Les municipalités, leviers de la transition ? Débat à la Biennale de Grenoble

Écrit par
Pierre Monsegur
2017-03-15

Le week-end dernier, se tenait la 5e biennale de Grenoble, consacrée cette année aux villes en transition. Sous la houlette d’Eric Piolle, maire de la ville, l’événement a été l’occasion de discuter, bonnes pratiques à l’appui, une notion insuffisamment définie, et dont l’institutionnalisation fait débat. Par notre envoyé spécial.

Une municipalité peut-elle célébrer la transition ? C’est ce qu’a tenté de faire celle de Grenoble, ce week-end, à l’occasion de la « Biennale des villes en transition ». Pour la cinquième édition de cet événement auparavant réservé au seul habitat durable, la mairie avait ainsi décidé d’en élargir sensiblement l’objet, y incluant des réflexions autour de la participation citoyenne, les monnaies locales, la construction en bois, l’éducation populaire, etc., soit l’ensemble des enjeux qui participent d’une transformation profonde dans l’organisation de nos régimes politiques.Une première qui faisait sens pour Eric Piolle, le maire de Grenoble : « les villes sont aujourd’hui les territoires au carrefour de toutes ces transitions et les acteurs les plus susceptibles d’y répondre ». Une manière aussi de plaider en faveur de la reconnaissance du rôle des villes et de leur autonomisation politique pour faire face aux défis du XXIème siècle - discours de plus en plus fortement porté depuis la COP 21 : « en 2040, 60% de la population mondiale sera urbaine, rappelait ainsi Laurence Tubiana, ancienne négociatrice en charge de l’accord de Paris et marraine de cette Biennale. Il faut désormais compter sur les villes comme pouvoir essentiel dans le changement du modèle de développement ».

La transition, une constellation de bonnes pratiques

Pendant quatre jours, l’exercice a surtout consisté à raconter ce vaste mouvement à travers diverses initiatives déjà à l’œuvre, à Grenoble comme ailleurs. Du système géothermique géré par une SEM (société d’économie mixte) sur la presqu’île grenobloise à la renaturation des sites miniers de Essen, ville allemande nommée capitale verte européenne pour l’année 2017, de la réinsertion professionnelle par le maraîchage urbain organisée par une association dans la grande couronne de Grenoble à la piétonisation du centre-ville de Pontevedra en Espagne, c’est une mosaïque de bonnes pratiques dans le champ social, économique et environnemental que la Biennale mettait en lumière. Pour la ville présentée comme un laboratoire politique en France depuis l’élection d’une majorité composite de gauche, écologiste et citoyenne, en mars 2014, il s’agissait, de l’aveu d’Eric Piolle, de « rassembler des sources d’inspirations pour se donner de la force en partageant les richesses de tout ce qui existe partout ». Cet échange d’expériences s’est toutefois heurté à la difficile problématisation du phénomène : tout type de projet, par tout type d’acteurs, à toute échelle, peut-il se revendiquer de la transition ? « Ce sentiment d’éparpillement révèle aussi où en est le mouvement, qui est pour l’heure une sorte de constellation » confiait un organisateur. Si l’objectif du bien-vivre, auquel était consacrée une grande conférence avec Nicolas Hulot – l’autre parrain de l’événement – fait office de slogan de ralliement, des notions importantes telles que la résilience ou l’autonomie ont été plus effacées des débats.

« La transition est un mot qui convient à tout le monde, y compris aux institutions dominantes qui s’accommodent bien de cette idée de compromis. » Kirsten Koop

Or cette absence de définition de la transition pourrait s’avérer contre-productive, voire dangereuse : « la transition est un mot qui convient à tout le monde, y compris aux institutions dominantes qui s’accommodent bien de cette idée de compromis » expliquait Kirsten Koop, géographe, dans une table-ronde consacrée à la place de la société dans la transition. Raison pour laquelle ce terme même est en question : « la transition porte l’idée de continuité alors que c’est une rupture de civilisation qui se dessine. Je préfère parler de métamorphose » explique Olivier Frérot, philosophe invité à observer les débats, qui se montre aussi bienveillant à l’égard de la démarche que sceptique sur son issue : « cette « transition » ne peut pas s’opérer depuis les institutions existantes puisqu’elles sont directement câblées aux systèmes de valeur qui caractérisent le modèle dont on veut sortir ». C’est pourquoi ce dernier appelle depuis longtemps à « regarder ce qui est en train de naître en dehors ou à côté des institutions qui s’effondrent »[1].

