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Architecture & Urbanisme
Préfigurer l'écoquartier Saint-Vincent-de-Paul ? Yes we camp !

Comment occuper l’intervalle, nécessairement long, qui sépare la définition d’un projet immobilier de sa livraison ? Pour préfigurer l’écoquartier qui doit s’ériger sur le site l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement de Paris et ne pas faire de ce vaste chantier urbain un temps mort, la Mairie de Paris a confié la gestion des locaux à trois associations, dont Yes We Camp…

En 2011, l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement de Paris fermait définitivement ses portes et promettait de se muer à l’horizon 2020 en un vaste écoquartier de 3,4 ha et 600 logements (dont 50% de logements sociaux) avec jardins, équipements publics et espaces partagés.Le balai des ambulances n’y a pas pour autant laissé place au vide : dès la fermeture du site, l’association Aurore s’est vue progressivement confier par l’APHP, propriétaire des lieux, la gestion temporaire de certains locaux, qu’elle destine à l’hébergement d’urgence. 300 personnes – femmes isolées, jeunes, migrants, etc. sont aujourd’hui accueillies dans quelques-uns des 60 000 m2 de bâtiments que compte l’ancien hôpital. Depuis septembre dernier, les occupants de ce « squat légal » y côtoient de nouveaux arrivants au profil socio-économique quelque peu différent. Ils ont d’abord vu s’installer une cinquantaine de structures entrepreneuriales, associatives, artisanales ou artistiques rassemblées à Saint-Vincent-de-Paul par Aurore avec le concours de Plateau-urbain, une structure de 10 personnes dont la mission affichée est de « résorber la vacance » et de « servir la création ». « Le lieu accueille des activités très variées, explique Pascale Dubois, chef de projet à Saint-Vincent-de-Paul pour l’association Aurore. On compte une chocolatière, des entreprises d’insertion (culture du cœur, carton plein...), une ressourcerie, un espace de co-working, des collectifs d’artistes, des thérapeutes, etc. L’idée est de partager les charges du site entre les différents occupants, et que chacun apporte quelque chose au projet d’ensemble. »

« Le lieu accueille des activités très variées. On compte une chocolatière, des entreprises d’insertion (culture du cœur, carton plein...), une ressourcerie, un espace de co-working, des collectifs d’artistes, des thérapeutes, etc. L’idée est de partager les charges du site entre les différents occupants, et que chacun apporte quelque chose au projet d’ensemble. » Pascale Dubois, chef de projet à Saint-Vincent-de-Paul pour l’association Aurore

Grâce à l’association Yes We camp, les occupants de Saint-Vincent-de-Paul peuvent aussi prendre un café ou un repas chaud dans l’ancienne lingerie reconvertie depuis le 23 octobre en bar-restaurant. Au menu, brunch et produits frais, sinon bio, aux tarifs somme toute abordables, le tout servi dans une déco à l’esprit minimaliste et récup, et agrémenté de concerts, DJ sets, conférences et débats en lien avec l’économie sociale et solidaire (pour le mois de l’ESS, en novembre) ou l’écologie (à l’occasion de la COP21).

"Générer des moments partagés"

La mixité qui règne à Saint-Vincent-de-Paul explique sans doute le nom élégamment peint en grand à l’entrée de l’ancien hôpital : les Grands voisins. Un nom aux allures programmatiques, et qui répond à la mission confiée par la mairie de Paris à Yes We camp : ouvrir le site aux riverains au gré d’événements festifs et artistiques, et si possible œuvrer à leur rencontre avec les personnes hébergées sur place. Cet objectif a donné lieu pour l’instant à l’élaboration d’une signalétique et à la réhabilitation dans l’ancienne lingerie. Quant à la programmation, elle est en cours d’élaboration, en lien étroit avec les structures professionnelles présentes sur le site. « L’objectif est de faire en sorte que le temps de latence du projet soit utile au quartier, résume Aurore Rapin, architecte et salariée de Yes we camp. Plutôt que de payer 800 000 euros de charges en gardiennage, autant financer des actions qui profitent à tous et servent de soupape dans Paris. »

"Plutôt que de payer 800 000 euros de charges en gardiennage, autant financer des actions qui profitent à tous et servent de soupape dans Paris." Aurore Rapin, architecte et salariée de Yes we camp

