Située à la pointe de la presqu’île de Rhuys, entre la baie de Quiberon et le Golfe du Morbihan, Arzon est une des stations balnéaires prisées des amateurs de nautisme et des retraités. Elle compte près de 4 500 résidences secondaires contre 560 résidences principales. En 2019, plusieurs façades ont été tagguées du nombre « 80% ». C’est le pourcentage de résidences secondaires dénoncé par un collectif anonyme.
Fantomatique l’hiver, avec quatre logements sur cinq aux volets fermés, la commune compte plus de 45 000 résidents l’été pour 2000 habitants entre octobre et avril. Les Arzonnais redoutent la perte de l’identité de leur ville et la spéculation immobilière : les prix des logements ont augmenté de 40% en 2019. Parmi les conséquences de ce déséquilibre : les actifs, en particulier les jeunes, et les familles sont contraints de se loger loin du littoral et, hors saison, beaucoup des commerces et des services sont fermés.
D’âpres discussions divisent une commune qui fait les frais de la faiblesse de l’économie résidentielle : faut-il se satisfaire des 1.5 millions de taxe d’habitation annuelle et accepter la disparition des écoles ? Et l’aménagement local ? Comment calibrer les équipements et les services publics ? C’est un fait : le village est éteint neuf mois sur douze, sans échanges économiques, sans lien social.
Le phénomène de multirésidentialité, aujourd’hui désigné par le terme générique de « résidence secondaire », recouvre de multiples situations : petit studio en station de ski, maison de famille, meublé touristique loué sur Airbnb… La France comptait 3.7 millions de résidences secondaires en 2021. C’est 10% du parc immobilier dont le taux annuel d’occupation est de 42 nuits.
La multirésidentialité a pris de l’ampleur après la dernière guerre, en raison de l’exode rural, puis de l’amélioration du niveau de vie. A partir de 1990, la concentration géographique des résidences secondaires s’est amplifiée. Elle est l’indice d'une « lutte des places » décrite par Jérôme Fourquet et Jean Laurent Cassely dans La France sous nos yeux.
Pendant l’exode rural, des villages entiers ont été laissés quasiment à l’abandon tandis qu’est apparu un parc de maisons secondaires fréquentées par la parentèle. On en comptait plus d’1 million dans les campagnes en 1970. Cette migration a créé dans l’imaginaire de familles issues de la ruralité un sentiment d’appartenance à un double lieu, celle du travail à la ville et celle des origines, auxquelles on revient sans cesse.
Dans l’après-guerre, l’aliénation du sol agricole s’est largement faite au sein de la famille, qui occupait les lieux pendant le week-end et les vacances. C’est donc l’héritage qui a transformé une partie du bâti rural en résidences secondaires. A la fin des années 1970, elles correspondent à une stratégie patrimoniale et familiale : orientées vers le bien être des enfants puis dans la perspective de la retraite, elles étaient prêtées à la famille voire à des proches. Contrairement à une idée reçue, ces maisons secondaires n’étaient pas l’apanage des catégories sociales les plus favorisées : la moitié de leurs propriétaires étaient des employés, des ouvriers et des retraités modestes. Ils n’ont pas toujours pu les entretenir ou les rénover.
Ce modèle de résidence nourrissait des représentations conservatrices : retour à la terre, aux « sources », aux « racines », protection de la cellule familiale, perpétuation de la tradition, conservation des rôles traditionnels, recherche d’une authenticité garantie par le rôle de la mémoire et par les rythmes de la nature. La mythologie du terroir comme lieu de ressource offrait une alternative au mode de vie urbain devenu dominant.
Alors, les gens des villes sont arrivés, qui ont acheté et restauré des maisons délaissées par l’exode. Ces néo-ruraux ont d'abord suscité la méfiance des gens du coin mais ils ont finalement été intégrés par les locaux : remèdes contre la désertification des campagnes, ils participaient à l’économie résidentielle. Ainsi des Anglais, très présents dans une zone qui s’étend de la haute Vienne au Gers, et qui ont contribué à la restauration du bâti rural ancien et à l’économie locale.
Mais l’exode rural n’est qu’un élément de la chaîne des mutations de l’après-guerre. La construction neuve et l’immobilier de loisir ont également produit une grande quantité de résidences secondaires entre 1968 et 1990. A cette période, on les trouve quasiment partout en France, avec un doublement de leur effectif dans la moitié des régions françaises où leur croissance a été supérieure à celle des résidences principales. En Corse, leur nombre a ainsi été multiplié par treize en une vingtaine d’années.
Cette envolée résulte d’abord d’une meilleure redistribution des richesses pendant les Trente Glorieuses. De même, le développement de la fonction publique a rendu abordable l’achat d’habitations secondaires par les classes moyenne et supérieure.
