberté.
Un travail d’autant plus important que l’espèce a drastiquement diminué au cours du XXème siècle. La population totale de manchots d’Afrique est ainsi passée de 1,5 million en 1910 à 180 000 aujourd’hui. Le manchot d’Afrique est aujourd’hui inscrit dans la catégorie B2 de l’accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA). Cette catégorie regroupe les populations vulnérables de plus de 100 000 individus dont l’aire de répartition est restreinte et dont la population décline.
Mais si les manchots restent encore menacés, le travail effectué par le centre a contribué à la sauvegarde de l’espèce dans la péninsule du Cap. "Pendant les quarante dernières années, le centre SANCCOB a permis de multiplier par trois la population de manchots à Stony Point et de quintupler celle de Robben Island", explique Vanessa Strauss. Depuis quelques années, les manchots ont également dû faire de la place pour de nouveaux pensionnaires. A quelques mètres des bassins, un pélican observe paisiblement les volontaires s’activer. Un problème de plume l’a amené jusqu’ici. Un peu plus loin, deux cormorans ont également été pris en charge par le centre. "Nous sommes un centre pour les oiseaux de mer, précise Vanessa Strauss. Nous accueillons régulièrement d’autres espèces, mais il est évident que 90% de notre travail est concentré sur les manchots." Dans quelques jours, le centre accueillera une dizaine de nouveaux pensionnaires blancs et noirs. Et Jean-Pierre et les volontaires remettront comme chaque jour leurs cirés pour participer à la survie des manchots du Cap.
Pas vraiment réputée pour être un pays pionnier de l’énergie nucléaire, l’Allemagne a pourtant eu la surprise de revenir sur le devant de "l’actualité de l’atome" en dévoilant en janvier dernier qu’elle était dans l’obligation d’évacuer 126 000 fûts de déchets radioactifs d’une ancienne mine de sel. Située dans la ville d’Asse en plein cœur du pays, ce stock de déchets radioactifs entreposé entre 1967 et 1978 risquait en effet de "concurrencer" la catastrophe écologie de la marée noire en Louisiane du fait de la présence d’infiltrations d’eau. Résultat : l’opération d’évacuation devrait durer près de 20 ans et coûter entre 2 et 3 milliards d’euros à l’Etat.
Or, depuis le 26 avril 1986 et l’explosion du réacteur de la centrale de Tchernobyl, c’est davantage la gestion des déchets radioactifs qui a posé problème que les conséquences liées au risque nucléaire. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer l'échelle internationale des événements nucléaires également appelée INES (de l'anglais International Nuclear Event Scale). Cette dernière mesure la gravité d’un accident nucléaire et comprend 8 niveaux notés de 0 à 7. Si la mise en application internationale de l’INES date de 1991, les accidents antérieurs ont également été répertoriés. L’accident de Tchernobyl apparaît ainsi comme le seul cas classé en niveau 7 ("Accident majeur. Rejet majeur : effet étendu sur la santé et l'environnement ; Mort de plusieurs personnes sur le site et destruction de l'installation"). Le niveau 6 compte également un seul cas (celui de l’explosion de la cuve de déchets radioactifs dans l’usine de retraitement de Kystym en Russie) tandis que le niveau 5 en compte deux. Celui de Three Mile Island aux Etats-Unis et celui de Sellafield en Angleterre.
En France, l’accident nucléaire le plus grave a atteint le niveau 4 avec l’endommagement d'un cœur de la Centrale nucléaire de Saint-Laurent en 1980. Cet accident considéré comme "n'entraînant pas de risque important à l'extérieur du site" avait eu pour conséquence des rejets mineurs à l’extérieur du site et un "endommagement important du réacteur ou des barrières biologiques, ou exposition létale d'un travailleur". Quatre événements de niveau 3 ont également été répertoriés en France (1981 à La Hague, 1989 à Gravelines, 2002 à Roissy, 2008 à l'ONERA à Toulouse). Qualifiés "d’incidents graves" ou "d’accidents évités de peu" sur l’échelle de l’INES, ces derniers étaient considérés comme pouvant engendrer une "contamination grave avec effets aigus sur la santé d'un travailleur sur le site" alors que les incidences hors site étaient qualifiées de "très faible rejet". Enfin, une centaine de cas relevant de "l’anomalie" (niveau 1) sont référencés chaque année en France. Ces derniers sont "sans conséquences" à l’intérieur et à l’extérieur du site comme le millier de cas relevant du niveau 0 ("sans importance du point de vue de la sûreté").
