Le média qui analyse et présages des mutations de la fabrique de la ville.
A travers les maquettes, perspectives, dessins, animations 3D, témoignages vidéos des experts et jurys internationaux, les 900 mètres carrés dédiés à l'Appel à projets et scénographiés par Peaks architectes donnent bien la mesure du travail considérable réalisé par les différentes équipes qui se sont investies dans cette aventure. D'après les chiffres officiels, la Mairie a reçu 372 candidatures venues du monde entier, émanant d'univers très divers. En effet, l’hétérogénéité des disciplines qui ont constitué les équipes a été l'une des particularités de cette consultation. Y ont participé aussi bien des architectes, paysagistes, urbanistes et promoteurs que des associations, entrepreneurs, artistes, chefs cuisiniers ou agriculteurs.
Résultat : de nombreux projets jouent la carte de la végétalisation (Plus de 26.000m² de nouvelles surfaces plantées sont prévues, dont une forêt de «1.000 arbres», des jardins, de l’agriculture urbaine, des toits et des murs végétalisés) et font appel à l'économie circulaire. Co-living et coworking, incubateurs, tiers-lieux, habitat participatif… : les projets sélectionnés font la part belle aux tendances actuelles de l'habitat. Ils se déploient sur des terrains de natures différentes : hôtel particulier, friches industrielles, terrains vagues. Au total, 1.341 logements dont 675 sociaux seront construits.
« Réinventer Paris va radicalement changer notre façon de penser la ville » a déclaré Anne Hidalgo, maire de Paris. L'autre caractéristique de cet Appel à projets repose sur le principe des consultations de promoteurs, c'est à dire que la Mairie et ses opérateurs ont vendu leurs terrains aux promoteurs dont les équipes ont été lauréates. Et contrairement à un concours public habituel, la Mairie ne rémunère pas les équipes non finalistes. Un choix critiqué par de nombreux architectes qui reprochent le fait que « la matière grise » n'ait pas été payée.
Pour Jean-Louis Missika, adjoint au Maire en charge de l'urbanisme, qui a répondu à ces accusations au Moniteur, un tel procès est infondé : « Nous avons pris la peine de vérifier et si nous n’avons pas encore l’intégralité des résultats, nous avons maintenant la conviction que la majorité des 75 équipes d’architectes, mais aussi les bureaux d’études, qui étaient finalistes, ont été payés par les promoteurs », explique-t-il.
Représentant un investissement privé de plus de 1,3 milliard, les 22 sites retenus vont permettre pour la Mairie 565 millions d'euros de recettes. La Ville de Paris souhaite renouveler l’opération en 2017 avec une nouvelle édition : « Réinventer Paris II » et lance en mars « Réinventer la Seine », sur des territoires allant de Paris jusqu'au Havre.
Réinventer Paris, du 4 février au 8 mai 2016
Pavillon de l’Arsenal, 21 boulevard Morland (4e)
Entrée libre
S'ils se font appeler les Robins des Villes, c'est qu'ils volent bien quelque chose pour le redistribuer. Ici cependant, on ne parle pas d'argent mais de pouvoir. En l'occurrence, il s'agit donner le pouvoir à ceux qui en sont habituellement privés pour construire et aménager des espaces urbains. « C’est le côté militant de l'association », explique Mathieu, membre des Robins des Villes depuis 4 ans. Cette structure est née dans une école d’architecte de Vaux-en-Velin près de Lyon. Dés le départ, elle ambitionne de sensibiliser les habitants de tous âges à leur cadre de vie en adoptant une démarche participative. « En 1995, nous faisions le constat que la parole des habitants et usagers était confidentielle et que l'architecte ne pouvait seul faire la synthèse. Pour le nom de notre structure, nous cherchions un héros dont le nom exprime à la fois une grande générosité et une valeur sûre à qui on peut faire confiance ... », raconte Hervé Saillet, fondateur et président des Robins des Villes. Aujourd'hui, sept salariés y travaillent et près d'une soixantaine de bénévoles participent aux différents projets dans plusieurs axes : sensibilisation, éducation, concertation, formation.