Mais la société de l’abondance s’est développée en articulant cet aspect économique à des valeurs culturelles. Elle a propagé une culture de la consommation et des loisirs : la profusion contre la rareté, la mobilité contre le conformisme, la variété contre la banalité quotidienne. On accédait à la propriété de vacances avec l’illusion de cocher les cases de la distinction sociale. A bas bruit, la critique du gaspillage est encore réservée aux rabat-joie.
Le progrès social distribue une quatrième puis une cinquième semaine de congés payés (1969, 1981), porte la retraite à 60 ans (1982), et réduit la durée hebdomadaire du travail à 39 heures (1982). La société de consommation convertit ce temps retrouvé en tourisme et en loisirs. C’est l’époque de la massification de l’usage de la voiture : départs en week-end impromptus après un passage à la pompe.
Mais les premières tensions apparaissent rapidement. La Corse initie le débat public sur les effets délétères du tourisme de masse : bétonnage massif du littoral et piètre qualité architecturale des constructions. Les nationalistes commettent les premiers attentats contre les résidences secondaires lors de la « nuit bleue » le 4-5 mai 1976. Ils comprennent avant l’heure la nature de la « lutte des places » et ses effets sur la mixité sociale. Leurs dénonciations portent sur la spéculation immobilière sur l’Ile de beauté, vendue aux plus offrants : les Italiens fortunés font monter les prix du foncier et les continentaux aisés occupent les meilleures places quelques semaines par an.
C’est à partir des années 1990 que les données se modifient : si l’augmentation des résidences secondaires persiste, elle ne touche plus que la moitié des départements français. Ailleurs, la tendance est à la baisse.
En 2010, les recensements indiquent même une accélération de cette hausse : +16,5 % de résidences secondaires, contre -10 % de résidences principales dans les territoires jugés attractifs.
Le mouvement territorialisé de baisse s’explique par le fait que les actifs devenus retraités se sont installés dans leur résidence secondaire. Egalement, par le développement du tourisme à l’étranger qui a détourné les voyageurs vers le lointain. Mais la décrue n’est pas homogène : les zones de résidences secondaires se concentrent « le long des côtes françaises, de la Côte d’Opale à la Côte d’Azur, dans le massif pyrénéen et les Alpes, et en Corse. »
L’inscription d’une France déclassée se déduit de la géographie des résidences secondaires. Le contexte de chômage et de précarité a produit des disparités socio-économiques et celles-ci se sont traduites par de nouvelles fractures territoriales : une France de l’économie productive, une seconde qui s’en sort grâce au tourisme et à l’économie résidentielle et la troisième, une France de l’ombre, sinistrée, où la part des résidences secondaires a diminué. La mobilité est redevenue un marqueur social fort, l’achat d’une résidence secondaire encore davantage.
Cette montée en gamme des sites touristiques renvoie à la logique de la « lutte des places » sur le territoire national : les plus aisés achètent dans les endroits les plus désirables. L’inégalité est devenue spatiale.
L’hypothèse de Jérôme Fourquet repose sur un «indice de désirabilité » mis en place par statistique sur la base de la consultation des pages wikipedia des communes. Ce sont de véritables vitrines digitales dont la mesure de fréquentation détermine le succès et l’appartenance à « la France instagrammable », par opposition à la sous-France des loosers. Par conséquent, les autochtones sont repoussés dans l’arrière-pays et la zone périurbaine à cause de la flambée des prix de l’immobilier. On ne trouve plus à se loger à cause de la rareté des locations à l’année. Ces difficultés affectent également le recrutement des travailleurs saisonniers, par un secteur du tourisme qui pâtit ici de ses contradictions.
Un dernier élément-clef de l’évolution du parc des résidences secondaires concerne, depuis les années 2010, l’engouement pour les plateformes qui servent d’intermédiaires pour les locations de tourisme. Une part des résidences secondaires sont ainsi achetées en vue de les mettre en location sur HomeAway-Abritel ou Airbnb. La faiblesse des taux d’intérêt et les bonnes conditions de crédit ont favorisé ce phénomène de rentabilisation des achats immobiliers. Ces investissements ont eu un impact sur l’attractivité de placements pratiqués à grande échelle.
Quelles seraient aujourd’hui les mesures envisageables pour limiter la concentration de ces résidences secondaires et l’aberration des logements vides ?
L’existence de ces zones tendues où le prix du foncier exclut les populations de l’accès au logement appelle à une régulation par des quotas. Ainsi, en Suisse, la Lex Weber a imposé une limite de 20% de résidences secondaires dans tous les cantons pour enrayer le phénomène de « lits froids » (voir la tribune de Vidal Benchimol sur le sujet). Ces quotas peuvent être considérés comme des atteintes au droit de propriété mais le droit au logement est un argument de poids pour défendre les locaux qui peinent à se loger.
Le meublé touristique, comme investissement locatif au régime fiscal avantageux, a permis à des propriétaires de se constituer un patrimoine à coût faible, voire nul.
Ainsi, dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence, on comptait en 2012 une hausse de 4.7% des résidences secondaires, contre +0.9 pour les résidences principales. Ces chiffres corroborent l’hypothèse d’un usage massif des plates-formes de location : 18% des propriétaires de ces résidences secondaires habitent la même ville.