C’est en 1973 que la France a crée son premier "Service central de sûreté des installations nucléaires" (SCSIN). Un organisme qui aura évolué au fil des années en acquérant des compétences élargies et un statut différent. Le dernier date de juin 2006, lorsque la France s’est dotée d’une nouvelle loi ayant pour objectif de "mettre en œuvre dans le domaine du nucléaire les principes environnementaux applicables aux autres secteurs d’activité : principe de précaution, principe pollueur-payeur, principe d’information du public". Une initiative tardive qui aura permis la création d’un "Haut-Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire" (HCTISN) dont la mission doit être de "contribuer à l’information du public sur les activités nucléaires, instance de débat et de concertation". Le HCTISN peut également "se saisir de toute question relative à la transparence de l’information en matière nucléaire". Cette loi impliquait aussi la création d’une Autorité de sûreté nucléaire (ASN), "autorité administrative indépendante qui sera chargée de contrôler les installations nucléaires ainsi que la radioprotection des hôpitaux et des centres de recherche. Elle sera chargée, en cas de crise d’informer le public et de faire des recommandations au gouvernement".Bref, deux organismes publics destinés à prévoir l’impensable sur un sujet qui enflamme les passions depuis que la France a décidé de faire du nucléaire sa principale source de production d’électricité. Il n’y a qu’à voir à ce propos les conclusions diamétralement opposées du "Réseau Sortir du nucléaire" et d’Areva sur la troisième génération de réacteur appelée EPR (European Pressurized Reactor). L’ASN émettant également de son côté ses conclusions sur la sécurité de ces nouveaux réacteurs nucléaires.
Si la création de ces deux organismes est censée garantir ce "principe de précaution" sur le territoire français, il n’en va pas forcément de même quand la problématique prend une dimension internationale. Ainsi, le dernier exemple en date remonte à juin dernier. Dans un documentaire intitulé "Déchets, le cauchemar du nucléaire" (également paru en ouvrage et diffusé sur Arte en novembre 2009. Dans ce dernier, les auteurs (la journaliste de Libération Laure Noualhat et le réalisateur Éric Guéret) révélaient l'existence d'un gigantesque site de stockage à Tomsk en pleine Sibérie contenant de l'uranium appauvri issu du ré-enrichissement de l'uranium de retraitement français. Une information qui aura incité Jean-Louis Borloo à saisir le Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN) afin de connaître les flux exacts des matières échangées avec la Russie, ainsi que le bilan du retraitement français.Prévue du 8 au 10 juin 2010, cette visite sera une première fois repoussée en raison de "la perception très négative par les populations locales de la vision de la France sur l’activité du site de Tomsk". Pire, elle sera même finalement purement et simplement annulée le 29 juin dernier. "Cette décision a été prise suite à l'information reçue par le Président du HCTISN hier après-midi que deux membres du Haut comité prévus dans la délégation (qui appartiennent aux collèges des salariés et des associations de protection de l’environnement) n’étaient pas autorisés à pénétrer sur le site de Tomsk où se situent les installations de la société ROSATOM" indiquait le communiqué de la HCTISN.
