Ingrid Nappi-Choulet : « Plus la nature est présente en ville, plus cette dernière devient vivable »

Écrit par
Déborah Antoinat
2016-01-18

Ingrid Nappi-Choulet, professeur-chercheur à l'ESSEC et titulaire de la Chaire Immobilier et Développement Durable, est l'un des trois auteurs du rapport « Bâtiment et biodiversité » publié le 14 décembre 2015 à l'initiative de Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable. Midionze l'a rencontrée pour en savoir plus...

Quelle est l'ambition du rapport « Bâtiment et biodiversité » ?

Il s'agit de promouvoir ce thème auprès de l’ensemble des acteurs des filières du bâtiment, de l’immobilier et de l’énergie, et d'élaborer notamment une cartographie des démarches qui s’intéressent aux liens entre bâtiment et biodiversité afin de donner une plus grande lisibilité et visibilité aux travaux déjà effectués. L’ambition est de souligner l’importance de ce thème et d'analyser les différentes dimensions du sujet, les outils, les leviers, les freins, les acteurs concernés.

Quelles sont les propositions du rapport qui vous semblent particulièrement fortes pour développer la biodiversité dans le bâtiment et dans la ville ?

Le manque de transversalité entre les acteurs de la filière Bâtiment, Immobilier et Ville repose aussi parfois sur la méconnaissance, l’insuffisance voire l’absence de connaissances des solutions techniques ad hoc. Même si l’on peut se féliciter de disposer en France de Nature Parif et U2B, qui sont deux portails de référence, très riches en partage de l’information, sur la biodiversité et la préservation de la nature, ces outils ne sont encore connus que des experts et très peu des acteurs économiques de la filière bâtiment. Il n’existe pas réellement d’outils de partage transversal d’informations, de suivi des projets et des expériences terrain ou de passerelles facilitant le dialogue entre les différents réseaux d’acteurs qui ont souvent des horizons-temps différents. L’étude de l’intérêt d’une plateforme de partage unique pourrait ainsi se justifier. L'outil serait alors porté par un organisme neutre et capable de fédérer l’ensemble des initiatives identifiées dans ce groupe de travail, et bien au-delà. Il mettrait outils et bonnes pratiques à la disposition de la filière du bâtiment à travers une plateforme commune où pourrait être recensé l’ensemble des appels à projet, concours, expérimentations visant à inciter, tester, accompagner les maîtres d’ouvrage, architectes et entreprises. L'autre dimension fondamentale me semble être l'importance d'intégrer le thème de la biodiversité (science de la vie) dans les formations initiales à destination des futurs acteurs.

Pourquoi un bâtiment est-il plus durable lorsqu'il intègre la biodiversité dans sa conception ?

Il joue alors un rôle d'atténuation de l’effet d’îlot de chaleur urbain qui profite ainsi au bâtiment (longévité, économies d’énergie, etc.). La biodiversité offre également une meilleure efficience énergétique, le rafraîchissement de l’atmosphère et des surfaces.

Quels sont les principaux avantages à plus de biodiversité en ville ?

Plus la nature est présente en ville, plus cette dernière devient vivable, supportable voire agréable. Son intégration dans la ville peut agir de façon positive et durable sur la qualité de vie de ses habitants. Ses nombreuses fonctions (paysagère, biologique, bioclimatique, assainissement, etc.) ont des répercussions directes sur la santé et le bien-être. Les bienfaits du végétal en milieu urbain sont aujourd’hui reconnus dans la littérature scientifique. La nature en ville est aussi source de lien social . La dimension sociale de la nature en ville apparaît aussi importante que ses enjeux écologiques. Les espaces verts participent en effet au renforcement du lien social et au sentiment d’appartenance à un territoire en créant des opportunités de rencontres et d’échanges entre des personnes issues de milieux sociaux et d’origine culturelle et ethnique différentes. Les jardins partagés, familiaux et associatifs participent même au développement d’un sentiment d’attachement communautaire.

