Le média qui analyse et présages des mutations de la fabrique de la ville.
L’objectif principal de ce projet fondée par l’Agence de l'Énergie pour la compétitivité et l’innovation (EACI) de la Commission Européenne est de débloquer les barrières pédagogiques à l'intégration des principes du développement durable dans l'architecture. André de Herde du département Architecture et Climat de l'Université catholique de Louvain qui participe au programme répond à nos questions.
Ce projet est apparu à l'initiative de la faculté de Nottingham, de la Association Architectural School de Londres et de la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme de l'Université catholique de Louvain. D'autres ont ensuite rejoint le programme : Université de Munich, le département ITACA de l'Université de Rome La Sapienza, le Séminaire Architecture et Environnement de Séville et l'Université de Technologie et d'Économie de Budapest. Ce projet tente de répondre au constat posé : le manque flagrant de l'enseignement du développement durable dans les écoles d'architecture européennes. Après la phase d'analyse, des contenus ont été suggérés pour améliorer l'enseignement et sont actuellement testés dans les écoles citées précédemment. On a audité de nombreuses écoles dont près de 35 en France. Le programme s'échelonne jusqu'en 2012 où il devrait ensuite être généralisé.
Fournir de la matière pour développer le développement durable et proposer du contenu pour tout ce qui manque. Un exemple : la problématique de l'eau avec la question de la récupération de l'eau de pluie et l'infiltration de l'eau de pluie dans le terrain.
Le constat est globalement le même : le niveau est faible avec une sensibilisation plus grande de la part des pays scandinaves.
La première phase consiste à analyser le quartier et d'en comprendre les besoins. L'important quand on intervient sur un terrain, c'est d'apporter quelque chose en plus (crèche, bureau, école primaire). Ensuite, la localisation est importante, il faut se poser la question du lieu où l'on construit et de l'accessibilité aux transports en commun pour permettre un accès au centre ville, lieu de culture et de l'administration. Ces aspects doivent être préliminaires à la réflexion sur le bâtiment en soi.
Oui , le projet est meilleur quand autour de celui-ci existe un large consensus mais un problème réside dans le fait que certains acteurs n'aient pas de responsabilités contrairement aux collectivités locales par exemple. Il est important de bien identifier l'intérêt public et l'intérêt privé. C'est la difficulté de la démarche participative dans ce type de projets.
Logements collectifs labellisés H&E en Bretagne, aménagement de quartiers durables à Casablanca au Maroc, l'atelier philippemadec a réalisé de nombreux chantiers et reçu de nombreuses récompenses (dont la mention du Grand prix de l'Environnement pour le Centre de Loisirs Rouget-de-Lisle en 2000 et une nomination au Mies van der Rohe Award, pour la Maison de l'Environnement du Parc en 2009.) En mars dernier, Philippe Madec donnait une conférence sur la ville durable au Pavillon de l'Arsenal. À la suite de cette rencontre, midi:onze a voulu en savoir plus sur son approche de la ville de demain. Au programme : éco-région, agriculture urbaine, immobilité et culture.
L’éco-région est l’échelle pertinente pour aborder les enjeux de l’équité territoriale, c’est-à-dire pour commencer à se départir du territoire reçu en héritage, ce territoire des modernes qui est celui du zoning et de la séparation maximale, de la ségrégation. Il leur a suffi de moins d’un siècle pour distendre le territoire et tous les liens qu’il autorise. En accédant à l’éco-région, non pas selon une logique d’emboîtement des échelles (du bâtiment de qualité environnementale par l’éco-quartier, vers l’éco-cité puis l’éco-région) mais par la recherche des valeurs qui les traversent (écologie, déplacement, équité, bio-diversité, énergie, solidarité, etc.), on pense l’habitat non pas comme un objet en soi avec ses territoires propres, mais comme une partie d’un ensemble vivant, d’un métabolisme complexe qui prend en compte l’urbain, le rurbain et le rural.
