
Le média qui analyse et présages des mutations de la fabrique de la ville.
Imaginez des hommes et des femmes libres et guidés par la Raison ; consacrant six heures par jour au travail, le reste au repos, à l’instruction et aux « plaisirs bons et honnêtes » ; méprisant le luxe et le sang versé (y compris par les bouchers et les chasseurs), ignorant la propriété privée, bref dédaignant tout ce dont s’enorgueillissent les nobles que Thomas More côtoie à la cour d’Henri VIII, dont il est chancelier ; élisant une assemblée de « philarques » entièrement dédiés à l’intérêt général et chargés de désigner le prince le plus moral et le plus capable d’œuvrer au bien commun…
Ces hommes et ces femmes, ce sont les heureux habitants de l’ile d’Utopie, qui regroupe 54 villes quasi identiques dans leurs proportions, et dont Amaurote est la capitale. Sous la plume de Thomas More, leur description imaginaire doit d’abord se lire comme une charge contre son temps, comme un réquisitoire contre la misère des uns, l’oisiveté et la cupidité des autres : L'Utopie est contemporain du mouvement des enclosures qui privatise les terres et reconfigure alors brutalement l’espace rural anglais. En plaidant contre la tyrannie et pour l’égalité entre les hommes (égalité toute relative : les femmes restent soumises à leurs maris, et l’esclavage est en vigueur), l’humaniste anglais ouvre sur cinq siècles d’utopies, socialistes notamment, qui ont laissé une empreinte durable sur l’espace urbain contemporain. Dans Lettres à Thomas More (éditions La Découverte, 2016), Thierry Paquot rappelle cette longue postérité, acquise parfois au risque du plus complet contresens quant à la nature de sa pensée : « Depuis quelques temps, l’utopie a mauvaise presse – il faudra que je te parle de ces « totalitarismes » qui ont abîmé ta belle idée », écrit le philosophe.
De fait, s’il n’est pas le premier à imaginer et décrire une société idéale, Thomas More est celui qui aura exercé l’influence la plus décisive sur tous ceux qui, à sa suite, se sont prêtés à l’exercice et en ont tenté la mise en œuvre concrète. Il faut dire que c’est à lui qu’il revient d’avoir forgé le terme même d’utopie à partir du grec « topos » (lieu) flanqué d’un préfixe privatif.
Dans l’introduction du numéro spécial que la revue Futuribles consacre aux utopies urbaines, l’urbaniste Jean Haëntjens identifie cinq grandes périodes de la pensée utopique. Après l’âge des utopies « politico-philosophiques » inauguré par Platon, les utopies « monastiques » du Moyen-âge qui inventent des « cités de dieu » en modèle réduit et les utopies humanistes de la Renaissance dont l’ouvrage de Thomas More fournit le parangon, les utopies socialistes du XIXe constituent l’héritage le plus direct de l’humaniste anglais. Pour Fourier, Cabet, Owen ou William Morris, il s’agit alors d’offrir un contrepoint à la brutalité de la Révolution industrielle et de penser un « progrès » fondé sur le bien-être physique et moral des ouvriers. L’ « utopie concrète » du Familistère de Guise construit par l’industriel Jean-Baptiste Godin dans l’Aisne entre 1859 et 1884, en illustre alors les principes : ce « palais social » fournit aux ouvriers travaillant dans l’usine toute proche un logement clair, spacieux et sain (on y trouve de l’eau courante à chaque étage, fait rarissime à l’époque), mais aussi une école, une piscine, un théâtre et une nourriture saine et bon marché, bref, tous les « équivalents de la richesse ». De même, à partir de 1917, la Révolution russe tente de généraliser l’idéal de justice et d’égalité porté par l’ouvrage de Thomas More, comme le rappelle Thierry Paquot dans ses lettres : « dans la jeune Union soviétique, née de la Révolution bolchévique d’octobre 1917, des ouvrières et des ouvriers ont donné ton nom à leur soviet. Pour elles et eux, qui ne savaient peut-être pas où se trouvait Londres et mélangeaient les siècles, tu représentais un idéal de justice et d’émancipation dans ton époque marquée par la Renaissance et pas encore déchirée par les guerres de religion. »
La Russie soviétique n’est pas, loin s’en faut, le seul prolongement au vingtième siècle de l’idéal porté par Thomas More. Pour Jean Haëntjens, les expériences libertaires des années 1960 et 1970 constituent en effet un cinquième âge des utopies, éclos dans un contexte de crise du modèle de développement industriel et annonçant la transition vers un âge post-industriel. Elles marquent l’intégration dans la pensée utopique de thématiques jusqu’alors marginales, dont la prise en compte des limites des ressources naturelles, l’accélération des technologies de la communication, et enfin l’avènement de l’individualisme et de la société des loisirs (Archigram, Constant, etc.).