Puissance publique ou citoyens : qui porte la transition ?

Le mouvement de la transition ne fait pas exception à cette longue histoire des rapports tendus entre mouvements sociaux et sphères politiques. Si la question de l’institutionnalisation se pose depuis le début pour les « transitionneurs »[2], elle a de nouveau traversé certains des débats de la Biennale. Ainsi de la grande Assemblée des communs, qui s’est tenue le samedi matin et a réfléchi en petits ateliers à la gouvernance d’un certain nombre de biens communs – la nature, la santé, l’urbain et la connaissance. Si la démarche s’inspire de ce qui se fait ailleurs en France, à Brest par exemple[3], elle se doit de suivre une méthodologie particulière : « cela ne peut pas se faire à l’initiative de la puissance publique » raconte une participante réticente à l’hébergement de cette Assemblée dans le cadre de la Biennale. Pour provoquer un débat sur ces questions-là, un « Off » avait été organisé en parallèle des conférences officielles. « Présenter la ville comme toute-puissante et alternative aux formes traditionnelles de pouvoir évacue la question des rapports de force à l’intérieur de cette ville » précisent les organisateurs de l’Atelier Populaire d’Urbanisme.

« Présenter la ville comme toute-puissante et alternative aux formes traditionnelles de pouvoir évacue la question des rapports de force à l’intérieur de cette ville. » L’Atelier Populaire d’Urbanisme.

Et une fois la conquête du pouvoir effectuée, on se confronte aux contradictions du pouvoir : « gagner une élection ne signifie pas reprendre la ville » rappelait Beppe Caccia, chercheur en histoire politique, lors de la soirée conclusive orientée sur la question du nouveau municipalisme. Evoquant Murray Bookchin, père du municipalisme libertaire, Magali Fricaudet, coordinatrice à CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis) s’est appuyée sur l’exemple des villes espagnoles : « ce ne sont pas des partis politiques qui y ont gagné les grandes villes, mais des alliances de mobilisation très ancrées dans les territoires, sur des sujets concrets ». A Barcelone, on appelle même cela des « confluences », « car le terme de coalition sous-entend trop l’idée de pouvoir » explique Cesar Ochoa du mouvement Barcelone En Commun, dont il rappelle que Podemos est une composante parmi d’autres : « le parti politique n’est qu’un vecteur, c’est le citoyen qui est le producteur des politiques publiques ».En substance, c’est pourtant la même idée que prône Eric Piolle, dans un autre débat sur les fractures urbaines : « si on attend que ce soit la ville qui se lance, par exemple en agriculture urbaine, cela ira moins vite que si les citoyens mènent leur propre projet ». Récusant les craintes de récupération politique, le maire de Grenoble défend l’idée d’une municipalité en « accompagnement » des projets de terrain, qui rend possible l’engagement citoyen dans une société d’acteurs en réseau[4]. « Les citoyens sont les artisans à la racine de la transition » résume Kirsten Koop dans ce qui ressemble à un constat partagé. Il pourrait y en avoir un autre, concernant la vocation majoritaire de ces mouvements de fond. Car Eric Piolle ne s’en désespère pas : « c’est un peu plus que l’avenir, c’est déjà le présent : la transition, ce ne sont pas plein de petites gouttes un peu partout, c’est une vague en formation ». On lui souhaite de ne pas s’échouer trop tôt.

[1] Voir la tribune dans Libé (http://www.liberation.fr/auteur/15802-olivier-frerot) ou différentes publications telles que « Nos institutions publiques à bout de souffle » et « Solidarités émergentes, institutions en germe » (https://solidaritesemergentes.wordpress.com/).

[2] Voir à ce sujet l’article dans Reporterre relatant un débat sur cette question lors du Festival des Utopies Concrètes, en 2013.

