
Le média qui analyse et présages des mutations de la fabrique de la ville.
La cité des Francs-Moisins à Saint-Denis n’est pas tout à fait le genre d’endroit où l’on imagine spontanément que puissent paître des moutons : zone "sensible" et dense, elle est caractéristique de l’urbanisation des trente glorieuses et concentre quelques-uns des maux dont souffrent aujourd’hui les « quartiers ». C’est pourtant là, dans les jardins d’une chaufferie à proximité des grands ensembles, que l’association Clinamen loge entre deux transhumances un sympathique troupeau de ruminants à laine blanche. Ils sont dix-neuf Thônes-et-Marthod, vieille race rustique savoyarde écartée des circuits industriels, et s’appellent Patrick, Speculoos ou encore la Guerrière. Depuis un an, ils sillonnent l’île de France sous la conduite affectueuse d’Olivier, Simone ou Julie, allant tantôt paître sur le campus de Villetaneuse, tantôt ruminer à l’Académie Fratellini ou au parc de la Courneuve.Les animaux sont « HD » – « haute domestication ». Pas farouches, ils viennent solliciter les caresses d’un coup de corne et vous laissent plonger la main dans l’épaisseur grasse de leur toison. Leurs bergers les ont aussi habitués à s’arrêter au passage piéton et à se garder de traverser la route sans s’être assurés de leur sécurité. Car les moutons vont à pattes d’un pâturage à l’autre, levant sur leur passage une volée de questions, dont la première est bête comme chou : mais que font-ils donc là ?
On penche à première vue pour un projet culturel. Au cours des dix dernières années, c’est surtout aux artistes qu’on doit le timide retour de l’animal en ville – les ruches d’Olivier Darné à quelques pas de la bergerie en sont un exemple parmi d’autres. D’ailleurs, la plupart des membres de Clinamen se sont rencontrés à la Ferme du bonheur, laboratoire nanterrien de création pluridisciplinaire où l’on élève moutons, poules et cochons. Olivier, grande bringue d’une vingtaine d’années, y était embauché en tant que jardinier. Il y a sympathisé avec Simone, Julie et les autres, jusqu’à former une petite bande pour moitié issue du monde associatif, pour l’autre de l’Ecole du paysage de Versailles. Après avoir acquis trois moutons et créé une première asso, « Téma la vache », en 2010, ils se sont fixés en février 2012 sur le territoire dionysien. Les moutons s’étaient reproduits, ils étaient huit et n’avaient aucun endroit où brouter. « On a écrit au maire adjoint de Saint-Denis comme on lance une bouteille à la mer, raconte Simone, jeune ostéopathe impliquée dès l’origine dans l’association. Ça lui a beaucoup plu et il nous a mis en relation avec la société de chaleur de la ville, qui avait un terrain où nous accueillir. » Composée de jardiniers, de paysagistes ou encore d’une chef de chantier, Clinamen se défend de toute ambition culturelle : « On ne fait pas de la culture, mais de l’agriculture, insiste Simone. En France, il y a 3% d’agriculteurs. Notre désir, c’est que nous devenions tous à 3% agriculteurs. »
"On ne fait pas de la culture, mais de l’agriculture, insiste Simone. En France, il y a 3% d’agriculteurs. Notre désir, c’est que nous devenions tous à 3% agriculteurs." Simone, membre de l'association Clinamen
Pour ce faire, l’association veut d’abord créer un réseau de bergeries. Au bâtiment construit à Saint-Denis par le collectif architectural Jolly Rodgers sous la houlette de Julie, chef de chantier, s'est ajouté une deuxième bergerie (éphémère) au 6b, puis une troisième sur le campus de Villetaneuse, érigée par Albert Hassan ( association PEPA) et Sébastien Dumas ( association Malicia). Un nouvel édifice est en cours de construction sur un terrain prêté par la ville de Saint-Denis et situé à proximité immédiate du canal et des Francs-Moisins. Cette parcelle de 400 m2 accueillera en outre une serre avec des comestibles et un poulailler. L’association projette enfin de développer une plateforme de récupération des déchets ménagers et planche sur un atlas paysan où seront cartographiés tous les espaces propices à l’agriculture urbaine de Plaine commune. Autant de projets dont la vocation est de « dynamiser les territoires urbains par la promotion de pratiques paysannes ».