Si les utopies se marquent, au moins jusqu’à Saint-Simon, par leur isolement (au sens étymologique du terme : l’Utopie de Thomas More est une île), elles sont largement digérées par les théories urbanistiques des 19e et 20e siècle. Comme l’a montré Françoise Choay, elles servent de base à l’élaboration de modèles urbains au double sens du terme : exemplaires et reproductibles. L’historienne tire ainsi un trait d’union entre la spécialisation des espaces de mise dans le phalanstère de Fourier et l’avènement, près de cent ans plus tard, du fonctionnalisme corbuséen. De la même manière, l’érection des grands ensembles à partir de la fin des années 1950 répond explicitement à l’hygiénisme des utopistes, et réalise leur prétention à offrir aux ouvriers ces « équivalents de la richesse » que sont l’air pur, la lumière ou la verdure. Dans les lettres à Thomas More, Thierry Paquot dresse un constat voisin, en pointant dans l’Union soviétique le rejeton colossal et monstrueux de la petite île imaginée en 1516 par Thomas More…
Faut-il voir dans ce passage presque systématique de l’expérimentation isolée au modèle totalisant (et parfois totalitaire) l’une des causes de la crise contemporaine des utopies pointée par nombre d’intellectuels ? De fait, à l’heure où l’on dépose le bilan de l’urbanisme fonctionnel, où l’utopie des « cités radieuses » s’est dissoute dans la « crise des banlieues », où l’idéal collectiviste porté par le communisme bute sur l’inventaire du goulag et de la révolution culturelle, l’utopie charrie un bilan mitigé, étant au mieux synonyme d’idéal inaccessible. Où trouver les équivalents contemporains d’Amaurote ou New Lanark ? Quelles formes aurait aujourd’hui la cité idéale, et qu’y ferait-on ?
Dans le numéro de Futuribles consacré aux utopies urbaines contemporaines, celles-ci semblent trouver diverses déclinaisons. Premières d’entre elles : les écoquartiers, mais aussi les immeubles coopératifs et participatifs, qui peuvent être tenus pour autant de prolongements (et de modélisations, encore et toujours) des expériences communautaires forgées dans les années 1960-70. La revue consacre ainsi un article à Utop, projet d’habitat participatif réunissant 22 personnes et reposant, de l’aveu du chargé de mission qui a coordonné l’opération à la mairie de Paris, « sur des valeurs communes au groupe, une réflexion sur une autre forme d’économie, participative, solidaire. »
Mais c’est surtout du côté du numérique qu’il faut aller chercher les ferments des utopies contemporaines. De même que la Révolution industrielle a engendré Fourier, Owen, Morris, Marx et Engels, la révolution informatique s’accompagne d’une poussée utopique, dont la Silicon Valley constituerait tout à la fois la source et l’épicentre. Ce sixième âge de la pensée utopique hérite lui aussi des expériences communautaires menées sur la côte ouest américaine dans les années 1970. Dans Aux sources de l’utopie numérique, Fred Turner montre ainsi comment les communautés hippies et leur mise en question du modèle fordiste ont façonné les premiers usages d’Internet.
De fait, l’apologie de la créativité individuelle chez les Hippies trouve sa réalisation dans l’utopie dite du libre. Dans un article de 1972 dans Rolling stone, Stewart Brand, fondateur du Whole Earth catalog et futur artisan de l’Electronic Frontier Fondation, décrit ainsi l’informatique comme le nouveau LSD, c’est-à-dire comme un moyen de favoriser l’avènement d’une conscience planétaire délestée des hiérarchies et des conventions. D’un tel idéal, le festival Burning man, dont les entrepreneurs de la Silicon Valley se trouvent être friands, constitue l’une des manifestations les plus saisissantes.
Utopie online, « hors sol » et a priori déterritorialisée, le numérique se décline pourtant largement dans l’espace urbain contemporain. Sur son versant anarchiste, il a d’abord enfanté ces « hétérotopies » que sont les fablabs et les hackerspaces. Fondés sur une « éthique hacker » pétrie d’horizontalité et de recherche d’autonomie, ces derniers s’attachent à repenser la place et la finalité du travail dans les sociétés post-industrielles, en tout premier lieu à travers le "faire".
Leur font pendant un projet porté par les industriels du numérique, dont il faut attribuer la paternité à IBM : la smart city. « Initialement il s’agissait de remédier aux erreurs de conception du passé en matière de congestion urbaine, de réchauffement climatique, de santé…, rapporte Jean-François Soupizet dans Futuribles (« Les Villes intelligentes, entre utopies et expérimentations »). Tout peut être informatisé de sorte que là où il y a gaspillage, s’impose l’efficacité ; là où règnent le risque et la volatilité, on puisse prédire et alterter ; et que là où il y a crime et insécurité, on dispose d’yeux artificiels pour surveiller. » Déclinée en matière de gouvernance, d’énergie, de circulation routière ou de sécurité, la smart city prétend ainsi réguler et « optimiser » la gestion de l’espace urbain à grands coups de datas. D’où les tensions politiques nées de ce modèle perçu par certains comme possiblement orwellien.