[3] Plus d’infos sur le site Assemblée des communs : http://assembleedescommuns.org/

[4] Voir à ce sujet l’interview dans Reporterre d’Eric Piolle en mai 2016

Pierre Monsegur

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Le recyclage, une solution trompeuse ?

Avec Recyclage, le grand enfumage, publié aux éditions rue de l’échiquier, Flore Berlingen, présidente de l’association Zéro Waste France, signe un ouvrage à charge contre une économie contre-productive et mensongère. Une alerte salutaire.

Par un hasard du calendrier, les dernières relectures de Recyclage, le grand enfumage, paru en juin 2020 aux éditions rue de l’Echiquier, ont coïncidé avec l’épidémie de COVID-19. Flore Berlingen, présidente de l’association Zéro Waste et autrice de l’ouvrage, souligne d’ailleurs dès l’avant-propos combien l’événement vient conforter le contenu du livre. « Cette crise marque le retour en force du jetable, y affirme-elle. L’industrie du plastique, notamment, y a vu l’occasion de battre en brèche quelques avancées de ces dernières années contre les objets et emballages unique. » Sous couvert d’hygiène et de sécurité sanitaire (arguments brandis de longue date par le lobby du plastique), la société du jetable vient de remporter une nouvelle manche. Les avancées en matière de lutte contre les pollutions plastiques étaient pourtant modestes. Le pacte national sur les emballages plastiques signé en février 2019 par le gouvernement, en accord avec 13 géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution, était insuffisant. Pour une raison simple : il n’est pas contraignant. Derrière, un volontarisme de façade, la « fin du gaspillage » ne signe pas pour l’Etat la fin du jetable. L’enjeu est de recycler 60% seulement du plastique d’ici 2022. On n’envisage jamais la réduction des déchets à la source. Dans l’esprit de nos dirigeants, l’économie circulaire reste indissociable du jetable. Dans Recylage, le grand enfumage, Flore Berlingen explique pourquoi.

Le tout jetable et ses conséquences

Le livre s’ouvre sur un état des lieux du « tout jetable », dont l’avènement coïncide avec les débuts de l’ère du plastique en 1950. Depuis, l’ascension a été fulgurante : d’un million de tonnes annuelles à l’époque, on est passé à 359 millions en 2018. La mise en place du tri et du recyclage dans les années 1990 n’a pas entâmé cette progression, et le moins que l’on puisse dire est que le bilan est mitigé. Certes le volume de déchets recyclés a progressé, mais leur production a crû dans le même temps. Pour les emballages, la collecte stagne autour de 65%. Encore ce taux est-il faussé par le fait qu’on y inclut le verre, qui est à la fois plus lourd et moindre en termes d’unités.Conséquence : le nombre de décharges a été multiplié par 5, souvent dans des pays d’Asie où nous exportons nos déchets. Les coûts de collecte et de traitement des déchets, à la charge des collectivités, ont explosé. « La gestion des déchets coût environ 20 milliards d’euros par an, dont plus de 14 milliards pèsent sur le budget des collectivités locales, un montant qui dépasse le budget alloué au ministère de la Transition écologique et solidaire ! », pointe Flore Berlingen. Or, le principe du pollueur-payeur reste peu appliqué : si des filières dites de « responsabilité élargie du producteur » (REP) sont mises en oeuvre dans les années 1990, pour que les entreprises qui commercialisent des emballages jetables contribuent au financement du recyclage, « la contribution des entreprises à ce coût, via les filières REP, s’élève à 1,2 milliards d’euros, explique Flore Berligen. Autrement dit, comme de nombreuses autres « externalités environnementales » des activités économiques, le coût du traitement des déchets reste assumé par la société dans son ensemble. » En l’occurrence, c’est aux EPCI de gérer les déchets, et in fine aux particuliers.

