
Le média qui analyse et présages des mutations de la fabrique de la ville.
En 2011, l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement de Paris fermait définitivement ses portes et promettait de se muer à l’horizon 2020 en un vaste écoquartier de 3,4 ha et 600 logements (dont 50% de logements sociaux) avec jardins, équipements publics et espaces partagés.Le balai des ambulances n’y a pas pour autant laissé place au vide : dès la fermeture du site, l’association Aurore s’est vue progressivement confier par l’APHP, propriétaire des lieux, la gestion temporaire de certains locaux, qu’elle destine à l’hébergement d’urgence. 300 personnes – femmes isolées, jeunes, migrants, etc. sont aujourd’hui accueillies dans quelques-uns des 60 000 m2 de bâtiments que compte l’ancien hôpital. Depuis septembre dernier, les occupants de ce « squat légal » y côtoient de nouveaux arrivants au profil socio-économique quelque peu différent. Ils ont d’abord vu s’installer une cinquantaine de structures entrepreneuriales, associatives, artisanales ou artistiques rassemblées à Saint-Vincent-de-Paul par Aurore avec le concours de Plateau-urbain, une structure de 10 personnes dont la mission affichée est de « résorber la vacance » et de « servir la création ». « Le lieu accueille des activités très variées, explique Pascale Dubois, chef de projet à Saint-Vincent-de-Paul pour l’association Aurore. On compte une chocolatière, des entreprises d’insertion (culture du cœur, carton plein...), une ressourcerie, un espace de co-working, des collectifs d’artistes, des thérapeutes, etc. L’idée est de partager les charges du site entre les différents occupants, et que chacun apporte quelque chose au projet d’ensemble. »
« Le lieu accueille des activités très variées. On compte une chocolatière, des entreprises d’insertion (culture du cœur, carton plein...), une ressourcerie, un espace de co-working, des collectifs d’artistes, des thérapeutes, etc. L’idée est de partager les charges du site entre les différents occupants, et que chacun apporte quelque chose au projet d’ensemble. » Pascale Dubois, chef de projet à Saint-Vincent-de-Paul pour l’association Aurore
Grâce à l’association Yes We camp, les occupants de Saint-Vincent-de-Paul peuvent aussi prendre un café ou un repas chaud dans l’ancienne lingerie reconvertie depuis le 23 octobre en bar-restaurant. Au menu, brunch et produits frais, sinon bio, aux tarifs somme toute abordables, le tout servi dans une déco à l’esprit minimaliste et récup, et agrémenté de concerts, DJ sets, conférences et débats en lien avec l’économie sociale et solidaire (pour le mois de l’ESS, en novembre) ou l’écologie (à l’occasion de la COP21).
La mixité qui règne à Saint-Vincent-de-Paul explique sans doute le nom élégamment peint en grand à l’entrée de l’ancien hôpital : les Grands voisins. Un nom aux allures programmatiques, et qui répond à la mission confiée par la mairie de Paris à Yes We camp : ouvrir le site aux riverains au gré d’événements festifs et artistiques, et si possible œuvrer à leur rencontre avec les personnes hébergées sur place. Cet objectif a donné lieu pour l’instant à l’élaboration d’une signalétique et à la réhabilitation dans l’ancienne lingerie. Quant à la programmation, elle est en cours d’élaboration, en lien étroit avec les structures professionnelles présentes sur le site. « L’objectif est de faire en sorte que le temps de latence du projet soit utile au quartier, résume Aurore Rapin, architecte et salariée de Yes we camp. Plutôt que de payer 800 000 euros de charges en gardiennage, autant financer des actions qui profitent à tous et servent de soupape dans Paris. »
"Plutôt que de payer 800 000 euros de charges en gardiennage, autant financer des actions qui profitent à tous et servent de soupape dans Paris." Aurore Rapin, architecte et salariée de Yes we camp
C’est aussi selon elle une manière de « préfigurer » le futur écoquartier, justement annoncé comme lieu de partage fondé sur la mixité sociale et fonctionnelle, en « travaillant sur des espaces-temps qui génèrent des moments partagés ». Prochain de ces « espaces-temps » : l’auberge de la COP, soit un campement de 150 places destiné à accueillir l’association 350.org du 5 au 13 décembre, avec en prime événements et animations divers.Initiée en 2013 à Marseille – alors capitale européenne de la culture – où l’association installait un camping festif et créatif à destination des touristes, la démarche de Yes We Camp s’inscrit dans un élan plus vaste de refonte de la fabrique urbaine dans un contexte de crise économique et d’injonction à la participation. Mené tambour battant par une poignée d’artistes et de jeunes collectifs (d’architectes, de paysagistes, etc.), ce mouvement européen sinon occidental plaide pour un urbanisme des usages, élaboré à hauteur d’homme, et séduit de plus en plus des municipalités qui y voient un adjuvant flexible et bon marché en matière de concertation, de préfiguration des projets urbains, ou tout simplement de sécurité. En France, il agrège des collectifs et artistes comme Bellastock, Stefan Shankland, ETC, Point de Rassemblement – et Yes we camp, donc. « On se connaît tous, mais nous avons chacun notre spécificité, explique Aurore Rapin. La nôtre, c’est le vivre ensemble. On arrive à toucher des publics très variés. »