Enfin, l’idéal libertarien aux sources de la révolution numérique pourrait engendrer dans un avenir proche l’une des plus grandes dystopies qui soient. Depuis quelques années, certains entrepreneurs de la Silicon Valley multiplient en effet les projets de cités flottantes protégées tout à la fois des aléas climatiques et de la fiscalité des Etats, bref des havres pour millionnaires à l’écart des viscitudes du monde… Soit très exactement l’inverse de la société idéale décrite il y a 500 ans par Thomas More.
Revue Futuribles, « Renouveau des utopies urbaines, numéro de septembre-octobre 2016
Thierry Paquot, Lettres à Thomas More, éditions la Découverte, 2016
Françoise Choay, L’urbanisme, utopies et réalités, le Seuil, 1965
Jean-Baptiste Godin, Solutions sociales, les éditions du Familistère, 2010
A seulement quelques mètres de la Tour Eiffel, en plein cœur de Paris, le chef Andrew Wigger du restaurant franco-californien Frame me conduit sur le toit de l'hôtel Pullman sur lequel est niché un jardin potager de près de 600 mètres carrés où poussent courgettes, aubergines, tomates, melon, figues, pommes, poires et romarin. Près d'une centaine de variétés de fruits, légumes et herbes aromatiques sont cultivés en fonction des saisons. Quatre ruches ont été installées, d'où partent les abeilles butineuses qui ont produit près de 180 kilos de miel en 2015. Les quelques poules qui caquettent dans un coin, fournissent les œufs du brunch servi le week-end. Un véritable îlot de verdure qui contraste avec le bâti ultra dense environnant. « Ce matin, j'ai cueilli des courgettes et des aubergines dont j'avais besoin pour mon plat du jour », m'explique le chef Andrew. A 32 ans, cet américain originaire du Missouri a fait ses armes auprès d'un chef français en Californie. Dans son restaurant, Andrew sert une cuisine fusion aux influences asiatiques et mexicaines typique de la gastronomie californienne, associée à la cuisine française. « J'ai grandi dans une ferme alors ici je me sens comme à la maison quand je cuisine les légumes du jardin. Chaque matin, j'observe ce qui est mûr ou non et je cueille ce qui va me servir pour les plats. Avoir son propre potager permet de mieux ressentir la saisonnalité, de se reconnecter à la nature et bien sûr les légumes ont beaucoup plus de goût ! »
La carte de l'établissement évolue chaque mois en fonction des récoltes. En ce mois d’août, le chef propose au menu la salade du jardin, uniquement composée des légumes du potager. Ce dernier ne permet pourtant pas de satisfaire tous les besoins en fruits et légumes... En fonction du temps, de l'ensoleillement ou de la pluie, le jardin permet d'atteindre une autosuffisance sur quelques produits et pour une semaine environ. « Nous produisons beaucoup de salades, et une semaine sur deux, nous n'avons pas besoin d'en acheter, ce qui correspond à une économie d'environ 400€ /mois », explique Andrew Wigger. Pour les autres produits, le restaurant essaie de privilégier au maximum une approche locale, sans toutefois s'interdire d'acheter des produits espagnols pour la nécessité d'une recette.
« Nous produisons beaucoup de salades, et une semaine sur deux, nous n'avons pas besoin d'en acheter, ce qui correspond à une économie d'environ 400€ /mois. » Andrew Wigger, chef du restaurant Frame (Paris)
L’installation et l'entretien du potager ont été confiés à Topager, une entreprise spécialisée dans les jardins potagers sur les toits et les murs végétalisés. Trois fois par semaine, un membre de l'équipe veille à l'état du jardin et replante une variété de fruits ou légumes en fonction des envies du chef. Impossible toutefois de connaître le montant d'un tel projet, la direction se refusant à le communiquer. A Paris toujours, l'école de gastronomie Ferrandi cultive ses propres herbes aromatiques sur son toit pour produire des fleurs comestibles et des aromatiques rares. « Ces produits sont fragiles et coûteux, la production locale permet ainsi des économies significatives et apporte une valeur gustative supérieure », peut-on lire sur le site internet de Topager. Aussi, le chef Yannick Alléno a été l'un des premiers à installer un petit jardin au-dessus de son restaurant « Le Terroir parisien », à la Maison de la Mutualité à Paris.