C’est aussi selon elle une manière de « préfigurer » le futur écoquartier, justement annoncé comme lieu de partage fondé sur la mixité sociale et fonctionnelle, en « travaillant sur des espaces-temps qui génèrent des moments partagés ». Prochain de ces « espaces-temps » : l’auberge de la COP, soit un campement de 150 places destiné à accueillir l’association 350.org du 5 au 13 décembre, avec en prime événements et animations divers.Initiée en 2013 à Marseille – alors capitale européenne de la culture – où l’association installait un camping festif et créatif à destination des touristes, la démarche de Yes We Camp s’inscrit dans un élan plus vaste de refonte de la fabrique urbaine dans un contexte de crise économique et d’injonction à la participation. Mené tambour battant par une poignée d’artistes et de jeunes collectifs (d’architectes, de paysagistes, etc.), ce mouvement européen sinon occidental plaide pour un urbanisme des usages, élaboré à hauteur d’homme, et séduit de plus en plus des municipalités qui y voient un adjuvant flexible et bon marché en matière de concertation, de préfiguration des projets urbains, ou tout simplement de sécurité. En France, il agrège des collectifs et artistes comme Bellastock, Stefan Shankland, ETC, Point de Rassemblement – et Yes we camp, donc. « On se connaît tous, mais nous avons chacun notre spécificité, explique Aurore Rapin. La nôtre, c’est le vivre ensemble. On arrive à toucher des publics très variés. »

Créer du lien avec les moyens du bord

Pour parvenir à ses fins, l’association peut miser sur la polyvalence et la réactivité de ses salariés et bénévoles. « Je peux très bien commencer la journée par du ménage, puis faire de la comptabilité ou du management, rapporte Aurore Rapin. Travailler ici est un apprentissage au quotidien. » Sans une telle souplesse, la lingerie n’aurait du reste sans doute pas pu voir le jour. En effet, les membres de Yes we camp ont appris au dernier moment qu’ils devraient compter sans la subvention de 150 000 euros initialement promise par la Mairie de Paris, et retirée in extremis pour parer au soupçon de détournement de marché public porté par l’opposition (Jean-Michel Guénod, architecte et président de Yes We Camp, est un compagnon de route du PS). « La rénovation de la laverie est finalement financée par la vente de bière, explique Aurore Rapin, et ce sont les bénévoles et salariés de l’association qui gèrent le service. Certains des habitants hébergés par Aurore ont aussi mis la main à la patte. »

"L’idée à terme est de multiplier ces liens et de mêler les habitants aux personnes du quartier et aux professionnels présents sur le site." Pascale Dubois

Malgré ces aléas, le premier bilan de l’occupation du site est plutôt positif : « on a déjà des habitués », s’enthousiasme Aurore Rapin. Même son de cloche au sein de l’association Aurore : « Pour le moment, sur le lieu, tout le monde se dit bonjour, comme dans un village, raconte Pascale Dubois. C’est un premier lien au quotidien. On a aussi fait quelques soirées, barbecues, repas partagés dans la lingerie, notamment après les attentats, où nous avons mangé tous ensemble. L’idée à terme est de multiplier ces liens et de mêler les habitants aux personnes du quartier et aux professionnels présents sur le site. Pour cela, on lance par exemple une conciergerie solidaire, et l’on crée pour les personnes en parcours d'insertion des emplois rémunérés à l’heure pour des extras divers et l’entretien des espaces verts, des bureaux, etc. On compte aussi sur la programmation artistique de Yes we camp pour nous fournir des occasions de rencontre. »Ce début de vie partagée à Saint-Vincent de Paul prouve l’efficacité du mode opératoire de Yes we camp, et des bienfaits de sa réactivité bidouilleuse et de ses capacités d’adaptation. « Nous n’avons pas peur de gérer le réel », confirme Aurore. Cette confrontation sereine avec les contraintes quotidiennes est sans doute l’une des forces de ce genre de collectifs, et l’une des raisons de leur succès…

2015-12-04
Architecture & Urbanisme
Interview : « Certains avaient du mal à croire des entrepreneurs épris d’écologie »

Jean-Marc Gancille estresponsable du développement durable chez Evolution, maître d’ouvrage de Darwin Ecosystèmes. Midionze l'a interviewé pour en savoir plus sur ce projet bordelais innovant.