"Nous faisons de l’éducation populaire à l'Espace. A chaque fois, nous passons par une phase utopique pour libérer l’imaginaire puis on revient aux contraintes pour ensuite aller vers un projet partagé." Mathieu, membre des Robins des Villes.
Réaménagement de cours d'écoles, réhabilitations de friches ou de jardins… Les projets des Robins des villes ont en commun de partir des représentations des habitants et de privilégier les petites échelles. Ils travaillent actuellement sur les temps périscolaires sur le thème « défis urbains » avec les enfants de Montreuil en Ile-de-France et réalisent avec eux maquette, sons, photographies, cartes, dessins. Ils accompagnent aussi le centre social des Escourtines à Marseille pour réfléchir à un aménagement partagé du parc de la Solitude. Différentes actions dans l'espace public ont été menées ainsi que des ateliers participatifs avec les adultes et les enfants.Autre projet développé de mars à juin 2015 : le travail sur la biodiversité avec les hébergés du CADA (centre d’accueil de demandeur d'asile) de ville de Bron dans le Rhône pour améliorer les espaces communs. Résultat : des nichoirs pour mésange bleue, un hôtel à insectes, des espaces fleuris, des bancs, des tables ont été fabriqués puis installés par les hébergés, associés de l'élaboration à l'inauguration du projet.
« Nous faisons de l’éducation populaire à l'Espace. A chaque fois, nous passons par une phase utopique pour libérer l’imaginaire puis on revient aux contraintes pour ensuite aller vers un projet partagé », explique Mathieu. Pour redonner la parole aux habitants et à ceux qui habitent les lieux, Les Robins des Villes ont développé une méthodologie bien à eux, utilisant des journaux, maquettes et jeux de rôles mais aussi des outils qu'ils développent eux-mêmes comme la « cabine à souhaits » qui détourne le principe de l'isoloir ou « la Ville en Valise », une valise à roulettes abritant des valisettes mots-clés liés à la ville (« urbanisme », « paysage », « architecture », etc.). Autant d’outils pouvant être utilisés en autonomie par les enseignants et animateurs qui désirent développer projets ou activités relatives aux enjeux urbains.
"Ce qui nous intéresse c'est la vision collective des habitants, de faire ensemble, d’offrir le cadre pour que les gens s’approprient les lieux. La ville de demain pour nous est forcément diverse, et les décisions y sont prises de manière locale par les gens. C’est une ville où les habitants peuvent se rencontrer."Mathieu des Robins des Villes
La dimension ludique est toujours présente et à chaque fois, les outils sont adaptés au contexte. S'ils s'attachent à offrir un autre regard sur la façon de « fabriquer » la ville, les Robins des Villes ne portent pas de vision sur ce que la ville devrait être. « Ce qui nous intéresse c'est la vision collective des habitants, de faire ensemble, d’offrir le cadre pour que les gens s’approprient les lieux. La ville de demain pour nous est forcément diverse, et les décisions y sont prises de manière locale par les gens. C’est une ville où les habitants peuvent se rencontrer », explique Mathieu des Robins. Et les notions de durabilité semblent de plus en plus s'inscrire naturellement dans les débats. "Des projets d'agriculture urbaine reviennent souvent sans que l'on ait besoin de les insuffler. La mobilisation des habitants eux-mêmes est là ». Pour le fondateur Hervé Saillet, « la ville de demain est pour nous une ville douce qui intègre les « sans voix » que personne ne représente. Une ville dont les orientations seront co-décidées avec les habitants ». Pour les Robins des Villes, le principal défi urbain est bien de répondre à l'enjeu démocratique de permettre à chaque habitant de participer aux décisions, de créer le cadre pour que chacun puisse s'approprier l'espace public.