Et la pollution dans tout ça ? Contrairement à certaines idées reçues, la pollution de l'air n'a quasiment pas de conséquences sur la qualité des produits cultivés. Comme nous l'explique Nicolas Bel, fondateur de Topager, « la pollution de l'air affecte surtout nos poumons mais ne rentre pas dans les légumes ! Seuls les métaux lourds peuvent être un danger lorsque les végétaux sont placés en bordure de route. Nous effectuons des tests régulièrement qui révèlent des chiffres en dessous des normes européennes. » Des relevés par ailleurs obligatoires dans les réglementations sanitaires et les fruits et légumes du potager suivent la même procédure que ceux achetés sur le marché ou en magasin.
« La pollution de l'air affecte surtout nos poumons mais ne rentre pas dans les légumes ! Seuls les métaux lourds peuvent être un danger lorsque les végétaux sont placés en bordure de route. Nous effectuons des tests régulièrement qui révèlent des chiffres en dessous des normes européennes. » Nicolas Bel, fondateur de Topager
« Il n'y a pas de réglementations spécifiques pour les potagers sur les toits. Il y a actuellement un flou juridique car cette pratique reste encore anecdotique », précise Nicolas Bel.Ailleurs, d'autres chefs veulent aller encore loin. A Copenhague, le Danois René Redzepi, à la tête du Noma, a annoncé la fermeture de son restaurant fin 2016 pour le transformer en « ferme urbaine ». Le nouveau lieu devrait ouvrir dans le quartier de Christiania, quartier « libertaire » créé par des communautés hippie dans les années 1970. Réputé pour mettre un point d'honneur à cuisiner des produits de saison et locaux, le chef danois souhaite pousser davantage ses ambitions locavores à travers son restaurant-ferme doté d'une serre pour proposer, au maximum, une carte « zéro kilomètre ».
En 2000, une étude du sociologue Paul H. Ray et de la psychologue Sherry Ruth Anderson consacrait l’émergence aux Etats-Unis d’une alternative de poids à l’American way of life : les créatifs culturels ou créateurs de culture. Ces « acteurs du changement », dont les deux chercheurs estimaient la part à 24% de la population américaine (17% en France), étaient identifiés par quatre pôles de valeurs : l’écologie, l’ouverture aux valeurs féminines, la spiritualité et l’implication sociale. Agrégés dans une nébuleuse aux contours flous (il faut dire que l’expression vague de « créatifs culturels » n’aide pas à les identifier), ce sont les clients des AMAP, des marchés bios et des stages de médecine ayurvédique ; les néo-paysans ayant troqué une carrière d’ingénieur contre une activité d’éleveur bio davantage en accord avec leur idéal de sobriété ; mais aussi, à l’autre extrémité du spectre, les gérants de start-up où l’on promeut l’économie collaborative et la troisième révolution industrielle de Jeremy Rifkin.Quinze ans tout juste après la traduction en France de l’étude de Ray et Anderson, la sociologue Ariane Vitalis vient de consacrer un ouvrage au phénomène. Rencontre avec l’auteure de Les Créatifs Culturels : l’émergence d’une nouvelle conscience (éditions Yves Michel).
Les créatifs culturels ont beaucoup plus conscience qu’ils font partie d’une dynamique collective. Le sentiment de solitude qu’ils pouvaient ressentir est moins présent. La révolution numérique et les réseaux sociaux ont évidemment joué dans cette évolution : les créatifs culturels peuvent davantage se connecter les uns aux autres et se rencontrer.
L’expression n’a pas pris car elle n’est pas suffisamment explicite, et n’évoque pas forcément le lien avec la transition. C’est différent aux Etats-Unis, où le terme est davantage pris en considération. En France, on parle plutôt d’acteurs du changement, de défricheurs ou de transitionneurs. Mais peu importe au fond que l’expression ne fasse pas tout de suite sens : les créatifs culturels ne sont pas obligés de se définir.
Le bobo est un créatif culturel, mais il ne définit pas le phénomène dans sa totalité. Chez les créatifs culturels, l’idée de spiritualité, de connaissance de soi est centrale. Or, elle demeure souvent superficielle chez les bobos. David Brooks, à qui l’on doit ce mot, définit le bobo comme un individu qui critique la culture capitaliste tout en en vivant...
"Chez les créatifs culturels, l’idée de spiritualité, de connaissance de soi est centrale." Ariane Vitalis
Chez le premier domine l’idée que l’intégration au système peut permettre de le transformer de l’intérieur, tandis que d’autres créatifs culturels sont plus radicaux et opèrent un changement de vie. Mais tous veulent transformer la société d’une façon ou d’une autre. Ils partagent également des valeurs communes, telles que le sentiment d’urgence écologique, une volonté d’engagement, un élan vers la connaissance de soi, pour la consommation éthique, le développement durable, le bio, etc.
En effet. Ils ont une vision globale des crises, qu’ils perçoivent comme interconnectées. Ce sont des chantres du « Penser globalement, agir localement ». Ils ont pris conscience que les problèmes mondiaux affectent aussi des communautés locales.