Quels ont été vos soutiens pour la réussite du projet Darwin ?

Il y a deux types de soutien : le soutien financier dans un premier temps avec une enveloppe de 700.000 € de subventions octroyées par l’Ademe, le Conseil Régional d’Aquitaine et les fonds FEDER. Cela représente moins de 6% de la totalité de l’investissement nécessaire d’un montant de 13 millions d’euros pour ce qui concerne les 5700 m2 de tertiaire et 1700m2 de commerces (les futurs espaces bien-être et l’hôtel ne rentrant pas dans ces montants). De plus, nous avons bénéficié d’un soutien politique venant notamment d’Alain Juppé et de Vincent Feltesse, Président de la Communauté urbaine de Bordeaux, qui nous ont permis d’acquérir le site pour 1, 3 millions au lieu de 1, 9 millions mais de l’avis de tous, ce prix était le prix juste au regard de l’état de vétusté des lieux et non un « cadeau » comme certains ont pu le dire. Cette décision a été votée en Conseil de communauté, il n’y a pas de polémique sur ce sujet.

Quelles ont les principales difficultés auxquelles vous avez dû et vous devez faire face ?

Dans un premier temps, il a fallu prouver notre crédibilité et réussir à convaincre. Certains avaient du mal à croire des entrepreneurs  venus du monde de la communication épris d’écologie…De plus, on est arrivé dans un contexte politique compliqué entre une Mairie UMP et une région PS, il fallait veiller que Darwin ne soit pas pris en otage et instrumentalisé. Enfin, comme tous les autres acteurs économiques, la crise économique nous fragilise du fait de l’incertitude et du manque de visibilité. Enfin, on aurait pu aller plus loin si les mentalités avaient été prêtes…

Quels sont les premiers retours d’expérience après les deux premiers mois sur place ?

On est arrivé avec nos anciens meubles et on fait un peu au jour le jour. On se rend compte des premières difficultés et des ajustements sont nécessaires pour la mise en route : des problèmes d’acoustique, de circulation, des difficultés liées à cette coopération voulue. On a mis en place un outil pour communiquer en interne, l’association est créée, tout le monde se montre proactif, on est maintenant prêt à démarrer. Il était nécessaire de choisir les résidents de la Caserne Niel et de s’assurer de leur degré de maturité « RSE » (ndlr : Responsabilité Sociale des Entreprises) pour le bon déroulement de ce projet aux belles promesses !

2013-01-16
Architecture & Urbanisme
Société
Les jardins partagés, des lieux de convivialité

Depuis quelques années, les jardins collectifs ont investi la ville. En compagnie de Laurence Baudelet, Emmanuelle Chardin et Fabienne Giboudeaux, les Ecofaubourgs partent à la découverte de ces espaces de convivialité...

2009-06-05
Architecture & Urbanisme
Reconquérir les rues avec Nicolas Soulier - chapitre 2

Nicolas Soulier est l'auteur aux éditions ULMER de Reconquérir les rues, ouvrage indispensable pour refertiliser les espaces publics. Deuxième volet de notre entretien vidéo avec l'urbaniste.

Pour en savoir plus :

Nicolas Soulier, Reconquérir les rues. Exemples à travers le monde, éditions ULMER, 2012, 288 pages.

2012-12-14
Architecture & Urbanisme
Porosités urbaines, une piste pour le renouvellement urbain

Murs pignons, toits d’immeubles, ponts, porte-à-faux, etc. : face à la saturation du bâti, investir les porosités urbaines s'affiche désormais comme un levier pour certains architectes soucieux de renouvellement urbain.

C’est le prototype de logement « Parasite Prefab » de Lara Calder qui suggère de prendre possession des piles d’un pont, la Rucksack House de Stefan Eberstadt (Maison sac à dos), l'installation « Quartiers d'été » du collectif Cabanon Vertical, qui propose des extensions sur les façades, ou encore le projet « Ermitage » du collectif polonais "Centrala",qui vise à aménager une résidence d’artiste dans une dent creuse large de… 122 cms.