La difficulté principale liée à cette échelle de projet tient à l’inadéquation de la gouvernance territoriale actuelle avec les logiques transcalaires induites par ces valeurs transversales. Les PLU (Plan Local d’Urbanisme) intercommunaux, les Inter-SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) sont des avancées, mais faut-il encore qu’ils soient relayés par des volontés locales sans lesquelles rien ne se réalise. En ce qui concerne le logement, les élus de communes décisives sur un territoire entendent mal ou sont souvent sourds à l’idée d’une politique de l’habitat élargie aux communes dans leurs aires d’influence. Il existe pourtant des PLH (Plan Local de l’Habitat) de grande qualité à l’échelle d’aire métropolitaine, comme à Rennes par exemple.
On assiste à un engouement au premier degré pour l’agriculture urbaine ou la nature en ville, parfois même confondues, ce qui est un comble. Je laisse le sujet de la nature en ville à une autre occasion. L’agriculture en ville ne dépend pas de la politique agricole commune, de la PAC, sauf parfois en lisière agro-urbaine quand un pâturage sert à l’entretien de terres inondables (ce que j’ai fait à Pacé [ndlr: un projet de logements collectifs]).
En ville, dans un circuit court, l’agriculture est une horticulture, de potager et de verger. Je ne parle pas de jardins familiaux, mais bien d’une production par une PME, coopérative, associative ou non, de fruits et de légumes nécessaires à l’alimentation et à la sécurité alimentaire de la ville alentour.Il ne s’agit pas d’un loisir privé, mais d’un travail pénible, pouvant servir à la réinsertion sociale, sur des terrains assez étendus, garantissant une production suffisante pour générer un revenu pertinent, dans une situation de sécurité de la production qui la met à l’abri du pillage banal (c’est ce que nous étudions pour les Mûrs à pêches à Montreuil, pour l’éco-village des Noés au Val-de-Reuil et bientôt pour l’éco-quartier de Montévrain à Marne-La-Vallée).
Il est indispensable de compléter l’actuelle doxa de la mobilité rayonnante par un propos sur l’immobilité, et d’associer la vitesse à la lenteur. Le territoire de la ségrégation dont nous avons hérité a été produit par un engouement sans doute légitime à l’époque pour la performance du déplacement et un désir d’équipement de la France. Il fallait qu’elle ait le même taux de motorisation des ménages qu’aux Etats-Unis.
Pour y parvenir dans un projet d’aménagement, il convient de concevoir à partir du logement et non pas des axes de circulation, de penser le projet d’aménagement en temps de parcours (distance-temps) et non pas seulement en longueur de parcours, de rechercher les dispositifs spatiaux qui installent de la proximité, de concevoir des aménagements ouverts à la porosité pour que le piéton et le cycliste n’aient pas à parcourir le même chemin que l’automobiliste, de ne pas occuper tous les espaces publics par les dispositifs techniques du déplacement, d’aimer les bancs, de regarder une personne âgée parcourir la ville, un enfant, etc.
Les réalisations qui illustrent cette manière d’aborder l’aménagement sont celles que j’ai pu achever ou largement engager, celles pour lesquelles j’ai eu le temps de la réalisation, c’est-à-dire le centre bourg de Plourin-Lès-Morlaix (29) de 1991 à 2004, et les quartiers Mondonin et Beausoleil à Pacé (35) en cours depuis 1998.
En tant que « figure historique cohérente»1, la culture permet, si elle est acceptée comme 4ème pilier du développement durable, de reconnaître la diversité et la spécificité de chaque situation, de faire le lien entre les trois autres piliers social, environnemental et économique, mais aussi de garantir la dimension sociale du développement durable et de permettre une bonne compréhension par tous des enjeux, des outils et des solutions du développement durable.