Il se passe décidément quelque chose dans le monde de l’architecture : un peu plus d’un mois après l’attribution du prix Turner au collectif anglais Assemble pour sa participation à la réhabilitation d’un quartier déshérité de Liverpool, c’est un autre professionnel socialement engagé que le jury du Pritzker prize, le plus prestigieux prix d’architecture au monde, a décidé de primer le 13 janvier 2016. A 48 ans, l’architecte chilien Alejandro Aravena, qui est le quatrième latino-américain à recevoir la récompense, tranche en effet sur les « starchitectes » précédents nommés, de Jean Nouvel à Shigeru Ban. « Alejandro Aravena a expérimenté une pratique collaborative qui produit des œuvres architecturales puissantes, mais qui embrassent les grands enjeux du vingt-et-unième siècle, a expliqué Thomas J. Pritzker lors de la remise du prix. Ses réalisations offrent des solutions économiques aux moins privilégiés, atténuent les effets des catastrophes naturelles, réduisent les consommations d’énergie, et proposent des espaces publics accueillants. Innovant et inspirant, il montre comment l’architecture la meilleure peut améliorer la vie des gens. »
"Alejandro Aravena a expérimenté une pratique collaborative qui produit des œuvres architecturales puissantes, mais qui embrassent les grands enjeux du vingt-et-unième siècle." Thomas J. Pritzker
Concepteur de bâtiments basse consommation adaptés aux contraintes climatiques locales à l’université catholique du Chili à Santiago, il est surtout depuis 2001 la tête pensante de l’agence ELEMENTAL, un « do tank » engagé notamment dans la construction, au cœur des favelas, de logements sociaux évolutifs et participatifs. Son crédo ? « La moitié d’une bonne maison vaut mieux qu’une petite maison. » « Quand le financement est insuffisant, écrivait-il en 2014 dans Réenchanter le monde : l’architecture et la ville face aux grandes transitions (ouvrage publié sous la direction de Marie-Hélène Contal aux éditions Alternatives), la bonne réponse n’est pas nécessairement de réduire (la taille et la qualité). Il faut reformuler le problème et penser en termes d’architecture constructive. Dans cette optique, l’auto-construction peut cesser de représenter un handicap et devenir une partie de la solution. »
Pour faire face aux contraintes financières qui grèvent l’habitat social et informel, Alejandro Aravena a conçu plus de 2 500 logements « incrémentés » : « L’habitat incrémenté doit être planifié, poursuit l’architecte. Se pliant au bon sens et à la loi du moindre effort, la forme initiale doit prévoir comment l’autoconstruction permettra à une famille d’accéder au niveau de la classe moyenne. A Elemental, nous identifions un ensemble de paramètres architecturaux qui intègrent la future expansion de l’habitat. »
"Quand le financement est insuffisant, la bonne réponse n’est pas nécessairement de réduire (la taille et la qualité). Il faut reformuler le problème et penser en termes d’architecture constructive." Alejandro Aravena
Ainsi, tandis que l’équipe architecturale intervient pour bâtir les fondations mais aussi pour informer et former les destinataires des logements sociaux (il s’agit notamment de les alerter sur les contraintes de structure et les mesures de sécurité à respecter), le soin des finitions et de l’habillage (dont dépendra la plus-value future) est confié à ces derniers. La structure des bâtiments prend en compte, dès la conception, les extensions à venir, et l'architecture mobilise volontiers le préfabriqué pour réduire les coûts et les délais de livraison. En somme, Elemental prend à sa charge la moitié de la construction, l’autre étant laissée aux soins des familles. L’avantage d’un tel mode constructif n’est pas seulement financier : il permet aussi d’éviter la standardisation de mise dans l’habitat social, en donnant aux habitants la possibilité de customiser leur logement selon leur goût, et ainsi de mieux s’y identifier.En rupture avec l’approche classique du logement informel et social, cette manière d’associer les habitants à la conception de leur environnement bâti n’est sans doute pas étrangère au fait qu’Alejandro Aravena ait été désigné comme le commissaire de la quinzième biennale d’architecture, dont l’inauguration est prévue en mai 2016 à Venise. Significativement intitulée « des nouvelles du front », celle-ci s’annonce en effet comme très politique…