Selon l’architecte Stéphane Malka, ces espaces portent en eux une véritable identité : « Les porosités ne sont pas des non lieux mais de vrais espaces dépourvus de fonctionnalités. Il faut transcender l'âme du lieu en leur trouvant un nouvel usage ». Ses études sur les porosités urbaines vont de la galerie Bunker (2009) qu'il greffe sous la station du métro Barbès à des échafaudages en guise de jardins (Bio-Box, 2006) ou au projet manifeste « Auto-Défense (2009) », qui propose d'installer des modules d'habitations dans l'Arche dans un esprit de « guérilla architecturale ».

"Les porosités ne sont pas des non lieux mais de vrais espaces dépourvus de fonctionnalités. Il faut transcender l'âme du lieu en leur trouvant un nouvel usage." Stéphane Malka, architecte

Des racines utopistes et artistiques

Investir ces lieux « alternatifs » n'est pas une excentricité de l'architecture contemporaine. Déjà en 1965, quelques architectes soulignaient le danger de l'explosion démographique et imaginaient un volet de solutions, dont la plupart sont restées au stade de l'utopie. Parmi eux, Yona Friedman, membre du GIPA (Groupe international d'architecture prospective) : construite en suspension à partir de modules attachés à une ossature surélevée de plusieurs mètres, sa Ville Spatiale propose rien moins que de superposer une ville à la ville. A la même époque, les utopistes d’Archigram ont également alimenté la réflexion sur la densité urbaine avec le projet « Instant City », qui mettait en avant l'idée d'une ville nomade et aérienne dans laquelle des structures gonflages créent une architecture de l'instantané. Favoriser la prothèse plutôt que la transformation radicale a aussi nourri l'architecte prospectif jean-Louis Chanéac qui a imaginé des cellules parasites à poser sur les façades des grands ensembles pour agrandir les appartements, reflet de ses convictions sur la modularité et l'accès à l'habitat pour le plus grand nombre.

"Le fait de reconstruire sur la ville déjà existante tempère les prix et permet surtout d'augmenter l'offre." Stéphane Malka

Le monde de l'Art n'est pas en reste. L'artiste japonais Tadashi Kawamata, dont les cabanes réalisées à partir de matériaux de récupération ont orné la façade du Centre Pompidou en 2010, s'intéresse à ces zones intermédiaires qui subsistent dans l’espace urbain. C’est aussi le cas d’Alain Bublex : reprenant les idées d'Archigram, le plasticien français imagine « Plug-in City », soit des unités mobiles d'habitations à poser sur des structures déjà existantes.

Créer des surprises architecturales

Pour Stéphane Malka, les délaissés urbains comportent de nombreux avantages. Premier d’entre eux : contourner un prix du foncier particulièrement élevé dans les grandes métropoles. « Le fait de reconstruire sur la ville déjà existante tempère les prix et permet surtout d'augmenter l'offre. De plus, cela permet de créer des surprises et génère de la spontanéité », estime l’architecte, ajoutant que « cela permet de faire des économies liées aux destructions et au recyclage des déchets de chantier ». Pourtant, un tel positionnement se heurte encore aux réticences de ceux qui veulent préserver le patrimoine en l'état. «  Les seules limites aujourd'hui sont les règlementations, qui restent rigides. C’est le cas de mon projet « Bio-Box » (installer des terrasses en façades) qui n’a pas reçu aujourd'hui d’ autorisation, alors qu’il permettrait au Parisiens de disposer d'une terrasse pour quelques centaines d'euros » .

2011-09-01
Architecture & Urbanisme
L'architecture écolo selon Edouard François

Tower Flower, SkinWall, Eden Bio ou l’Immeuble qui pousse : voici quelque projets emblématiques d’Edouard François, architecte et urbaniste.

L’homme s’est fait une place de choix dans le milieu de l’architecture durable jusqu’à se faire appeler le « géant vert ». Une caricature dont Edouard François essaye de s’affranchir en se concentrant sur ce qu’il envisage comme le cœur de son métier : l’inscription dans le contexte architectural, l’humain et les usages. Rencontre.