Au-delà de cette affaire des déchets de Tomsk, la gestion des déchets nucléaire reste préoccupante alors que de nombreux pays font aujourd’hui le choix de l’énergie nucléaire. 62,5 % de ces déchets sont produits dans le cadre de la production d'électricité par les centrales nucléaires. Le reste est le résultat des autres activités du cycle nucléaire. Ces déchets radioactifs en provenance des centrales nucléaires sont gérés par l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) et représentent 60 % du volume des déchets radioactifs traités par cet établissement public à caractère industriel et commercial (Epic).Aux prémices de l’énergie nucléaire, la gestion des déchets nucléaires n’a jamais été une priorité. Dans les années 50, ces derniers sont entreposés directement dans les centrales nucléaires. Envisagée à la fin des années 60 par le biais de deux campagnes internationales d’expérimentation, l’immersion en pleine mer est rapidement abandonnée. Un centre de stockage pour les déchets de faible et moyenne activité est finalement installé à proximité de l’usine de retraitement de combustible de La Hague en 1969.Confrontée au milieu des années 70 au choc pétrolier, la France décide d’accélérer la construction de ses centrales nucléaires. La quantité de déchets radioactifs est exponentielle et l’Etat demande alors au CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) de créer un organisme chargé de gérer tous ces déchets. L’ANDRA est créée en 1979 et plusieurs mesures sont adoptées. Les déchets nucléaires sont désormais conditionnés dans des colis normalisés. Un système de collecte pour contrôler et maîtriser les eaux sortant du stockage est créé afin de mesurer l’impact du centre sur l’environnement. D’autre part, la France se dote en 1987 d’un deuxième centre de stockage des déchets de faible et moyenne activité dans l’Aube.Mais les déchets de haute activité à vie longue (plusieurs milliers d’années avant qu’ils soient sans danger) posent toujours problème. Faute d’une solution idéale, il est finalement décidé de les enfouir de façon définitive, en grande profondeur (un principe qui est loin de faire l’unanimité auprès des associations environnementales comme en atteste la position du réseau Sortir du nucléaire, de Greenpeace ou des Amis de la Terre).
Les propriétés des roches doivent être étudiées via des laboratoires souterrains afin de choisir la plus efficace pour l’enfouissement des déchets. Le granit dans les Deux-Sèvres, les ardoises dans le Maine-et-Loire, les formations salines dans l’Ain et les argiles dans l’Aisne sont envisagés. Mais les scientifiques sont rapidement confrontés dans leur travail à l’opposition des populations locales. Une opposition qui prend de l’ampleur dès 1987 et le début des études géologiques pour aboutir trois ans plus tard au lancement d’un moratoire d’un an sur les laboratoires souterrains. Une loi est votée en décembre 1991 rendant l’ANDRA indépendante du CEA et encadrant de manière précise l’étude de faisabilité du stockage en profondeur. L’agence dispose de quinze ans pour réaliser cette étude. Quatre départements se porteront finalement volontaires pour accueillir un laboratoire souterrain (la Vienne, la Haute-Marne, la Meuse et le Gard). Les scientifiques relancent leur recherche en 1994 et il faut attendre 1998 pour voir le site de Bure en Haute-Marne choisi comme territoire pour le laboratoire souterrain. Implanté dans l’argile, ce dernier est mis en chantier en 2000. Le forage atteint la profondeur de 445 mètres en 2003 et les expérimentations sont lancées. En 2005, l’ANDRA publie ses conclusions de dix ans de recherche et indique que "la couche d’argile du site de Bure est parfaitement apte à recevoir un stockage et à contenir des déchets radioactifs".Parallèlement à cette décision, un débat public sur la gestion des déchets radioactifs est lancé la même année afin de faire remonter un certain nombre d’interrogations du public dont la principale porte sur la réversibilité du site. Résultat : en juin 2006, une nouvelle loi élargie la mission de l’ANDRA. L’agence doit entre autre rechercher un site pour les déchets de faibles activités à vie longue et concevoir le stockage profond souterrain réversible. En clair, la France se laisse la possibilité de récupérer ces déchets radioactifs (un principe qui devrait être défini dans la loi française dans les années qui viennent) . Plus récemment en octobre 2009, l’ANDRA a remis aux ministres en charge de l'énergie, de l'environnement et de la recherche un rapport dans lequel elle identifie une zone de 30 km2 environ, appelée ZIRA (Zone d'intérêt pour la reconnaissance approfondie), pour poursuivre l'étude de l'implantation des installations souterraines du futur centre de stockage fermé. Accepté par l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire) et la Commission nationale d'évaluation, le Gouvernement a autorisé en mars 2010 l'ANDRA à réaliser des investigations plus approfondies sur cette zone.