Ré-enchanter le monde : l’architecture et la ville face aux grandes transitions, sous la direction de Marie-Hélène Contal, éditions Alternatives, 2014, 160 pages, 17 euros
Leur nomination au Turner Prize dû en surprendre plus d’un, à commencer par les principaux intéressés. A première vue en effet, Assemble ne faisait pas franchement figure de favori, ni même de prétendant, à une récompense ayant couronné entre autres Damien Hirst et Anish Kapoor. Non seulement les 18 membres de ce collectif londonien créé en 2010 sont à mille lieues de la starification de certains artistes contemporains précédemment primés (à vrai dire, on peinerait à les nommer individuellement), mais il ne sont même pas artistes au sens convenu et étroit du terme, et se situent plutôt à la croisée des sciences humaines, de l’architecture et du design, et à la frontière séparant les beaux-arts des arts appliqués.
La récompense qui vient de leur être décernée signerait-elle la fin d’une époque marquée par la financiarisation de l’art contemporain et la dévaluation de toute pratique conçue comme levier de transformation sociale et politique ? Sans doute : à rebours d’une sphère esthétique jalouse de son autonomie et défendant mordicus « l’art pour l’art », Assemble voit ainsi couronner un engagement de cinq ans au plus près de la fabrique urbaine, que ce soit lorsqu’ils transforment une station-service désaffectée en cinéma (le Cineroleum) ou quand ils oeuvrent à la création d'un jardin d'enfants dans un quartier relégué. Du reste, les activités du collectif n’ébranlent pas seulement le petit monde de l’art, et mettent tout autant en cause les pratiques en vigueur dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et de l’aménagement.Le prix Turner vient en effet saluer un modus operandi fondé sur l'implication des usagers plutôt que sur la planification par les seuls experts de l’urbain. Caractéristique des initiatives présentées en 2012 dans l’exposition Re :Architecture au Pavillon de l’Arsenal, la méthode du collectif donne toute sa mesure dans le projet qui vient de lui valoir la prestigieuse récompense – soit la rénovation des maisons de quatre rues (Granby 4 streets) dans le quartier déshérité de Toxteth à Liverpool, le tout avec l’implication étroite des habitants.
"L’approche, peut-on lire sur le site Internet de Assemble, est caractérisée par la valorisation du patrimoine architectural et culturel des lieux, par l’incitation du public à s’impliquer et à travailler en collaboration, par une offre en matière de formation et d’emplois et par une mise en exergue du potentiel que recèle l’esprit DIY définissant les quatre rues." Collectif Assemble
« L’approche, peut-on lire sur le site Internet de Assemble, est caractérisée par la valorisation du patrimoine architectural et culturel des lieux, par l’incitation du public à s’impliquer et à travailler en collaboration, par une offre en matière de formation et d’emplois et par une mise en exergue du potentiel que recèle l’esprit DIY définissant les quatre rues. »
Quand Assemble découvre Toxteth, le quartier traîne derrière lui un lourd passé : ébranlé par de violentes émeutes en 1981, il a été méthodiquement démantelé par la municipalité, qui y multiplie les démolitions, relogements et projets de requalification ratés. L’incurie des pouvoirs publics est telle qu’en 2011, un groupe d’habitants décide de prendre en main le destin du quartier via la création du Community Land Trust (CLT). Dévolu à la rénovation des espaces (privés, publics et commerciaux) laissés à l’abandon, l’organisme commence à planter des arbres, à peindre les maisons vides, et crée même un marché. Il sollicite aussi l’aide de Steinbeck studios, un bailleur social qui met le CLT en contact avec Assemble.Avec des moyens modestes, le collectif anglais réussira là où tous les projets de requalification du quartier ont échoué jusqu’alors.
