Du rouge à lèvres, des pastels gras, un pot de peinture acrylique, et même une boite de Doliprane… A la Halle aux Sucres à Dunkerque, l’exposition « Or noir – ruée – marée – virage » dissémine dans les espaces d’exposition une collection d’objets aussi hétérogènes que banals. Leur point commun ? Ils intègrent tous dans leur composition un pourcentage plus ou moins élevé de pétrole. Cet inventaire du quotidien est éloquent : il pointe l’omniprésence de « l’or noir » dans nos sociétés, bien au-delà des combustibles auxquels on associe spontanément cette énergie fossile. Difficile dans ces conditions d’envisager ce que pourrait être une société post-carbone. C’est à ce défi que s’affronte Carola Hein, commissaire de l’exposition « Or noir » : avec le concours de ses étudiants, de ceux des Beaux-arts de Dunkerque et de SciencesPo Lille, cette professeure et directrice de chaire du département d’Histoire d’architecture et d’Urbanisme de l’Université de Delft (Pays-bas) esquisse à la Halle aux sucres quelques « visions du futur », où l’alimentation, le transport, l’activité économique ou les loisirs ne seraient plus tributaires de l’extractivisme pétrolier. Une entreprise nécessaire, à l'heure où le pic pétrolier et le dérèglement climatique, mais aussi les tensions géopolitiques et les pollutions générées par l'extractivisme plaident pour un virage à 180°, c
Si l’exposition affiche une visée prospective, sinon utopique, elle commence par un examen de ce qui a conduit nos sociétés à un tel degré de dépendance. « Pour se défaire du pétrole, on a besoin de comprendre comment il a transformé notre environnement depuis 150 ans », plaide Carola Hein. Sous forme d’une chronologie et de panneaux dédiés aux stratégies cyniques des grands groupes pétroliers, la Halle aux sucres esquisse ainsi une histoire de l’exploitation pétrolière, qui se prolonge, au musée portuaire de Dunkerque, dans l’exposition « Oily days ». Le pétrole, rappelle celle-ci, est connu dès l’Antiquité. Il est alors utilisé dans le cadre de rites religieux, et entre vraisemblablement dans la composition des fameux feux grégeois. Il faut toutefois attendre la Révolution industrielle pour le voir s’imposer progressivement comme source d’énergie et comme carburant de l’économie mondiale. Les premiers gisements sont découverts en 1858 à Oil Springs au Canada et à Titusville en Pennsylvanie. Douze ans plus tard, J.D Rockfeller fonde Standard Oil et commence à étendre son empire sur le monde, même si la découverte de gisements à Bakou en 1871 marque très tôt l’entrée en scène d’un autre géant pétrolier : la Russie. En 1900, deux firmes dominent ainsi le marché mondial : la Standard Oil américaine et le Branobel russe créé par les frères Nobel en 1876. Dans ce contexte, l’Europe cherche à exister : les Pays-bas créent la Royal Dutch Shell pour exploiter le pétrole indonésien, l’Angleterre l’Anglo-persian oil, à l’origine de la future BP, la Belgique PetroFina et la France la Compagnie Française des pétroles (CFP). Ces deux dernières sont à l'origine du groupe Total.
Mais après la ruée vers l’or noir, vient le temps du doute : en 1960, la fondation de l’OPEP rebat les cartes de l’exploitation pétrolière mondiale et, treize ans plus tard, la guerre du Kippour provoque le 1er choc pétrolier. Suivront les marées noires (Amoco Cadiz en 1978, Erika vingt ans plus tard, Deepwater horizon en 2010…), la Guerre du Golfe, les premières alertes sur l’impact climatique des énergies fossiles et la découverte de « continents de plastique » liés à la pétrochimie. A Dunkerque, pétrole rime aussi avec désindustrialisation : en 2010, Total y ferme la raffinerie des Flandres, 800 emplois sont perdus. Si « l’or noir » a cessé d’incarner le progrès, c’est enfin que les compagnies pétrolières sont aujourd’hui des multinationales puissantes, dont l’opacité financière surpasse encore, si c’est possible, le désastreux impact environnemental. Dans Le Totalitarisme pervers (éditions Rue de l’échiquier, 2017), Alain Deneault démonte ainsi terme à terme le mythe selon lequel Total serait « une société pétrolière française ». « Elle est bien davantage devenue un pouvoir, explique-t-il, une autorité souveraine qui se distingue des Etats, les domine, les investit ou les instrumentalise pour arriver à ses fins : régner. » Un coup d’œil à l’actualité confirme largement le propos : après le scandale provoqué par l’importation d’huile de palme par le géant pétrolier dans la bio-raffinerie de la Mède – le tout avec l’aval du gouvernement français – un arrêté vient de l’autoriser à mener une campagne de forage au large de la Guyane. Le tout dans un contexte de tensions et de menaces de blocage liés à l’augmentation du prix de l’essence. Il faut dire qu’hors des métropoles, lesquelles sont désormais inaccessibles aux bas-salaires, toute alternative à la voiture a de longue date été détruite.