Paysages de vallées et de cottages à perte de vue, côtes escarpées : le pays de Galles est avant tout une région rurale. Trois millions d’habitants (dont 300.000 à Cardiff) peuplent le territoire, un chiffre bien inférieur à celui des 15 millions de moutons sillonnant les champs. L’économie du pays est aujourd’hui tournée vers la finance, les assurances et les banques, principaux secteurs d’activités des gallois. Toutefois, les stigmates de la forte industrialisation (Acier, Fer, Charbon) qui a caractérisé pendant les deux derniers siècles la région et notamment le sud restent présents. Fort de ses paysages de campagne, le « Grand pays » comme le nomme ses habitants souhaite désormais tourner le dos à ce passé industriel et regarder vers l’avenir à travers le prisme du développement durable.
De Cardiff à la pointe de St David’s (la plus petite ville d’Angleterre) de nombreuses initiatives « durables » voient le jour en termes d’hébergements, d’activités ou de gastronomie.
Les 3 parcs nationaux recouvrent ¼ du pays : le Snowdonia National Park au Nord, le Brecon Beacons National Park au centre et le Pembrokshire National Park à l’extrémité Ouest du pays, seul parc naturel maritime de Grande-Bretagne. De quoi profiter d’activités en lien avec la nature pour les amateurs de vacances synonymes de retours aux sources.
Terre d’espace et d’infini, le Pembrokshire porte bien son nom. Le terme vient de « penfro » signifiant « bout du monde ». C’est une réserve encore peu connue pour pratiquer le kayak ou le « Coasteering », du canyoning en bord de mer que propose la structure TYF. Cette école de surf, fondée en 1986 avec le premier éco-hotel au pays de Galles (actuellement fermé), ambitionne d’être le premier centre proposant des activités neutres en terme d ‘émissions de gaz à effet de serre. Un défi parfois difficile à relever compte tenu de certaines contraintes, dont le prix élevé des combinaisons de surf bio.
Des lieux s’ouvrent pour proposer un hébergement éco-responsable. Ainsi, les Asheston Eco Barns, une ancienne ferme a été reconvertie en éco-lodges de vacances. 40 à 50% de la consommation énergétique globale y proviennent d’énergies renouvelables. « Nous avons ouvert il y a juste 10 mois, nous n’avons pas encore de recul sur ce projet mais nous souhaitons être un cas d’école pour les autres éco-concepteurs », explique Karen Loo, gérante des Eco Barns.
Panneaux solaires thermiques pour fournir l’eau chaude, géothermie pour le chauffage, récupération de l’eau de pluie pour faire tourner les machines à laver et pour les toilettes, traitement des eaux grises sur place, offre de produits locaux (œufs, pain, viande, etc.) : la démarche écologique se veut globale.
Bluestone, centre de vacances ouvert en 2008 au cœur du Parc National du Pembrokshire souhaite également se positionner dans une forte approche environnementale . Son parc aquatique, le Blue Lagoon, est alimenté par une chaudière de biomasse présente sur le site. 6000 tonnes de chutes de bois sont utilisées pour produire la matière première nécessaire, faisant ainsi travailler 15 fermiers autour du centre de loisirs.
Organisée chaque année à l'initiative de la ville de Paris, la Fête des jardins est aux espaces verts ce que les journées du patrimoine sont à l'architecture : une occasion de découverte et d'apprentissage.
On pourra ainsi visiter des espaces d'ordinaire fermés au public, tels que le centre horticole de Rungis, les murs à pêches de Montreuil ou, à Paris, le jardin du couvent des soeurs de l'adoration (5e arr.), celui du presbytère de Saint-François-Xavier (7e arr) et autres potagers de congrégations religieuses.