Les deux compères, tous les deux nés en 1977, se sont rencontrés sur les bancs de l'École d'architecture de Toulouse puis de nouveau à l'École de la Villette à Paris. Diplômés en 2002, ils ont ouvert leur agence à Paris, sans passer par la case salarié. « On s'est tout de suite constitués en collectif car on voulait faire des choses dans le réel. On a commencé par des installations artistiques éphémères car nous avions peu de moyens », raconte Julien Choppin. Deux projets fondateurs vont marquer leur identité : Herbes folles et Wagons-scènes. Le premier, une opération éphémère et sauvage réalisée en 2001 à Paris mettait en scène de fines bandes de tissu très léger accrochées aux grilles d'aération du métro, de manière à produire des « herbes urbaines ».
Le second est une étude (projet de fin de diplôme) qui ambitionne d'apporter une réponse à la pénurie d'équipements culturels à partir d'un train de cinq wagons qui métamorphose temporairement les espaces des gares de marchandises en lieux de spectacle (2005). Depuis, Encore Heureux s'est vu attribuer des récompenses, des prix, mais surtout des commandes : un musée à Suresnes, un cinéma à Auch ou encore le jardin de baignoires sur la terrasse de Petit-Bain qui a déjà été réalisé, en attendant l’arrivée prochaine du bâtiment flottant. Les 33 baignoires proviennent d’un immeuble voué à la destruction dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain et ont été gracieusement données par l’office public HLM de Romainville.
Une stratégie de réemploi qui séduit ces jeunes architectes. « Au-delà de l'idée de consommer moins de matière, la récupération et le détournement permettent une architecture narrative, plus inattendue et qu'on peut plus facilement s'approprier », estime Julien. Leur attirance pour ce type de réalisations avait amené Encore Heureux à plancher sur un projet de centre de ressources de récupération de matériaux issus des scénographies temporaires et à se rapprocher d'associations comme la Réserve des Arts. Un projet qui n'a pas vu le jour, les architectes avouant « ne pas pouvoir être opérateurs sur ce type de structures. C'est compliqué de généraliser l'incorporation de matériaux récupérés dans des projets d'architecture, notamment pour des bâtiments publics. La principale limite, c'est les contraintes normatives. »
Autre espace pour mettre en pratique leur vision de l'architecture : Ordos 100, un projet démesuré de 100 villas réalisées par 100 architectes différents dans le désert de Mongolie intérieure en Chine. « Les commissaires de ce programme, Herzog et De Meuron ont proposé notre nom et nous avons été retenus. C'est le type de projet que l'on ne peut pas refuser et en même temps cela nous pose un problème éthique. Il s'agit d'une collection de villas de luxe d'architectes réalisées à côté de la ville nouvelle d'Ordos, une sorte de représentation de la ville chinoise dans son expression la plus dure. » D'où la nécessité pour Encore Heureux de proposer (avec Studio G) une villa, le Gourbi Palace, dans une écologie low tech et artisanale, construite à partir d' « hyper murs» de forte épaisseur (1,50m) produisant une grande inertie thermique. « C'est une micro réponse, la bonne échelle devrait être au niveau de l'urbanisme et non au niveau de l'habitat ». Un projet dont la date de livraison est aujourd'hui inconnue alors même que les architectes n'ont aucune visibilité sur le chantier.
Au regard de l'hétérogénéité de leurs réalisations, le dénominateur commun d’Encore Heureux se veut « ni stylistique ni dans l'échelle des projets ou des budgets. Le liant, c'est souvent la question culturelle et le plaisir de travailler. C'est l'école de Patrick Bouchain. ». Une démarche qui les a amenés à construire pour cet été un « water kiosque » en Mongolie , un lieu financé par Action contre la faim qui combine notamment un distributeur d'eau et des douches publiques. « À part les déplacements, nous ne touchons pas d'honoraires sur ce projet car cela nous intéressait, on voulait le faire ». Pour ses 10 ans, Encore Heureux regarde en arrière et s'interroge sur le positif et le négatif et leurs « ambivalences ». Une chose est sûre, ils manifestent l'envie de conserver « cet échantillonnage de projets à plusieurs échelles, à plusieurs budgets car c'est ce qui [les] nourrit." Et Encore Heureux de conclure : « Ce qu'on ne retient pas pour les 10 ans à venir? C'est la grande question du moment ».