Tout plaide donc pour un virage. Mais comment s’y prendre ? A la Halle aux sucres, une série de panneaux esquisse les scénarios possibles d’un monde sans pétrole, en ancrant cet effort prospectif dans le territoire dunkerquois. Susie Cox imagine ainsi un système alimentaire fondé sur les circuits courts et la transformation des déchets en biogaz, et Casper Kraii suggère une « ferme ambulante » dont les denrées seraient distribuées via le réseau ferré. Ege Cakir aborde quant à lui la dépollution des sols et de l’eau : il décrit de grands « animaux » autonomes écumant l’ancienne raffinerie Total pour faire du nettoyage du site un événement public. L’exposition présente aussi les travaux de Lea Scholze et Gemma Galeno, qui imaginent quels pourraient être les matériaux de construction utilisés dans une société post-pétrole. La production de mycélium, suggère la première, pourrait alors remplacer le plastique. La seconde préconise d’utiliser le bambou, et invente un nouveau système d’attache composé de ce matériau. Et l’énergie ? Joséphine Gebbie propose de la produire grâce à une ressource on ne peut plus abondante à Dunkerque : l’eau. Technologie balbutiante, l’énergie marémotrice pourrait ainsi couvrir les besoins de la ville.Evidemment, ces propositions ont des airs de science-fiction. Elles n’en soulignent que mieux cette évidence : la sortie du pétrole dépend de notre capacité à mobiliser toutes les ressources de l’imagination… Raison pour laquelle l’exposition Or noir s’accompagne, jusqu’au 16 juin 2019, d’une série de conférences explorant les alternatives aux énergies fossiles.
A l’initiative d'habitants qui se regroupent pour mettre en commun leurs ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur logement, les projets d'habitat participatif suscitent un engouement depuis quelques années en France. Le Pavillon de l'Arsenal de Paris dévoile depuis le 19 mars dernier, l'exposition « Habitat participatif- 3 sites 12 projets » rassemblant les lauréats et finalistes du premier appel à projets lancé en 2014 par la Ville de Paris pour la construction de 3 immeubles participatifs.
A travers leurs usages innovants (espaces mutualisés, toit-potager, espace de coworking, café associatif, coursives habitées et terrasses suspendues, atelier de fabrication et bricolage) et leurs ambitions fortes en matière de sobriété énergétique et de biodiversité (gestion des eaux de pluie, installations photovoltaïques, ventilation naturelle), les trois projets d’habitat participatif retenus confirment que l'innovation et la durabilité sont au centre de la construction actuelle. Autre point fort de cette forme d'habitat : l'ouverture sur le quartier. Les lauréats ont tous consacré une partie de leurs mètres carrés à des espaces ouverts non seulement à tous les résidents de l'immeuble mais aussi aux voisins et habitants du quartier. Ainsi, le projet du 16/18 rue Armand Carrel dans le 19e arrondissement de Paris comprend un atelier, un social club, une cuisine commune, une toiture végétalisée et une serre. Au 20 rue Gasnier-Guy dans le 20e arrondissement, le jardin de 170 mètres carrés sera ouvert à tous. A quelques mètres de là, au 9 rue Gasnier-Guy, les habitants élaborent un projet solidaire tourné vers le quartier en partenariat avec d’autres associations qui offrira des espaces diversifiés et ouverts comme une salle de musique et une salle de coworking.L'exposition, qui fait suite au jury, vient clore la phase 2 de l’appel à projets Habitat participatif. Prochaine étape : les trois groupes « lauréats » vont déposer un permis de construire et signer une promesse de vente pour l’acquisition des trois parcelles, d’ici septembre 2016.