"La grande majorité des citadins ignore que si le verdissement des villes possède des vertus psychologiques et esthétiques, il participe également à la régulation thermique des bâtiments et à la réduction des îlots de chaleur urbains, à l’amélioration de la qualité de l’air en ville, à l’écoulement des eaux, à l’approvisionnement alimentaire ou encore au renforcement du lien social et du sentiment d’appartenance à un territoire." Ingrid Nappi-Choulet, co-autrice du rapport "Bâtiment et biodiversité"

Quels sont les principaux blocages au développement de la biodiversité urbaine ?

Des freins d’ordre culturel voire idéologique perdurent autour de ce sujet très complexe. L'habitat humain s'est toujours construit sur une séparation nette entre l'intérieur, qui devait préserver l'homme des dangers de la nature (faune, froid, milieux insalubres,...), et l'extérieur, où la nature devait au contraire lui apporter nourriture, air pur, beauté. Aussi, on constate un faible niveau de connaissances et de sensibilisation.Si une majorité de Français se dit en contact régulier avec la nature et sensible à l’environnement (85% en 2015), les sondages récents démontrent clairement le manque d’informations et la méconnaissance du grand public. En 2015, 57% des interviewés pensent savoir ce que la notion de biodiversité recouvre exactement, soit - 5 points par rapport à 2013. (Source : CREDOC, « L’opinion des français sur la participation des citoyens a une agence pour la biodiversité » 2015.). La grande majorité des citadins ignore que si le verdissement des villes possède des vertus psychologiques et esthétiques, il participe également à la régulation thermique des bâtiments et à la réduction des îlots de chaleur urbains, à l’amélioration de la qualité de l’air en ville, à l’écoulement des eaux, à l’approvisionnement alimentaire ou encore au renforcement du lien social et du sentiment d’appartenance à un territoire. De plus, si la demande sociale de nature en ville est aujourd’hui avérée, la notion de biodiversité urbaine demeure mal connue. En effet, des idées reçues ou des préjugés affectent parfois la juste perception des enjeux du fonctionnement des écosystèmes naturels. On constate une méfiance vis-à-vis d’une biodiversité parfois jugée envahissante, des préjugés sur la présence et la nuisance des animaux en ville et représentations sociales négatives de la « mauvaise herbe ». Pour certains, végétaliser le bâti est souvent source de dégradations ou de nuisances. La perception négative d’une nature sauvage que peuvent avoir les citadins résulte à la fois d’une construction sociale, d’une méconnaissance des écosystèmes et de la crainte de se laisser dépasser par la nature. Les herbes folles peuvent être synonymes de nuisances et d’animaux indésirables (insectes, rongeurs, puces, etc.). Les citadins souhaitent de la nature mais dûment sélectionnée : des oiseaux mais pas de pigeons, des papillons mais pas de guêpes, etc.

"On constate une méfiance vis-à-vis d’une biodiversité parfois jugée envahissante, des préjugés sur la présence et la nuisance des animaux en ville et représentations sociales négatives de la « mauvaise herbe »." Ingrid Nappi-Choulet

Comment expliquer que les acteurs du bâtiment voient encore la biodiversité comme une contrainte ?

A la méconnaissance générale des enjeux globaux de la biodiversité par les parties prenantes, s’ajoute celle des enjeux économiques des services écosystémiques. La biodiversité est plus souvent prise en compte dans les circuits économiques comme une charge que comme un investissement rentable. Ainsi que le souligne le Bilan Biodiversité (guide méthodologique pour intégrer la nature dans la comptabilité des entreprises) proposé par Synergiz et Natureparif, « trop peu d’entreprises ont encore conscience de leurs interdépendances avec la biodiversité ».

A quelles mesures concrètes pourrait donner lieu ce rapport ?

Le groupe de travail souhaite impulser les recommandations dans les réflexions autour de la création de l’Agence Française pour la Biodiversité, dont le rôle lui parait tout à fait déterminant pour mettre en œuvre ces propositions. En particulier en définissant un axe de développement en faveur du bâtiment comme support de la biodiversité.

Pour en savoir plus :

Lien vers le rapport : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/Rapport_Batiment_et_Biodiversite_liens_actifs.pdf

Déborah Antoinat

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Le recyclage, une solution trompeuse ?