Mais la fête des jardins offre surtout l'occasion de s'initier au jardinage via nombre d'ateliers découverte. A l'honneur cette année : les nouvelles pratiques de gestion écologique des espaces verts. Ainsi, le jardin partagé Ecobox (19e arr.) explique comment jardiner hors-sol avec des matériaux de récupération, tandis que les parcs de Passy et et de l'avenue Foch (16e arr.) présentent leur gestion écologique des espaces verts. Le parc des Buttes-Chaumont (19e arr.) quant à lui, accueillera une grande démonstration de bûcherons.
La programmation met aussi l'accent sur la biodiversité, entre sortie ornithologique depuis la maison des oiseaux (5e arr. attention : inscription obligatoire), visite du rucher dans le jardin Alexandra David Neel (Saint-Mandé) et ateliers de reconnaissance des végétaux au parc Roger Salengro de Clichy-la-Garenne.
Enfin, les épicuriens pourront participer aux nombreuses dégustations et concerts prévus ce week-end : découverte de la gastronomie suédoise au jardin de l'hôtel Marle, apéro en fanfare au parc Stalingrad à Aubervilliers, concert pop-folk au square Maurice Gardette (11e arr.)
Sur son site Internet, Terre vivante annonce « 30 ans au service de l'écologie ». Un âge respectable, quand on sait combien récent est l'engouement des professionnels du livre pour le développement durable. Du reste, la maison d'édition n'est pas seulement un acteur « historique » de l'édition verte : organisée en SCOP depuis 2005, cette structure d'une trentaine de personnes est aussi un modèle d'organisation, et prouve si besoin était que l'écologie n'est pas incompatible avec le monde de l'entreprise.
Tout commence en 1979. Cette année-là, sept amoureux de la nature créent une association destinée à promouvoir les techniques et modes de vie respectueux de l'environnement et de la santé. Leur démarche est emblématique du basculement qui s'opère à la fin des années 1970 : loin des grandes « causes » de la décennie écoulée, ces militants plus gandhiens que soixante-huitards se veulent pragmatiques. Le magazine des 4 saisons, qui commence à paraître dès 1980, en est une bonne illustration : que ce soit en matière de jardinage, d'habitat, d'alimentation ou de santé, il offre à ses lecteurs un bouquet de solutions concrètes à mettre en oeuvre dans le cadre de la vie quotidienne. Et ça marche. Non seulement le nombre d'abonnements croît rapidement, mais une communauté se fédère autour du magazine : on appelle ça « l'esprit 4 saisons ».
Face à ce succès, les membres de Terre vivante décident dès 1982 d'offrir à leurs lecteurs un complément d'information en se lançant dans l'édition de livres. Comme le magazine, les titres publiés s'adressent essentiellement au particulier avide de solutions concrètes. Tout au plus la maison d'éditions concède-t-elle de temps à autre un ouvrage dédié aux grands enjeux écologiques. Mais le contexte économique actuel pourrait bien amener Terre vivante à diversifier ses publications.
Comme le confesse Claude Fournier, directrice générale de la maison depuis 1986, les deux dernières années ont marqué l'émergence d'un phénomène auquel ces éditeurs « historiques » étaient peu habitués : la concurrence. « Depuis le Grenelle de l'environnement, la niche explose, le marché émerge, explique Claude Fournier. Il est même probable qu'en ce moment, il précède la demande. » Aussi Terre vivante est-il particulièrement vigilant : « nous sommes plus que jamais attentifs à éditer des livres qui durent, qui soient bien documentés et bien illustrés, nous explique Claude Fournier. Surtout, nous nous sommes fixé un nouvel objectif : produire environ 20 livres par an à partir de 2010. Il s'agit de répondre aussi bien au débutant motivé qu'à l'amateur confirmé ».
Pour faire face à ses concurrents, Terre vivante possède de solides atouts. Premier d'entre eux : sa légitimité. Les ouvrages publiés par la maison d'édition sont de qualité et largement diffusés. Surtout, ils sont conçus de la façon la plus écologique possible : « En tant qu'éditeurs durables, nous voulons faire des livres qui durent, explique Claude Fournier. Donc, plutôt que de rentrer dans la logique actuelle du livre jetable, on met à jour, on réédite, on essaie de faire vivre le fond. Idem pour la production : les livres sont imprimés à moins de 600 kms du siège social et nous apportons un soin particulier au choix du papier. Seul bémol : le transport. D'où notre intérêt croissant pour le livre électronique ».