« La gestion des déchets coût environ 20 milliards d’euros par an, dont plus de 14 milliards pèsent sur le budget des collectivités locales, un montant qui dépasse le budget alloué au ministère de la Transition écologique et solidaire ! » Flore Berlingen

Une communication trompeuse

Cet état de fait contraste avec une communication très optimiste des producteurs d’emballages, jamais à court d’arguments pour vanter la mise sur le marché de produits « recyclables ». Or, « recyclable » ne veut pas dire « recyclé » : il faut pour cela une filière de recyclage opérationnelle, chose difficile à mettre en oeuvre alors que les producteurs ne cessent d’innover en matières de matériaux… recyclables. Le logo « Point vert » est à cet égard trompeur : « trop souvent interprété comme attestant le caractère recyclable ou recyclé de l’emballage, (...) il indique simplement que le metteur sur le marché s’est bien acquitté de sa contribution obligatoire », explique l’autrice. Dans Recyclage, le grand enfumage, celle-ci multiplie les exemples de communication ambiguë, quand elle ne tourne pas franchement à la célébration des producteurs d’emballages jetables. Un écueil lié selon elle à la gouvernance des filières REP : « une fois agréés par L’Etat pour plusieurs années, les éco-organismes rendent des comptes à leurs adhérents avant tout, explique-t-elle. Leurs organes de pilotage en témoignent : Citéo compte parmi ces administrateurs les représentants de Lactalis, Coca-Cola, Nestlé, Evian, Auchan, Carrefour… Ces producteurs et distributeurs n’ont aucun intérêt à ce que le public prenne conscience de la non-recyclabilité d’une grande partie des emballages. » A ces conflits d’intérêt s’ajoutent diverses actions de lobbying auprès des parlementaires. Citéo a ainsi participé à une campagne en faveur du plastique à usage unique - le comble pour un « éco-organisme » que l’Etat français charge de promouvoir le tri et la prévention des déchets. Le même éco-organisme n’hésite pas non plus à faire peser la responsabilité de la gestion des déchets sur les consommateurs, qui sont pourtant en bout de chaîne. Il n’est d’ailleurs pas le seul à faire valoir un tel argument. Flore Berlingen rappelle à ce titre que les première campagnes portant sur les pollutions plastiques dans la nature ont été créées et financées par les producteurs de l’agro-alimentaire : « Elles apparaissent bien avant l’arrivée du tri pour signifier que le pollueur n’est pas l’entreprise qui inonde le marché de ses emballages à usage unique sans se préoccuper de leur devenir, mais l’individu qui les jette n’importe où », pointe-elle. A partir des années 1990, l’émergence de filières de tri est venue compléter cet argument d’un « nos déchets ne sont plus des déchets mais des ressources en devenir ». Une façon de rassurer les consommateurs qui seraient tentés de se détourner des emballages plastiques.

« L'extraction se développe à un rythme deux à trois fois plus rapide que le recyclage. » Flore Berlingen

Le mythe de l’économie circulaire

Dans le second chapitre de l’ouvrage, Flore Berlingen tire de cet état de fait une conclusion implacable : l’économie circulaire est un mythe et une forme de green washing. Celle-ci s’affronte en effet à trois grandes limites. « La première est la dispersion des ressources, qui rend difficile, sinon irréalisable, le recyclage de certains produits, écrit l’autrice. La deuxième tient à la difficulté, voire l’impossibilité, de se débarrasser, au cours du processus de recyclage, d’additifs contenus initialement dans les produits ou d’impuretés liées à leur utilisation. Enfin, l’imperfection des processus de recyclage suscite des pertes et rend nécessaire le recours à des matières premières vierges. » Difficile à mettre en oeuvre du fait des alliages de matériaux et de l’entropie propre à toute transformation, le recyclage est très loin dans les faits de conduire à une économie de ressources. Les chiffres avancés par Flore Berlingen le démontrent : entre 2005 et 2015, la production mondiale annuelle de plastique a augmenté de 45%. Cette hausse concerne toutes les ressources, dont la consommation a triplé depuis les années 1970. En somme, « l’extraction se développe à un rythme deux à trois fois plus rapide que le recyclage ». Il faut dire que certains secteurs d’activité, dont l’agro-alimentaire, sont particulièrement dépendants du plastique à usage unique, du fait de leur logistique mondialisée et de l’allongement des circuits de production et de distribution. Calqué sur le modèle de l’économie linéaire, l’économie circulaire ne peut fonctionner, puisqu’elle dépend de la première et son impératif de croissance. Pour être efficientes, les filières de recyclage ont besoin d’importants volumes de déchets. Bel exemple de cercle vicieux.