Avec Recyclage, le grand enfumage, publié aux éditions rue de l’échiquier, Flore Berlingen, présidente de l’association Zéro Waste France, signe un ouvrage à charge contre une économie contre-productive et mensongère. Une alerte salutaire.

Par un hasard du calendrier, les dernières relectures de Recyclage, le grand enfumage, paru en juin 2020 aux éditions rue de l’Echiquier, ont coïncidé avec l’épidémie de COVID-19. Flore Berlingen, présidente de l’association Zéro Waste et autrice de l’ouvrage, souligne d’ailleurs dès l’avant-propos combien l’événement vient conforter le contenu du livre. « Cette crise marque le retour en force du jetable, y affirme-elle. L’industrie du plastique, notamment, y a vu l’occasion de battre en brèche quelques avancées de ces dernières années contre les objets et emballages unique. » Sous couvert d’hygiène et de sécurité sanitaire (arguments brandis de longue date par le lobby du plastique), la société du jetable vient de remporter une nouvelle manche. Les avancées en matière de lutte contre les pollutions plastiques étaient pourtant modestes. Le pacte national sur les emballages plastiques signé en février 2019 par le gouvernement, en accord avec 13 géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution, était insuffisant. Pour une raison simple : il n’est pas contraignant. Derrière, un volontarisme de façade, la « fin du gaspillage » ne signe pas pour l’Etat la fin du jetable. L’enjeu est de recycler 60% seulement du plastique d’ici 2022. On n’envisage jamais la réduction des déchets à la source. Dans l’esprit de nos dirigeants, l’économie circulaire reste indissociable du jetable. Dans Recylage, le grand enfumage, Flore Berlingen explique pourquoi.

Le tout jetable et ses conséquences

Le livre s’ouvre sur un état des lieux du « tout jetable », dont l’avènement coïncide avec les débuts de l’ère du plastique en 1950. Depuis, l’ascension a été fulgurante : d’un million de tonnes annuelles à l’époque, on est passé à 359 millions en 2018. La mise en place du tri et du recyclage dans les années 1990 n’a pas entâmé cette progression, et le moins que l’on puisse dire est que le bilan est mitigé. Certes le volume de déchets recyclés a progressé, mais leur production a crû dans le même temps. Pour les emballages, la collecte stagne autour de 65%. Encore ce taux est-il faussé par le fait qu’on y inclut le verre, qui est à la fois plus lourd et moindre en termes d’unités.Conséquence : le nombre de décharges a été multiplié par 5, souvent dans des pays d’Asie où nous exportons nos déchets. Les coûts de collecte et de traitement des déchets, à la charge des collectivités, ont explosé. « La gestion des déchets coût environ 20 milliards d’euros par an, dont plus de 14 milliards pèsent sur le budget des collectivités locales, un montant qui dépasse le budget alloué au ministère de la Transition écologique et solidaire ! », pointe Flore Berlingen. Or, le principe du pollueur-payeur reste peu appliqué : si des filières dites de « responsabilité élargie du producteur » (REP) sont mises en oeuvre dans les années 1990, pour que les entreprises qui commercialisent des emballages jetables contribuent au financement du recyclage, « la contribution des entreprises à ce coût, via les filières REP, s’élève à 1,2 milliards d’euros, explique Flore Berligen. Autrement dit, comme de nombreuses autres « externalités environnementales » des activités économiques, le coût du traitement des déchets reste assumé par la société dans son ensemble. » En l’occurrence, c’est aux EPCI de gérer les déchets, et in fine aux particuliers.