Clé du succès ? La capacité du collectif anglais à mobiliser les ressources matérielles et humaines locales, dans le droit-fil de l’action directe et du Do-It-Yourself.
Clé du succès ? Sa capacité à mobiliser les ressources matérielles et humaines locales, dans le droit-fil de l’action directe et du Do-It-Yourself. Fondé sur une vision incrémentale de la fabrique urbaine et une prise en compte des usages, il dialogue avec les habitants et s’efforce de répondre au mieux à leurs besoins. A rebours des tabula rasa privilégiées par la municipalité, il choisit aussi de composer avec l’existant : « Si un plancher manque, expliquait Lewis Jones, membre du collectif, au Guardian en mai 2015, pourquoi ne pas le laisser tel quel et doubler la hauteur sous plafond ? Nous n’avons aucune pression pour tirer du site un profit maximal et placer la valeur ajoutée avant les habitants. » Ainsi, la rénovation des maisons de Granby 4 streets se fonde sur la valorisation de l’architecture victorienne et le réemploi des matériaux locaux. Les éléments utilisés par le collectif (poignées de portes, carrelage, mosaïque, mobilier, etc.) sont notamment fabriqués au sein du Granby workshop à partir de déchets de chantier. Quant aux habitants, ils sont invités à mettre la main à la patte, et se voient offrir des formations et des perspectives d’embauche.Moulée à sa façon dans la vogue contemporaine de l’horizontalité et du bottom-up, la démarche d’Assemble n’est possible que grâce à l’implication de ses membres. A rebours des architectes « classiques » dont le cœur d’activité consiste d'abord à concevoir des plans, les Londoniens ne rechignent pas à mettre les mains dans le cambouis, et le contact avec le site et ses occupants constitue le point de départ de leur pratique quotidienne. Caractéristiques d’une nouvelle vague architecturale fondée sur la rencontre avec le terrain et l'intervention directe, ils revendiquent par là-même un rôle social que le monde de la création – art contemporain et architecture confondus – avait globalement délaissé. A cet égard, le prix Turner qui leur est décerné pourrait marquer un tournant, et signer le retour des créatifs sur la scène politique, à un moment où la démocratie représentative incarnée par les partis connaît une profonde crise de légitimité…
En 2011, l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement de Paris fermait définitivement ses portes et promettait de se muer à l’horizon 2020 en un vaste écoquartier de 3,4 ha et 600 logements (dont 50% de logements sociaux) avec jardins, équipements publics et espaces partagés.Le balai des ambulances n’y a pas pour autant laissé place au vide : dès la fermeture du site, l’association Aurore s’est vue progressivement confier par l’APHP, propriétaire des lieux, la gestion temporaire de certains locaux, qu’elle destine à l’hébergement d’urgence. 300 personnes – femmes isolées, jeunes, migrants, etc. sont aujourd’hui accueillies dans quelques-uns des 60 000 m2 de bâtiments que compte l’ancien hôpital. Depuis septembre dernier, les occupants de ce « squat légal » y côtoient de nouveaux arrivants au profil socio-économique quelque peu différent. Ils ont d’abord vu s’installer une cinquantaine de structures entrepreneuriales, associatives, artisanales ou artistiques rassemblées à Saint-Vincent-de-Paul par Aurore avec le concours de Plateau-urbain, une structure de 10 personnes dont la mission affichée est de « résorber la vacance » et de « servir la création ». « Le lieu accueille des activités très variées, explique Pascale Dubois, chef de projet à Saint-Vincent-de-Paul pour l’association Aurore. On compte une chocolatière, des entreprises d’insertion (culture du cœur, carton plein...), une ressourcerie, un espace de co-working, des collectifs d’artistes, des thérapeutes, etc. L’idée est de partager les charges du site entre les différents occupants, et que chacun apporte quelque chose au projet d’ensemble. »