La fréquence et la virulence des attaques dont il est la cible ne laisse aucun doute : le périurbain est en crise. Dans une époque qui multiplie les appels à la densité et à la mixité sociale, urbanistes et sociologues font de cet entre-deux géographique la cristallisation des maux auxquels s’affronte la ville contemporaine : « Il est fustigé au titre du gaspillage du sol, de la consommation d’énergie, de l’entre soi sécuritaire, mais aussi des valeurs qu’il est censé véhiculer, explique Vincent Kaufmann, sociologue et président du comité d’orientation du Forum vies mobiles, « transinstitut » créé en 2011 par la SNCF. Le périurbain est perçu comme un rêve de petit bourgeois, et souvent associé à un projet familial. C’est aussi cela qu’on attaque, non sans mépris. »Les 25 et 26 janvier prochains, un colloque et deux expositions à la Maison rouge entendent justement bousculer cette unanimité d’experts. Organisé par le Forum Vies mobiles, l’événement questionne les représentations du périurbain à l’aune de la mobilité, confronte mythes et pratiques et s’interroge sur les conditions de possibilité d’une « transition mobilitaire » durable. Si le thème du colloque a été déjà largement traité, sa perspective est assez neuve, comme le souligne Vincent Kaufmann : « conformément à l’ambition du forum, qui est d’hybrider les savoirs, nous cherchons à confronter artistes et chercheurs. Nous avons en effet constaté que nombre d’artistes s’étaient saisis de la question et proposaient sur le phénomène un regard décalé. Nous avons voulu verser leur point de vue au dossier. »
Ainsi, la 2e édition des rencontres internationales du Forum s’assortit d’une double exposition montée sous la houlette d’Irene Aristizabal, commissaire d’exposition d’origine colombienne et espagnole. La première, « Vertiges et mythes du périurbain », croise photographies réalisées par Solmaz Shahbazi dans les gated communities du Caire, compositions sonores de Justin Bennett ou encore dessins tout droit sortis de l’AVL Ville fondée par l’Atelier Van Lieshout à Rotterdam. D’un côté l’entre-soi pavillonnaire, de l’autre l’invention foutraque d’une autre manière de vivre dans les marges. Dans une seconde exposition, les travaux de Ferjeux van der Stigghel (voir photo) autour des « travellers, campements et bords de ville » questionnent les mutations de l’espace social dans une Europe en crise. Autant de propositions qui suggèrent que c’est peut-être là, dans ces espaces désignés sous les appellations diverses de grande banlieue ou de faubourg que se joue l’avenir des mobilités.C’est d’ailleurs tout l’enjeu la 2e édition des rencontres internationales du Forum que d’envisager la manière dont l’espace périurbain pourrait se muer en « territoire d’avenir ». Ainsi, le colloque réunit une vingtaine de chercheurs, parmi lesquels Jacques Levy, Eric Charmes ou Jean-Michel Roux, autour de cette question cruciale : « des mobilités durables dans le périurbain, est-ce possible ? » Selon Vincent Kaufmann, l’adaptation à la crise énergétique et climatique est en effet l’un des défis auxquels doit s’affronter la ville du vingt-et-unième siècle : « La transition mobilitaire est inévitable, explique-t-il. Il faut s’y préparer. L’enjeu est de transformer les mobilités périurbaines sans jeter le bébé avec l’eau du bain. »
"Le périurbain dans tous ses états" - Des artistes et des chercheurs explorent le périurbain
2 expositions - "Vertiges et mythes du périurbain" - "Travellers, campements et bords de ville"1 colloque international - "Des mobilités durables dans le périurbain, est-ce possible ?"
Les jeudi 24 et vendredi 25 janvier à la Maison Rouge - 10 boulevard de la Bastille 75012 Paris