« La gestion des déchets coût environ 20 milliards d’euros par an, dont plus de 14 milliards pèsent sur le budget des collectivités locales, un montant qui dépasse le budget alloué au ministère de la Transition écologique et solidaire ! » Flore Berlingen

Une communication trompeuse

Cet état de fait contraste avec une communication très optimiste des producteurs d’emballages, jamais à court d’arguments pour vanter la mise sur le marché de produits « recyclables ». Or, « recyclable » ne veut pas dire « recyclé » : il faut pour cela une filière de recyclage opérationnelle, chose difficile à mettre en oeuvre alors que les producteurs ne cessent d’innover en matières de matériaux… recyclables. Le logo « Point vert » est à cet égard trompeur : « trop souvent interprété comme attestant le caractère recyclable ou recyclé de l’emballage, (...) il indique simplement que le metteur sur le marché s’est bien acquitté de sa contribution obligatoire », explique l’autrice. Dans Recyclage, le grand enfumage, celle-ci multiplie les exemples de communication ambiguë, quand elle ne tourne pas franchement à la célébration des producteurs d’emballages jetables. Un écueil lié selon elle à la gouvernance des filières REP : « une fois agréés par L’Etat pour plusieurs années, les éco-organismes rendent des comptes à leurs adhérents avant tout, explique-t-elle. Leurs organes de pilotage en témoignent : Citéo compte parmi ces administrateurs les représentants de Lactalis, Coca-Cola, Nestlé, Evian, Auchan, Carrefour… Ces producteurs et distributeurs n’ont aucun intérêt à ce que le public prenne conscience de la non-recyclabilité d’une grande partie des emballages. » A ces conflits d’intérêt s’ajoutent diverses actions de lobbying auprès des parlementaires. Citéo a ainsi participé à une campagne en faveur du plastique à usage unique - le comble pour un « éco-organisme » que l’Etat français charge de promouvoir le tri et la prévention des déchets. Le même éco-organisme n’hésite pas non plus à faire peser la responsabilité de la gestion des déchets sur les consommateurs, qui sont pourtant en bout de chaîne. Il n’est d’ailleurs pas le seul à faire valoir un tel argument. Flore Berlingen rappelle à ce titre que les première campagnes portant sur les pollutions plastiques dans la nature ont été créées et financées par les producteurs de l’agro-alimentaire : « Elles apparaissent bien avant l’arrivée du tri pour signifier que le pollueur n’est pas l’entreprise qui inonde le marché de ses emballages à usage unique sans se préoccuper de leur devenir, mais l’individu qui les jette n’importe où », pointe-elle. A partir des années 1990, l’émergence de filières de tri est venue compléter cet argument d’un « nos déchets ne sont plus des déchets mais des ressources en devenir ». Une façon de rassurer les consommateurs qui seraient tentés de se détourner des emballages plastiques.

« L'extraction se développe à un rythme deux à trois fois plus rapide que le recyclage. » Flore Berlingen

Le mythe de l’économie circulaire

Dans le second chapitre de l’ouvrage, Flore Berlingen tire de cet état de fait une conclusion implacable : l’économie circulaire est un mythe et une forme de green washing. Celle-ci s’affronte en effet à trois grandes limites. « La première est la dispersion des ressources, qui rend difficile, sinon irréalisable, le recyclage de certains produits, écrit l’autrice. La deuxième tient à la difficulté, voire l’impossibilité, de se débarrasser, au cours du processus de recyclage, d’additifs contenus initialement dans les produits ou d’impuretés liées à leur utilisation. Enfin, l’imperfection des processus de recyclage suscite des pertes et rend nécessaire le recours à des matières premières vierges. » Difficile à mettre en oeuvre du fait des alliages de matériaux et de l’entropie propre à toute transformation, le recyclage est très loin dans les faits de conduire à une économie de ressources. Les chiffres avancés par Flore Berlingen le démontrent : entre 2005 et 2015, la production mondiale annuelle de plastique a augmenté de 45%. Cette hausse concerne toutes les ressources, dont la consommation a triplé depuis les années 1970. En somme, « l’extraction se développe à un rythme deux à trois fois plus rapide que le recyclage ». Il faut dire que certains secteurs d’activité, dont l’agro-alimentaire, sont particulièrement dépendants du plastique à usage unique, du fait de leur logistique mondialisée et de l’allongement des circuits de production et de distribution. Calqué sur le modèle de l’économie linéaire, l’économie circulaire ne peut fonctionner, puisqu’elle dépend de la première et son impératif de croissance. Pour être efficientes, les filières de recyclage ont besoin d’importants volumes de déchets. Bel exemple de cercle vicieux.