En 2006, on estimait la part des créatifs culturels à 17%. Aujourd’hui, je dirais qu’ils sont environ 25%. Les valeurs des créatifs culturels ont progressé. L’expansion des restaurants végétariens en témoigne : il y a quelques années, être végétarien était difficile. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui. Idem pour le bio, qui s’est considérablement développé…
Dans l’étude de Ray et Anderson en effet, les créatifs culturels appartiennent majoritairement aux classes moyennes supérieures, qui ont fait des études, et qui peuvent se permettre d’acheter bio, par exemple.
"Les créatifs culturels appartiennent majoritairement aux classes moyennes supérieures, qui ont fait des études, et qui peuvent se permettre d’acheter bio, par exemple." Ariane Vitalis
On n’est pas dans le cadre d’un militantisme classique porté par le prolétariat. On reste dans un certain milieu, mais il y a malgré tout une certaine hétérogénéité des classes sociales.
La plupart des créatifs culturels ont un lien fort avec les technologies, qui leur permettent de travailler en réseau, de s’informer. Leur existence même est très liée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication : elles leur ouvrent des possibilités en matière d’écologie, d’économie collaborative, d’innovations… Pourtant, certains radicaux se montrent plus critiques à leur égard et pointent notre aliénation aux outils technologiques. Cela peut aller jusqu’au refus pur et simple et à la déconnexion…
Ils se trouvent dans le droit fil des mouvements hippies et de la contre-culture des années 1950 à 1970, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Les Diggers, la Beat Generation, les mouvements pacifistes constituent leur héritage le plus proche. Mais on peut remonter jusqu’au romantisme et au transcendentalisme, qui sont nés de part et d’autre de l’Atlantique au XIXe siècle en réaction à la modernité capitaliste. Les Romantiques aspiraient à une vie plus communautaire, plus fraternelle, en lien avec la nature et le sacré. Idem pour Thoreau et Emerson en Amérique : le mode de vie qu’ils appelaient de leurs vœux était aux antipodes de la société industrielle naissante.
Pour autant, certains créatifs culturels sont de plain pied dans l’économie de marché, notamment ceux qui promeuvent l’économie collaborative…
Comme je l’expliquais, les créatifs culturels adoptent une grande diversité de postures, qui vont de la décroissance à la volonté de créer un capitalisme plus « éthique » et plus vert.
"Les créatifs culturels adoptent une grande diversité de postures, qui vont de la décroissance à la volonté de créer un capitalisme plus « éthique » et plus vert." Ariane Vitalis
Dans leur version « capitaliste », les créatifs culturels penchent vers l’entreprenariat social, et manifestent une vraie volonté d’horizontaliser les rapports hiérarchiques.
Je dirais oui… dans une certaine mesure. On y trouve quelques-uns de leurs modes d’action caractéristiques : potagers urbains, assemblées démocratiques, absence de leadership, etc. Mais les personnes qui participent à ce mouvement sont très variées. On y trouve aussi des profils plus enclins à une certaine violence. Chez les créatifs culturels, la non-violence, la connexion avec le spirituel, l’empathie et la douceur sont constitutifs de leur façon d’être.
Le problème des créatifs culturels est qu’ils manquent d’organisation et demeurent une minorité en France et en Occident. Le reste de la masse est lourd à mobiliser. Mais si leur impact reste minime, il n’est pas à négliger. Le succès du film Demain montre bien qu’il y a un engouement croissant pour les alternatives portées par les créatifs culturels. Reste alors la question du passage à l’acte.
Pour certains créatifs culturels, en effet, l’élan vers l’écologie, l’empathie, la spiritualité, etc. est un simple effet de mode. Certains s’engagent dans ces chemins-là sans être convaincus au fond d’eux mêmes et on peut alors craindre qu’ils soient rattrapés par l’économie de marché. Mais il existe chez la grande majorité d’entre eux une vraie volonté de mettre en accord leurs pensées et leurs actes. Les Créatifs culturels sont très empathiques, ils se sentent en lien profond avec le monde.
Ariane Vitalis, Les Créatifs culturels : l'émergence d'une nouvelle conscience, regards sur les acteurs d'un changement de société - Editions Yves Michel, 2016, 200 pages, 15 €
Est-il légal de pique-niquer sur un rond-point ? De faire sa lessive dans une fontaine ? D’organiser un karaoké sur la voie publique ? En collaboration avec juristes et étudiants (notamment ceux du FAI-AR à Marseille et du Master droit et création artistique à Aix-en-Provence), la compagnie X/tnt répond méthodiquement à ce genre de questions. Depuis 2014, de conférences en workshops et en festivals, elle élabore ainsi pas à pas un « code de la Déconduite » fondé sur un protocole rigoureux. Chaque interrogation soulevée est ainsi formulée par écrit et décrite aussi précisément que possible, publiée et validée sur un wiki avant d’être analysée par des juristes, puis éventuellement « performée », si la loi le permet, au gré d’ « actions » spectacles. « C’est très ludique, et on rit beaucoup », s’enthousiasme Antonia Taddei, dramaturge et cofondatrice de la compagnie X/tnt avec Ludovic Nobileau.