Qu’il travaille sur une tour dans le quartier Massena, un lotissement de logements sociaux dans le 20e arrondissement de Paris ou sur la façade de l’hôtel Fouquet’s Barrière sur les Champs Elysées, le travail d’Edouard François part toujours du contexte et propose une architecture qui respecte les paysages, quels qu’ils soient. « Je travaille principalement sur des problématiques contextuelles, explique l’architecte. Par exemple, j’ai travaillé sur le projet Eden Bio en même temps que le Fouquet’s et on peut voir deux positions extrêmes. D’un côté, c’est une position sur une façade d’un quartier chic et d’un autre, il s’agit d’une position sur une intériorité, un cadre de vie. Faire du durable pour moi, c’est proposer un projet spécifique à un site donné. On ne peut pas coller la même tour ici et là. » Cette manière d’approcher l’architecture « durable » est un peu la marque de fabrique d’Edouard François, sa signature.

Mûrie peu à peu depuis 1998, année où il crée sa propre agence d’architecture après s’être associé à François Roche de 1990 à 1993 et à Duncan Lewis de 1994 à 1997, elle se pose en préalable à chaque projet, et constitue sa façon d’aborder l’environnement « sans le confondre avec des problématiques techniques qui n’ont pas grand intérêt, que tout le monde sait faire et que tout le monde est obligé de faire. »

Le végétal à bon escient

Autre marotte de l’architecte : l’utilisation du végétal. En témoignent la façade végétale des Gîtes Ruraux, à Jupilles ; l’Immeuble qui pousse à Montpellier, Tower Flower ou l’immeuble aux bambous. Pourtant, à mesure que s’est généralisé l’engouement pour les murs végétaux et autres manières de « verdir » à bon compte un bâtiment, Edouard François est devenu sur ce point plus parcimonieux : « Le vert comme « nature » va devenir emblématique du développement durable et cet emblème commence à être utilisé à tort et à travers. J’ai commencé cette approche de façon contextuelle, je trouvais intéressant d’opposer à un parc une façade végétale car cela apporte du sens. Pour le Fouquet’s, on m’a demandé une façade végétale, j’ai dit non, car cela n’avait pas de raison d’être. Le végétal, c’est une réponse à des problématiques contextuelles mais aussi de densification, de saisonnalité ».

Ainsi, pour ne pas être prisonnier de son étiquette de « géant vert », l’homme qui affirme «  avoir inventé le genre arbre dans l’architecture », essaie de ne pas prendre le végétal pour point de départ de son travail et de le convoquer seulement si nécessaire, comme avec le projet de tour dans le quartier Massena à Paris :

«  Je reviens dans ce projet sur l’idée de végétal, positionné en hauteur, pour donner l’effet d’une touche verte comme un gros arbre ou le Mont Valérien. Cela ne déforme pas la ville »

De nombreux projets de logements sociaux

Construction de 18 logements sociaux HQE à Louviers en Normandie, 30 logements sociaux avec Eden Bio dans le 20e à Paris et actuellement un projet de 114 logements à Champigny sur Seine : l’architecte participe à de nombreux projets en logement social. Condition de sa participation à ce type de projet : «  quand on pose une question un peu pointue sur cette question ». Et Edouard François de citer l’une de ses réalisations, en cours à Champigny : « ce projet se situe dans une zone qu’on appelle « déshéritée ». Mon ambition, c’est de réconcilier cette zone. J’aurai gagné si je réussis à en faire un centre ville». Pour ce défi, l’architecte a eu l’idée de rassembler dans un même bâtiment les trois « vocabulaires » architecturaux du site : maisons de ville, pavillons et barres.

Les projets de logements sociaux lui permettent ainsi une créativité architecturale intéressante. Pour le projet Skin Wall à Grenoble (Construction de 68 logements sociaux locatifs et en accession à la propriété financée par l’Union Européenne), il a préféré mettre l’accent sur les problématiques d’hyper isolation et environnementales pour tendre vers des bâtiments à énergie positive. Sa réponse : une enveloppe pensée comme une peau qui enrobe le bâtiment et permet d’éviter les ponts thermiques, doublée d’un travail sur la notion de « mou » et de « dur » en architecture. Pour synthétiser sa position, Edouard François explique :

« Entre deux solutions, je choisis la plus économique et celle qui a le plus d’usage, cela se fait finalement indépendamment de la beauté qui m’intéresse assez peu. ».
2011-05-31
Architecture & Urbanisme
André de Herde : «Il y a un manque flagrant d'enseignement du développement durable dans les écoles d'architecture européennes»

Pour répondre à l'enjeu de enseignement du développement durable dans les écoles d'architecture européennes, sept établissements testent le programme Educate.