Note champêtre incongrue au milieu des immeubles, les ruminants sont aussi de fabuleux liants entre les citadins. Les histoires de moutons sont universelles : tel habitant a un cheptel en Algérie, tel autre fut berger en Albanie ou ailleurs. Alors chacun pousse son anecdote, y va de son petit conseil aux membres de l’association : « En ville, les gens partagent leur savoir plus volontiers qu’à la campagne, constate Simone. On a pu agréger les connaissances de plein de cultures différentes. »
"On a tous des raisons très différentes d’être là, mais ce qui nous rassemble, c’est la volonté de faire ensemble, d’avoir un projet commun." Simone de l'association Clinamen
Quand Clinamen a installé sa bergerie aux Francs-Moisins, les habitants ont été d’emblée aimantés par le charme des animaux : « très vite, on s’est retrouvés avec cinquante gamins sur les bras dès qu’on faisait une sortie, s’amuse Simone. On a commencé à leur faire planter des aromatiques et toutes sortes de plantes. D’une manière générale, on attire les publics non encadrés. » Certains enfants viennent ainsi régulièrement prêter main forte aux membres de l’association, apprennent à s’occuper des bêtes et à veiller sur elles. Cette remarquable faculté des moutons à apaiser les tensions et à délier les langues n’est toutefois pas sans revers, et Clinamen doit rappeler à chaque instant qu’elle n’est ni une ferme pédagogique, ni un groupe de travailleurs sociaux bénévoles. Chapeautée par un comité directeur où les décisions se prennent en commun, l’association se rêve plutôt en laboratoire du collectif : « On a tous des raisons très différentes d’être là, explique Simone, mais ce qui nous rassemble, c’est la volonté de faire ensemble, d’avoir un projet commun. »
C’est sans doute cette ambition partagée qui permet à Clinamen de fonctionner avec des moyens plus que limités – quelques milliers d’euros accordés par la mairie de Saint-Denis ou glanés à l’occasion d’événements divers : lancement de l’agenda 21 à Epinay-sur-Seine, fête des fleurs à Saint-Denis, etc. Elle explique aussi dans une certaine mesure la liberté de ses membres et l’audace nécessaire à leur activité. Elever du bétail en ville est en effet une gageure : « nous avons développé une activité rurale à la ville, explique Julie, dans un total flou juridique. Dans notre cas la pratique précède la législation, d’où l’embarras des services vétérinaires et de certains élus. »
"Nous avons développé une activité rurale à la ville, dans un total flou juridique. Dans notre cas la pratique précède la législation, d’où l’embarras des services vétérinaires et de certains élus." Julie, de l'association Clinamen
En travaillant à démontrer que l’agriculture urbaine n’est pas toujours un oxymore, l’association contribue en effet à remodeler en profondeur les représentations. A commencer par celles que tout citadin se fait de son alimentation carnée. Dans un contexte où l'élevage industriel tient secrètes les conditions d'élevage et d'abattage du bétail, Clinamen revendique un lien affectif très fort avec les animaux - d'où la responsabilité qui incombe à ses membres quand d'aventure ils viennent à abattre une de leurs bêtes. De la même manière, les moutons amènent à reconsidérer du tout au tout le territoire francilien. Mus par un besoin d'espace et de verdure que les citadins ont souvent renoncé à satisfaire, ces herbivores invitent à voir la ville au-delà de sa minéralité, tantôt comme un gisement de ressources et d’opportunités, tantôt comme un parcours d’obstacles à négocier. C’est ce que Simone, Olivier et Julie appellent « le regard mouton ». Avec lui, les pelouses stériles des grands ensembles deviennent des zones de pâturages, et le moindre végétal s’appréhende en fonction d’un unique critère : sa comestibilité. « On nous demande souvent où est notre ferme, résume Simone, mais notre ferme, c’est Saint-Denis ! ».
En 1997, le navigateur Charles Moore découvrait un continent de plastique de plusieurs millions de km2 au large du Pacifique. Depuis, on sait que des « Garbage patchs » se sont aussi formés sous l’effet des courants marins dans le Pacifique sud, l’Atlantique et l’Océan Indien. Spectaculaires, vertigineuses, ces poubelles flottantes ont très largement frappé l’esprit du grand public, jusqu’à devenir l’emblème d’un système de production fondé sur le gaspillage et l’obsolescence.