Pour parvenir à ses fins, l’association peut miser sur la polyvalence et la réactivité de ses salariés et bénévoles. « Je peux très bien commencer la journée par du ménage, puis faire de la comptabilité ou du management, rapporte Aurore Rapin. Travailler ici est un apprentissage au quotidien. » Sans une telle souplesse, la lingerie n’aurait du reste sans doute pas pu voir le jour. En effet, les membres de Yes we camp ont appris au dernier moment qu’ils devraient compter sans la subvention de 150 000 euros initialement promise par la Mairie de Paris, et retirée in extremis pour parer au soupçon de détournement de marché public porté par l’opposition (Jean-Michel Guénod, architecte et président de Yes We Camp, est un compagnon de route du PS). « La rénovation de la laverie est finalement financée par la vente de bière, explique Aurore Rapin, et ce sont les bénévoles et salariés de l’association qui gèrent le service. Certains des habitants hébergés par Aurore ont aussi mis la main à la patte. »
"L’idée à terme est de multiplier ces liens et de mêler les habitants aux personnes du quartier et aux professionnels présents sur le site." Pascale Dubois
Malgré ces aléas, le premier bilan de l’occupation du site est plutôt positif : « on a déjà des habitués », s’enthousiasme Aurore Rapin. Même son de cloche au sein de l’association Aurore : « Pour le moment, sur le lieu, tout le monde se dit bonjour, comme dans un village, raconte Pascale Dubois. C’est un premier lien au quotidien. On a aussi fait quelques soirées, barbecues, repas partagés dans la lingerie, notamment après les attentats, où nous avons mangé tous ensemble. L’idée à terme est de multiplier ces liens et de mêler les habitants aux personnes du quartier et aux professionnels présents sur le site. Pour cela, on lance par exemple une conciergerie solidaire, et l’on crée pour les personnes en parcours d'insertion des emplois rémunérés à l’heure pour des extras divers et l’entretien des espaces verts, des bureaux, etc. On compte aussi sur la programmation artistique de Yes we camp pour nous fournir des occasions de rencontre. »Ce début de vie partagée à Saint-Vincent de Paul prouve l’efficacité du mode opératoire de Yes we camp, et des bienfaits de sa réactivité bidouilleuse et de ses capacités d’adaptation. « Nous n’avons pas peur de gérer le réel », confirme Aurore. Cette confrontation sereine avec les contraintes quotidiennes est sans doute l’une des forces de ce genre de collectifs, et l’une des raisons de leur succès…
Démontrer la faisabilité du réemploi de déchets dans l'architecture est en substance l'objectif de ce bâtiment expérimental de 70m2 construit à Paris à partir de matériaux récupérés. Près de 180 portes en chêne provenant d’une opération de réhabilitation d’un immeuble de logements HLM du 19ème arrondissement en constituent la façade. Pour l'isolation, les maîtres d’œuvre ont utilisé la laine de roche issue de la dépose d'une toiture de supermarché. De la même façon, les éléments de la structure en bois sont les restes d'une maison de retraite et le caillebotis de la terrasse extérieure provient de l’opération Paris-Plage. Le mobilier est constitué de cinquante chaises en bois collectées dans les déchetteries parisiennes, les suspensions sont des luminaires urbains déclassés.Cette opération à visée pédagogique, réalisée par le Pavillon de l'Arsenal, s'inscrit dans le cadre de la COP 21. Du 15 septembre au 22 octobre, le chantier du Pavillon circulaire était ouvert à tous pour faire découvrir les étapes de ce chantier et « devenir un temps de partage, un lieu de pédagogie ». Dans le même esprit, des débats, ateliers pour enfants, rencontres, spectacles, ateliers cuisine "anti-gaspi" et un café solidaire sont proposés jusqu’à début 2016.Par la suite, le Pavillon circulaire sera démonté puis réinstallé de façon permanente dans le 15e arrondissement de Paris pour devenir le club house d'une association sportive.
En 2007, l’architecte et professeure Jana Revedin créait le Global award for Sustainable architecture. L’enjeu de ce prix soutenu par l’UNESCO et la Fondation LOCUS : récompenser et promouvoir des démarches architecturales qui, loin des mégalomanies pritzkerizées, s’affrontent aux défis écologiques, sociaux et économiques contemporains et cherchent à concilier leur pratique avec la préservation des ressources naturelles et les besoins réels des usagers. En somme, des pratiques qui renouent avec l’idée d’un rôle social de l’architecte et déjouent les routines professionnelles pour mieux s’affronter aux défis contemporains…Jusqu’au 6 octobre prochain, la Cité de l’architecture et du patrimoine, partenaire du prix dès l’origine, rassemble ses 40 lauréats autour d’une exposition-manifeste : Réenchanter le monde. Au gré d’une scénographie faite de cubes empilés façon legos et de vidéos, mais aussi d’un cabinet de curiosités où chaque architecte présente ses fétiches et outils de travail, l’accrochage égrène plus de 200 projets. On y retrouve quelques réalisations phares de ces dernières années, parmi lesquelles la réhabilitation de logements sociaux à Tourcoing par l’agence Patrick Bouchain, le pôle oenotouristique de Philippe Madec à Saint-Christol ou la bibliothèque de Medellin signée Giancarlo Mazzanti.