« Le lieu accueille des activités très variées. On compte une chocolatière, des entreprises d’insertion (culture du cœur, carton plein...), une ressourcerie, un espace de co-working, des collectifs d’artistes, des thérapeutes, etc. L’idée est de partager les charges du site entre les différents occupants, et que chacun apporte quelque chose au projet d’ensemble. » Pascale Dubois, chef de projet à Saint-Vincent-de-Paul pour l’association Aurore
Grâce à l’association Yes We camp, les occupants de Saint-Vincent-de-Paul peuvent aussi prendre un café ou un repas chaud dans l’ancienne lingerie reconvertie depuis le 23 octobre en bar-restaurant. Au menu, brunch et produits frais, sinon bio, aux tarifs somme toute abordables, le tout servi dans une déco à l’esprit minimaliste et récup, et agrémenté de concerts, DJ sets, conférences et débats en lien avec l’économie sociale et solidaire (pour le mois de l’ESS, en novembre) ou l’écologie (à l’occasion de la COP21).
La mixité qui règne à Saint-Vincent-de-Paul explique sans doute le nom élégamment peint en grand à l’entrée de l’ancien hôpital : les Grands voisins. Un nom aux allures programmatiques, et qui répond à la mission confiée par la mairie de Paris à Yes We camp : ouvrir le site aux riverains au gré d’événements festifs et artistiques, et si possible œuvrer à leur rencontre avec les personnes hébergées sur place. Cet objectif a donné lieu pour l’instant à l’élaboration d’une signalétique et à la réhabilitation dans l’ancienne lingerie. Quant à la programmation, elle est en cours d’élaboration, en lien étroit avec les structures professionnelles présentes sur le site. « L’objectif est de faire en sorte que le temps de latence du projet soit utile au quartier, résume Aurore Rapin, architecte et salariée de Yes we camp. Plutôt que de payer 800 000 euros de charges en gardiennage, autant financer des actions qui profitent à tous et servent de soupape dans Paris. »
"Plutôt que de payer 800 000 euros de charges en gardiennage, autant financer des actions qui profitent à tous et servent de soupape dans Paris." Aurore Rapin, architecte et salariée de Yes we camp
C’est aussi selon elle une manière de « préfigurer » le futur écoquartier, justement annoncé comme lieu de partage fondé sur la mixité sociale et fonctionnelle, en « travaillant sur des espaces-temps qui génèrent des moments partagés ». Prochain de ces « espaces-temps » : l’auberge de la COP, soit un campement de 150 places destiné à accueillir l’association 350.org du 5 au 13 décembre, avec en prime événements et animations divers.Initiée en 2013 à Marseille – alors capitale européenne de la culture – où l’association installait un camping festif et créatif à destination des touristes, la démarche de Yes We Camp s’inscrit dans un élan plus vaste de refonte de la fabrique urbaine dans un contexte de crise économique et d’injonction à la participation. Mené tambour battant par une poignée d’artistes et de jeunes collectifs (d’architectes, de paysagistes, etc.), ce mouvement européen sinon occidental plaide pour un urbanisme des usages, élaboré à hauteur d’homme, et séduit de plus en plus des municipalités qui y voient un adjuvant flexible et bon marché en matière de concertation, de préfiguration des projets urbains, ou tout simplement de sécurité. En France, il agrège des collectifs et artistes comme Bellastock, Stefan Shankland, ETC, Point de Rassemblement – et Yes we camp, donc. « On se connaît tous, mais nous avons chacun notre spécificité, explique Aurore Rapin. La nôtre, c’est le vivre ensemble. On arrive à toucher des publics très variés. »