Une seule solution : sortir du tout jetable

Dès lors, que faire ? Pour Flore Berlingen, la solution, exposée dans le dernier chapitre, est claire : il faut sortir de l’ère du jetable. Les leviers pour ce faire sont multiples. L’auteure balaie d’emblée le boycott individuel, aux effets trop limités. C’est sur le plan des politiques publiques, pointe-elle, qu’il faut agir. Il faudrait d’abord introduire des quotas de réemploi obligatoires et progressifs, qui permettraient une transition vers des emballages lavables et réutilisables standardisés. Il convient aussi selon elle d’allonger la durée de vie des biens dits « durables », et de mettre fin à l’obsolescence programmée. Renforcer le système des bonus-malus pourrait contribuer à faire évoluer les pratiques dans ce sens, comme le prévoit la loi de 2020 sur l’économie circulaire. Il convient aussi de mieux piloter et contrôler les éco-organismes, aujourd’hui aux mains des producteurs. En la matière, un changement de cap s’impose : c’est bien à la prévention des déchets qu’il faut donner la priorité, plus qu’à leur recyclage. Or, actuellement, c’est à ce dernier que vont l’essentiel des financements publics nationaux. « Sur les 135 millions d’euros attribués en 2018 par l’Ademe dans le cadre du volet économie circulaire du programme d’investissements d’avenir, moins de 1% semble avoir été consacré à des initiatives de réduction des déchets », pointe Flore Berlingen. Il faut dire que les appels à projets sont calibrés pour les grands groupes industriels, pas pour les initiatives plus modestes visant à développer les circuits courts, la consigne ou le compostage. Concernant le recyclage lui-même, il conviendrait selon l’auteure de cesser la course à l’innovation, qui conduit à mettre sur le marché toujours plus de matériaux. Il faut aussi changer la manière de communiquer sur le recyclage, qui encourage actuellement la surconsommation (on a tendance à « gaspiller » les ressources si l’on croit qu’elles peuvent être recyclées). Enfin, l’immense problème posé par les déchets plastiques plaide pour une toute autre approche de la consommation. « Pendant plusieurs années, j’ai tenté, comme d’autres, de faire passer ce message : ne misons pas tout sur le recyclage, il est indispensable mais ne suffira pas, explique Flore Berlingen. Aujourd’hui, j’en viens à penser que cette mise en garde pèche par sa faiblesse. Dans la course au recyclage, la question de l’utilité sociale des objets produits n’est plus mise en balance avec leur impact social et environnemental. On en vient à chercher des moyens de recycler ce qui ne devrait même pas exister en premier lieu. » En somme, il en va des déchets comme de l’énergie : les meilleurs sont ceux qu’on ne produit pas.

En savoir plus :

Flore Berlingen : Recyclage, le grand enfumage - comment l’économie circulaire est devenue l’alibi du jetable, éditions Rue de l’Echiquier, juin 2020, 128 pages, 13 euros

2020-09-23
Le documentaire Grande-Synthe sort en DVD

Le documentaire Grande-Synthe, réalisé par Béatrice Camurat Jaud, vient de sortir en DVD. Ce film est une ode à l’humanité et à l’intelligence des acteurs de la ville, qui s'est engagée dans une transition sociale et écologique ambitieuse sous l’impulsion de son édile Damien Carême.

Plantons le décor : Grande-Synthe a tout pour tout déplaire. Pourtant située sur la très jolie Côte d’Opale, cette ville accueille sur son territoire et alentour des activités industrielles polluantes et dangereuses : métallurgie, port méthanier, centrale nucléaire de Gravelines. Elle concentre par ailleurs une grande misère : camp de migrants et fort taux de chômage (24 % dont 40 % de jeunes).

Face à ces difficultés écologiques et sociales, citoyens, associations et pouvoirs publics de Grande-Synthe se sont retroussé les manches pour trouver des solutions avec enthousiasme et humanisme, comme le souligne notre reportage sur le sujet. Plutôt que d’avoir peur des migrants, elle les accueille, les aide et les intègre (installation d’un camp, distribution de repas). Emmaüs y est une institution fort utile pour insérer ses compagnons mais également par ses distributions de paniers repas aux plus précaires de la commune. Pour contrer la mal information et lutter contre le désengagement citoyen elle crée une Université Populaire pour faire réfléchir les citoyens. Des jardins en pied d’immeuble et des jardins ouvriers sont développés pour redonner de l’autonomie alimentaire à petit prix à leurs utilisateurs. On construit des logements basse consommation qui réduiront la facture énergétique de leurs habitants. Toutes les cantines de la ville ne servent plus que du bio.