L’objectif principal de ce projet fondée par l’Agence de l'Énergie pour la compétitivité et l’innovation (EACI) de la Commission Européenne est de débloquer les barrières pédagogiques à l'intégration des principes du développement durable dans l'architecture. André de Herde du département Architecture et Climat de l'Université catholique de Louvain qui participe au programme répond à nos questions.

Pourquoi le programme Educate a t-il été créé et dans le but de répondre à quels manques, quels besoins?

Ce projet est apparu à l'initiative de la faculté de Nottingham, de la Association Architectural School de Londres et de la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme de l'Université catholique de Louvain. D'autres ont ensuite rejoint le programme : Université de Munich, le département ITACA de l'Université de Rome La Sapienza, le Séminaire Architecture et Environnement de Séville et l'Université de Technologie et d'Économie de Budapest. Ce projet tente de répondre au constat posé : le manque flagrant de l'enseignement du développement durable dans les écoles d'architecture européennes. Après la phase d'analyse, des contenus ont été suggérés pour améliorer l'enseignement et sont actuellement testés dans les écoles citées précédemment. On a audité de nombreuses écoles dont près de 35 en France. Le programme s'échelonne jusqu'en 2012 où il devrait ensuite être généralisé.

Quelle est l'ambition du projet?

Fournir de la matière pour développer le développement durable et proposer du contenu pour tout ce qui manque. Un exemple : la problématique de l'eau avec la question de la récupération de l'eau de pluie et l'infiltration de l'eau de pluie dans le terrain.

Quelles sont les différences entre les pays européens?

Le constat est globalement le même : le niveau est faible avec une sensibilisation plus grande de la part des pays scandinaves.

Dans quelle mesure la dimension sociale du développement durable est-elle enseignée?

La première phase consiste à analyser le quartier et d'en comprendre les besoins. L'important quand on intervient sur un terrain, c'est d'apporter quelque chose en plus (crèche, bureau, école primaire). Ensuite, la localisation est importante, il faut se poser la question du lieu où l'on construit et de l'accessibilité aux transports en commun pour permettre un accès au centre ville, lieu de culture et de l'administration. Ces aspects doivent être préliminaires à la réflexion sur le bâtiment en soi.

Êtes-vous favorable à une démarche participative ?

Oui , le projet est meilleur quand autour de celui-ci existe un large consensus mais un problème réside dans le fait que certains acteurs n'aient pas de responsabilités contrairement aux collectivités locales par exemple. Il est important de bien identifier l'intérêt public et l'intérêt privé. C'est la difficulté de la démarche participative dans ce type de projets.  

Lire l'article : Quid de l'enseignement du développement durable dans les écoles d'archi ?

2011-05-06
Société
Mon tracteur, je l'ai fabriqué moi-même !

C’est l’histoire d’un jeune ingénieur en chimie qui voulait retourner à la terre pour donner du sens à sa vie.

Mais une fois acquis sa ferme et son (coûteux) matériel agricole, Marcin Jakubowski a vite déchanté : saigné à blanc par l’achat d’un tracteur, il a découvert non seulement l’endettement, mais la piètre qualité des machines vendues sur le marché à un public captif. Alors, quand son tracteur est tombé en panne pour la énième fois, plutôt que d’emprunter toujours plus et de grever davantage encore la rentabilité de son exploitation, cet Américain trentenaire a misé sur le système-D : il a construit en 6 jours, et pour un budget plus que raisonnable, son propre tracteur.

La force du réseau

Et parce qu’il était fier d’avoir accompli une telle prouesse, il a souhaité la partager, et mis en ligne des tutoriaux permettant à tout un chacun de faire aussi bien que lui. Puis, il y a deux ans, Marcin Jakubowski a fondé Open Source ecology, réseau de fermiers, d’ingénieurs et de bricoleurs, plus une plateforme dédiée à la fabrication de machines agricoles low-cost et open source : le Global village construction set. Depuis, le réseau planche sur 40 prototypes (trayeuses, bulldozers, fours à pain…), et a déjà publié les schémas de fabrication et devis estimatifs de 8 d’entre eux. Selon les membres du collectif, construire une machine agricole open source est à peu près aussi simple que d’assembler des legos, et coûte 8 fois moins cher que du matériel classique...

