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Troisième ville de Suède, Malmö est sortie de la crise industrielle grâce au développement durable. Dans les écoquartiers de Bo01 à Vasträ Hamnen et Augustenborg, la ville conjugue prouesse architecturale, participation locale et respect de l'environnement...
C’est le prototype de logement « Parasite Prefab » de Lara Calder qui suggère de prendre possession des piles d’un pont, la Rucksack House de Stefan Eberstadt (Maison sac à dos), l'installation « Quartiers d'été » du collectif Cabanon Vertical, qui propose des extensions sur les façades, ou encore le projet « Ermitage » du collectif polonais "Centrala",qui vise à aménager une résidence d’artiste dans une dent creuse large de… 122 cms.
Selon l’architecte Stéphane Malka, ces espaces portent en eux une véritable identité : « Les porosités ne sont pas des non lieux mais de vrais espaces dépourvus de fonctionnalités. Il faut transcender l'âme du lieu en leur trouvant un nouvel usage ». Ses études sur les porosités urbaines vont de la galerie Bunker (2009) qu'il greffe sous la station du métro Barbès à des échafaudages en guise de jardins (Bio-Box, 2006) ou au projet manifeste « Auto-Défense (2009) », qui propose d'installer des modules d'habitations dans l'Arche dans un esprit de « guérilla architecturale ».
"Les porosités ne sont pas des non lieux mais de vrais espaces dépourvus de fonctionnalités. Il faut transcender l'âme du lieu en leur trouvant un nouvel usage." Stéphane Malka, architecte
Investir ces lieux « alternatifs » n'est pas une excentricité de l'architecture contemporaine. Déjà en 1965, quelques architectes soulignaient le danger de l'explosion démographique et imaginaient un volet de solutions, dont la plupart sont restées au stade de l'utopie. Parmi eux, Yona Friedman, membre du GIPA (Groupe international d'architecture prospective) : construite en suspension à partir de modules attachés à une ossature surélevée de plusieurs mètres, sa Ville Spatiale propose rien moins que de superposer une ville à la ville. A la même époque, les utopistes d’Archigram ont également alimenté la réflexion sur la densité urbaine avec le projet « Instant City », qui mettait en avant l'idée d'une ville nomade et aérienne dans laquelle des structures gonflages créent une architecture de l'instantané. Favoriser la prothèse plutôt que la transformation radicale a aussi nourri l'architecte prospectif jean-Louis Chanéac qui a imaginé des cellules parasites à poser sur les façades des grands ensembles pour agrandir les appartements, reflet de ses convictions sur la modularité et l'accès à l'habitat pour le plus grand nombre.
"Le fait de reconstruire sur la ville déjà existante tempère les prix et permet surtout d'augmenter l'offre." Stéphane Malka
Le monde de l'Art n'est pas en reste. L'artiste japonais Tadashi Kawamata, dont les cabanes réalisées à partir de matériaux de récupération ont orné la façade du Centre Pompidou en 2010, s'intéresse à ces zones intermédiaires qui subsistent dans l’espace urbain. C’est aussi le cas d’Alain Bublex : reprenant les idées d'Archigram, le plasticien français imagine « Plug-in City », soit des unités mobiles d'habitations à poser sur des structures déjà existantes.
Pour Stéphane Malka, les délaissés urbains comportent de nombreux avantages. Premier d’entre eux : contourner un prix du foncier particulièrement élevé dans les grandes métropoles. « Le fait de reconstruire sur la ville déjà existante tempère les prix et permet surtout d'augmenter l'offre. De plus, cela permet de créer des surprises et génère de la spontanéité », estime l’architecte, ajoutant que « cela permet de faire des économies liées aux destructions et au recyclage des déchets de chantier ». Pourtant, un tel positionnement se heurte encore aux réticences de ceux qui veulent préserver le patrimoine en l'état. « Les seules limites aujourd'hui sont les règlementations, qui restent rigides. C’est le cas de mon projet « Bio-Box » (installer des terrasses en façades) qui n’a pas reçu aujourd'hui d’ autorisation, alors qu’il permettrait au Parisiens de disposer d'une terrasse pour quelques centaines d'euros » .
Nicolas Soulier, Reconquérir les rues. Exemples à travers le monde, éditions ULMER, 2012, 288 pages.