D’où le parti-pris du Museum für Gestaltung (musée du design) à Zürich : en faire le point de départ d’une exposition didactique (et gratuite) sur les matières plastiques. Distribuée autour d’un vaste amas de bouteilles, vieux bidons, emballages, jouets, etc., dont certains n’auront servi que quelques minutes ou quelques secondes avant d’être jetés, celle-ci aborde son sujet via l’énorme quantité de déchets absorbés chaque année par les milieux marins – soit 6,4 millions de tonnes, dont 80% provient du continent. Non biodégradables, ces déchets tapissent le fond des océans ou flottent à la surface (pour 15% d’entre eux), et se décomposent en particules de plus en plus fines. Conséquence : quand ils ne les tuent pas, ils sont ingurgités par les animaux marins et entrent dans la chaîne alimentaire…Pour mieux donner la mesure du phénomène, le parcours de l’exposition dresse une sorte d’archéologie du présent : face aux vidéos, photographies, œuvres d’art et documents montrant la manière dont le plastique affecte la vie marine, sont exposés les objets les plus familiers. Certains sont tout au plus légèrement corrodés par le sel, d’autres se trouvent réduits à l’état de micro-éléments qu’on prendrait presque pour du sable. Cette volonté de coller au quotidien est la grande force du Plastic garbage project : elle montre que ce sont nos comportements quotidiens qui font des océans une vaste décharge…[media]491[/media]
Le second volet de l’exposition souligne davantage encore la causalité entre « garbage patchs » et modes de vie contemporains. Abordant le plastique comme un matériau (après tout, nous sommes au musée du design), il en explique la composition et les différents usages dans la vie quotidienne. Est ainsi rappelé que les polymères (autre nom du plastique) sont des rejetons du pétrole, et en sont énumérés les différentes formes, du polyéthylène au polyuréthane… Derrière l’opacité des noms et des formules chimiques, c’est tout notre quotidien qui s’égrène : bouteilles, emballages, textiles, CD et DVD, biberons, outils, etc. En Europe de l’Ouest en effet, 92 kilos de plastiques per capita sont consommés chaque année.Que faire pour que ces objets n’aboutissent en fin de vie dans les océans, avec les conséquences que l’on sait ? C’est tout l’enjeu de l’exposition. En regard de chaque usage, sont évoquées des alternatives : plastiques végétaux, recyclage, upcycling, downcycling, cradle to cradle... En attendant un changement à grande échelle des modes de production, le musée propose même aux visiteurs un espace de recyclage. Et pour inciter le plus grand nombre à un changement de comportement, le Plastic garbage project sera ensuite convoyé à Hambourg et Copenhague… par voie maritime, bien sûr !
« On devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur. » La formule, attribuée à Alphonse Allais, dresse une ligne de partage claire : à la ville, la pollution et le bruit, à la campagne l’image positive d’une vie simple et saine. Sauf que : à l’heure où près de la moitié de la population mondiale vit en milieu urbain (à l’horizon 2050, ce nombre atteindra près de 75%), la ville-centre secoue cette étiquette de pollueuse source de tous les vices anti-écolos et s’affiche de plus en plus comme un terrain d’expérimentations et d’innovations en matière de développement durable. Elle a ainsi vu apparaitre sur son sol de nombreuses initiatives plus ou moins balbutiantes: le mouvement des villes en transition, les Cittaslow (villes lentes), les écoquartiers… A telle enseigne qu’aujourd’hui, l'empreinte carbone d'un habitant de New York est trois fois inférieure à celle d'un Américain moyen d'après une étude de l'Institut International pour l'Environnement et le développement. Petite comparaison sur 5 postes clés entre la ville et la campagne…
D'après une étude de l'Insee (INSEE Première n°1357, juin 2011) : « Les habitants des pôles urbains émettent deux fois moins de CO2, grâce à un usage plus fréquent des transports en commun et de la marche à pied. Mais les emplois des grandes villes sont également occupés par des périurbains ou des habitants d’autres villes qui parcourent de plus grandes distances, le plus souvent en voiture. Leurs émissions moyennes sont nettement plus élevées. » A ce titre, il est important de prêter attention aux nuances de définitions entre la ville, la campagne et le périurbain…En effet, le périurbain est considéré comme l'ensemble des communes d'une aire urbaine à l'exclusion de son pôle urbain (définition de l’Insee). Cette notion permet d’établir une distinction entre ville-centre et espace périurbain : plus la ville tend vers la campagne et plus elle devient gourmande en transports...