Pour parvenir à ses fins, l’association peut miser sur la polyvalence et la réactivité de ses salariés et bénévoles. « Je peux très bien commencer la journée par du ménage, puis faire de la comptabilité ou du management, rapporte Aurore Rapin. Travailler ici est un apprentissage au quotidien. » Sans une telle souplesse, la lingerie n’aurait du reste sans doute pas pu voir le jour. En effet, les membres de Yes we camp ont appris au dernier moment qu’ils devraient compter sans la subvention de 150 000 euros initialement promise par la Mairie de Paris, et retirée in extremis pour parer au soupçon de détournement de marché public porté par l’opposition (Jean-Michel Guénod, architecte et président de Yes We Camp, est un compagnon de route du PS). « La rénovation de la laverie est finalement financée par la vente de bière, explique Aurore Rapin, et ce sont les bénévoles et salariés de l’association qui gèrent le service. Certains des habitants hébergés par Aurore ont aussi mis la main à la patte. »
"L’idée à terme est de multiplier ces liens et de mêler les habitants aux personnes du quartier et aux professionnels présents sur le site." Pascale Dubois
Malgré ces aléas, le premier bilan de l’occupation du site est plutôt positif : « on a déjà des habitués », s’enthousiasme Aurore Rapin. Même son de cloche au sein de l’association Aurore : « Pour le moment, sur le lieu, tout le monde se dit bonjour, comme dans un village, raconte Pascale Dubois. C’est un premier lien au quotidien. On a aussi fait quelques soirées, barbecues, repas partagés dans la lingerie, notamment après les attentats, où nous avons mangé tous ensemble. L’idée à terme est de multiplier ces liens et de mêler les habitants aux personnes du quartier et aux professionnels présents sur le site. Pour cela, on lance par exemple une conciergerie solidaire, et l’on crée pour les personnes en parcours d'insertion des emplois rémunérés à l’heure pour des extras divers et l’entretien des espaces verts, des bureaux, etc. On compte aussi sur la programmation artistique de Yes we camp pour nous fournir des occasions de rencontre. »Ce début de vie partagée à Saint-Vincent de Paul prouve l’efficacité du mode opératoire de Yes we camp, et des bienfaits de sa réactivité bidouilleuse et de ses capacités d’adaptation. « Nous n’avons pas peur de gérer le réel », confirme Aurore. Cette confrontation sereine avec les contraintes quotidiennes est sans doute l’une des forces de ce genre de collectifs, et l’une des raisons de leur succès…
Démontrer la faisabilité du réemploi de déchets dans l'architecture est en substance l'objectif de ce bâtiment expérimental de 70m2 construit à Paris à partir de matériaux récupérés. Près de 180 portes en chêne provenant d’une opération de réhabilitation d’un immeuble de logements HLM du 19ème arrondissement en constituent la façade. Pour l'isolation, les maîtres d’œuvre ont utilisé la laine de roche issue de la dépose d'une toiture de supermarché. De la même façon, les éléments de la structure en bois sont les restes d'une maison de retraite et le caillebotis de la terrasse extérieure provient de l’opération Paris-Plage. Le mobilier est constitué de cinquante chaises en bois collectées dans les déchetteries parisiennes, les suspensions sont des luminaires urbains déclassés.Cette opération à visée pédagogique, réalisée par le Pavillon de l'Arsenal, s'inscrit dans le cadre de la COP 21. Du 15 septembre au 22 octobre, le chantier du Pavillon circulaire était ouvert à tous pour faire découvrir les étapes de ce chantier et « devenir un temps de partage, un lieu de pédagogie ». Dans le même esprit, des débats, ateliers pour enfants, rencontres, spectacles, ateliers cuisine "anti-gaspi" et un café solidaire sont proposés jusqu’à début 2016.Par la suite, le Pavillon circulaire sera démonté puis réinstallé de façon permanente dans le 15e arrondissement de Paris pour devenir le club house d'une association sportive.