Compte tenu des conséquences de cette situation sur l’accès au logement, on pourrait envisager une suppression de l’abattement fiscal (50%) qui favorise la location touristique par rapport à la location nue (30%).
Sur cette controverse, l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable vient de publier un rapport en mars 2023.
Ce concept, inventé par les Corses, constitue une réponse pour limiter l’afflux d’acheteurs de terres et de maisons et permettre aux natifs de se loger. Les Bretons ont tenté d’imposer ce statut, attribuable au bout de cinq ans de résidence. Mais le dispositif a été retoqué par le Conseil constitutionnel pour « inégalité devant la loi » en 2014. Les Basques tentent également de le mettre en place.
Ces pistes soulignent la nécessité d’agir pour limiter le parc de l’immobilier secondaire, lutter contre le mouvement de gentrification et de logements vides et de résoudre les déséquilibres de l’économie résidentielle. C’est une question d’équité territoriale et de droit au logement qui nous contraint plus globalement à repenser la délivrance des permis de construire en fonction des usages.
A Sète, la Palanquée accueille dans une ancienne école un espace de coworking, un fablab et un incubateur de projets écologiques et sociaux. A Montpellier, la Halle Tropisme agrège dans une caserne désaffectée vouée à devenir un écoquartier des entreprises culturelles, des résidences d’artistes, des salles de répétition, mais aussi un café restaurant où sont organisés concerts et festivals. Aux Usines à Liguré, une ancienne friche industrielle de 2 hectares s’est recyclée en laboratoire de l’économie sociale et solidaire et en lieu de production artistique. A Pantin, la Cité fertile a transformé un bâtiment de la SNCF en campus des tiers-lieux, mais aussi en friche culturelle… Le point commun à ces espaces ? Tous se décrivent comme des tiers-lieux. Depuis quelques années, l’expression fait florès en France. Elle désigne une très vaste typologie de lieux et d’activités, qui ont en commun d’être tendus vers le collectif et le « faire ensemble ». Partout où elle surgit, la notion signale ainsi l’innovation sociale et la coopération. Elle s’offre comme une réponse aux mutations du travail et au recul des services publics. Aussi les tiers-lieux sont-ils en plein expansion : la France en comptait 2500 environ en 2021 et selon certaines estimations, ce nombre devrait croître de façon significative dans les mois qui viennent, pour atteindre 3000 à 3500 fin 2022. Leur essor n’épargne aucun territoire. S’ils se sont d’abord développés en milieu urbain, 52% d’entre eux sont désormais situés hors des 22 métropoles, dans les quartiers populaires, les villes moyennes, mais aussi les zones périphériques et rurales.
Bien qu’il prenne des formes diverses, souvent hybrides, le tiers-lieu se caractérise par sa capacité à répondre à divers besoins locaux, en matière de sociabilité tout particulièrement. L’expression, de l’anglais third place, a déjà ce sens quand elle apparaît sous la plume de Ray Oldenburg en 1989. Dans The Great, Good place, le sociologue américain désigne ainsi les lieux de rencontres ne relevant ni de l’espace domestique, ni de l’espace de travail, et qui ne sont ni tout à fait publics, ni entièrement privés. Ce sont les cafés et les coffee shops, les salons de coiffure, les librairies…, bref tous les endroits où l’on se retrouve pour bavarder et être ensemble. Selon l’auteur, les tiers-lieux répondent à un besoin d’appartenance et de liens sociaux que l’étalement urbain peine à satisfaire : outre-Atlantique, la dilution de l’espace dans des nappes pavillonnaires où l’on circule en voiture laisse peu de place, sinon aucune, à la vie collective. En cela, les tiers-lieux viennent pointer en creux un « problème d’espace » d’abord typiquement américain. En l’occurrence, une carence de lieux dédiés à la vie communautaire, au vivre et au faire ensemble.Bien qu’elle ait considérablement évolué, l’expression s’est diffusée avec cette coloration particulière. Si les tiers-lieux contemporains n’ont pas grand chose à voir avec les coffee shops et les salons de coiffure, ils partagent leur caractère socialisant. Tous ont en effet en commun leur ambition de « faire ensemble », en mutualisant les espaces, les savoirs et les ressources.
En 2021, un rapport de France Tiers-lieux intitulé Nos territoires en action en dégage ainsi 5 caractéristiques :
Ces divers traits font des tiers-lieux les rejetons de la crise environnementale et de la révolution numérique. De la première, ils héritent l’élan vers une société plus frugale, soucieuse de mieux articuler économie, social, culture et environnement. A la seconde, ils empruntent un modèle réticulaire, pétri d’agilité, d’horizontalité et de coopération. Héritiers des makers et de l’éthique hacker, ils accompagnent les mutations - subies et choisies - du travail : hausse du nombre de travailleurs indépendants, revalorisation de l’artisanat et du travail manuel en réaction à la production industrielle et l’obsolescence programmée, mais aussi baisse du nombre de fonctionnaires. En France, ils formulent aussi une réponse en forme de palliatif à la désindustrialisation et au recul des services publics dans les quartiers populaires et les zones rurales. L’engouement récent pour les tiers-lieux résulte ainsi d’une série de phénomènes, qui vont de l’essor du télétravail à celui de l’économie dite « collaborative ».