Pourtant, derrière le potache des questions qu’il soulève (et justement en vertu de ce potache mobilisateur), le code de la Déconduite vise rien moins que d’engager les citadins à mieux connaître les règles qui régissent leurs comportements dans l’espace public. « Nul n’est censé ignorer la loi, rappelle Antonia Taddei, mais une telle entreprise est devenue impossible, même pour un professionnel. Au départ, on voulait faire de ce code un outil d’auto-défense. Car les policiers eux-mêmes ignorent parfois la loi ou la sur-interprètent d'une façon liberticide". »
« Nul n’est censé ignorer la loi, rappelle Antonia Taddei, mais une telle entreprise est devenue impossible, même pour un professionnel." Antonia Taddei, compagnie X/tnt
En croisant création artistique en espace public et droit, X/tnt entend ainsi montrer que ce dernier n’est pas le pré carré de quelques spécialistes, mais une matière qui gagne à être appréhendée par tous. « On voit la loi comme forcément restrictive, comme un régime de sanctions et non comme un contrat social et le fondement de notre vie sociale. L’idée du code est d’offrir une autre vision du droit et une autre façon de l’interpréter. » Pour la compagnie, la capacité des citoyens, des juristes, des journalistes ou des artistes à s’emparer du droit est un enjeu de démocratie – a fortiori dans un contexte d’état d’urgence et de surveillance généralisée. D’où le qualificatif « citoyen » volontiers accolé au code de la Déconduite : « Notre ignorance de la loi contribue à maintenir des systèmes finalement peu démocratiques, pointe Antonia Taddei. Il faut renforcer les contre-pouvoirs et offrir une vraie indépendance aux citoyens, mais aussi aux artistes, aux scientifiques, aux historiens, aux journalistes. »
Au vu d’un tel programme, on est tenté de placer X/tnt dans une lignée qui irait de la désobéissance civile de Thoreau au théâtre guérilla et autres formes de résistance culturelle. L’acronyme de la compagnie, d’abord nommée « théâtre national terroriste » à sa création en 1992, avant d’être débaptisée (doù le X, comme « ex ») après le 11 septembre, semble accréditer une telle filiation. Sauf que : toutes les actions proposées dans le code de la Déconduite sont légales. Et quand elles ne le sont pas, une équipe de juristes a pour charge d’évaluer avec précision le risque encouru : « Tout le monde n’est pas prêt à aller en prison ! rappelle Antonia Taddei. C’est pourquoi on s’amuse à trouver des idées d’action qui sont sans risque, à l’inverse de bien des activistes. Si on était Thoreau et qu’on veuille comme lui s’opposer à la guerre en refusant de payer l’impôt, il faudrait trouver une façon légale de le faire. »
« Nos usages de la ville sont surtout régis par l’auto-censure. » Antonia Taddei
Mais une action légale est-elle pour autant possible ? C’est justement l’un des attraits du Code de la Déconduite que de pointer l’écart entre ce que dit la loi et les règles informelles qui brident nos comportements dans l’espace public : « nos usages de la ville sont surtout régis par l’auto-censure, » explique Antonia. Et d’ajouter : « en un an, les étudiants en Droit qui ont participé au code se sont donné des libertés qu’ils ne seraient pas accordées avant, alors même qu’ils connaissent la loi. Explorer la limite entre possible et légal permet ainsi de faire bouger les lignes, ne serait-ce qu’en mettant au jour les irrégularités, voire l’illégalité, de ceux qui nous gouvernent et nous administrent. « Ça a été une découverte du projet, note Antonia Taddei. Au départ, on voulait connaître la loi. Aujourd’hui on cherche à la faire évoluer. » Pour amener les citoyens à s’engager dans cette voie, des écoles de déconduite devraient prochainement voir le jour sur le modèle des auto-écoles. On pourra ainsi tester sa connaissance des lois et pourquoi pas se voir attribuer un certificat de bonne dé-conduite…
Pouvez-vous nous présenter le PEROU ?
Le point de départ a été pour moi les troubles nés de l'action avec l'association les Enfants de Don Quichotte et le constat d'une inculture crasse des acteurs du champ social à l'endroit de la ville et de l'architecture et d'une pratique nulle des architectes et urbanistes sur les modules de sans-abri qui ne sont que des spéculations formelles. Le PEROU est un laboratoire né de cette articulation forte entre une dimension de recherche sur la question urbaine et architecturale et entre des actions politico-militantes. Nous travaillons sur ce qui est porteur d'avenir à l'interface entre la ville et le bidonville, sur des constructions matérielles mais aussi sur des situations d’expérimentations pour raconter que d'autres choses sont possibles.