Les habitants des pôles urbains émettent deux fois moins de CO2, grâce à un usage plus fréquent des transports en commun et de la marche à pied.
De cette façon, les temps de transport et la mobilité diffèrent en fonction du lieu d’habitation. Selon une autre enquête de l’Insee (Insee Première N° 1129 mars 2007), « les déplacements domicile-travail sont amplifiés par la périurbanisation : Les salariés domiciliés dans l'espace périurbain quittent généralement leur commune pour aller travailler : cette proportion dépasse 90 % dans les couronnes périurbaines des aires urbaines de moins de 50 000 habitants et dans les couronnes des pôles d'emploi de l'espace à dominante rurale. […]Toutefois, en raison d'une vitesse de circulation plus réduite dans les zones urbaines que dans le périurbain ou l'espace rural, les écarts de temps de trajet, sont plus faibles que ne le sont les écarts de distance. Ainsi, en heure pleine, la durée des trajets pour les salariés domiciliés dans l'espace rural est en moyenne inférieure à celle des résidants des pôles urbains (28 minutes contre 32 minutes). » Malgré l’étalement urbain, la ville est un secteur dense et compact, où les logements et activités sont concentrés et mieux desservis par des transports en commun et où vélos et véhicules en auto-partage contribuent à reléguer la voiture individuelle au second plan. A l’inverse, le schéma classique à la campagne est un habitat individuel diffus dans lequel l’habitant ne peut se déplacer sans sa voiture individuelle et doit parcourir des distances importantes pour aller travailler ou accéder à ses activités et services.
La gabegie énergétique liée au mode de vie pavillonnaire ne tient pas seulement à la question du transport, mais aussi au type d’habitat lui-même. Professeur américain d'économie urbaine à Harvard, Edward Glaeser a publié un essai intitulé Des villes et des hommes dans lequel il dévoile les multiples qualités et avantages qu’offre la ville. Parmi celles-ci, il souligne le fait « quel les villes ne sont pas néfastes pour l’environnement, bien au contraire ». Dans son chapitre « Quoi de plus écolo que le bitume », il justifie son point de vue en mettant en exergue le facteur de la densité: « Les villes densément peuplées proposent un mode de vie où l’on utilise moins la voiture et où les maisons sont plus petites donc plus faciles à chauffer et à rafraichir ».
"Les villes densément peuplées proposent un mode de vie où l’on utilise moins la voiture et où les maisons sont plus petites donc plus faciles à chauffer et à rafraichir." Edward Glaeser, professeur d'économie urbaine
De plus, la densité permet de limiter l’étalement urbain et ainsi contenir l'imperméabilisation des sols et la place du bitume… Aussi, la ville très dense permet de fortes économies énergétiques : transports en commun, possibilité de chauffage collectif, commerces à proximité. C’est une des raisons pour lesquels le modèle des écoquartiers séduit de plus en plus : il rassemble habitations, entreprises et commerces à proximité tout en repensant la mobilité.
En ville, la nature est présente partout, et à différentes échelles : dans l’habitat sur le balcon, la terrasse, le toit et le mur végétalisé, dans le quartier avec ses squares et jardins, dans la ville avec ses coulées vertes, dans les zones périurbaines soumises au « mitage » des espaces naturels, dans la région avec ses corridors biologiques qui assurent la continuité écologiques (Rapport du Conseil économique et social, La Nature dans la ville, 2007). La ville devient même un refuge pour les abeilles qui fuient les pesticides présents dans les campagnes agricoles et qui trouvent sur les balcons et terrasses une diversité des plantations non-traitées. Une capitale comme Paris compte près de 300 ruches. En 2009, La ville de Toulouse a lancé un recensement de la biodiversité. Résultat : 1 162 espèces recensées (dont près de 8% sont protégées) et 24 réservoirs de biodiversité identifiés.