Cette conformité de Terre vivante aux valeurs qui ont fait son succès excède du reste le strict champ de l'édition. En effet, depuis 1992, l'association a quitté Paris pour Mens, dans les environs du Vercors, où elle a aménagé un parc à thème écologique ouvert au public de mars à septembre. Soit 50 hectares où réserves naturelles, jardins et maisons bioclimatiques offrent au visiteur un concentré d'écologie pratique dans le droit-fil de la maison d'édition.
Le site Internet de Terre vivante http://www.terrevivante.org/
À l'heure où les notions de tourisme écolo ou solidaire se développent, quel est l'impact réel du premier secteur économique mondial sur l'environnement ?
L'année prochaine, on aura passé le milliard ! Le milliard de touristes dans le monde sur un an, selon les prévisions de l'Organisation Mondial du Tourisme (OMT). En 2007, l'OMT avait déjà recensé 903 millions de touristes, soit une croissance de 6,2 % par rapport à l'année précédente. Avec 685 milliards de dollars par an, ce secteur représente 12 % du PIB mondial. Pourtant, il n'est responsable que de 5 % des émissions globales de gaz à effet de serre.
Loin donc des 27 % du transport ou des 25 % du secteur de la construction. Pourquoi dès lors s'intéresser à ce secteur ? Car l'on ne passe pas de 25 millions de touristes dans le monde en 1950 à un milliard 60 ans plus tard sans conséquence sur l'environnement. Et c'est justement cette augmentation constante du nombre de touristes depuis près de 60 ans qui apparaît préoccupante pour l'avenir. Chiffre symbolique, le tourisme représente 60 % du trafic aérien international. En matière de pollution, un trajet Paris / New York émet la même quantité de CO2 que celle produite par un habitant en six mois, soit 2436 kg de CO2. Or, on sait que pour stabiliser la concentration en CO2 dans l'atmosphère, chaque habitant devrait se limiter à 500 kg de CO2 émis par an.
On est donc loin du compte. Hormis les impacts environnementaux liés aux déplacements touristiques, le tourisme est aussi préoccupant quand à son impact lors du séjour. On pense notamment à l'utilisation d'équipements de tourisme et de loisir (ports de plaisance, remontées mécaniques) et à la construction d'hébergements touristiques (résidences secondaires, hôtels, campings). Enfin, la forte densité de population sur les lieux de vacances génère des pressions sur la ressource en eau et les milieux naturels.
En 2004 l'IFEN (L'institut français de l'environnement) a publié une étude comparative des émissions de carbone émises par plusieurs types de vacances. Les données ont été obtenues en calculant les kilogrammes équivalant carbone d'une famille composée de quatre personnes sur une durée de quinze jours. Au rang des vacances les plus "écolos", la randonnée à vélo (qui comprend l'aller-retour en train pour se rendre sur le lieu de vacances) remporte la palme avec 46 kg de CO2 émis pour toute la famille.
Dans le même genre, le camping et le long séjour dans une maison ancienne ne sont pas loin avec respectivement 76 et 89 kg de CO2 émis sur les deux semaines. On passe la barre des 100 kg avec les vacances d'été en location (124) ou en caravane (126). Des chiffres qui restent plutôt raisonnables comparé aux vacances d'été en résidence secondaire (264) et aux quinze jours de sports d'hiver (320), pour lesquels le chauffage fait grimper le bilan. Et comme cité précédemment, on atteint les sommets pour tout déplacement en avion. Ils vous en "coûtera" ainsi pas moins de 1008 kg de CO2 pour quinze jours de vacances au Maroc.
Cette année, les professionnels du tourisme ont annoncé que la crise obligerait davantage les français à visiter la France. Un mal pour un bien en quelque sorte.