La création du PEROU préexiste à la jungle de Calais. En quoi le Pérou y a-t-il trouvé là matière à réflexion ? Et à action ?
Il y a 3 ans, alors que les jungles étaient diffuses dans la ville, on a commencé à travailler avec des chercheurs en graphisme sur un projet de journal co-construit avec des migrants et diffusé dans la ville. Ce fut une manière pour moi de prendre le pouls de cette situation, de mieux saisir l’épaisseur des récits, des hommes et des langues. L'été dernier, j'ai écrit une intention « New jungle Délire », un projet de recherche qui rassemble 8 groupes de recherche (architectes, anthropologues, géographes, paysagistes, ect.) augmenté d'un projet photographique. Ce projet fait référence à Rem Koolhaas dans l’introduction de New-York Delire, ouvrage publié en 1978 qui est un manifeste rétroactif pour Manhattan, l'envisageant comme une émergence urbaine du XXe. L'hypothèse pour la New Jungle est de se demander si elle n'est pas une forme urbaine du XXIe siècle qui n'aurait pas encore son manifeste, qui n' aurait pas encore sa condition d'urbanité et de travailler à la documenter et la cartographier.
"Nous travaillons sur ce qui est porteur d'avenir à l'interface entre la ville et le bidonville, sur des constructions matérielles mais aussi sur des situations d’expérimentations pour raconter que d'autres choses sont possibles." Sébastien Thiéry, fondateur du PEROU
On ne va rien construire sur Calais car il se construit déjà tellement de choses ! Il s'agit d'un véritable défi de rendre compte de ce qui s'invente dans la Jungle. Alors que la destruction commence à se mettre en œuvre, notre propos est une fiction dans laquelle les acteurs politiques lancent un appel à idées pour faire un Réinventer Calais. Le postulat est de se dire qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire à Calais. Samedi 9 avril, nous avons distribué un journal « L’Autre journal d’informations de la ville de Calais », dans les rues de Calais. On y retrouve La lettre que la maire de Calais n’a pas adressée aux Calaisiennes et Calaisiens qui devient l'édito et un entretien où les acteurs publics expliquent qu'ils font volte-face sur cette question. Calais devient alors la capitale européenne de l'hospitalité. C'est un vrai appel à idées avec 9 grands projets qui sont des spéculations à partir de l'existant et des projets pour le bidonville et la ville. L’idée est d'accompagner une cité éphémère du XXIe siècle sur 5 ans, travailler sur des formes d'urbanité éphémères comme s'il s'agissait d'un village olympique à l'occasion des Jeux avec l’accueil de 5000 personnes venus du monde entier entraînant le développement d'infrastructures et d' équipements publics et de montrer comment cela génère de l'économie et de la ville. L'enjeu est de recueillir un certain nombre de réponses d'étudiants et professionnels de la fabrique de la ville, et les déposer à l'automne prochain sur le bureau des acteurs publics et sur celui des candidats à l’élection présidentielle.
On n'est jamais arrivé à raconter sur ce qui se passe réellement à Calais. Il y a une telle croûte médiatique sur ce sujet qui fait que rien ne perce. C'est stupéfiant. La moitié a été rasée mais la Jungle, ce sont des shelters [des habitats préfabriqués en bois construits par les associations Help Refugees et l’Auberge des migrants], 48 restaurants, une trentaine d'épiceries, 3 écoles, 2 théâtres, une Église, une boite de nuits, une « Wharehouse » [une sorte de recyclerie qui organise les dons dans un entrepôt de 1700 mètres carrés].Les migrants (ils étaient environ 5000 début mars 2016) sont des bâtisseurs de « lieux de vie » comme l'a relevé, dans son ordonnance du 25 février 2016, le Tribunal administratif de Lille. C'est monstrueux ce qui a été construit par des migrants, avec l'appui de bénévoles venus du monde entier. C’est une folie et une beauté incroyable, à mille lieux du désastre et de la xénophobie que l'on décrit systématiquement. Mais les acteurs publics et du monde social ne peuvent entendre ce discours.
Quand la jungle devient impasse, évidement les passeurs arrivent mais il y deux manières de défaire ce marché : ouvrir les frontières et construire l'hospitalité ici-même, travailler sur les procédures d'asile. Mener une politique accueillante et ambitieuse casserait ce marché. Il est impossible politiquement de dire que l'on va accueillir….