Une seule solution : sortir du tout jetable

Dès lors, que faire ? Pour Flore Berlingen, la solution, exposée dans le dernier chapitre, est claire : il faut sortir de l’ère du jetable. Les leviers pour ce faire sont multiples. L’auteure balaie d’emblée le boycott individuel, aux effets trop limités. C’est sur le plan des politiques publiques, pointe-elle, qu’il faut agir. Il faudrait d’abord introduire des quotas de réemploi obligatoires et progressifs, qui permettraient une transition vers des emballages lavables et réutilisables standardisés. Il convient aussi selon elle d’allonger la durée de vie des biens dits « durables », et de mettre fin à l’obsolescence programmée. Renforcer le système des bonus-malus pourrait contribuer à faire évoluer les pratiques dans ce sens, comme le prévoit la loi de 2020 sur l’économie circulaire. Il convient aussi de mieux piloter et contrôler les éco-organismes, aujourd’hui aux mains des producteurs. En la matière, un changement de cap s’impose : c’est bien à la prévention des déchets qu’il faut donner la priorité, plus qu’à leur recyclage. Or, actuellement, c’est à ce dernier que vont l’essentiel des financements publics nationaux. « Sur les 135 millions d’euros attribués en 2018 par l’Ademe dans le cadre du volet économie circulaire du programme d’investissements d’avenir, moins de 1% semble avoir été consacré à des initiatives de réduction des déchets », pointe Flore Berlingen. Il faut dire que les appels à projets sont calibrés pour les grands groupes industriels, pas pour les initiatives plus modestes visant à développer les circuits courts, la consigne ou le compostage. Concernant le recyclage lui-même, il conviendrait selon l’auteure de cesser la course à l’innovation, qui conduit à mettre sur le marché toujours plus de matériaux. Il faut aussi changer la manière de communiquer sur le recyclage, qui encourage actuellement la surconsommation (on a tendance à « gaspiller » les ressources si l’on croit qu’elles peuvent être recyclées). Enfin, l’immense problème posé par les déchets plastiques plaide pour une toute autre approche de la consommation. « Pendant plusieurs années, j’ai tenté, comme d’autres, de faire passer ce message : ne misons pas tout sur le recyclage, il est indispensable mais ne suffira pas, explique Flore Berlingen. Aujourd’hui, j’en viens à penser que cette mise en garde pèche par sa faiblesse. Dans la course au recyclage, la question de l’utilité sociale des objets produits n’est plus mise en balance avec leur impact social et environnemental. On en vient à chercher des moyens de recycler ce qui ne devrait même pas exister en premier lieu. » En somme, il en va des déchets comme de l’énergie : les meilleurs sont ceux qu’on ne produit pas.

En savoir plus :

Flore Berlingen : Recyclage, le grand enfumage - comment l’économie circulaire est devenue l’alibi du jetable, éditions Rue de l’Echiquier, juin 2020, 128 pages, 13 euros

2020-09-23
Le documentaire Grande-Synthe sort en DVD

Le documentaire Grande-Synthe, réalisé par Béatrice Camurat Jaud, vient de sortir en DVD. Ce film est une ode à l’humanité et à l’intelligence des acteurs de la ville, qui s'est engagée dans une transition sociale et écologique ambitieuse sous l’impulsion de son édile Damien Carême.

Plantons le décor : Grande-Synthe a tout pour tout déplaire. Pourtant située sur la très jolie Côte d’Opale, cette ville accueille sur son territoire et alentour des activités industrielles polluantes et dangereuses : métallurgie, port méthanier, centrale nucléaire de Gravelines. Elle concentre par ailleurs une grande misère : camp de migrants et fort taux de chômage (24 % dont 40 % de jeunes).