Le principe du DIY ? Ensemble, tout devient moins cher

Marcin Jakubowski illustre bien les perspectives ouvertes à la société par le DIY (do-it-yourself). De fait, il se pourrait qu’une révolution industrielle soit en cours. Conduite par une poignée de bidouilleurs, elle est née dans le sillage d’Internet et du numérique. Sous le nom un peu compliqué d’open source hardware), elle mise sur l’innovation, l’intelligence collective, la collaboration et la diffusion libre via le web de chaque avancée technique. Dans leurs hacklabs, ou même leurs garages, ses zélateurs fabriquent à moindre coût des objets d’une complexité croissante : imprimantes 3D, systèmes d’arrosage « intelligents », et même voitures et avions. Leur modus operandi (ouvert, collaboratif) pourrait bien changer notre relation aux technologies, mais aussi nos usages des objets qui nous environnent. Jusqu’à présent, la technologie dressait dans l’esprit du tout venant l’image d’une firme industrielle déclinant en série sur des chaînes de montage des objets bardés de brevets. L’open source hardware propose de faire voler en éclat cette image : contre la spécialisation et l’obsolescence programmée des artefacts industriels, il imagine des objets aux coûts de fabrication allégés, à la diffusion la plus large possible, et que chacun peut fabriquer soi-même.

Une révolution par si récente

Cette « révolution DIY » (Do-it-yourself), au fond, n’est que le dernier volet d’une vieille bataille : celle qui n’en finit pas de se jouer entre industriels et tenants du « libre ». Dans les années 1980 et 1990, la ligne de front se situait autour du software (ie : le programme informatique). Pour schématiser, on avait d’un côté Microsoft, de l’autre les partisans du logiciel libre et de Linux. Quand les premiers fondaient leur empire sur la propriété intellectuelle et le copyright, les seconds n’ont cessé de défendre les 4 libertés de l’utilisateur de programmes (1. la liberté d'exécuter le programme 2. la liberté d'étudier le fonctionnement du programme et de l'adapter 3. la liberté de redistribuer des copies du programme 4. la liberté d'améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté). On connaît l’issue de la bataille : Richard Stallman est peut-être le gourou des geeks, mais Bill Gates est milliardaire. Pour autant, dire que le logiciel propriétaire a gagné la guerre serait un peu simplificateur. La culture du libre a semé dans les esprits une graine qui n’en finit pas de germer : le développement des wikis et des Creative commons, le succès de Firefox, l’âpre bataille menée autour du téléchargement sont ses rejetons les plus fameux.Surtout, depuis une petite dizaine d’années, la ligne de front s’est déplacée du software vers le hardware – le matériel, l’objet technologique. L’enjeu est aussi simple que lourd de conséquences : il s’agit rien moins que de s’approprier les moyens de production. Encore faut-il que l’open source hardware déborde le cadre étroit des initiés. C’est tout l’enjeu de cette petite révolution...

2011-05-04
Architecture & Urbanisme
Portrait des 5.5 designers : pour le charme des objets

« Ce n'est point dans l'objet que réside le sens des choses, mais dans la démarche ».

Cette phrase de Saint-Exupéry pourrait en substance préfigurer la vision du métier de designer abordée par les 5.5. Entre sens des responsabilités et approche décalée, entre travail de recherche et collaboration avec les grands industriels, ce collectif de jeunes créateurs créé il y a sept ans joue désormais dans la cour des grands.