Cette double filiation explique en partie la typologie actuelle des tiers-lieux : ils ont d’abord été popularisés sous la forme des espaces de coworking où les travailleurs indépendants vont chercher des contacts humains et un réseau professionnel, et agrègent souvent un fablab, où se met en oeuvre le “do-it-with-others” cher aux makers. Elle éclaire aussi leur géographie et leurs espaces de prédilection : les tiers-lieux trouvent place dans les interstices de la fabrique urbaine, dans les friches industrielles et les bâtiments publics désaffectés. En cela, ils offrent des réponses innovantes aux mutations à l'œuvre dans l’économie et la ville. Aussi la puissance publique a-t-elle largement encouragé leur développement au cours du dernier quinquennat. Via toutes sortes de programmes, de labels et de dispositifs interministériels, l’Etat a porté ces structures hybrides, tendues entre modèle économique privé et missions de service public. Tout commence en 2018 avec la publication du rapport Faire ensemble pour mieux vivre ensemble de la Fondation Travailler autrement. Partant d’un état des lieux du coworking en France, ce document signé par Patrick Levy-Waitz pointe les vertus d’un modèle de développement en pleine émergence, et qui fait la part belle à l’entreprenariat local, le plus souvent teinté d’écologie et d’économie sociale. Suivant les préconisations du rapport, le Ministère de la cohésion des territoires lance le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens ». Dans le même temps, le gouvernement crée le Conseil national des tiers-lieux. L’association France Tiers-lieux en sera le volet opérationnel.
Pour soutenir le développement des tiers-lieux partout en France, le gouvernement investit 175 millions d’euros et s’engage dans une démarche de labellisation via les fabriques de territoires et les manufactures de proximité. Il s’agit aussi de « muscler » les compétences des acteurs pour pérenniser la dynamique engagée. Fondée en Nouvelle Aquitaine, la coopérative des Tiers-lieux propose ainsi d’apprendre à « piloter un tiers-lieu », tandis qu’à Pantin, Sinny&Ooko dispense diverses sessions de formation continue. Elle a aussi créé un incubateur pour conseiller et accompagner les porteurs de projets. Il s’agit d’abord de faire monter en compétence les animateurs et de « facilitateurs » des tiers-lieux, piliers incontournables de leur bon fonctionnement. « Une palette de nouveaux métiers est en train de voir le jour grâce à ces entrepreneurs-animateurs dont les compétences et les profils se construisent au fil de l’eau, s’apprennent en marchant, « learning by doing », pointait le rapport Faire ensemble pour mieux vivre ensemble. Les tiers-lieux ont besoin d’un portage actif. Outre le fait qu’ils sont indispensables à tout tiers lieu, l’enjeu est ici de reconnaître ces nouveaux métiers, d’organiser un cadre national de formation et de valorisation des acquis de l’expérience. »Autre enjeu : asseoir un modèle économique souple, qui repose à la fois sur des fonds propres et sur l’appui de l’Etat et des collectivités (mise à disposition de locaux à des prix inférieurs à ceux du marché, subventions, etc.). Modèles d’une nouvelle forme d’entreprenariat social et écologique, les tiers-lieux aspirent en effet à s’autonomiser. L’adoption de modèles économiques robustes et la capacité à se passer de subventions pour dynamiser l’économie locale est sans doute le plus grand défi qu’ils devront relever au cours des prochaines années…
Un logement se caractérise-t-il nécessairement par des fondations et d’épais murs en parpaings ou béton ? Pas selon l’association Hameaux Légers : créée en 2017 à Rocles, dans l'Ardèche, et pilotée depuis 2019 par un groupe de 50 bénévoles, celle-ci promeut le développement de l’habitat réversible. Les « hameaux légers », ce sont des écoquartiers d’habitat participatif construits avec des maisons aux fondations réversibles, accessibles financièrement et réalisés en partenariat avec les communes. De la yourte entièrement démontable à la tiny house, en passant par la construction « compostable » parce que constituée de chanvre, de paille et autres matériaux biodégradables, ils dessinent un continent encore mal connu. L’habitat réversible est pourtant en plein essor. Il faut dire que les alternatives à la construction pérenne, au « dur » qui dure, charrient nombre d’enjeux contemporains : crise du logement, changement climatique, dynamisation des zones rurales et lutte contre la déprise agricole et la spéculation immobilière, désir d’habiter autrement… « On part d’une situation d’urgence, qui est celle de l’accès au logement, explique Michael Ricchetti, membre de l’association Hameaux Légers. On se rend compte que des gens pourraient vivre en milieu rural, mais que les formes d’habitat n’y sont pas forcément adaptées à leurs attentes. Nous concilions ainsi deux problématiques clés : le mal logement et un élan croissant vers d’autres envies et modes d’habiter, qui ne se trouvent pas forcément dans les grandes villes. »