A contrario, certaines campagnes sont des « déserts agroalimentaires » comme le définit Bernard Farinelli dans son essai L’avenir est à la campagne (2009. Ed. Sang de la Terre) et composées de champs d’agriculture intensive et industrielle où le volume de pesticides fait fuir abeilles et espèces en tout genre. Pour l’écologue Nathalie Machon, professeur au MNHN (Muséum National d’Histoire Naturelle), « la mosaïque des milieux urbains favorise la variété des espèces. Certaines poussent parfois dans les endroits les plus improbables : dans une fracture de bitume, à la jointure d’un immeuble ou dans des parterres entourant les arbres. Une étude a montré qu’à Halle, en Allemagne, la zone urbaine accueille près de 20 % d’espèces supplémentaires par rapport aux zones agricoles périphériques » (La recherche N°422, Sept 2008).
Même si jardiner quelques tomates et laitues semble plus facile à la campagne, l’engouement pour les jardins partagés qui se multiplient dans les centres villes donne l’occasion aux urbains de reprendre contact avec la terre et de cuisinier leurs productions maraichères… Aussi, le développement important des Amap, Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (1600 en France) proposant des paniers de légumes de saison venant directement des producteurs révèlent que le citadin se préoccupe de la qualité de son alimentation et peut avoir accès à des produits sains. L’agriculture urbaine connaît quelques réalisations intéressantes mais qui demeurent confidentielles : jardins potagers inspirés des community gardens nord-américains, prototypes de fermes verticales high-tech promouvant la culture hors-sol…La ville n’est pour le moment pas en mesure de nourrir les quelques 3 milliards de citadins et va devoir s’affranchir de son statut de consommatrice pour devenir lieu de production.
Même si jardiner quelques tomates et laitues semble plus facile à la campagne, l’engouement pour les jardins partagés qui se multiplient dans les centres villes donne l’occasion aux urbains de reprendre contact avec la terre et de cuisinier leurs productions maraichères…
Et la campagne, est-elle plus propice à l’agriculture locale ? L’ouvrage de Bernard Farinelli évoque le travail d’Emmanuel Bailly, ingénieur en environnement et créateur de "l'Indice de Souveraineté Alimentaire®" (ISA), un indicateur permettant d’évaluer l’état de dépendance alimentaire d’un territoire : « Le Limousin couvre ses besoins en pommes de terre à 23,5%, en poulets à 13,23%, en œufs à 24,5 %». Preuve que l’autosuffisance alimentaire a perdu du terrain sous le coup, selon l’auteur, « du changement des mentalités des consommateurs et […]de l’urbanisation qui change la donne en matière de mœurs ». Toutefois, on ne peut exclure une agriculture de subsistance dans les potagers et vergers, nombreux en milieu rural et la réaffirmation d’une consommation « locavore » à travers le développement également manifeste des paniers et des ventes directs auprès de fermiers et producteurs locaux.
Quid de l’air ? Est-il vraiment plus pur à la campagne ? Quel est l’impact sanitaire des pesticides sur les agriculteurs et les habitants des campagnes ? Des études contradictoires sont publiées sur le sujet et il est difficile de trouver des chiffres précis qui mettent directement en cause les pesticides dans le développement de maladies et de cancers. Pour la Mutuelle sociale agricole (MSA), 42 maladies professionnelles dues aux produits phytosanitaires ont été reconnues depuis 2002 même si ses chiffres sont considérés comme édulcorés par certains médecins et associations. Des chercheurs de l'Inserm ont annoncé que chez les agriculteurs, l'exposition aux pesticides double le risque de survenue de la maladie de Parkinson. Un chiffre qui pose la question du rôle d’une contamination résiduelle de la population générale... Et pour l’amiante ? Interdit depuis 1997, il est présent dans de nombreux bâtiments agricoles sous forme de plaques ou de tôles (toitures, faux-plafonds, dalles…) ou contenu dans les plaques en fibro-ciment. Selon un article paru dans le Télégramme, « les plaques de fibro-ciment [ …]équipent les toits, voire les murs, de 85% des hangars agricoles en Bretagne. »
Quant à la ville, elle concentre des émissions néfastes pour la santé et l’environnement : dioxyde de carbone, particules fines, COV (composés organiques volatiles) qui entrainent le développement de maladies respiratoires. Et les chiffres le prouvent : selon des estimations américaines, un lien de corrélation peut être effectué entre le niveau de pollution atmosphérique et l'évolution de l'espérance de vie. Le gain de vie des habitants pourrait atteindre jusqu'à 10 mois entre une ville polluée et une ville « propre ». Autre étude qui corrobore ces chiffres : selon l’étude européenne «Aphekom », l’espérance de vie diminue avec la pollution automobile, elle est donc plus faible dans les grandes agglomérations que dans les petites villes et à la campagne. L’enquête révèle notamment que vivre près de routes très fréquentées augmente considérablement le taux de mortalité attribuable à la pollution atmosphérique. Dans le même temps, l’Ile de France est la région où la mortalité est la plus basse et la région où les hommes vivent le plus longtemps (77,3 ans), devant le quart sud-ouest de l’hexagone. L’Insee souligne cependant qu’il s’agit d’une exception (liée à la forte proportion de cadres et professions intellectuelles supérieures), car dans le reste de la France, les habitants du centre-ville décèdent plus jeunes que ceux des banlieues.