Ne dites pas à Patrick Nadeau qu'il est designer végétal. Pour lui, il est avant tout designer et architecte. C'est après une première association avec le designer Christian Ghion que l'homme souhaite voler de ses propres ailes et ouvrir son agence en solo. Très vite, il intègre le végétal qui l'attire avant tout pour ses propriétés plastiques. « Selon moi, le végétal répond à des problématiques architecturales, je regarde les plantes d'un point de vue formel et plastique. Ça m'agace un peu qu'on prenne les plantes pour des prestataires de services qui dépolluent, on les instrumentalise ».
Tout commence avec le projet réalisé en 1999 pour le Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire, avec le soutien de la Maison Hermès. Il y présente un meuble-jardin en teck et en inox, posé sur quatre pieds à 90 cm au-dessus du sol avec un système modulable.
Ouvertes et mises à l’horizontale, les quatre faces de la boîte se transforment en tables de culture où les plantes poussent dans l’épaisseur des plateaux, puisant le liquide nutritif dans des gouttières techniques remplies de fibres de coco. « C'est un projet fondateur, c'est une superposition car c'est à la fois un objet design, une micro architecture et un jardin ».
S'ensuivent de nombreuses et prestigieuses réalisations toujours dans la même veine : Maison Hermès, Kenzo Parfums, Louis Vuitton, La Ville de Rennes, Les Salines Royales d’Arc et bien d'autres. « Ce qu'il y a intéressant a croiser ses disciplines, c'est que cela ouvre de nouvelles inventions formelles, plastiques et sensibles, c'est difficile de créer de nouvelles formes », raconte Patrick Nadeau.
En parallèle à l'ouverture de son agence, il commence l'enseignement en mettant en place un atelier de design végétal à l'Esad (École Supérieure d'Art et de Design) de Reims. « Si tout va bien, en 2012, ce cours devrait se structurer en troisième cycle avec des collaborations entre architectes , scientifiques, sociologues ». Comme une reconnaissance pour cette discipline hybride. Designer avant tout, il intègre le végétal quand cela est légitime, quand cela a du sens. « Parfois, le végétal peut être encombrant du fait des contraintes techniques et d'entretien. »
Selon lui, le rôle du designer est bel et bien d'apporter des nouvelles possibilités d'imbrication entre le bâti et le végétal plus subtiles et ce, jusqu'à l'intérieur des maisons. « Il faut faire attention à ne pas vouloir tout verdir, on a passé 3000 ans à domestiquer la nature et maintenant on veut la faire renter partout », s'amuse le designer dont les travaux de sa « maison-vague » à Reims, entièrement végétalisés viennent de démarrer. Cette bâtisse éco-conçue de 130m2 se niche sous l’ondulation d’une coque en bois et en béton et emprunte aux constructions industrielles des serres en utilisant une double peau en polycarbonate sur une façade en verre.
Toutefois, même si l'éco conception l'intéresse, il estime qu'elle doit rester au service de la création, être un levier pour la créativité. « Toutes ces normes et ces labels, cela ne doit pas amener à des bâtiments tous semblables ». Un premier projet qui devrait être compléter par un projet d'écoquartier à l'horizon 2013. Son approche de la place du végétal dans la ville? « En dehors des centres historiques un peu intouchables, je pense que les lieux à investir sont les régions périphériques sous des formes hybrides « mi-urbain mi-jardin », des espaces un peu ambiguës ». Une information encore au conditionnel mais Patrick Nadeau espère réaliser une exposition sur son travail pour l'année prochaine, associée à la sortie d'un livre.