Voilà plus de 40 ans qu’on plante des arbres pour remettre de la Nature dans ce plat pays. Toutes ces actions ont notamment pour but de redonner de la dignité à tous ces laissés pour compte. Ce documentaire est illustré d’images très esthétiques, et rythmé par des interventions et questionnements de comédiens d’une troupe de théâtre local très investie sur les problématiques sociales de la Ville.

http://grandesynthelefilm.com

Durée du film 90 minutes – Prix : 20 euros

2019-09-18
Prats, un village des Pyrénées bientôt autonome en énergie

La petite commune de 1000 habitants de Prats-de-Mollo-La Preste située dans les montagnes des Pyrénées Orientales s’est donné 5 ans pour devenir autonome en énergie (2021). Mode d'emploi.

Ce n’est pas un élan écologique qui a fait germer ce projet mais une augmentation drastique et régulière du prix de l’électricité et de son transport, qui alourdissait régulièrement la facture énergétique des Pratsois.Pour mener à bien ce projet, une Société d’Economie Mixte (Prats’Enr) a été créée avec trois collèges d’actionnaires : la mairie (60%), la régie d’électricité locale (20%) et une SCIC d’un collectif d’habitants (20 %) dénommée Ecocit (Energie-COllectif-CIToyen).

Le mix énergétique pratsois

La commune ne partait pas de zéro. Elle avait déjà une Régie électrique et une usine hydraulique sur la rivière du Tech produisant 35 % de sa consommation électrique. Pour atteindre l'autonomie énergétique, la SEM a tout d’abord remis en service l’ancienne installation hydraulique. Inutilisée depuis 20 ans, celle-ci alimentait un établissement thermal installé sur la commune. Des microturbines ont été posées sur les canalisations d’eau potable venant de la montagne. Des panneaux photovoltaïques sont en cours d’installation sur des toitures agricoles (bergeries, étables ou granges) et industrielles. Une installation de microméthanisation alimentée par les effluents des agriculteurs du bassin complétera le panel de production.En parallèle une régie de données est en cours de création pour piloter au mieux les infrastructures de production et de distribution d’électricité de la commune. Elle permettra aussi de sensibiliser et informer les Pratsois sur leur consommation d’énergie, en vertu du postulat selon lequel la meilleure énergie renouvelable est celle qu’on ne consomme pas. La gouvernance du projet et de ces données est un chantier important pour le succès de l’opération dans un contexte de défiance à l’égard des compteurs intelligents Linky.

L'implication des habitants, facteur de réussite

La concertation et la sensibilisation ont démarré et les citoyens sont réceptifs et impliqués. Aujourd’hui 8 % des habitants (soit 80 personnes) ont adhéré au collectif citoyen, soit un taux de participation très élevé pour ce type de projets. Plus de la moitié (50) sont présents aux réunions d’information.Le projet bénéficie d’un programme de recherche action baptisé DAISEE qui a pour objectifs de développer de nouveaux liens entre consommateurs et producteurs d’énergie, de publier des connaissances ouvertes sur les questions complexes de la transition énergétique et de créer et expérimenter des solutions face aux nombreux défis à relever sur le plan technique et organisationnel.Pour sensibiliser les habitants aux pics de dépassement de production, il est par exemple envisagé d’installer dans chaque foyer une lampe qui sera verte en cas de production suffisante et rouge en cas de dépassement. Issue d’un retour d’expérience au Danemark, l'idée sera d’autant plus pertinente que le village compte de nombreux retraités n’ayant pas toujours de smartphone ni d’ordinateur susceptibles de les informer. Bref, les Pratsois ne manquent pas d’énergie pour faire aboutir ce projet !

2019-04-08
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