"Définissons la ville positive comme une ville dont la performance écologique est telle qu'elle répare l'environnement : production de ressources renouvelables, dépollution, création de biodiversité, production nette d'énergie renouvelable, amélioration de la santé et de la qualité de vie, stockage de carbone." Rodolphe Deborre, directeur associé de BeCitizen
A rebours de bien des idées reçues, la ville s’avère donc globalement plus écolo que la campagne et un terrain fertile pour des initiatives encourageantes. Selon Rodolphe Deborre, directeur associé de BeCitizen, société de conseil stratégique en développement durable qui a définit le concept de « ville positive », l’urbanisme pourrait même réparer l’environnement : « définissons la ville positive comme une ville dont la performance écologique est telle qu'elle répare l'environnement : production de ressources renouvelables, dépollution, création de biodiversité, production nette d'énergie renouvelable, amélioration de la santé et de la qualité de vie, stockage de carbone. » Une ville « régénératrice » d’environnement, l’ambition ultime de la cité ?
Alors que de nombreuses niches fiscales pour favoriser le financement de travaux permettant des économies d’énergies ont été rabotées et que la filière du photovoltaïque traverse une crise importante, le secteur des énergies renouvelables est-il une piste à investir pour plus de croissance ?
Petit rappel du contexte : avec la Réglementation Thermique 2012 (RT2012), l’objectif est de limiter les consommations énergétiques des bâtiments neufs. Conséquence du Grenelle de l’Environnement, la RT 2012 atteint désormais les niveaux du label BBC-Effinergie, les constructions neuves se voient fixer un seuil maximal de consommations d’énergie primaire (avant transformation et transport) inférieure à 50 kWh/m²/an.Par ailleurs, la France est toujours tenue par l’objectif de porter à au moins 23 % la consommation d’énergie produite à partir d’énergies renouvelables d’ici 2020. Alors que le secteur du bâtiment est l’un des plus énergivores avec près de 46% de l’énergie finale nationale consommée, des dispositifs ont été développés dans le cadre du Grenelle de l’environnement…et revus à la baisse au cours des années.
Dans son plan de rigueur de novembre 2011, François Fillon annonçait la réduction de niches fiscales, avec dans le viseur un objectif de près de 2,6 milliards d'économies. Parmi les dispositifs concernés : la loi Scellier, visant à soutenir l'investissement locatif privé, en accordant des réductions d'impôts aux propriétaires qui s'engagent à louer un bien neuf pendant au moins 9 ans, sera supprimée à partir du 1er Janvier 2013. Au programme également : le crédit d'impôt développement durable diminué de 20 %.Ce dernier, modifié en 2012, fait partie des aides qui permettent de financer quelques équipements (solaire thermique, photovoltaïque, appareils de chauffage au bois ou biomasse, etc.) dans les constructions neuves. Toutefois, dès le 1er janvier 2013, ce dispositif ne sera pas reconduit pour les logements neufs. Pour les dépenses payées à compter du 1er janvier 2013, le crédit d’impôt sera réservé aux travaux réalisés dans des logements achevés depuis plus de 2 ans.