Longtemps structurée autour de l’opposition ville/campagne, la production agricole se conçoit désormais comme un fait urbain – témoin l’essor des jardins partagés, fermes verticales et mouvements locavores. En 2008, ce désir de concilier vie en ville et production alimentaire donnait naissance à Re :farm the city .
On doit la genèse de ce projet, qui mêle art, agriculture et open source, à un graphiste portugais : Hernani Dias. Venu s’installé à Barcelone, le jeune homme décide un jour de faire pousser des légumes dans son appartement. Mais il part en vacances, et à son retour, tous les végétaux ont péri faute de soins. Hernani Dias décide alors de créer un système d’arrosage qui ne se déclenche pas automatiquement, mais lorsqu’il détecte, via un ensemble de capteurs, que la plante a besoin d’eau. Connecté à Internet, le système peut être contrôlé à distance.
Face au succès de son dispositif, Hernani Dias décide de créer un collectif informel au sein duquel se partageraient technologies et savoir-faire. Depuis, Re :farm the city a essaimé dans une petite dizaine de villes à travers le monde, dont Paris. Son ambition : proposer des outils software et hardware en open source à tous ceux qui souhaiteraient créer et gérer à distance de mini-fermes urbaines : systèmes d’arrosages, épouvantails, composts...
Bien sûr, la protection de l’environnement est l’un des piliers du projet, qui privilégie matériaux trouvés et recyclés, encourage à la production locale et à l’ensemencement de végétaux vernaculaires. Les fermiers de Re :Farm n’en investissent pas moins des modes de production résolument contemporains, tels que l’hydroponie. Surtout, ils sont friands de technologies récentes, et ont d’emblée ajouté aux outils traditionnels du jardinier l’Arduino, ce circuit imprimé distribué sous licence Creative Commons, dont raffole tout hacklab.
De fait, l’enjeu de Re :farm the city n’est pas tant de reverdir la ville que de bâtir de nouvelles communautés dont les valeurs et l’organisation doivent beaucoup à l’éthique « hacker » : collaboration et coopération, mise en commun des données, circulation libre des savoirs… C’est d’ailleurs pourquoi les fermiers qui nourrissent le projet se réclament du DIT (do-it-together) plutôt que du DIY (Do-it-yourself). A rebours de l’approche environnementaliste à quoi se résume souvent l’écologie, Re :farm the City conçoit d’abord celle-ci comme une autre façon de vivre ensemble et de partager les ressources. Bref, pour ces fermiers bidouilleurs, une ferme urbaine, c’est avant tout une expérience du partage et de l’en commun…
Depuis les années 1990, les villes françaises, Paris et les grandes agglomérations en tête ont accueilli un nombre toujours plus important de résidences sécurisées, à l'image du modèle américain des gated communities, bien connu. Les premiers exemples sont apparus sous la forme de domaines d'exception de luxe pour personnes aisées, sorte de « ghetto doré » qui souhaitait réserver un certain nombre de services (cours de tennis, piscine, ect.) aux seuls habitants. Progressivement, les services de sécurité comme les digicodes et grillages se sont ouverts aux classes moyennes jusqu'à concernés aussi des logements sociaux.
Un état des lieux qui illustre le caractère polymorphe de ces résidences à la française, bien que s'articulant autour du même concept : démarquer la propriété privée de l'espace public. En parallèle, cette problématique s'est progressivement affichée comme un domaine d'intervention de plus en plus sensible pour les pouvoirs publics, notamment pour des aspects sécuritaires.