Essaimés sur tous les continents, les bâtiments présentés s’inscrivent dans les contextes urbains et économiques les plus divers – du bidonville sud-africain à la campagne européenne, en passant par la vieille ville yéménite – et s’affilient à des courants esthétiques et formels extrêmement variés. L’accrochage s’articule ainsi autour de six problématiques ultra contemporaines, dont la globalisation et l’uniformité qu’elle sécrète, la gestion des ressources naturelles, la métropolisation ou encore la question de l’habitat pour tous, cruciale dans les pays du Sud où l’exode rural et essor démographique déversent dans d’infinies mégalopoles des populations aussi nombreuses que précaires.Cette diversité n’exclut pas quelques traits communs, que l’exposition entend justement mettre en exergue. Parmi eux, l’attention portée au contexte (géographique, historique, culturel…), le caractère résolument expérimental et parfois bricoleur des projets, l’habitude de jongler avec des ressources (naturelles ou budgétaires) limitées, la volonté d’excéder le champ disciplinaire de l’architecture au nom d’une conception très large de l’habitat, le recours aux savoirs et savoir-faire locaux, mais aussi une certaine éthique architecturale alliant humanisme et modestie. D’où le caractère « manifeste » de Réenchanter le monde. A travers les projets présentés, se dessine en effet une pratique alternative du métier d’architecte, marquée par la volonté d’être en prise avec les transitions qui s’opèrent dans l’espace urbain contemporain. S’y joue très logiquement la liquidation tranquille du style international, dont les architectes primés troquent la radicalité esthétique et la manie planificatrice contre une architecture « radicante », c’est-à-dire adaptée à son lieu d’apparition, coopérative plutôt qu’autoritaire, ingénieuse autant qu’ « ingénieure », flexible et adaptable au gré des évolutions fonctionnelles et des besoins générationnels, incrémentale, souvent low-tech et sans cesse en mouvement. Dans un contexte de convergence des crises (économique, écologique, sociale), cette réinvention est vivifiante et nécessaire.
Réenchanter le monde : architecture, ville, transitions, du 21 mai au 6 octobre 2014Cité de l'architecture et du patrimoine Galerie basse des expositions temporaires1, Place du Trocadéro et du 11 novembre, Paris 16eEntrée au tarif A : PT 5 € - TR 3 €
Réenchanter le Monde : l’architecture et la ville face aux grandes transitions Direction scientifique, Marie-Hélène Contal (Coordination scientifique), Aliki-Myrto Perysinaki, Coédition Cité/Alternatives, Manifesto, 224 p., 17 €
Sustainable Design III. Vers une nouvelle éthique pour l’architecture et la ville / Towards a new ethic in architecture and town planning. M.H. Contal et J. Revedin, avec une préface de C. Alexander Co-éditions Gallimard – LOCUS Foundation, mai 2014 - Éditions séparées français et anglais, 39 €
Hors-série : Réenchanter le monde Architecture, ville, transitions L'Architecture d’aujourd’hui , 72 p., fçs/angl., 10 €
Ils s’appellent "ramène ton bol", "au coin du grill", "deux à deux" ou "la machine à vapeur" et s’égrènent au milieu des photographies de cantines itinérantes comme les étals des commerçants sur un marché. Conçus par des étudiants en art, design, paysage, architecture ou école d’ingénieur, ces prototypes en bois à l’échelle 1 figurent parmi les lauréats du concours Minimaousse, qui récompense tous les deux ans des projets de micro-architecture, avant de les présenter à la Cité de l'architecture et du patrimoine.