Surtout, l’habitat réversible jouit désormais d’un cadre juridique clair propice à son développement. « En 2014, la loi Alur reconnaît l’ensemble des modes d’habitat installés de façon permanente dans les documents d’urbanisme, explique Michael Ricchetti. Elle autorise à titre exceptionnel l’aménagement de terrains pour implanter de l’habitat démontable dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées (STECAL) délimitées par le règlement du PLU. Ce concept existait déjà depuis un certain temps. Il était historiquement mis en oeuvre pour l’habitat de loisir ou les bâtiments agricoles. Ce qui est nouveau, c’est que la loi reconnaît à présent la légalité de cet habitat sur des zones non constructibles. » A ce titre, la loi Alur précise que « l’inconstructibilité des terrains situés hors des parties urbanisées de la commune comporte des exceptions et notamment la possibilité pour la commune d’autoriser, sur délibération motivée du conseil municipal, les constructions et installations hors parties urbanisées. Cette exception est possible lorsque le conseil municipal considère que l’intérêt de la commune le justifie, en particulier pour éviter une diminution de la population communale. » La loi fixe certaines conditions : l’aménagement (construction, aire d’accueil destinée à l’habitat des gens du voyage ou résidence démontable occupée à titre permanent) doit être dépourvu de fondations. Il doit être facilement démontable et doté d’équipements (intérieurs ou extérieurs) pouvant être autonomes. Son maître d’ouvrage doit aussi fournir une attestation d’hygiène en cas d’autonomie des réseaux.
« On part d’une situation d’urgence, qui est celle de l’accès au logement. On se rend compte que des gens pourraient vivre en milieu rural, mais que les formes d’habitat n’y sont pas forcément adaptées à leurs attentes. Nous concilions ainsi deux problématiques clés : le mal logement et un élan croissant vers d’autres envies et modes d’habiter, qui ne se trouvent pas forcément dans les grandes villes. » Michael Ricchetti, membre de l’association Hameaux Légers
C’est pour offrir une issue au déclin démographique des zones rurales qu’est née l’association Hameaux Légers. Son histoire commence en 2017 à Rocles, petit village ardéchois d’environ 250 habitants, situé dans le Parc naturel des monts d’Ardèche. Alain Gibert, maire EELV de la commune, et un collectif d’habitants cherchent alors à dynamiser les lieux en y développant une offre de logements abordables. L’enjeu est de taille dans ce village touristique : le nombre élevé de résidences secondaires y rend le foncier inaccessible aux candidats à l’accession d’une résidence principale - jeunes familles et agriculteurs locaux. Hameaux Légers dessine alors les contours d’un projet de lieu de vie collectif, constitué de 5 ou 6 maisons réversibles. Dénuées de fondations, celles-ci sont conçues sur pilotis, avec des matériaux écologiques, à faible impact carbone. Leur emprise au sol limitée et leurs caractéristiques permettent d’en abaisser considérablement le coût final. En effet, l’objectif de la municipalité est de louer le terrain à faible coût (25 à 50 euros par mois et par foyer) et de dissocier propriété du sol et du bâti tout en sécurisant à long terme les habitants grâce à un bail emphytéotique. Cette dissociation entre propriété du terrain et du bâti est d’une manière générale au coeur des Hameaux Légers. Faute d’un consensus au sein de l’équipe municipale, le projet ne verra pourtant jamais le jour. « Les divisions étaient d’ordre humain, explique Michael Ricchetti. La démarche n’avait pas suffisamment intégré les habitants et le voisinage. Nous en tirons d’ailleurs les leçons aujourd’hui, et pensons qu’il est primordial d’associer toutes les parties prenantes à ce type de projet. L’habitat réversible peut faire peur du fait de sa nouveauté. C’est clairement un sujet qui peut diviser, faute d’une sensibilisation suffisante. »
"L’habitat réversible peut faire peur du fait de sa nouveauté. C’est clairement un sujet qui peut diviser, faute d’une sensibilisation suffisante. » Michael Ricchetti
Depuis, c’est dans ce sens qu’œuvre l’association, avec une équipe entièrement renouvelée et l’appui financier de la Fondation de France et de Familles rurales. « Notre action se développe autour de trois axes, explique Michael Ricchetti. Le premier tient à l’accompagnement des collectifs et collectivités souhaitant créer un hameau léger. Nous intervenons alors sur les aspects essentiels de la gestion d’un lieu de vie collectif, qu’ils soient humains, techniques et financiers (cadrage, faisabilité, appel à projet, installation du collectif sélectionné…). Le deuxième axe est la transmission : l’association souhaite partager au plus grand nombre ses travaux et contenus concernant la vie en habitat réversible. Cette mission se matérialise par la mise à disposition d’une plateforme dédiée à l’habitat réversible, par le développement d’un MOOC, par des chantiers participatifs, des ateliers et formations auprès d’élus, sous forme de participation libre et consciente. Enfin, nous travaillons à la sensibilisation et la mise en réseau. On intègre ici la partie événementielle et plaidoyer. » Fort de ces trois axes de développement, Hameaux Légers est aujourd’hui en discussion avec une vingtaine de collectivités. Celles-ci sont intéressées pour plusieurs raisons : accueil de population, installation agricole, préservation du patrimoine local, dynamisation, etc. L’association est aussi co-fondatrice et administratrice du Fonds de Dotation Patrimoine d’Autonomie, dont l’objectif principal est de financer