Face à ces difficultés écologiques et sociales, citoyens, associations et pouvoirs publics de Grande-Synthe se sont retroussé les manches pour trouver des solutions avec enthousiasme et humanisme, comme le souligne notre reportage sur le sujet. Plutôt que d’avoir peur des migrants, elle les accueille, les aide et les intègre (installation d’un camp, distribution de repas). Emmaüs y est une institution fort utile pour insérer ses compagnons mais également par ses distributions de paniers repas aux plus précaires de la commune. Pour contrer la mal information et lutter contre le désengagement citoyen elle crée une Université Populaire pour faire réfléchir les citoyens. Des jardins en pied d’immeuble et des jardins ouvriers sont développés pour redonner de l’autonomie alimentaire à petit prix à leurs utilisateurs. On construit des logements basse consommation qui réduiront la facture énergétique de leurs habitants. Toutes les cantines de la ville ne servent plus que du bio.

Voilà plus de 40 ans qu’on plante des arbres pour remettre de la Nature dans ce plat pays. Toutes ces actions ont notamment pour but de redonner de la dignité à tous ces laissés pour compte. Ce documentaire est illustré d’images très esthétiques, et rythmé par des interventions et questionnements de comédiens d’une troupe de théâtre local très investie sur les problématiques sociales de la Ville.

http://grandesynthelefilm.com

Durée du film 90 minutes – Prix : 20 euros

2019-09-18
Prats, un village des Pyrénées bientôt autonome en énergie

La petite commune de 1000 habitants de Prats-de-Mollo-La Preste située dans les montagnes des Pyrénées Orientales s’est donné 5 ans pour devenir autonome en énergie (2021). Mode d'emploi.

Ce n’est pas un élan écologique qui a fait germer ce projet mais une augmentation drastique et régulière du prix de l’électricité et de son transport, qui alourdissait régulièrement la facture énergétique des Pratsois.Pour mener à bien ce projet, une Société d’Economie Mixte (Prats’Enr) a été créée avec trois collèges d’actionnaires : la mairie (60%), la régie d’électricité locale (20%) et une SCIC d’un collectif d’habitants (20 %) dénommée Ecocit (Energie-COllectif-CIToyen).

Le mix énergétique pratsois

La commune ne partait pas de zéro. Elle avait déjà une Régie électrique et une usine hydraulique sur la rivière du Tech produisant 35 % de sa consommation électrique. Pour atteindre l'autonomie énergétique, la SEM a tout d’abord remis en service l’ancienne installation hydraulique. Inutilisée depuis 20 ans, celle-ci alimentait un établissement thermal installé sur la commune. Des microturbines ont été posées sur les canalisations d’eau potable venant de la montagne. Des panneaux photovoltaïques sont en cours d’installation sur des toitures agricoles (bergeries, étables ou granges) et industrielles. Une installation de microméthanisation alimentée par les effluents des agriculteurs du bassin complétera le panel de production.En parallèle une régie de données est en cours de création pour piloter au mieux les infrastructures de production et de distribution d’électricité de la commune. Elle permettra aussi de sensibiliser et informer les Pratsois sur leur consommation d’énergie, en vertu du postulat selon lequel la meilleure énergie renouvelable est celle qu’on ne consomme pas. La gouvernance du projet et de ces données est un chantier important pour le succès de l’opération dans un contexte de défiance à l’égard des compteurs intelligents Linky.

L'implication des habitants, facteur de réussite

La concertation et la sensibilisation ont démarré et les citoyens sont réceptifs et impliqués. Aujourd’hui 8 % des habitants (soit 80 personnes) ont adhéré au collectif citoyen, soit un taux de participation très élevé pour ce type de projets. Plus de la moitié (50) sont présents aux réunions d’information.Le projet bénéficie d’un programme de recherche action baptisé DAISEE qui a pour objectifs de développer de nouveaux liens entre consommateurs et producteurs d’énergie, de publier des connaissances ouvertes sur les questions complexes de la transition énergétique et de créer et expérimenter des solutions face aux nombreux défis à relever sur le plan technique et organisationnel.Pour sensibiliser les habitants aux pics de dépassement de production, il est par exemple envisagé d’installer dans chaque foyer une lampe qui sera verte en cas de production suffisante et rouge en cas de dépassement. Issue d’un retour d’expérience au Danemark, l'idée sera d’autant plus pertinente que le village compte de nombreux retraités n’ayant pas toujours de smartphone ni d’ordinateur susceptibles de les informer. Bref, les Pratsois ne manquent pas d’énergie pour faire aboutir ce projet !

2019-04-08
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