Autre dispositif : Le prêt à taux zéro, qui a également été « recentré pour limiter son coût ». Jusqu’alors réservé à l'achat d'un logement neuf, le PTZ+ est de nouveau accessible depuis le mois de juin pour l'achat d'un logement ancien. Pour faciliter l’information auprès des particuliers, l’Ademe a publié un document et explique qu’ « en 2012, pour la rénovation, l’accent a été mis sur la rénovation de bouquets de travaux et sur des exigences accrues sur les matériaux et équipements. Par ailleurs, le taux de TVA réduit pour les travaux dans les logements est (en règle générale) passé de 5,5 à 7% ».Pour autant, une note datant de 2012 sur l’attitude des candidats à l’accession à l’égard des constructions BBC, l’ANIL (Agence Nationale pour l’Information sur le Logement) met en lumière le fait d’une « désaffection pour le label BBC dans l’accession à la propriété en maisons individuelles neuves». Parmi les raisons évoquées : Le surcoût du BBC et ou encore la difficulté de faire évoluer les comportements jugés trop contraignants pour l'utilisation des logements…[media width=600 height=450]480[/media]Pour Stéphane Maureau, président d’Evasol, une entreprise spécialisée dans la réalisation clé en main de bouquets de travaux estime qu’ « actuellement les aides de l’Etat sont suffisantes mais elles doivent être maintenues. La priorité, c’est la survie de ce qui existe et de rendre éligible aux revenus les plus modestes le prêt à taux zéro et de le simplifier pour une meilleure répartition des risques ». Egalement membre des Etats Généraux du Solaire Photovoltaïque (collectif informel regroupant des acteurs de la filière française de ce secteur dans le but de sensibiliser les pouvoirs publics et le public aux enjeux liés au développement du photovoltaïque en France), l’homme fait montre à ce sujet d’un certain pessimisme : « la filière du photovoltaïque est gravement malade, c’est l’état d’urgence, il faut revoir le mécanisme de baisse trimestrielle des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque ».
Tous les trois mois, EDF modifie le tarif du rachat de l’électricité. Le nouveau tarif est calculé selon le nombre de demandes de raccordement reçues par ERDF et l’ensemble des entreprises locales de distribution du trimestre précédent comme prévu par l’arrêté du 4 mars 2011. Pour la période du 1er avril au 30 juin 2012, le tarif d’achat de l’électricité provenant de l'énergie photovoltaïque est passé de 38,80 c€/kWh à 37,06 c€/kWh. Pour Stéphane Maureau : « Il faudrait que le trafic d’achat ne change plus d’ici la fin de l’année. Il faut relancer une filière en crise fortement touchée après le moratoire (ndlr : Décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil), car le secteur de photovoltaïque, notamment pour le résidentiel est porteur, avec des emplois non délocalisables ».[media width=600 height=450]482[/media]La France s’est donnée un objectif de 5,4 GWc cumulés en 2020. Fin 2011, la capacité totale du parc photovoltaïque français était égale à 2,3 GW. Un objectif timide au regard des investissements allemands : l’Allemagne a installé 3 GW dans le seul mois de décembre 2011 pour une capacité totale du parc allemand équivalente à 24,8 GW. (Source : http://www.observatoire-energiesolaire.fr).
En France, malgré la crise, les activités de l’économie verte progressent et les emplois « verts » ont connu une progression de 1,6 % alors que les autres secteurs ont régressé ou stagner (source Insee – Dossier Economie Verte). Philippe Mouillard est un entrepreneur. En 2011, il a créé « Green Planet Job » qui rassemble près de 300 entreprises référencées et entre 600 et 1000 CV dont le point commun est de faire partie des secteurs du bio, du développement durable et de l’environnement. « Fin 2011, explique-t-il, on constate une hausse globale des emplois « verts ». Le seul secteur des énergies renouvelables a gagné plus de 3200 postes en 2011. Les investissements doivent aujourd’hui aller vers les secteurs porteurs, les perspectives sont bonnes, il faut des mesures qui encouragent davantage la création d’emplois. »Une dynamique bien entachée par la crise du photovoltaïque et de l’éolien. En France, la filière photovoltaïque a créé 25 000 emplois entre 2007 et 2010. En 2010, l’emploi dans le photovoltaïque a perdu 50 % et l’éolien 85%... Selon une étude de l‘observatoire Trendéo, «En mars dernier, les filières vertes [ont] supprimé plus d’emplois qu’elles n’en avaient créés, pour la première fois depuis 2009. Le détail par filières fait apparaître une forte baisse de l’activité dans le secteur solaire. En 2011, le total des trois premiers trimestres n’atteint pas la centaine d’emplois créés. »Alors que François Hollande a réaffirmé dans son discours au Sommet de Rio+20 lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable que « pour sortir de la crise, nous avons besoin de plus de priorités données à l'environnement et au développement. […] »et que « le développement durable n'est pas une contrainte, c'est un levier », quelles seront les mesures opérées lors de la prochaine loi de Finances ? Stéphane Maureau, inquiet pour la santé du secteur du photovoltaïque, a rédigé plusieurs courriers destinés au nouveau Premier Ministre, au Ministre du redressement productif et à la nouvelle Ministre de l’Ecologie. Pour le moment restés sans réponse.