l’accession des foyers les moins favorisés à un « patrimoine d’autonomie». « Nous définissons le patrimoine d’autonomie comme l’ensemble des biens matériels, liens sociaux et savoirs qui permettent à une personne de répondre à ses besoins de base : avoir un toit, se chauffer, être entouré, se nourrir sainement, etc., explique Michael Ricchetti. Nous avons déjà récolté plus de 400 000 € de promesses de prêts longue durée (20 ans). » Enfin, les membres de Hameaux Légers multiplient les événements. En 2019, ils ont ainsi organisé une dizaine de « Week-ends des Possibles ». Les porteurs de projets y sont conviés à divers ateliers et groupes de parole. Certains événements sont conçus à destination des professionnels : « il s’agit de co-construire des savoirs et usages par le biais d’événements qui mobilisent des publics experts sur des thématiques essentielles de l’action de Hameaux Légers (Architecture, Urbanisme, etc.) », précise Michael Ricchetti. Cet été, l’association propose également « le Chemin des Possibles ». Cette randonnée de trois semaines à travers la Bretagne permettra de rencontrer élus, porteurs de projets ou associations. Le tout afin qu’un projet concret de hameau léger, réversible et écologique, puisse voir bientôt le jour.
On a lancé cette démarche en janvier 2018, dans le sillage des Assises nationales de la mobilité. Ces assises ont été un grand moment de concertation citoyenne dans les territoires et ont rassemblé tous les acteurs de la mobilité, qui ne se parlaient pas forcément jusqu’alors : collectivités territoriales, administrations de l’Etat, grands opérateurs de mobilité, start-ups, fédérations professionnelles, associations, etc. De nombreuses solutions ont alors émergé, qui ont en partie nourri le projet de loi d’orientation des mobilités. Mais nous avons aussi constaté que certaines des propositions énoncées ne relevaient pas de la loi, et que si celle-ci était nécessaire sur de nombreux points, elle ne ferait pas émerger à elle seule des solutions pour répondre à tous les problèmes concrets. Nous avons eu besoin de mettre en connexion les gens, de fédérer l’ensemble des acteurs qui œuvrent pour la mobilité dans les territoires, et notamment les territoires peu denses. Des solutions peuvent y émerger, comme l’autopartage ou le co-voiturage, mais les freins à leur développement ne sont pas règlementaires et tiennent à l’absence de dialogue et de compréhension entre les différents acteurs.
France Mobilité met en œuvre différentes actions organisées selon six grandes thématiques. La première action, très concrète, a consisté à mettre en place un poste de facilitateur. Soit une personne identifiée comme ressource au sein du ministère, et que les porteurs de projets peuvent solliciter quand ils rencontrent une difficulté, notamment réglementaire. C’est ce facilitateur qui a lancé l’appel à projet dérogations, clôturé en décembre 2018, et dont l’idée était de faire remonter des projets pour lesquels il y avait des freins réglementaires à l’expérimentation, et de leur accorder des dérogations.Deuxième action : mettre en place une plateforme de mise en relation entre les personnes qui ont des besoins et celles qui ont des solutions. Cette plateforme, qui sera mise en ligne le 12 mars, va recenser sur une carte l’ensemble des projets, des solutions et des expérimentations sur les territoires, pour qu’ils puissent être répliqués ailleurs. On a déjà recueilli plus d’une centaine de projets.La troisième action porte sur la commande publique. L’idée est d’accompagner les collectivités dans le financement et l’organisation de services de mobilité sur leur territoire, et notamment auprès de start-up qui ont du mal à s’adapter aux contraintes des règles de la commande publique. Sur notre impulsion, il a été créé une dérogation pour les appels d’offre publics de moins de 100 000 euros dans les cas précis d’expérimentations et de services innovants. Sont particulièrement visées les communautés de communes en zone rurale qui veulent mettre en place un service de co-voiturage et le contractualisent avec une start-up. On est convaincus que ces nouveaux services portés par les start-up ne seront pas autonomes économiques sans financements publics.La quatrième action vise à créer une culture de l’innovation et des mobilités. On va lancer dans ce cadre un « tour France mobilité » à partir d’avril pour que les acteurs du secteur puissent se rencontrer.L’action numéro cinq porte sur l’ingénierie territoriale car les collectivités n’ont pas forcément les ressources en interne ni les compétences pour mener à bien des expérimentations. On a notamment lancé un appel à manifestation d’intérêt dans les territoires peu denses dès 2018, avec des dossiers très simples, en contrepartie d’un financement d’études. On veut aussi monter des cellules d’ingénierie territoriale. Nous projetons aussi d’organiser un autre appel à manifestation cette année. On a eu beaucoup de réponses lors du dernier appel à projets, ce qui montre qu’il y a de vrais besoins.Enfin, l’action 6 concerne les financements. Nombre de financements existent, mais ce sont généralement les mêmes types d’acteurs qui arrivent à les avoir car ils connaissent les mécanismes. Il n’est pas forcément nécessaire de créer d’autres fonds, mais de mieux orienter les financements.