Le thème de cette cinquième édition, « ma cantine en ville », avait donné lieu l'an dernier à une exposition au VIA assortie d'un colloque. Puisant dans la foisonnante typologie établie alors, les trente dispositifs primés (sur 400 dossiers reçus) disent la variété des moyens mis en oeuvre à travers le monde pour nourrir les citadins pressés, et rassemblent en un même objet, mobile et modulable, de multiples fonctions : transporter les aliments (à vélo, à mobylette, par porteur, etc.), les conserver, les préparer, les cuire, les présenter et les consommer. Une façon de montrer que la « street food », pratique universelle en plein renouveau sous nos latitudes, ne se limite pas aux food trucks et autres baraques à frites, ni même au seul acte de manger… Pour Fiona Meadows, responsable de programmes à la Cité de l’architecture et organisatrice de Minimaousse 5, la cuisine de rue permet d’abord de questionner nos usages de l’espace urbain contemporain, et notamment de ses « vides » : « à l’origine du concours, explique-t-elle, notre intérêt pour les espaces publics et le constat que nos sociétés avaient tendance à en exclure la street food, sinon à l’interdire. »
La « street food », pratique universelle en plein renouveau sous nos latitudes, ne se limite pas aux food trucks et autres baraques à frites, ni même au seul acte de manger…
Fédératrice et bon marché, celle-ci est pourtant un adjuvant rêvé de tous ceux qui veulent fertiliser la ville et y aménager les conditions favorables au « vivre ensemble ». En transformant une place, un trottoir ou un parking en point de rassemblement où l’on peut s’asseoir, manger et discuter, elle permet de rompre avec l’urbanisme fonctionnel, pour qui les espaces publics sont essentiellement des lieux où l’on passe, jamais des lieux où l’on reste. D’où l’intérêt croissant des artistes et collectifs de tout poil pour les cantines de rue : d’EXYZT à Cochenko, en passant par l’artiste autrichien Erwin Wurm qui vient d’installer une baraque à frites ultra design dans le centre-ville de Lille, ils sont de plus en plus nombreux à y reconnaître un moyen efficace de mobilisation et de dialogue, et ce d’autant plus qu'à l'inverse du fast food standardisé, la street food se veut savoureuse et de qualité. « Ces dispositifs témoignent du bonheur d’être en ville, note Fiona Meadows. Manger dans un lieu qui a la rue pour décor fait évidemment partie du plaisir. »
Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que le concours Minimaousse ait proposé pour consignes de « réactiver l’espace public » et d’« inventer de nouvelles civilités »… La reconquête collective de la rue ne justifie pourtant pas à elle seule le regain d’intérêt des créatifs et des gastronomes pour la street food. Reflet de l’appétit contemporain pour la mobilité et le nomadisme, le phénomène dit aussi les mutations à l’œuvre dans la sphère économique, et pourrait être l’indice d’une précarisation croissante de nos sociétés. Dans les pays pauvres, la cuisine de rue est depuis toujours un moyen de subsistance. Il se pourrait qu’elle le soit aussi de plus en plus dans les pays riches : « pour de jeunes chefs qui débutent et n’ont pas les moyens d’acheter un fond de commerce, ça peut être un moyen de développer une activité, souligne Fiona Meadows. Dans un contexte de montée du chômage, la street food représente un tout petit investissement, et permet de créer de l’emploi. »
"Pour de jeunes chefs qui débutent et n’ont pas les moyens d’acheter un fond de commerce, ça peut être un moyen de développer une activité." Fiona Meadows, organisatrice du concours Minimaousse
Encore faut-il que le contexte réglementaire soit favorable à son épanouissement, ce qui est encore loin d’être le cas en France. Perçue par les restaurateurs comme une concurrence déloyale, la cuisine de rue se voit opposer tout un tas d’obstacles par les municipalités. D’où la création de l’association « Street food en mouvement » sous la houlette de Thierry Marx. Son objectif ? Contribuer au développement du phénomène en encadrant les pratiques et en aidant les projets à obtenir les autorisations nécessaires. Pour le cuisinier français, l’enjeu est de taille : « La street food est une vraie alternative à la malbouffe, un puissant moteur d’intégration dans la société, peut-on lire sur le site Internet de l’association. La Street food, c’est l’avenir. »
"Ma cantine en ville, voyage au coeur de la cuisine de rue", jusqu'au 2 décembre à la Cité de l'architecture et du patrimoine.1, place du Trocadéro, Paris 16e. Tous les jours sauf le mardi, de 11h à 19h, le jeudi jusqu'à 21h. Entrée libre.