Tout simplement parce que cela reste une bataille, non pas avec les individus mais avec les institutions quand celles-ci tentent de nous arrêter. Je ne suis pourtant pas un radical mais il arrive que nos actions soient considérées comme des détériorations criminelles. Ce ne sont pas nos terres et nous n'avons pas l'autorisation de les exploiter mais il s'agit de parcelles non utilisées donc finalement peu de gens se plaignent. Par contre, quand nous subissons des pressions et des interdictions, nous n'avons pas de poids, notamment financier, pour nous défendre car nous agissons en petits groupes.
Il s'agit d'espaces où les gens s'expriment librement, il n'y a pas de règles ni de contraintes, si ce n'est « botaniques ». La seule limite est finalement l'imagination. Quand les gens sont partie prenante de quelque chose, quand ils deviennent acteurs en s'impliquant de manière régulière dans la plantation et l'entretien d'un espace, ils revendiquent cet espace comme étant le leur. C'est l'aspect collectif mais aussi et surtout communautaire qui permet de parler de cohésion sociale.
Si le mouvement était légal, tout serait moins drôle, moins excitant. D'un autre côté, si les gens étaient certains de ne courir aucun risque de représailles de la part des autorités, peut-être que davantage de personnes rejoindraient le mouvement. La green guerilla n'est pas une action agressive, même si certains l'envisagent de façon plus radicale, comme le mouvement parisien. De plus, si tout ceci devait mener à une « commercialisation » avec par exemple des bombes de graines ou tout autre type d'objets dérivés, je n'aurais rien contre, même si c'est n'est pas mon ambition. Et peut-être que la commercialisation pourrait permettre de populariser notre action.
C'est une très bonne question ! Tout d'abord, nous aimerions que les autorités nous encouragent davantage. Lorsque nous organisons des réunions d'information, de conciliation et de négociation, les représentants des pouvoirs publics sont présents mais on reste toujours au stade de la parole. Parfois, nous arrivons à un accord tacite mais où finalement personne ne s'engage à prendre des responsabilités et à proposer quelque chose d'écrit et de définitif. De plus, nous aimerions rendre ce mouvement attractif au plus grand nombre. Il n'y a pas d'âge, de classe sociale ni d'appartenance à un groupe défini pour se sentir impliqué dans la revégétalisation de nos espaces urbains délaissés.
Pour vous donner un chiffre, mon site internet (guerillagardenning.org) reçoit environ 60.000 visiteurs/mois. Certaines personnes pratiquent la « guerilla gardenning » sans le revendiquer, d'autres la pratiquent sans même le savoir. En solitaire, en groupe, tel un divertissement ou dans une démarche revendicatrice ou politique, le mouvement est polymorphe. Toutefois, nous constations que dans de nombreux pays (Europe, Canada, États-Unis, …), les jardiniers sont d'une manière ou d'une autre liés à ce mouvement.
Ce n'est pas le but de notre démarche. Notre mouvance n'a pas vocation à être de l'art mais peut aussi le devenir et dans ce cas, je n'ai rien contre. Je connais des artistes qui pratiquent la guerilla gardenning, certains le font avec authenticité, d'autres avec prétention… Quoi qu'il en soit, ce n'est pas l'aspect que nous voulons mettre en avant mais je reconnais qu'il y a un aspect artistique dans ce que nous faisons.
Blog de Richard Reynolds : www.guerrillagardening.org