"On porte cette attention particulière aux territoires peu denses car nous sommes convaincus que les nouvelles solutions de mobilité ont une vraie pertinente pour répondre aux besoins de ceux qui y vivent. Or, aujourd’hui la voiture individuelle est la solution, ce qui n’est bon ni pour la planète, ni pour le porte-monnaie. Sans parler des gens qui n’ont pas la possibilité de s’y déplacer, car ils n’ont pas le permis, ni de voiture." Pauline Métivier
C’est clairement notre focus en effet. Si des métropoles en expriment le besoin, elles pourront bien sûr utiliser les outils que nous mettons en place. On porte cette attention particulière aux territoires peu denses car nous sommes convaincus que les nouvelles solutions de mobilité ont une vraie pertinente pour répondre aux besoins de ceux qui y vivent. Or, aujourd’hui la voiture individuelle est la solution, ce qui n’est bon ni pour la planète, ni pour le porte-monnaie. Sans parler des gens qui n’ont pas la possibilité de s’y déplacer, car ils n’ont pas le permis, ni de voiture.
Les services réguliers de transport – bus, trains, etc. – ont leur zone de pertinence, mais il y a des territoires où ils sont à l’inverse très peu pertinents faute de besoins, d’où des bus vides ou des horaires inadaptés. Des solutions plus flexibles, pour partager les voitures ou faire du transport à la demande, décuplent les possibilités. Mais ce sont pour le coup des réponses très locales.
Le devenir des petites lignes est un sujet sensible. Tout d’abord il faut préciser que le gouvernement n’a pas prévu d’appliquer à la lettre le rapport Spinetta. Nous continuons de penser que le train a son domaine de pertinente, même pour les petites lignes, et que tout est affaire de contexte. On voit d’ailleurs ici que le modèle de l’Etat grand organisateur, qui planifie et prévoie, ne fonctionne pas sur ces sujets particuliers. On n’a pas les ressources pour rénover toutes les petites lignes, et nous lançons donc une démarche en liaison avec les régions, pour réfléchir à ce qu’on en fait, et le cas échéant trouver des financements et des solutions pour les optimiser. Il n’y a pas de grands principes sur ce point, si ce n’est que la France est un grand pays du rail et qu’on ne peut pas évacuer la question simplement.
Typiquement, le transport à la demande ! Il est très pertinent dans les zones peu denses, beaucoup moins dans les métropoles. Il est vrai que beaucoup de solutions se développent dans les métropoles car c’est là que se trouvent les modèles économiques des start-up.
Selon nous, la solution consiste à mettre les autorités organisatrices au cœur du système. Concrètement les communautés de communes sont le bon échelon pour savoir ce qui est pertinent et répondre aux besoins au cas par cas, sur un maillage très serré. Elles pourraient financer à ce titre une partie du service. Les start up ont évolué dans ce sens depuis le début des assises de la mobilité. Elles avaient tendance au début à ne pas aller voir les collectivités territoriales, elles n’en avaient pas le réflexe. Or elles commencent à comprendre, notamment les start-up de co-voiturage, qu’elles vont avoir besoin des collectivités pour se développer. Il faut donc à la fois accompagner les collectivités et les opérateurs de mobilités.
"Il y a un intérêt des start-up pour les territoires peu denses, mais ce sont des entreprises que leur modèle économique porte à voir à court terme : en tant qu’entreprises débutantes, elles ne savent pas si elles existeront dans trois mois, et ajustent leur trésorerie à cette incertitude." Pauline Métivier
Il y a un intérêt des start-up pour les territoires peu denses, mais ce sont des entreprises que leur modèle économique porte à voir à court terme : en tant qu’entreprises débutantes, elles ne savent pas si elles existeront dans trois mois, et ajustent leur trésorerie à cette incertitude. Les marchés qu’elles cherchent en premier sont donc ceux qu’elles peuvent développer rapidement, en l’occurrence dans les métropoles.
On pense que la voiture autonome est une opportunité, d’autant plus que ses premiers usages seront sans doute des usages partagés. Elle aura onc toute sa pertinence dans les territoires moins denses, car elles proposent un modèle économique intéressant, moins cher. Il y a déjà des expérimentations en cours en France, menées par Navya ou Michelin.