Minimaousse 5, Ma cantine en ville : voyage au coeur de la cuisine de rue, Paris éditions Alternatives, 2013, 252 p., 25 euros
Dans un contexte où l’urbanisme durable invite à « horizontaliser » la fabrique de la ville, la participation prend des allures de pensum encombrant. Le mot est si usé qu’il devenait urgent d’en ranimer toutes les promesses. C’est justement l’une des ambitions de la rétrospective que le Lieu Unique (LU) consacre à Simone et Lucien Kroll, respectivement paysagiste et architecte. Dans l’ancienne friche industrielle nantaise réhabilitée par Patrick Bouchain et sous son patronage, l’exposition (« celle d’un architecte sur un architecte », explique Bouchain) déroule les travaux les plus emblématiques de la démarche du couple. On y retrouve évidemment leur projet le plus célèbre : la « Mémé », maison médicale des étudiants en médecine de Louvain érigée à la fin des années 1960 à Woluwé-Saint-Lambert dans la banlieue de Bruxelles. Né d’une fronde contre un projet de campus, ce patchwork architectural à la façade hétérogène est le parfait contre-manifeste du fonctionnalisme : « Suivant une tendance qui se façonne d’expérience en expérience, j’ai envisagé (…) de faire participer des groupes de futurs habitants (les étudiants en médecine, puis les assistants, les professeurs, les employés et les habitants du quartier), à la conception, à l’étude détaillée et au principe de gestion des volumes à construire, explique Lucien Kroll. Cela allait susciter, dès la prise de possession des lieux par les habitants, un milieu urbain plus animé, duquel les habitants se sentent responsables et auquel ils puissent s’attacher au lieu de se contenter de camper dans des logements impersonnels. »
Qu’il s’agisse de construire un immeuble autogéré comme à Auderghem où les Kroll vivent encore aujourd’hui, ou de réhabiliter un grand ensemble pour insuffler à la froide rigueur des lieux un peu de la chaleur des habitants, Lucien Kroll n’a cessé de penser l’architecture à contre-courant de ses contemporains. Quand l’après-guerre généralise le zonage et donne à la rationalité technique la forme brutale et impersonnelle des grands ensembles, il revendique une approche « paysagère » de son activité – paysagère, c’est-à-dire « globale, relationnelle et de longue durée ». Ecologique en somme. A la planification rigide et l’industrialisation de l’habitat, il oppose la vicinitude (cette relation au voisinage qui est « l’inverse de la solitude ») et surtout l’incrémentalisme, défini comme une manière d’inventer en faisant, sans préalable rigide, et selon les avis des futurs usagers d’un lieu.
"Notre proposition, plutôt que de s’attacher à une architecture qui exprime l’industrie de consommation, s’appuie sur des attitudes d’habitants plus familières et plus responsables." Lucien Kroll
« Notre proposition, résume Lucien Kroll, plutôt que de s’attacher à une architecture qui exprime l’industrie de consommation, s’appuie sur des attitudes d’habitants plus familières et plus responsables. » Pas question pour autant de bannir l’industrie. L’architecte choisit plutôt de la pousser dans ses derniers retranchements et de la plier au service de l’habitant. Expérimentant à l’occasion le préfabriqué, il en fait par exemple un moyen de diversifier les formes et de refléter la variété des attentes.
Faire participer les usagers à l’élaboration de leur logement nécessite du temps, de l’écoute et de la patience. Pour mener à bien leurs projets, les Kroll peuvent aussi compter sur un outil simple et efficace : les maquettes. Elaborées collectivement avec les moyens du bord et les matériaux les plus banals (du bois, de la mousse, du papier, du carton…), elles permettent de préfigurer un futur bâtiment, d’esquisser la forme d’un lieu. A partir des années 1980, l’agence leur substitue l’informatique. Au Clos d’Emery à Emerainville où ils doivent construire 80 logements, les Kroll expérimentent la conception assistée par ordinateur par le biais de Paysage, un logiciel maison. L’outil autorise « une juxtaposition sans limite perceptible » et « les situations les plus diverses possibles : villa isolée, jumelée, groupée, petits collectifs intermédiaires ». A côté des maquettes et perspectives nées grâce l'informatique, l’exposition au LU présente aussi des documents plus banals. De ceux qui composent l’arsenal technique de tout architecte : plans masses, esquisses, dessins de façades…
Ce n’est pourtant pas ce maelström de visuels et de textes (Lucien Kroll est l’auteur d’un abondant appareil théorique) qui rend le mieux sensible la démarche du couple. Si la rétrospective parvient à toucher le spectateur, elle le doit d’abord à son caractère d’exposition « habitée ». Ainsi à l’extérieur du LU, au bord du canal, Simone Kroll a conçu pour l’occasion un luxuriant potager. Planté de capucines, de sauge, de cucurbitacées, de choux, d’ipomées, le tout avec la participation des riverains, il évoque le jardin éco conçu en 1992 par la paysagiste pour le Festival des jardins à Chaumont. Lui répond, à l’intérieur, l’ « appartement témoin » aménagé sur ¼ de la surface de l’exposition par le collectif d’architectes ETC. Reproduisant l’un des appartements de l’immeuble d’Auderghem, cet espace évolutif accueillera 12 jeunes agences d’architectes, locales pour la plupart, pendant toute la durée de l’exposition. En investissant le lieu à leur guise, elles illustreront la démarche des Kroll. Elle souligneront aussi combien le couple, malgré sa discrétion et la singularité de sa démarche, a inauguré une féconde lignée. « Toute cette exposition est une affaire de filiation », prévient ainsi Patrick Bouchain…
Toutes les citations de Lucien Kroll sont extraites du catalogue de l’exposition : Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée, sous la direction de Patrick Bouchain, éditions Actes Sud, 2013.Lucien Kroll, Tout est paysage, éditions Sens&Tonka, 2012
"Simone et Lucien Kroll, une architecture habitée", du 25/09 au 1/12/13
Le Lieu unique
Quai Ferdinand Favre - Nantes
T/ 02 40 12 14 34
www.lelieuunique.com
Horaires d'ouverture : Mardi-samedi : 14h-19h//dimanche 15h-19h
Entrée libre
Le terme agriculture urbaine est nouveau, mais l’agriculture dans la ville a toujours existé. La dernière vache a quitté Paris en 1971 ! En France, la séparation entre ville et agriculture s’est faite au début du 20e siècle, et surtout au cours des 30 glorieuses, du fait de l’étalement urbain et de l’industrialisation des filières agricoles.Le terme agriculture urbaine est arrivé relativement tard dans notre pays – depuis une quinzaine d’années tout au plus. La question s’est d’abord posée dans les pays du Sud, notamment lors de l’arrivée massive de paysans dans les villes à cause des guerres (dans l’Afrique des Grands Lacs en particulier).