"La Jungle de Calais, ce sont des shelters, 48 restaurants, une trentaine d'épiceries, 3 écoles, 2 théâtres, une Église, une boite de nuits, une « Wharehouse »." Sébastien Thiéry
La violence, elle est générée par ce qui se détruit. C’est la conséquence directe de l'incurie des politiques publiques. La Jungle est une chance pour Calais. Il y a un manque de vision.
On ne défend pas le bidonville. La question c'est comment on se positionne face à cette situation, comment en l'accompagnant on le transforme. Ce qui fait que le bidonville demeure bidonville, c'est justement les politiques publiques qui ne cessent de pérenniser le bidonville dans sa forme invivable. Une ville est à 90 % des cas est un bidonville qui a réussi. C’est un processus simplement de développement si on prend soin de ce qui s'invente. En une demi journée, la boue on l’éradique...Si on fait un peu d'histoire, les formes urbaines sont par définition le résultat d'un processus de transformations, d'installations. Il faut transformer l'existant pour lui donner des formes plus désirables.
C’est un lieu unique au monde où règne une solidarité internationale extraordinaire et cela ça n'existe nulle part ailleurs. Je ne connais aucun autre bidonville qui a été co-construit dans une telle épopée ! Les matériaux viennent du monde entier, les habitants viennent du monde, c’est une forme très singulière et contemporaine du bidonville. C’est une ville-monde, une forme urbaine à venir. Une « Jungle », gardons ce terme puisque c’est comme cela que les migrants l'appellent. C'est quelque chose qui est méconnu, qui 'a pas d'existence repérable dans l'histoire.
Aujourd'hui, il est dessiné par les pelleteuses donc elle n'ira pas bien loin. Lesbos, Vintimille, Lampedusa, c'est cela l'avenir. Ce n'est pas un vœu juste un constat. D'après l'ONU, en 2030, 1/3 de la population vivra en bidonville. Est-ce qu'on veut que les gens y « croupissent » ou l'on invente d'autres manières de les accueillir. Calais est en cela une formidable vue sur l'avenir.
Il est cohérent avec le reste ! Qu'est qu'un parc d'attractions sinon une prise de congés du réel ? Un parc d'attractions, c’est détourner l'attention du réel. « Heroic land » ! Alors que tant de héros qui ont traversé les mers sont juste à côté. C’est un mépris du réel. On est en train de dépenser 275 millions d'euros pour distraire le peuple. On a chiffré l'appel à idées « Réinventer Calais », cela représente 28 % de Heroic land. Sauver Calais passe par l’arrêt rapide et urgent de ce programme.
La Jungle est pleine d'utopies mais elle n’est pas que de l'utopie. Elle est aussi de la boue et de la violence. Ce qui nous intéresse est ce qui fait promesse.
« Réinventer Calais » sera présenté à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Paris (lire notre article), à la Biennale d'Architecture de Venise le 28 mai, et à l'exposition « constellation.s » à Bordeaux le 3 juin.
A l’initiative d'habitants qui se regroupent pour mettre en commun leurs ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur logement, les projets d'habitat participatif suscitent un engouement depuis quelques années en France. Le Pavillon de l'Arsenal de Paris dévoile depuis le 19 mars dernier, l'exposition « Habitat participatif- 3 sites 12 projets » rassemblant les lauréats et finalistes du premier appel à projets lancé en 2014 par la Ville de Paris pour la construction de 3 immeubles participatifs.
A travers leurs usages innovants (espaces mutualisés, toit-potager, espace de coworking, café associatif, coursives habitées et terrasses suspendues, atelier de fabrication et bricolage) et leurs ambitions fortes en matière de sobriété énergétique et de biodiversité (gestion des eaux de pluie, installations photovoltaïques, ventilation naturelle), les trois projets d’habitat participatif retenus confirment que l'innovation et la durabilité sont au centre de la construction actuelle. Autre point fort de cette forme d'habitat : l'ouverture sur le quartier. Les lauréats ont tous consacré une partie de leurs mètres carrés à des espaces ouverts non seulement à tous les résidents de l'immeuble mais aussi aux voisins et habitants du quartier. Ainsi, le projet du 16/18 rue Armand Carrel dans le 19e arrondissement de Paris comprend un atelier, un social club, une cuisine commune, une toiture végétalisée et une serre. Au 20 rue Gasnier-Guy dans le 20e arrondissement, le jardin de 170 mètres carrés sera ouvert à tous. A quelques mètres de là, au 9 rue Gasnier-Guy, les habitants élaborent un projet solidaire tourné vers le quartier en partenariat avec d’autres associations qui offrira des espaces diversifiés et ouverts comme une salle de musique et une salle de coworking.L'exposition, qui fait suite au jury, vient clore la phase 2 de l’appel à projets Habitat participatif. Prochaine étape : les trois groupes « lauréats » vont déposer un permis de construire et signer une promesse de vente pour l’acquisition des trois parcelles, d’ici septembre 2016.