Doit-on y voir une relation de causes à effets? Peut-on mettre en lien la croissance de cette nouvelle forme d'habitat avec la montée du sentiment d'insécurité qu'il soit réel ou fantasmé ? Selon les auteurs de « Quartiers sécurisés , un nouveau défi pour la ville » (Les Carnets de l'info, 2010) : « Si les ensembles résidentiels fermés en France prolifèrent sur fond de montée en puissance d'un ordre sécuritaire, une nette discordance peut être notée toutefois entre les promoteurs et les résidents quand à la place réservée précisément à l'objectif sécuritaire dans l'argumentaire justifiant le développement de la fermeture ». Ainsi, il semble que les habitants ne semblent pas revendiquer le critère de sécurité dans le choix de ce type d'habitation. Un aspect à relativiser car il s'agit de déclarations qui peuvent être difficile à assumer et donc non énoncées. Pour les auteurs, ces questions représentent davantage un argument commercial pour les promoteurs, les habitants recherchant un certain confort et l'impression de disposer d'une qualité de vie plutôt privilégiée .
De plus, les auteurs de l'ouvrage estiment également que ces formes d'habitat « participent d'une mise en surveillance de pans croissants de l'espace ». En effet, une des questions fondamentales qui sous-tend ce débat est l'importance des dangers que représente la multiplication des résidences sécurisées et leur influence sur la morcellisation de l'espace urbain. Pour la sociologie et urbaniste Amélie Flamand qui a réalisé une thèse sur la séparation des espaces publics et privés : « Les enjeux qui déterminent les espaces intermédiaires (escaliers, coursives, jardin, ect) restent les mêmes dans le cas de résidences sécurisées. On retrouve notamment l'importance de ces lieux comme zone de transition entre le public et le privé et le besoin d'appropriation d'un territoire. Cependant, elles représentent un danger de repli sur soi voire d'une sécession urbaine, sociale et politique à l'image de certaines résidences aux États-Unis qui ont demandé de disposer de leur propre fiscalité, cela suppose la création d'un État dans un État ».
Aussi, la multiplication de ce type de résidences est concomitante avec la multiplication du nombre de vidéos surveillance sur le territoire urbain. L'ouvrage cité précédemment met en avant la tendance qui vise à « la montée en puissance d'un territoire sous surveillance et le recours de plus en plus massif à la technologie, en particulier la vidéo surveillance. Le gouvernement française mise ainsi massivement sur cette technique, au nom de la lutte contre la délinquance, l'objectif étant de passer de 2000 caméras aujourd'hui (ndlr : début 2010) à 60.000 d'ici fin 2011 ».
Une situation qui soulève aussi la question de l'appropriation de l'espace urbain, de la place de l'individu dans cet espace et de son intimité. Le travail du photographe Micheal Wolff présenté actuellement dans l'exposition « Peurs sur la ville » à la Monnaie de Paris* offre une approche photographique des inquiétudes face à la prolifération d'images prises par ces vidéos surveillance et d'autres logiciels. Avec « I see you », c'est Google street view qui est pointé du doigt. Les visuels mettent en scène des passants anonymes, des couples qui s'embrassent, mettent ainsi en évidence le « viol » de l'intime par ces yeux cachés.
Comme le souligne Guillaume Foucher, directeur de la Galerie Particulière : « Google Street View est supposé flouter et protéger les renseignements de type privé, la réalité est toute autre et montre une claire intrusion dans nos vies et une violation de notre droit à l'image, pouvant même porter atteinte à la sécurité nationale (reconnaissance des personnes, lisibilité des plaques d'immatriculation, visibilité des accès secondaires des banques et des ministères, photographies des rondes de nuit devant les prisons, etc.) »
Si l'on en croit les caractéristiques du projet pharaonique chinois « Songdo New City » prévu à l'horizon 2014 et présenté comme « la » ville du futur, l'argument sécuritaire s'impose comme un incontournable paradigme à prendre en considération à côté des aspects high tech et écolo. Les trois piliers de la ville de demain?
*« Quartiers sécurisés , un nouveau défi pour la ville » (Les Carnets de l'info, 2010) de G. Billard, J. Chevalier, F. Madoré et F. Vuaillat
* "Peurs sur la ville". Jusqu'au 17 avril 2011
MONNAIE DE PARIS, 11, quai de Conti 75006 PARIS www.monnaiedeparis.fr