"Le terme agriculture urbaine est nouveau, mais l’agriculture dans la ville a toujours existé." Christine Aubry, ingénieur de recherche à l'INRA
L’agriculture urbaine y est alors un vrai moyen de subsistance. Elle se définit d’abord par son lien fonctionnel avec la ville plus que par sa localisation qui peut être intra ou périurbaine. Elle partage avec l’espace urbain le foncier et la main d’œuvre ainsi que d’autres ressources (l’eau par exemple), et cherche à concilier aire de production et de consommation. Dans les pays du Nord en particulier, alors qu’on imagine l’agriculture urbaine comme construite en opposition à l’espace urbain, elle en est souvent complémentaire, ne serait-ce que parce que dans bien des cas, c’est le salaire d’un conjoint travaillant en ville qui permet à un agriculteur de maintenir son exploitation.
Je ne suis pas sociologue ni historienne, mais ce qu’on peut constater cependant, c’est qu’il existe des parallèles avec d’autres phénomènes aussi en plein essor. J’en vois au moins deux : d’une part, l’intérêt croissant des politiques et des citoyens pour le développement durable, et notamment pour le développement durable urbain ; d’autre part, les crises alimentaires en Occident, qui ont mis les consommateurs en alerte. A partir de la fin des 1990, une inquiétude croissante quant aux conséquences sanitaires de notre modèle agricole a amené une partie de la population à vouloir diversifier les liens avec les agriculteurs, voire à auto-produire. On explique ainsi notamment l’essor des circuits courts, et aussi le fait qu’aujourd’hui, la plupart des collectivités sont confrontées à des demandes quotidiennes d’espaces à cultiver par les habitants…
La multifonctionnalité n’est pas propre à l’agriculture urbaine. La plupart les exploitations agricoles remplissent de fait plusieurs fonctions . Par exemple, un mouton produit de la viande, mis aussi de la laine ou du cuir. En ville toutefois ou à ses alentours, cette multifonctionnalité est extrêmement poussée et très fréquente : une même exploitation pourra concilier production alimentaire, activités pédagogiques ou sociales, aménagements paysagers, etc. D’ailleurs, une exploitation urbaine ne fonctionnera que si elle apporte plusieurs types de services.
"Une exploitation urbaine ne fonctionnera que si elle apporte plusieurs types de services." Christine Aubry
Pour une raison très simple : les fermes situées à proximité des villes souffrent souvent de leur proximité avec l’espace urbain à travers la pression sur le foncier, les difficultés de circulation, les conflits avec le voisinage etc. ; elles ont donc tout intérêt à transformer ces nuisances en avantages, par exemple en organisant la vente directe de produits et de services aux citadins…
C’est déjà largement le cas ! L’apiculture urbaine est en plein boom et va sûrement continuer à se développer. On commence aussi à voir quelques élevages de volailles, avec des formes plus domestiques. Par exemple, Yerres dans l’Essonne a une politique de développement des poulaillers. Commencent aussi à s’y développer des élevages de type multifonctionnel. C’est le cas des moutons de Clinamen à Saint-Denis : les ovins servent de tondeuses à gazon, mais fournissent aussi des services pédagogiques et alimentaires. Pour un certain nombre de collectivités territoriales, réinstaller des élevages dans l’espace urbain et périurbain peut être intéressant. En Ile-de-France toutefois, leur essor est limité à cause du démantèlement des abattoirs de proximité et de la rareté des services vétérinaires. Pour que l’élevage urbain se développe, il faut parfois retisser toute une structure de transformation.
L’agriculture urbaine prend les formes les plus diverses, que ce soit par sa localisation, par la fonction principale des exploitations ou par leurs filières (auto-consommation ou vente, et dans quels circuits ?). Le caractère multifonctionnel de l’agriculture urbaine rend très difficile l’établissement de typologies immuables. Par exemple, les formes non professionnelles d’agriculture ne sont pas pour autant dénuées d’intérêt économique : dans un jardin familial de 150 m2, on a une production alimentaire relativement importante, qui vient se cumuler aux bénéfices sociaux, voire thérapeutiques du projet. De même, les initiatives émergentes, notamment dans l’intra-urbain, sont très souvent des projets de nature hybride : à un but strictement commercial, s’ajoute souvent une visée pédagogique et éventuellement sociale. Les business model de ces initiatives sont eux-mêmes conçus en fonction de plusieurs types de services et de rémunérations afférentes. On est dans une hybridation très forte. C’est la même chose outre-Atlantique, où l’on voit se nouer des liens très forts entre par exemple les toits productifs et l’agriculture péri-urbaine.