Pour lever les freins culturels, on a souhaité créer une action spécifique pour développer une culture commune, afin que chacun arrive à comprendre les contraintes de l’autre. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous souhaitons créer une formation spécifique avec l’IHEDAT. On lance en septembre une première promotion France Mobilité avec des gens venus d’horizons différents. Cette formation pourrait contribuer à créer cette culture commune.
C’est une question essentielle car on ne peut pas s’intéresser à un service sans savoir d’où vient la demande. L’urbanisme, les services publics, etc. ont des impacts sur la mobilité et doivent y être corrélés. Là encore, les collectivités ont un vrai rôle à jouer pour coordonner les actions sur ces différents champs, grâce à la vision transversale qu’elles ont de leur territoire.
La question de la mobilité est déjà très décentralisée en France. La gouvernance des mobilités telle qu’elle est abordée dans la nouvelle loi d’orientation des mobilités cherche à simplifier la prise de compétence des communautés de communes, et à les inciter à prendre la compétence. Aujourd’hui, 80% du territoire ne sont pas couverts par une autorité organisatrice de la mobilité, car les communautés de communes n’ont pas pris la compétence. Notre compréhension du sujet est qu’elles ne l’ont pas fait parce qu’il n’y avait pas de pertinence à développer des services réguliers. La question est de savoir comment l’Etat peut simplifier les choses. Chaque échelon territorial a sa pertinence. Le pari que fait la loi d’orientation des mobilités, c’est qu’en simplifiant la prise de compétence, on incite les communautés de communes à développer des mobilités. On leur fixe une date limite à partir de laquelle on considère qu’elles n’ont pas les moyens de le faire et la compétence est alors transférée à la région, qui est déjà chef de file dans la coordination des mobilités sur le territoire.
La mobilité est liée à tous les autres sujets. Il y a des besoins qui émergent en fonction des politiques d’urbanisme, en matière de services publics, etc.. A l’inverse, le développement d’une offre efficace de mobilité aura forcément un effet sur le comportement, le lieu d’habitation, etc. On ne fait pas de la mobilité pour faire de la mobilité, on est très conscients des enjeux qui lui sont liés, qu’ils soient écologiques, sociaux, etc.
La voiture a modifié en profondeur l'espace urbain. En allongeant les distances, elle a donné naissance à cette zone intermédiaire entre ville et campagne que les Anglo-saxons ont nommé Suburbia, traduisez par « banlieue pavillonnaire ».
En France, l'avènement de Suburbia est contemporain de l'explosion automobile. Participant d'une même aspiration au bien-être et au confort, les deux phénomènes se télescopent quelque part entre les années 60 et 80. La hausse des prix du foncier en ville et les nuisances générées par la voiture poussent les Français (comme d'ailleurs tous les Occidentaux) à rechercher le calme pavillonnaire. Commence alors la ruée vers Suburbia l'autre nom de l'étalement urbain.
Territoire hybride, caractérisé par une plus faible densité du bâti, marqué par l'alternance de propriétés avec jardin privatif et de centres commerciaux ceinturés de parkings, celle-ci a été conçue pour se parcourir en voiture. Comment se rendre au travail ? Voiture ! Remplir le frigo ? Voiture ! Se divertir ? Voiture ! Le zonage ayant strictement séparé espaces d'habitation et de travail, l'habitat pavillonnaire consacre la dépendance automobile. Avec les conséquences que l'on sait : pollution atmosphérique, insécurité, bruit et surtout, congestion des villes. On assiste en effet à un cercle vicieux : principale cause des embouteillages en ville, le rêve pavillonnaire a rendu la ville invivable, et pousse les citadins à chercher le calme en banlieue. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que l'étalement urbain progresse. Sauf que. La hausse du prix des carburants et la nécessité d'inventer d'autres mobilités pour « sauver la planète » menacent aujourd'hui Suburbia dont certains prédisent déjà l'effondrement. Fi des zones « rurbaines » : le modèle que prônent désormais architectes et urbanistes est celui d'une ville dense, où se mêlent habitat, commerces, équipements de loisirs, bureaux.
De fait, comme l'affirmait déjà André Gorz en 1973 dans « L'idéologie sociale de la bagnole », "l'alternative à la bagnole ne peut être que globale. Car pour que les gens puissent renoncer à leur bagnole, il ne suffit point de leur offrir des moyens de transports collectifs plus commodes : il faut qu'ils puissent ne pas se faire transporter du tout parce qu'ils se sentiront chez eux dans leur quartier, leur commune, leur ville à l'échelle humaine, et qu'ils prendront plaisir à aller à pied de leur travail à leur domicile - à pied ou, à la rigueur, à bicyclette. Aucun moyen de transport rapide et d'évasion ne compensera jamais le malheur d'habiter une ville inhabitable, de n'y être chez soi nulle part, d'y passer seulement pour travailler ou, au contraire, pour s'isoler et dormir."