5+5=4. En effet, les 5.5, ce sont quatre designers. C'est aussi un collectif qui à l'origine n'avait pas envisagé de se constituer en agence. Pour Vincent Baranger, Jean-Sébastien Blanc, Anthony Lebossé et Claire Renard, tout est parti d'un projet réalisé à la fin de leurs études à l’école Nationale supérieure d’Arts Appliquée et de Métier d’Art (ENSAAMA) à Paris. « Reanim » se proposait de se mettre au chevet des meubles et de faire de la médecine d'objets grâce à des sortes de prothèses en plexiglas. Un projet « manifeste » avec pour ambition de sortir du cycle de la consommation où le gaspillage règne en maître. Leur discours : réparer plutôt que jeter. Ce premier travail a particulièrement marqué leur ADN : par delà une création mécanique d'objets, les designers souhaitent questionner sur la fonction même de ces objets, et activer un déclencheur sur notre façon de les « consommer ». On y est. Le cœur des 5.5, c'est bien de créer des objets « durables », «optimistes et engagés » en réaction à l’obsolescence programmée des marchandises. « On souhaite concevoir des objets « vivants » qui grandissent, se bonifient avec le temps et qu'on a envie de garder le plus longtemps possible. On espère qu'en proposant des objets qui ont du « charme », on va déclencher des coups de cœur car il y a une vrai responsabilité à mettre de nouveaux produits sur le marché », dévoilent Anthony et Jean Sébastien.

Se réapproprier les objets

Difficile de ne pas accorder une importance particulière à un objet que l'on a fait soi-même et les 5.5 le pensent plus que les autres, se rapprochant ainsi d'une approche DIY. Une démarche que l'on discerne dans de nombreux projets comme la Cuisine d'objets (2009) qui propose d'impliquer le consommateur dans le processus créatif. Cuisine d'objets est une série de recettes pour fabriquer des objets à la maison à la manière dont on préparerait un bon petit plat. Et l'intitulé des objets est raccord avec le thème : velouté de lumière, patères en croûte, tabouret façon tatin, guéridon aller/retour. «Dans le monde des objets, c'est comme si on allait au restaurant tous les jours, on ne fait plus rien soi-même. On veut impliquer le consommateur et encourager la différenciation ». Cette esthétique s'acoquine officiellement avec le bricollage-bidouillage. « On nous qualifie souvent de bricoleurs-politiques », soulignent les 5.5.

Dans le même sens, « Les vices de la déco » font appel à la conscience du consommateur. « Cette collection se résume à l’essentiel et fait disparaître toute trace de style pour ne conserver que la partie fonctionnelle de l’objet. Le reste, tout ce qui est lié à l’esthétique du produit, nous vous en confions la responsabilité. Ces fourchettes, couteaux, cuillères et verres suggèrent l’indispensable, l’utilitaire réduit à son minimum», expliquent sur leur site les 5.5. Pour aller encore plus loin, le concept de « cloning » réalisé en 2008 utilise les mesures physiques du consommateur pour interférer sur le rendu final de l'objet. Exemple : un vase dont les mesures sont réalisées en fonction des mensurations d'une personne... Jusqu'au-boutistes les 5.5.

Une autre façon d'envisager le design écolo

Dépeints par de nombreux médias comme des défenseurs de l'environnement, ils ne se revendiquent pas pour autant comme des chantres de l'éco-conception. « Nous intégrons des logiques de développement durable en réfléchissant au choix des matériaux, en favorisant l'artisanat local, en anticipant les processus mais il nous semble que le développement durable dépasse aujourd'hui les compétences du designer», estiment les 5.5. Un de leurs derniers projets, Guide to free farming, se proposait d'offrir des outils pour chasser les animaux des villes, au rang desquels rats, pigeons et autres cafards. L'idée: faire réagir les gens sur la notion de locavore (ndlr : personne qui consomme une nourriture produite localement) avec un discours volontairement provocateur sur l'agriculture urbaine. Fonctionnant comme une sorte de cabinet de recherche en design, le collectif a su montrer sa capacité à innover et à poser des questions en phase avec l'air du temps. Cette démarche n’a pas manqué attirer de nombreux industriels : Baccarat, Moulinex, LaCie et tout récemment Nespresso. Les 5.5 designers s'éloignent donc aujourd'hui du design « prospectif » de la recherche, du laboratoire pour se rediriger vers la production en grandes séries. « On pense que le meilleur moyen de faire bouger les choses, c'est de le faire de l'intérieur. Notre aspiration : imaginer un « design de transition » qui réconcilie Mr et Mme Tout le Monde et les leaders de pensée ». Souhaitons leur qu'ils conservent cette ingénuité qui fait actuellement leur succès.

2011-02-10