"Les innovations en matière d'agriculture urbaine viennent rarement, hélas, du monde agricole." Christine Aubry
Ce qui caractérise les projets d’agriculture urbaine, c’est qu’il s’agit de formes innovantes, et que tout est en construction. Ces innovations viennent rarement, hélas, du monde agricole. En effet, les systèmes techniques mis en œuvre par l’agriculture urbaine diffèrent très largement des modes de production « traditionnels », et les agriculteurs ne sont pas soutenus aujourd’hui dans ce genre d’innovation par leurs organisations professionnelles qui ne semblent pas avoir encore pris la mesure des développements possibles de l’agriculture urbaine. Mais c’est peut être une simple question de temps.
Il est évident que les formes urbaines sont déterminées par l’accès au foncier. Les fermes urbaines qui s’installent en pleine ville dans des zones en déshérence (les friches industrielles par exemple, fréquentes aux USA mais aussi dans certains villes européennes) ont plutôt tendance à développer la production hors-sol, alors que le péri-urbain est plus propice aux cultures en plein champ. Toutefois cette distinction n’est pas figée, et on voit aussi des projets hors-sol dans le périurbain, et de l’agriculture en plein champ au cœur des villes… Cela dépend beaucoup des structures urbaines elles mêmes.
Il est très difficile pour l’heure de répondre à cette question. On commence à avoir quelques données en la matière, mais elles sont à manier avec beaucoup de précautions. Paris a fait une estimation de ses toits productifs. Il existe dans la capitale environ 300 hectares de toits plats, dont 80 seraient cultivables, sans préjuger du coût de mise en culture. Ce qu’on a pu montrer à l’INRA, c’est qu’on peut produire entre 5 et 8 kilos de légumes par m2 sur un toit productif en plein air ou dans des jardins associatifs urbains. Il est clair qu’on est très loin de l’autosuffisance maraîchère en ville ! Mais le potentiel de production urbaine n’est pas pour autant négligeable, surtout en ce qui concerne les populations les plus vulnérables. De plus, ces formes d’agriculture peuvent remplir des services alimentaires particuliers : restauration collective, réinsertion, accès aux produits frais de populations vivant dans des « déserts alimentaires », ce qui est plus souvent le cas outre atlantique que chez nous, là encore pour des questions de structure des villes. Mais si l’on avait l’objectif politique d’assurer le plus possible l’approvisionnement des villes par les différentes formes d’agriculture urbaine, on pourrait le faire…
C’est très difficile à dire. Dans les pays du Sud, notamment africains, l’agriculture urbaine assure entre 60 et 100 % de l’approvisionnement en produits frais. En Occident, on est beaucoup moins bons, et surtout on sait beaucoup moins ! Par exemple, en Ile-de-France, la quantité de salades produites peut théoriquement couvrir 80% des besoins de la région, mais on n’a aucune idée des liens réels qui unissent production et consommation. Idem pour les céréales cultivées dans l’espace périurbain, dont la moitié est exportée. Quand vous achetez une baguette, vous ne savez pas d’où provient la farine, alors qu’on aurait la possibilité d’approvisionner largement l’Ile-de-France grâce au blé produit sur place ! En somme, l’agriculture urbaine met en question notre modèle de production. A la fois dans les liens aux consommateurs, et dans ses systèmes techniques. Il y a pour partie une question d’échelle : les questions sont portées par les communautés d’agglomération, mais c’est très difficile pour elles d’intervenir sur les filières. Quant à la PAC, elle ne traite pas d’agriculture urbaine.
En France, on est à la fin d’une dynamique de grignotage périurbain, du moins je l’espère. L’étalement a été très fort dans les années 1990 et 2000, en partie parce qu’on sacralise les forêts et les bois et que pour que les villes s’étendent, surtout avec le modèle du pavillon de banlieue, ils fallait piocher dans les terres agricoles. Pendant cette décennie, en Ile-de-France, moins d’1% des terres forestières ont été grignotées, contre 12% des terres agricoles. A l’échelle locale (de la grande commune, voire de la Région) on est souvent dans des politiques qui visent à préserver ce qui peut l’être, avec des moyens parfois très importants. L’agence des espaces verts en Ile-de-France est aujourd’hui un plus gros propriétaire terrien que la SAFER, car elle y a mis les moyens. Son exemple souligne que freiner le mitage des terres agricoles ne passe pas aujourd’hui par des politiques nationales. En France, l’Etat n’a pas légiféré sur le sujet. Pour plusieurs raisons, notamment politiques : les syndicats majoritaires ne promeuvent pas franchement la diversité agricole et comme on l’a dit, ne s’intéressent pas prioritairement à l’agriculture proche des villes. Il y a aussi le fait qu’on est confronté en France à un grand déficit de logements, d’où la tentation de régler le problème en libérant des terres agricoles. C’est la raison pour laquelle les politiques agricoles en périurbain sont aujourd’hui portées au premier chef par les communautés d’agglomération. D’autant plus que les PLU et les SCOT les incitent à réfléchir à l’échelle de l’ensemble du territoire, ce qui n’était pas le cas il y a 15 ans.
La rentabilité des exploitations agricoles urbaines est soumise à au moins trois conditions. Elle doit d’abord bénéficier d’aides pour l’accès au foncier, celles-ci pouvant venir d’associations de citoyens, comme Terre de liens, ou de baux environnementaux passés par les communes avec les agriculteurs à certaines conditions, (par exemple le fait de produire des produits bios dans des circuits de type AMAP). Ensuite, les projets d’agriculture urbaine ont intérêt à produire des denrées à forte valeur ajoutée. Elles vont plus facilement valoriser de la production maraîchère ou laitière. Enfin, le choix des circuits de commercialisation est très important. Les exploitations urbaines privilégient souvent la vente directe…
En France, l’agriculture urbaine se développe dans de nombreuses directions. On voit notamment émerger des formes d’agriculture hors-sol ultra productives. Certains projets sont en train d’aboutir, dont celui d’une tour maraîchère de 3 ou 4 étages à Romainville. Il s’agit d’un projet porté par la mairie, et qui va s’installer dans un quartier en pleine rénovation urbaine. L’objectif est de produire des légumes locaux, peut-être des poissons grâce à l’aquaponie, et à des prix défiant toute concurrence. L’enjeu est de mettre en œuvre un système très productif. D’autres systèmes high tech existent ou sont en projet, et en même temps, les citadins sont réticents vis-à-vis de l’hydroponie, alors que c’est un modèle peu gourmand en eau, en terre et en produits phytosanitaires. L’image qu’on se fait de l’agriculture en France semble peu compatible avec ce type de systèmes. Par exemple, aujourd’hui il y a incompatibilité entre le hors-sol et l’agriculture biologique, et il n’existe pas de certification possible dès lors qu’il n’y a pas de lien au sol. Par ailleurs, des systèmes moins « high tech » mais plus fondés sur des interactions agro-écologiques se développent actuellement en intra-urbain, par exemple des toits productifs en plein air où l’on fait du maraîchage dans des bacs sur des composts locaux, somme nous l’expérimentons actuellement sur le toit d’AgroParisTech…
"Faire de « l’écologie d’échelle » est possible si l’on mutualise l’offre des producteurs, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui. De la même manière, il faudrait optimiser les déplacements des consommateurs pour limiter les coûts." Christine Aubry
La question a émergé notamment suite aux épandages de boues urbaines sur les terres agricoles périurbaines. Aucune réglementation n’encadrait ces pratiques au début du 20ème siècle et jusque fort tard, d’où de fortes pollutions en métaux lourds. En zone intra-urbaine, les sols peuvent être pollués par des activités antérieures, notamment liées à l’industrie chimique ou métallurgique. A Lille par exemple, les sols libérés par la désindustrialisation sont, le plus souvent, suffisamment pollués pour que se pose la question de leur dangerosité. Face à cela, trois types de solutions : d’abord, la plupart des collectivités territoriales interdisent dans ces cas l’implantation de jardins associatifs sur place. Lorsque les gens insistent, on excave le sol et on remplace la terre, ce qui pose la question de la traçabilité des terres. Parallèlement, les chercheurs développent aussi des recherches pour qualifier ces pollutions des sols et leur dangerosité en fonction du type de végétaux. Par exemple, on peut parfaitement cultiver du maïs sur des terres polluées car il absorbe très peu les métaux lourds. Troisième solution pour pallier la pollution des sols : la mise en œuvre de dispositifs hors-sol, des bacs par exemple, y compris pour les formes commerciales.
Une étude d’un collègue allemand a comparé les consommations d’énergie fossile entre les filières courtes et longues. Il a analysé 4 ou 5 produits, dont l’agneau et le jus de pomme. L’étude montre que les filières longues organisées depuis longtemps ont optimisé leur logistique. C’est le cas de l’agneau de Nouvelle Zélande acheminé en container par bateau, alors qu’un éleveur ovin local multipliera les déplacements pour conduire les bêtes à l’abattoir, puis les acheminer en petite quantité jusqu’aux consommateurs. Ce que ce chercheur a voulu mettre en évidence, c’est la nécessité d’organiser les filières courtes sur le plan logistique. Faire venir cinquante voitures pour chercher un petit panier bio n’est pas forcément très pertinent sur le plan énergétique, et il serait judicieux de s’inspirer des filières longues pour optimiser cela. Faire de « l’écologie d’échelle » (« scale ecology » selon l’expression de ce collègue, Elmar Schlich) est possible si l’on mutualise l’offre des producteurs, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui. De la même manière, il faudrait optimiser les déplacements des consommateurs pour limiter les coûts.